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Robyn W. Candy
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Robyn W. Candy

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(Et ouais du coup j'en profite pour faire un tour et mâter les profils, z'allez faire quoi pour m'en empêcher hein ?)

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| Dans le monde des contes, je suis : : Vanellope Von Schweetz, ou la princesse d'un royaume de sucreries qui préfère conduire des voitures en gâteaux.

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I put a spell on you ♛ Jules _



________________________________________ 2017-10-11, 01:08


Trick or Treat ?

Le problème d'Halloween, c'était le nombre de gamins qui étaient de sortis dans les rues de Storybrooke en pleine nuit. Un môme c'était pas supposé dormir dix heures par nuit? Les parents étaient pas censés les envoyer au lit à dix-neuf heures grand max? Bordel. Si j'avais sû qu'à quasi vingt-deux heures les quartiers seraient encore aussi blindés, bah j'aurais pas hésité à repousser la fermeture de la pâtisserie et à aller frapper aux portes aux alentours de minuit. C'était moi où y avait une augmentation de bambins costumés cette année? À croire que les storybrookiens avaient décidé de se reproduire en masse depuis quelques temps. Les merdes qui pouvaient tomber sur n'importe qui et n'importe quand les avaient pas dégoûtés de fonder une famille qui pourrait éventuellement être bouffée par un dragon à trois têtes sorti des toilettes?

De toute façon, maintenant il était trop tard pour faire demi tour et retourner préparer des pop-cakes enrobés de pâte à sucre pour former des minis-fantômes. J'étais dehors, à me peler les miches et à frapper aux portes pour récolter des bonbons et des barres chocolatés, au milieu d'une nuée de gamins quasi tous déguisés en mini clowns tueurs et d'ados qui étaient pas plus original. Y avait toujours les éternelles sorcières, citrouilles, fantômes et autres frankensteins, mais pas autant que ces putains de clowns maquillés de façon dégueulasses et aux perruques rouges façon Ronald Mcdonald. Bonjour l'originalité. Suffisait qu'un pseudo film d'horreur ait du succès et boom! Tout le monde voulait ressembler au grand méchant. Manquerait plus que l'année prochaine ça soit l'histoire d'un escargot carnivore qui déchire tout au box office. J'étais sûre à 100% que toute la population hésiterait pas à se trimbaler avec une grosse coquille sur le dos et de la fausse bave sur ses fringues.

En attendant que les escargots envahissent la ville, je dû repousser un mini clown qui voulait me piquer mon paquet de Reese's alors que j'attendais bien sagement devant une porte décorée d'une araignée géante en plastique accrochée à une fausse toile orange fluo qu'on vienne m'ouvrir après avoir sonné. Le gamin, pas plus haut qu'une pièce montée, me tira la langue et changea de cible en s'attaquant à une Mercredi Addams qui papotait avec une Harley Quinn à l'arrière. Putain, que ce que j'aurai aimé prendre Lucille avec moi. Elle aurait fait fuir n'importe quel petit con voleur de bonbons. Le problème, c'était qu'elle allait pas du tout avec mon costume du coup j'avais été obligée de la laisser à la pâtisserie. La seule arme que j'avais pour la soirée, c'était potentiellement ma tête, mes poings, mes genoux et mon sac de bonboncs. Ah et peut être des pompoms, aussi. À voir. C'était possible d'étouffer quelqu'un avec?

- Joyeux Hallow...

La porte s'ouvrit sur une grande femme d'un certain âge déguisé en ce qui devait être soit une mariée morte, soit la fiancée de Frankenstein. J'étais pas sûre, fallait que je révise mes classiques. Elle avait dans les mains un bol en plastique en forme de crâne rempli de friandises,mais elle s'arrêta net en me voyant. Pendant une bonne minute, elle s'était contentée de me fixer longuement, la bouche entrouverte, comme si elle venait tout à coup de se retrouver figée par un espèce de sortilège. Si c'était un mini show pour nous faire flipper, fallait qu'elle revoit le scénario parce qu'elle avait surtout l'air conne.

- Robyn Candy?

Je fronçais les sourcils en l'entendant prononcer mon nom. C'était quoi son problème? On était censées se connaître? Sûrement que c'était une cliente. Vu le nombre de personnes que je voyais défiler tout les jours au boulot, je pouvais pas me souvenir de toutes leurs gueules. Je comprenais pas pourquoi elle avait l'air choquée, par contre. Les adultes avaient plus le droit de fêter Halloween comme il se doit? C'était interdit par une nouvelle loi à la con? Considéré comme pathétiquement pathétique?

- Euh... oui?

J'étais pas certaine que ça soit une bonne idée de répondre par l'affirmatif, en fait. Si ça se trouvait, elle avait été payée par quelqu'un pour me buter. Ou alors elle était un oréo devenu humain qui voulait venger tout ses frères et soeurs morts sous mes dents.

- Je suis désolée mais... que ce qui vous est arrivé?

Elle allait jamais s'en remettre, apparemment. À croire que j'étais défigurée ou que j'avais fait de la chirurgie. Mais non. C'était pas ma tronche qu'elle fixait d'un air horrifié. C'était plutôt ce que je portais. Ah bah là je comprenais mieux sa réaction. Ça m'avait fait pareil toute la journée à chaque fois que j'avais croisé mon reflet dans un miroir ou une vitre trop propre.

- C'est Halloween. Fallait que je fasse peur. Et ça a l'air d'être réussi.

Mon costume était terrifiant. Et j'étais plutôt contente en fait que je sois pas la seule à le penser. Jusqu'ici, tout le monde avait eu l'air de s'en foutre sévère. Maintenant je me sentais encore plus flippante qu'un de ces putains de clowns aux dents trop longues et mal coiffés.

- Je vous ai pas reconnu. C'est... c'est plutôt choquant de voir habillée comme ça. En génaral quand je viens à votre pâtisserie vous portez pas des costumes aussi... colorés.

Ah bah voilà, j'avais raison! C'était une cliente. Une cliente choquée parce que j'avais troqué mes éternels ensembles noirs par un ensemble de pom-pom girl bleu foncé et blanc. Ouais. Je sais. C'était l'idée la plus tordue que j'avais jamais eu. Ce truc était encore pire que le costume de mère Noël que j'avais porté l'année dernière. Le haut était sans manche, moulant au possible et beaucoup trop court. La jupe était toute aussi courte et moulante. Sans oublier les baskets basses et blanches par dessus des chaussettes hautes à motif d'étoiles. Je ressemblais à la parfaite pom-pom girl conne qui traînait dans mon lycée quand je faisais parfois l'effort de m'y rendre. Mes cheveux étaient remontés en une queue de cheval haute, bien accrochée par un gros chouchou fantaisie tout aussi bleu que les fringues. Yerk. Des pompoms accompagnaient le tout, brillants et énormes, plus ridicules encore que tout le reste. Je m'étais en plus barbouillée les lèvres d'un gloss rose et mes yeux étaient maquillés pour accentuer le côté pouffiasse. J'étais horrible. Complètement ridicule. Et c'était exactement l'effet recherché. Je pouvais être fière de moi, au final.

- Ouais bah vaut mieux pas trop s'habituer à me voir comme ça parce que ça arrivera plus jamais. Sinon, je peux avoir le milkyway qui se trouve au sommet de la pile?

C'était cool de voir que je faisais mon petit effet, mais fallait pas non plus oublier les priorités. Surtout que tout un tas de gamins commençaient à se ramener et à faire la queue. Je voulais pas être pénalisée sous prétexte qu'ils étaient plus petits et donc prioritaires.

Heureusement, même si elle avait toujours du mal à détourner le regard, elle réussit à reprendre juste assez ses esprits pour me refiler la fameuse barre chocolatée et quelques autres délices qui rejoignirent ma réserve déjà bien remplie. Dès qu'ils furent au fond de mon sac, je me dépêchais de foutre le camp de là vite fait bien fait.

Halloween était vraiment une super fête. J'aimais la fêter tout les ans, ça dépendait de mon humeur du moment. Mais cette fois, j'avais ressenti le besoin de sortir et de jouer les Sir Simon le temps d'une soirée. Enfin sans le côté matage de gonzesses sous la douche. Ça c'était dégueulasse.

En plus j'avais bien thématisé à fond la pâtisserie. Y avait du orange partout, du noir, du faux sang, une momie en carton dans un coin... et j'avais même préparer des gâteaux dans l'esprit de la fête. Les sablés en forme de têtes de morts mexicaines avaient fait un malheur. Comme pour les parts de tarte à la citrouille et les cupcakes monstrueux. L'année suivante, je prévoyais déjà d'être présente tout le mois d'octobre et chaque jour proposer une pâtisserie différente en référence à un personnage de film d'horreur. Peut être même que je ferai l'effort d'en faire une en rapport avec un clown. À voir si ces conneries auraient autant de succès dans les mois à venir.

Je finis par quitter le quartier que je venais de faire en long, en large et en travers. Toutes les portes s'étaient ouvertes. Mon sac était plein à craquer. J'aurais dû penser à en prendre un autre au cas où. Et merde. Quoi que... vu ma tenue, où j'aurai pu le mettre? Y avait pas de poches intégrés avec. Vu qu'elle avait pas été fabriquée avec beaucoup de tissus, c'était pas étonnant en fait.

Maintenant, fallait que je trouve un nouveau terrain de chasse. J'aurais très bien rentrer chez moi mais rien que penser à d'autres dizaines de sucettes et de snikers gratuits... je pouvais pas lâcher l'affaire. Pas encore. Avec tout ça, je pourrai faire pleins de nouvelles recettes de dingue! Et puis pas besoin de faire de courses pendant un temps! Même si c'était juste pour une semaine, ça comptait quand même. La pâtisserie me faisait plutôt bien gagner ma vie, mais vu la pause que j'avais faîte valait mieux que je fasse gaffe aux économies pendant quelques temps et que...

- Putain c'est quoi ce truc?

J'étais en train de tourner à un coin de rue quand mes yeux se posèrent sur un établissement tellement illuminés que j'avais crû pendant un moment que j'étais devenue aveugle. Je m'arrêtais net, un peu trop surprise par la vue du Laser Game d'Elliot qui flamboyait dans l'obscurité et qui de loin ressemblait à la tête grimaçante et animée d'une citrouille maléfique. Bordel de merde. C'était quoi toutes ces tombes tout autour du bâtiment? Il offrait des bonbecs? Il se la jouait distributeur de sucreries mais pas chez lui? C'était pour en mettre plein les yeux? Putain. Il était doué, en tout cas. J'étais trop curieuse, maintenant. Je voulais en savoir plus. Fallait que je me rapproche.

Et je me rapprochais. Sur les murs du bâtiments, des affiches géantes avaient été collées. Dessus était écrit avec l'écriture jaune des films Star Wars "The Rebellion Need You". Des personnages étaient représentés avec un air sérieux et l'index pointé sur les passants, comme pour inciter à rejoindre cette fameuse rébellion et donc le laser game. Il était pas mauvais niveau communication, l'autre débilos.

Sans vraiment m'en rendre compte, je me retrouvais devant l'entrée. Je m'étais tellement approchée qu'un type du personnel s'avança vers moi. Ou plutôt un putain de zombie à la con traîna des pieds jusqu'à l'entrée et me grogna dessus, ce qui me fit sursauter. Instinctivement, je cherchais le manche de Lucille dans mon dos, avant de me rappeler que j'étais habillée comme une pétasse. Et merde.

Mon instinct de survie se détendit quand je vis le badge qui était accroché à sa veste déchirée et poussiéreuse. "Blaise". Ça devait être ça, son nom. Ou alors Elliot aimait donner des surnoms de merde à ses employés. En plus il puait le moisie. Ou non. Pire, en fait. La soupe moisie. C'était possible ça?

- Si tu me touches, je t'explose la gueule.

Il avait les bras chargés de manteau et semblait attendre que je lui donne le mien. Sauf qu'à part ma petite tenue d'ado en chaleur, j'avais rien d'autre sur le dos. Il allait pouvoir attendre encore longtemps, l'autre con.

Je le contournais et entrais à l'intérieur du Laser Game. Parce que maintenant que j'y étais... bah autant y rester. Y avait peut être des chocolats à choper quelque part avant de se casser de là. Je comptais pas faire une partie d'un de ses jeux malsains et pas terminés.

Sauf que si j'avais su, bah je serais pas venue. Parce que le hall d'entrée surchargé de déco était blindé. Y avait une queue pas possible, une marée humaine de gens costumés et de pré-ados en groupe de dix. Il était connu son établissement? Les gens savaient qu'ils étaient un peu suicidaires à venir aussi nombreux? Je devais leur parler de Last of Us? De l'employé qui s'était fait bouffer à côté d'une benne à ordures?

J'allais faire demi tour pour me casser de là avant de me faire bouffer par Freddy Krueger mais d'autres débiles venaient d'entrer. Ils bloquaient la porte de sortie, ces cons! Il allait falloir que je joue des coudes et que j'écrase des pieds, tant pis. Hors de question que je reste là. J'aurais jamais dû poser un doigt de pied dans ce merdier, de toute façon. Les répliques grandeurs natures de Terminator et Prédator qui se trouvaient dans un coin auraient dû me mettre en garde, allumer le bouton "danger!" et me pousser à partir en courant. Sauf que j'avais été conne, j'étais toujours là. À me faire mâter par une araignée de la taille d'une voiture accrochée au plafond qui me fixait de ses huit yeux aussi gros que des ballons de foot. Putain. C'était quand qu'elle se mettait à vivre et à vouloir bouffer tout le monde?

Prête à péter quelques os pour me tirer de là, il fallut que mon regard si innocent se pose sur un ridicule jeu d'arcade. Au début, j'avais pensé qu'il était décoré d'un machin couvert de faux sang. J'eus du mal à déglutir quand je compris que c'était en réalité un bouquet de roses rouges. C'était qui qui avait oublié ça là? Quelqu'un avait voulu se la jouer romantique? S'était prit un vent et du coup au lieu de jeter le bouquet l'avait abandonné là? Je m'en foutais de son histoire, en fait. Si il appartenait à quelqu'un ou n'importe quoi d'autre. D'un pas déterminé, je m'approchais du jeu et balançais les fleurs par terre. Mes mains tremblaient un peu quand je m'en éloignais le plus possible, me retrouvant sans trop m'en rendre compte coincée entre un Star Lord et un Pikachu. Rien à foutre d'être en mode sandwich. J'étais trop occupée à bloquer toute pensée susceptibles d'être en rapport avec... lui. Hum hum. Je voulais même pas prononcer son nom dans ma tête, ou juste penser à cette personne. C'était trop compliqué, trop stressant, trop... trop. Et apparemment suffisait d'un bouquet de roses à la con pour me faire disjoncter le cerveau. Alors que c'était juste un bouquet innocent, mais bon. J'avais vraiment bien choisi mon costume. J'étais aussi conne qu'une pom-pom girl apparemment.



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________________________________________ 2017-10-13, 12:48

« Vous m’avez appris à voir au delà de mes sentiments. »
Que le monde est étrange, de t’avoir retrouvée enfin, pour te perdre encore.

Il s'agissait de mon véritable premier Halloween, puisque je n'avais pas l'habitude de célébrer cette fête païenne dans ma précédente existence. En France, la fête des morts se vivait pieusement lors d'une messe, et l'on déposait ensuite des chrysanthèmes sur les tombes des êtres chers le premier novembre. Ce n'était radicalement pas le même esprit de célébration mais j'appréciais assez l'exubérance de Halloween. Qui plus est, j'adorais les bals costumés, ce fut donc tout naturellement que je me rendis à celui organisé par Elliot dans son "Lasergame". Il m'avait garanti que la fête serait au rendez-vous. J'espérais qu'il avait prévu quelques valses entre deux musiques cacophoniques, car je trouvais que les chansons d'aujourd'hui possédaient des rythmes fort pauvres. Il était impossible de danser dessus. D'ailleurs, j'avais remarqué que les gens se contentaient de se dandiner sans aucune élégance. Triste monde.

Hélas, en arrivant sur les lieux, je découvris sans surprise qu'il ne semblait pas y avoir de bal. Je dépassai le majordome prénommé Blase qui semblait en très mauvaise santé. Je décidai de lui donner une pièce afin qu'il s'achète de quoi manger, mais le pauvre bougre observa la paume de sa main d'un air dubitatif et absent.

Puis, je pénétrai dans l'atmosphère enfiévrée du vaste entrepôt. Les gens patientaient en file indienne dans le hall, impatients de pouvoir participer à la fête. Chacun était déguisé selon ses envies, la majorité arborait un costume monstreux et plusieurs fois, je masquai ma frayeur par un haussement de sourcil faussement dédaigneux. Je n'étais pas habitué à tant de déploiement d'horreur. La décoration des lieux inspirait également la crainte. Il suffisait de croiser le regard de l'araignée géante suspendue au plafond, et qui était penchée vers nous comme si elle menaçait de nous tomber dessus. Je ne comprenais pas cette frénésie horrifique, à croire qu'il fallait encenser les forces du mal pour "être dans le coup", comme disaient les jeunes.

Soudain, des enfants sortirent de la file et me bousculèrent en braillant. Ils semblaient se chamailler pour des friandises. Je laissai échapper un petit grincement agacé entre mes dents avant de lisser ma cape. Ils auraient au moins pu s'excuser de leur impolitesse !

"T'avais dit que tu te déguiserais en Batman !" fit l'un d'eux en poussant son camarade qui arborait un costume de clown intimidant.

"J'ai le droit de changer ! Toi aussi t'es en Ca, d'abord !"
répliqua l'autre.

"Oui mais je l'avais dit avant toi !"

Sous mes yeux consternés, les deux enfants-clowns commencèrent à se frapper pour une histoire de costume. C'était aberrant ! Y avait-il un service de sécurité ? Bientôt, ils utilisèrent leurs sachets remplis de bonbons pour se taper dessus. Les friandises volèrent dans les airs et se répandirent autour d'eux. A ma grande stupéfaction, les gens environnants, jeunes et moins jeunes, se mirent à ramasser les sucreries au lieu d'interrompre la dispute. C'en était trop ! Ceci était une besogne pour Zorro !

J'avais choisi le costume du justicier masqué vêtu de noir car j'appréciais beaucoup la série télévisée diffusée chaque dimanche soir. Zorro était un homme fort, loyal et juste, animé par un profond désir d'équité. Qui plus est, ses atours me seyaient plutôt bien. J'avais noué un foulard noir sur ma tête, après avoir découpé deux trous pour les yeux, mis un chapeau et une cape. Pour parfaire le déguisement, une épée était passé à ma taille, ainsi qu'un lasso. Par souci du détail, j'avais laissé pousser une petite moustache plutôt discrète.

Sans attendre plus longtemps, je me précipitai vers les deux garnements et les séparai. Surpris, ils se stoppèrent dans leur élan, me dévisagèrent. Puis l'un d'eux lança, goguenard :

"Wouaah comment la police elle ressemble à rien !"

Je fronçai les sourcils.

"Je suis pire que la police, je suis Zorro !" déclarai-je en me redressant fièrement.

Les gamins se lancèrent un regard avant de s'esclaffer.

"C'est qui Zorro ? Ca a l'air nul !"

Un soupir de lassitude s'échappa de ma gorge. Même lorsque j'essayais de m'adapter à cette époque flamboyante, je me rendais compte que j'avais encore un train de retard sur tout. Visiblement, Zorro n'était plus "à la mode". Les enfants ne le connaissaient pas, ce qui était fort dommage. Je me confortais dans l'idée qu'au moins, j'avais interrompu la bagarre, même si les rires moqueurs des gamins retentirent à mes oreilles alors que je m'éloignais.

Je lissai ma chemise noire et marchai d'un pas déterminé, ma cape voletant dans mon sillage, quand j'aperçus mademoiselle Robyn à seulement quelques mètres. Elle était courtement vêtue mais après notre dernière entrevue, je ne me formalisais plus de rien. Par une curieuse déformation oculaire, il me semblait qu'elle était splendide peu importe ce qu'elle portait -ou ne portait pas. J'avais énormément pensé à elle, noirci des feuilles entières de papier de mots ridicules que j'avais préféré brûler. Avait-elle pensé à moi ? Malgré mon invitation, elle n'était pas revenue dans ma cuisine. Sans doute ne voulait-elle pas déranger ? Je m'étais contraint à ne pas la harceler afin de ne pas l'effrayer. Elle était si facilement effarouchée.

Je remerciais la providence de l'avoir placée sur mon chemin en cette nuit de Halloween. Ainsi masqué, elle n'allait pas me reconnaître et je pourrais donc l'approcher et en apprendre plus sur ses sentiments véritables.

Alors que j'avançais dans sa direction, je la vis jeter un bouquet de roses rouges et s'en éloigner vivement pour retourner dans la file d'attente. Etrange. Je haussai les épaules et jouai des coudes pour me planter devant elle et demander d'un ton théâtral, changeant légèrement mon timbre de voix afin qu'elle ne le reconnaisse pas :

"Buenos Dias, señorita ! Auriez-vous vu passer un cheval à la robe noire comme l'ébène ? En malmenant le sergent Garcia, j'ai malencontreusement perdu mon fidèle Tornado."

Afin de parfaire mon entrée, je fis claquer ma cape dans l'air climatisé de l'entrepôt. Puis, trop poussé par la curiosité, j'allai ramasser le bouquet de roses et remarquai un petit carton qui était coincé entre les tiges dépourvues d'épine. Dessus, il était écrit en lettres informatisées :

Pour la plus cool de toutes les pâtissières.

Mon coeur eut un tressautement étrange alors que je m'efforçai de grimacer un sourire vacillant.

"Il semblerait que vous ayez un admirateur."

... qui n'est pas moi. achevai-je mentalement. Et qui possède autant de poésie qu'un palefrenier.

Je balayai la salle d'un regard méfiant et calculateur. Désormais, j'observais chaque homme costumé comme un rival potentiel. Quelqu'un d'autre était épris de Robyn, ce qui n'avait rien d'étonnant. Il était évident qu'un autre allait s'apercevoir tôt ou tard de sa beauté et de ses qualités. Cela ne me convenait pas. Je n'appréciais pas que l'on convoîte cette demoiselle en particulier.

Je chassai les noires pensées que j'abritais pour m'incliner devant la señorita et ôter brièvement mon chapeau.

"Oh, quel bandido je fais ! Parfois mon coeur est trop sauvage, j'en oublie la politesse." lançai-je d'un ton bon enfant. "Je ne me suis pas présenté : Zorro, au service de la justice. Et vous êtes Robyn Candy, n'est-ce pas ? Je vous ai reconnue de suite, surtout avec cette preuve à l'appui." ajoutai-je en agitant le petit carton devant ses yeux.

Mon regard mutin accrocha le sien à travers mon masque de tissu. Je contemplais la jeune femme quelques instants et inexplicablement, mon poing se serra si fort autour du bouquet que les tiges émirent un léger craquement. Une drôle d'odeur parvint jusqu'à mes narines. Surpris, je sentis les roses et fis une découverte saisissante.

"Ce sont de fausses fleurs. Elles ont un parfum de friandises. Peut-être se mangent-elles ?"
supposai-je.

Sceptique, je laissai choir le bouquet au sol. Inutile de s'attarder sur le sujet. De toutes les façons, les fleurs avaient traîné par terre. Malgré tout, je ne pus m'empêcher de penser que mon rival connaissait le penchant de la jeune femme pour les friandises. Pourquoi n'avais-je jamais songé à lui offrir un tel bouquet ? Agacé que mon imagination m'ait fait défaut, je pris le parti d'en savoir davantage sur ce mystérieux prétendant en me mettant dans la peau de mon personnage. Etre déguisé était d'une grande d'aide, je n'allais pas m'en priver.

"A en juger par le traitement que vous avez infligé à ces fleurs, j'en conclus qu'un homme vous persécute." déclarai-je tout en me plaçant dans la file à côté d'elle (quelques râleurs se manifestèrent mais je les ignorai). "Je puis vous en débarrasser si vous me racontez qui il est. Zorro aide toujours son prochain."

Je lui adressai un nouveau sourire. A cet instant, la voix de mon ami Elliot résonna partout autour de nous, depuis les haut-parleurs cachés parmi les différentes monstruosités suspendues au plafond :

"HAPPY HALLOWEEN EVERYBODY ! En cette nuit spéciale, plusieurs scénarios seront possibles dans le lasergame ! Une fois passées les portes, vous aurez le choix de votre propre aventure ! Et comme on fait les choses bien, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'une personne tirée au sort aura le droit d'entrer directement sans faire la queue ! Il s'agit de..."

Un bruit redondant et beaucoup trop fort retentit. Je crus reconnaître un roulement de tambour avant que mon ami n'annonce d'une voix tonitruante :

"... de la redoutable mais merveilleuse ROBYN CANDY ! On peut l'applaudir, elle le mérite ! Elle est tellement géniale !"

Une photo d'elle apparut alors sur un large écran en hauteur. Le cliché venait d'être pris car elle était vêtue de sa ravissante petite tenue bleue et arborait une expression atterrée. Je me tournai vers elle tout en l'applaudissant, imité par le reste de la foule. Certains grommelaient que c'était injuste mais j'étais heureux pour elle. Cependant, j'étais surpris qu'Elliot parle d'elle en ces termes. Je croyais qu'il ne l'appréciait pas trop. Parfois, le temps adoucit les esprits.

"Elle peut donc passer dans la salle suivante en compagnie de la personne de son choix !"
précisa la voix de mon ami.

Aussitôt, les individus les plus proches se pressèrent autour de nous en demandant à la jeune femme de les choisir. Je secouai la tête tout en croisant les bras, exaspéré par cette frénésie tout bonnement ridicule.

"Choisissez bien. Il se peut que l'un d'entre eux soit l'homme aux roses."
dis-je avec un sourire aux fluctuations diaboliques -sans doute que Zorro déteignait un peu trop sur ma personnalité. Quoi qu'il en soit, ma nervosité se traduisait par de la taquinerie.


crackle bones

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Tant que la tempête fait rage en lui
Il ne peut trouver la paix ni dans la vie, ni dans la mort. Il fera jour après jour ce qui est nécessaire, avec la douleur pour navire et le désir pour boussole.
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Robyn W. Candy
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________________________________________ 2017-10-17, 01:13


What. The. Fuck.

Mais... Mais... Pourquoi Zorro était en train de bousiller les fleurs-bonbons? C'était quoi son problème? Le masque était trop serré? Le chapeau lui compressait le cerveau? Ces foutues roses étaient peut être comestibles. C'était un truc de dingue. Une découverte majeure, même! Il avait pas le droit d'y toucher, c'était pas les siennes! La seule qui pouvait les malmener, c'était moi. Y avait mon nom écrit sur un papier qui le disait. Enfin plus ou moins. J'avais le droit d'interpréter ça comme je voulais. C'était pas tout les jours qu'on m'offrait des fleurs. Et surtout, des fleurs qui sentaient méga bon les sucreries.

- Bah si j'avais su qu'elles étaient aussi cool, je les aurai traité avec un peu plus de respect...

Les pauvres. Maintenant, elles étaient méga mortes. Éclatées par terre. Immangeables. Putain. C'était vraiment trop con. J'aurai peut être dû lire le mot qu'y avait d'écrit avant de les balancer par terre, en fait. Et garder le mot ça aurait été pas mal aussi, d'ailleurs. Histoire d'analyser la police d'écriture utilisée par la personne chelou qui s'était mise en tête de m'envoyer un bouquet comme si j'étais une princesse Disney, de retrouver cette fameuse personne et de lui demander de me refaire un autre cadeau du même genre pour que je puisse bouffer ma première rose bonbec. Ça aurait pu être un plan méga génial, sauf que le mot n'était plus de ce monde non plus, apparemment. Merci Zorro hein! Son sens de la justice méritait zéro pour le coup! Et si, c'était un bon jeu de mot! Que personne ne juge!

- Non mais tout va bien en fait. Je se sens même plus intriguée que persécutée, pour le coup. Y a quelqu'un qui trouve que je suis cool et qui en plus connait assez bien mes goûts pour m'offrir des roses qui sentent les bonbons. Je sais pas qui c'est, mais bon point pour lui.

Je hochais la tête, l'air impressionnée. Et je l'étais, pour de vrai. C'était surprenant, mais dans le bon sens du terme. Et j'aurais jamais pensé que ce bouquet pourrait l'être. Comme quoi faudrait peut être que je réfléchisse un peu avant de balancer tout et n'importe quoi.

- Dis Zorro, pourquoi t'irais pas plutôt sauver des enfants dans une maison en feu ou un chat coincé dans un arbre, hein? Vaut mieux que tu te trouves une occupation parce que moi, de toute façon, je me casse. J'ai absolument plus rien à foutre ici. Souhaite un joyeux Halloween à Tornado de ma part !

Eh ouais, j'avais quelques références culturelles. À une époque j'aimais bien les chapeaux, les pseudos cow-boys et les capes. Quoi que c'était encore un peu toujours le cas. Sauf que je mâtais plus des vieux épisodes de Zorro, mais plutôt des westerns de temps à autres.

- Putain mais je rêve ou c'est ma sale gueule qui est affichée?!

Je m'apprêtais à partir pour de bon et rentrer chez moi me goinfrer de bonbons quand la voix d'Elliot s'était faite entendre et qu'une photo était apparue. Une photo de moi. Et c'était mon nom qu'appelait le Girafon. Mais putain, comment il faisait pour être encore plus con que d'habitude? Et c'était quoi ces conneries? "Merveilleuse"? "Géniale"? Je me souvenais pas qu'il m'ait dit un seul mot doux un jour, alors là c'était carrément spé et suspect. Soit il cherchait à me piéger, soit il avait fumé la moquette. Beaucoup de moquette, même.

- Zorro, si tu veux servir à quelque chose pour une fois dans ta vie, merci de transpercer tout le monde avec ton épée. On se croirait dans "The Walking Dead" là, ils ont l'air de vouloir me bouffer.

La marée humaine de la file d'attente était en train de partir en vrille. Ça braillait, jouait des coudes, tendait les mains vers moi... Et pour les repousser, j'avais juste des putains de pompoms brillants et un soit disant justicier un peu trop obnubilé par cette histoire de bouquet. C'était pas le moment!

- Fermez tous vos gueules et arrêtez de vous exciter! Je choisi Zorro ici présent pour m'accompagner! Alors cassez vous putain!

J'avais hurlé tellement fort que j'en avais mal à la gorge, mais au moins ça avait fait son petit effet. Tout le monde cessa de s'exciter, certains gueulèrent et se plaignirent, mais je pu choper tranquilou par la manche de son costume mon nouveau partenaire pour la soirée et l'entraîner avec moi jusqu'aux portes de cette fameuse salle qui mettait clowns, vampires et sorcières en transe.

- Non, t'as pas le choix. Oui, t'es obligé de me suivre dans ce merdier. Et si je t'entends te plaindre, je t'étouffe avec ces pompoms, compris?

Pour prouver au justicier masqué que j'étais sérieuse, j'agitais mes "armes" sous son nez, en prenant un air menaçant. Qui devait absolument pas fonctionner parce que, de un, j'étais habillé comme une lycéenne chaudasse et, de deux, parce que le combo "pompoms et taille de naine" ça avait rien de flippant. Mais j'étais quand même sérieuse. Ça me posait aucun problème d'essayer une nouvelle technique de meurtre.

- Heureusement que mon testament est déjà prêt, je sens qu'il va enfin pouvoir servir à quelque chose...

Je grognais entre mes dents, attendant devant les portes de la salle qui pour l'instant étaient toujours closes. Je savais pas ce qu'il fallait faire mais bon. C'était un peu limite, le système de ce Laser Game. En même temps, vu le proprio, y avait pas de quoi être étonnée. Qui l'avait laissé ouvrir un truc pareil? Et pourquoi j'étais toujours là, aussi? J'aurai pu être déjà chez moi, à manger des Reese's et des barres Mars, en mâtant un vieil film d'Halloween rediffusé pour la centième fois à la télé, du genre Hocus Pocus ou Les griffes de la Nuit. Mais non. À la place j'étais là, sur le point d'être embarquée dans une nouvelle connerie, avec un quasi cow-boy à mes côtés. Qui avait même pas un colt à sa ceinture, mais une épée en plastique et un lasso. Merveilleux. Waouh.

- Bon bah je crois qu'il faut y aller... Les dames d'abord.

Les portes venaient à peine de s'ouvrir que déjà je m'engouffrais dans la salle. Plus vite ça serait fait, plus vite je serais tranquille. Ou morte. Ou borgne. Je savais pas encore à quel point le truc du Girafon allait déconner, mais je préférai déjà m'imaginer le pire.

- Euh... Je comprends pas là. Pourquoi on est dans une... euh... cave?

Les sourcils froncés, j'inspectais la pièce dans laquelle nous étions désormais. C'était assez grand, mais ça le paraissait pas tellement parce que partout étaient entassées des bouteilles d'alcool et des boîtes en bois qui contenaient je savais pas quoi. J'avais pas trop envie de fouiller, en fait. Elles pouvaient être pleines de tout et n'importe quoi, genre bombe, scorpions, têtes réduites maudites, masse gélatineuse vivante et tueuse... Bref, vraiment tout et n'importe quoi.

- J'ai absolument aucune idée de ce qui est en train de se passer. Je propose qu'on monte l'escalier, parce que là à part se saoûler, on va pas faire grand chose.

Et avoir la gueule de bois, c'était clairement pas mon grand trip dans la vie. Surtout que si je finissais bourrée, je savais d'avance que ça partirait en vrille et que je finirais sûrement par retirer ma tenue déjà bien courte. Et pour changer un peu, ça faisait pas parti de mes projets à venir.

Sans attendre l'avis de Zorro, j'entrepris de grimper l'escalier qui se trouvait dans un coin de la pièce. Les vieilles marches grisâtres en bois grincèrent sous mes pieds, dans un bruit pas rassurant du tout. Elles avaient pas intérêt à lâcher parce qu'y avait même pas de rambarde sur le côté à laquelle se rattraper au cas où. C'était vraiment une cave de merde!

- Mais c'est quoi encore ces conneries?

J'y comprenais vraiment que dalle. Mais alors vraiment vraiment vraiment rien. Nada. Niet. Je venais de passer ma tête par ce qui ressemblait à une trappe dans le sol, de sortir tout mon corps de là et tout ça pour découvrir que j'étais derrière ce qui était un large comptoir en bois foncé et crasseux, contre lequel étaient adossés tout un tas de types quasi tous moustachus et avec un chouette chapeau sur la tête un peu comme celui de Zorro qui venait de débarquer derrière moi. Au risque de me répéter... Mais c'est quoi encore ces conneries?

- Viens. Viens vite. Vite j'ai dis!

Attrapant encore une fois mon partenaire par la manche, je l'entraînais à ma suite tandis que je faisais le tour du comptoir sous les regards sombres et un peu saouls des types qui pivotèrent sur leurs tabourets hauts pour nous regarder tenter de fuir. Parce que c'était bien ça. Une putain d'évasion d'un putain de saloon rempli de cow-boys qui puaient la crasse, la transpiration, l'alcool et le cigare. Ça avait rien de cool, c'était juste dégueulasse.

- Vous comptez aller où comme ça?

Un des types venait de se lever pour pointer vers nous le canon de son colt. Putain, c'était agressif les cow-boys en fait ! A moins que ça en était pas un? Pas le temps de philosopher là dessus. Je louchais plutôt sur son arme, en serrant un peu plus la manche du costume de Zorro pour le forcer à rester derrière moi. Et aussi parce que je stressais un peu là, fallait bien l'avouer. Pour rappel, on était dans le laser game d'Elliot. Tout allait partir en vrille, c'était obligé.

- Mon... mon mari et moi voulons rentrer chez nous. A Purgatory. Vous connaissez pas le Shérif... Zorro Eastwood?

Bah quoi? On pouvait toujours essayer non? Ça allait peut être marcher, vu qu'à l'époque des cow-boys, aux dernières nouvelles, ils avaient pas la télé.

- Jamais entendu ce nom là.

Le type fit une grimace, révélant des dents pourries, et cracha dans un verre vide. Genre... comme ça. En mode tranquille la vie. Genre c'était pas dégueulasse du tout.

- Mais z'aller pas me faire avaler qu'un shérif est marié à une *mot trop vulgaire pour les âmes innocentes qui parcourent ce forum I put a spell on you ♛ Jules 4049562214 *.

Ok. Il devait pas tenir beaucoup aux dernières dents qui lui restaient. Vu le rictus et ses yeux baladeurs qui faisaient bien exprès de s'attarder sur mes jambes, il cherchait la bagarre. Et étant donné l'attroupement qui était en train de se former, les autres attendaient que ça aussi. Mais j'étais pas assez conne pour lancer une baston dans un saloon. Fallait par contre que je m'assure que mon... "mari" soit dans le même état d'esprit.

- On est des gens civilisés. Alors t'es gentil, tu casses pas le nez du monsieur.

J'avais tourné la tête vers lui pour lui pour lui murmurer mon conseil entre mes dents serrées. J'étais sur le point d'ajouter un "cette fois", mais je m'étais retenue juste à temps. Je préférais qu'il sache pas que je savais qui était sous le masque. Et puis en fait je préférais continuer à prétendre que moi même je savais pas. C'était drôlement plus simple de jouer les blondes et de vivre dans un monde d'illusion. J'arrivais même à m'auto-persuader que peut être que je me gourais totalement et qu'en fait c'était un parfait inconnu qui se la jouait Zorro. Ça faisait pas de mal de rêver un peu. Et puis c'était ça où je partais en hurlant donc bon. Le choix était vite fait.

- Par contre toi tu t'excuses tout de suite ou sinon tu vas bouffer du pompom. Compris?

Avec un grand sourire féroce, j'agitais mes fameux pompoms qui me quittaient pas en plantant mon regard meurtrier dans celui du gros dégueulasse. Oui j'avais dis qu'on était civilisés. Enfin que Zorro devait l'être. Lui c'était la justice, tout ça tout ça. Il pouvait pas permettre de casser son image. Alors que moi je pouvais très bien essayer d'étouffer un type qui savait pas ce qu'était le déo. J'étais que la femme du shérif, après tout.



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________________________________________ 2017-10-20, 20:50

« Il était une fois dans l'Ouest... »
... Madame et Monsieur Zorro Eastwood.

Ah, la malheureuse ! Inconsciente de me faire tant de peine en parlant de son prétendant inconnu qui lui offraient des roses comestibles ! J'avais observé un silence presque religieux pendant que tous se pressaient autour d'elle afin d'obtenir une faveur.

Pourquoi étais-je venu ? Dans quel but ? Avais-je réellement une chance de m'amuser en compagnie de cette jeunesse que je ne comprenais pas ? Il aurait mieux valu que je passe cette soirée à lire ou à écrire, au lieu de jouer les apprentis Zorros. Je ne compris que le mot "dead" inclu dans les paroles de Robyn, ce qui me conforta dans mon isolement. Je ne saisissais aucune allusion. J'esquissai un pas en arrière quand j'entendis la jeune femme annoncer à la foule en délire qu'elle me choisissait pour passer la fameuse porte. J'écarquillai les yeux à travers mon masque, sincèrement surpris. Après tout, elle ignorait ma véritable identité. Pourquoi avait-elle arrêté son choix sur ma personne ? Le costume de Zorro était indéniablement un gage de qualité. Je me félicitai intérieurement d'avoir opté pour ce déguisement, mais je n'eus pas le loisir de demander plus de justifications à la jeune femme, car elle m'attrapa bientôt par la manche afin de m'entraîner à travers le hall. Je me laissai faire, plutôt amusé par sa familiarité.

Une fois devant la porte qui venait de s'ouvrir, la demoiselle ne perdit pas de temps et la franchit. Je lui emboitai tout naturellement le pas, ma cape flottant dans mon sillage. Je n'avais aucune crainte particulière. Après tout, nous étions dans l'établissement de mon ami Elliot ; il ne ferait rien susceptible de nous mettre en danger.

La pièce dans laquelle nous venions d'entrer était petite, souterraine et sombre. La poussière avait déposé un voile opaque sur les étagères, les bocaux ainsi que les bouteilles disposés ça et là. Je jetai un coup d'oeil désinvolte aux caisses qui nous entouraient, avant de m'approcher de quelques bouteilles. Cela était nettement plus intéressant. Je soufflai sur une étiquette ; un nuage de poussière vola dans l'air stagnant mais avant que je puisse déchiffrer l'écriture manuscrite, Robyn proposa de quitter la cave. Je lançai un regard attristé en direction de la bouteille si prometteuse dont je ne saurais jamais rien.

"Parfois, s'abandonner à l'ivresse est libérateur." déclarai-je sans espérer la convaincre pour autant.

Elle montait déjà l'escalier. Tant pis. Je la rejoignis en quelques enjambées et grimpai à sa suite, en gardant résolument les yeux rivés sur les marches. Loin de moi l'idée d'attarder un regard sous sa jupe beaucoup trop courte, même si l'envie ne me manquait pas...

Bien malgré moi, je levai la tête en entendant son exclamation stupéfaite. Elle sortit par la trappe et alors que je venais de la rejoindre, m'attrapa une nouvelle fois par la manche pour m'entraîner de l'autre côté du... comptoir. Nous étions dans ce qui semblait être un saloon purement pittoresque. Lors de mon voyage en Amérique, peu après la guerre de Sécession, je n'avais pas eu l'occasion d'en visiter un. J'avais davantage fréquenté les lieux huppés de New York. A présent, je le regrettais. J'aurais certainement su comment me comporter face à cette bande de rustres qui nous dévisageaient comme des bêtes curieuses. Réalisant qu'ils regardaient surtout Robyn d'un oeil qui me déplaisait sensiblement, j'attrapai ma cape par l'un des bords et l'étendis devant elle afin de la cacher à leur vue. Quelle idée avait-elle eu de se vêtir d'une façon aussi... déshabillée ? A quoi son costume s'apparentait-il donc ?

Tandis que la jeune femme tentait de fuir en m'entraînant avec elle, l'un des cowboy se leva en nous pointant de son arme. Sapristi, ces gens-là avaient la gachette facile ! Robyn se plaça inexplicablement devant moi sans lâcher ma manche, ce qui m'empêchait de l'abriter des regards lubriques de ces hommes. Contrarié, je tentai de ramener ma cape vers elle, sans succès.

Son... mari ? Je baissai un regard interloqué vers elle. Eastwood... ce nom m'évoquait vaguement quelque chose. Quoi qu'il en soit, je décidai d'accueillir ce nouveau rôle avec un sourire agréablement surpris. J'étais le shérif d'une ville appelée Purgatory et l'époux de Robyn. Cela aurait pu faire une très jolie histoire intitulée Il était une fois dans l'ouest, par exemple. Excellent titre. J'y réfléchirai à mon retour.

Je grimaçai en voyant le cowboy cracher dans un verre posé sur le comptoir. Vraiment très élégant. Cependant, je ne devais pas m'en formaliser. Dans l'ouest sauvage, les gens n'avaient hélas aucun raffinement ni éducation.

Ma main agrippa la garde de mon épée lorsque j'entendis l'injure dont il affubla la jeune femme. J'en avais le souffle coupé. Je ne savais pas ce que j'allais faire mais une chose était certaine : j'allais le faire. Ce crime ne pouvait rester impuni. On n'insultait pas la dame de mes pensées sans en payer le prix. Comme si elle l'avait devinée, elle me murmura de ne pas en venir aux poings. Elle demanda ensuite au rustre de s'excuser, ce à quoi il se contenta de rire bêtement.

"Elle ne plaisante pas avec ses pompons."
le mis-je en garde. "Si j'étais vous messieurs, je réfléchirais avant d'agir."

"Tu me menaces, shérif de mes deux ?" grogna-t-il en perdant toute jovialité. "Qu'est-ce que tu as à cacher ? Pourquoi tu portes un masque ?"

"C'est pour pas montrer qu'il pète de trouille !"
s'esclaffa un des piliers de bar.

La situation s'envenimait. De toutes les façons, je ne souhaitais pas qu'elle s'améliore. Ils se moquaient de moi, mais plus encore, ils avaient déshabillé Robyn du regard avant de l'insulter.

Sous mes yeux ébahis, un petit texte s'afficha soudain dans les airs, juste devant nous, écrit en lettres informatiques.

Bravo ! Vous gagnez un bonus pour le clin d'oeil à Retour vers le Futur III ! Robyn, tu gères la fougère ! Une pensée profonde ou un voeu ! A formuler mentalement dès que vous en ressentirez l'envie ou le besoin !

Le texte se volatilisa dans les airs.

"A quoi vous jouez, tous les deux ? C'est nous que vous regardez comme ça ?"
fit l'un des cowboys, perdant patience.

Oh... comme c'était ennuyeux. Les rustres pensaient que nous les dévisagions alors que nous lisions simplement le message miraculeux d'Elliot. De toute évidence, ils ne pouvaient le voir. Voilà de quoi mettre de l'huile sur le feu.

"On va te faire danser au bout d'une corde et ensuite on s'amusera avec la donzelle. Ou l'inverse, chais pas encore. Vous en dites quoi, les gars ?" suggéra le chef de la bande.

Ils se renvoyèrent un regard avant de se lever d'un même élan en nous observant d'un oeil menaçant. Je déglutis avec peine. Mentalement, j'appelai à l'aide, sans trop y croire. Puis, je me plaçai devant Robyn avant de soulever légèrement ma cape pour dévoiler le lasso accroché à ma ceinture. J'espérais par ce biais les intimider. Aucun d'entre eux ne semblait en posséder un.

"Ah, t'as apporté la corde qu'on va te passer autour du cou ?" s'esclaffa l'un des types. "Fallait pas te donner cette peine, pied tendre."

Encore une fois, la technique ne fonctionnait pas. Je ne me laissai pas démonter pour autant. Gardant la tête haute, je répliquai d'un ton acrimonieux :

"Si vous vous approchez de cette demoiselle, vous devrez me passer sur le corps au préalable."

Ma main était suspendue, légèrement tremblante, au-dessus de mon lasso. Le chef du groupe s'avança de quelques pas en baissant son arme, mais le rire goguenard qu'il laissa échapper ne laissait que peu de place à l'imagination.

"Il a rien sous son chapeau à part des cheveux !" fit-il et ses comparses s'esclaffèrent grassement.

Je restai digne et impassible, laissant cette insulte m'effleurer sans m'atteindre.

"T'as pas encore compris ? On te demande pas ton avis. Sois déjà content qu'on te laisse regarder."

Le chef n'était qu'à deux mètres de moi. Il avait baissé sa garde, même s'il était toujours armé. Profitant qu'ils riaient tous comme des gorets, je me saisis de mon lasso et le fis claquer dans l'air. Ils se turent aussitôt, stupéfaits par mon audace. Le but recherché était de désarmer le meneur. Hélas, il avait toujours son revolver en main.

En revanche, une douleur inattendue irradia mon visage. Surpris, je passai une main contre mon menton et en retirai une traînée sanguinolente. Quelle honte... Je m'étais blessé avec le lasso au lieu d'atteindre nos ennemis.

Je leur lançai un regard revêche et refis claquer le fouet vers eux. Cette fois-ci, il atteignit un verre qu'il explosa en mille morceaux, projetant des éclats sur les cowboys.

Au même instant, des bruits de sabots claquèrent contre le plancher vermoulu du saloon. Les portes à battant oscillèrent et bientôt, un étalon noir fit irruption dans la pièce, emportant une des portes à battant au passage. Il poussa un hennissement et se cabra en secouant sa crinière brillante. A cet instant, il donna des coups de sabots à quelques cowboys puis se remit sur ses quatre jambes avant de pivoter vers nous.

"Tornado ?" fis-je, éberlué.

Décidément, mon ami Elliot débordait d'imagination. Son jeu était d'une interactivité surprenante. Le cheval semblait plus vrai que nature. Sans attendre, je me précipitai vers lui et me mis en selle, puis me penchai vers Robyn afin d'attraper sa main.

"Accrochez-vous !" lui recommandai-je.

Je la soulevai et la hissai devant moi, avant de me saisir des rênes et d'éperonner "mon" fidèle cheval. Tornado s'ébroua et s'élança à travers la large vitre du saloon. Il se rétablit souplement sur la terre rouge et s'éloigna de la ville au galop. Je retrouvai avec bonheur le plaisir de chevaucher. Cela ne m'était plus arrivé depuis des centaines d'années ! L'étalon semblait répondre à chacune de mes recommandations implicites. Il suffisait que je tire à peine sur les rênes pour qu'il comprenne ce que je souhaitais. A croire qu'il lisait dans mes pensées...

Au bout de plusieurs minutes, je décidai à lui faire ralentir l'allure. Il poursuivit sa route à travers le désert au petit trot. J'étais obligé de serrer Robyn contre moi afin de tenir les rênes convenablement puisqu'elle était assise en amazone devant moi, mais cela était loin d'être une contrainte. J'avais rêvé de la sentir si près de moi à nouveau... Je respirais ses cheveux de temps à autre, au gré du vent chaud. Ils dispensaient une odeur de sucrerie.

"Nous sommes hors de danger, désormais." lui appris-je alors que tournant momentanément la tête, j'avais aperçu les rares silhouettes des bâtisses formant la ville, au loin.

Tornado nous emmena jusqu'à un poteau perdu au milieu du désert, sur lequel avaient été accroché plusieurs pancartes indiquant différentes directions. Le panneau était pour le moins saugrenu.

-> Chutes du Niagara 3000 miles
<- Guerre de Sécession 175 miles
-> Sierra Torride 2 miles
<- SURPRISE !


"Qu'en penses-tu, Tornado ?"
demandai-je à ma monture tout en lui flattant l'encolure.

Comme j'avais dû me pencher pour le caresser, je pressai davantage Robyn contre moi et ma main s'égara quelques secondes contre sa jambe. Je croisai son regard et me redressai afin de mieux observer les différents panneaux en essayant de m'y intéresser, même si toute mon attention ne demandait qu'à se focaliser ailleurs.

"Les Chutes du Niagara sont splendides, hélas elles sont très loin d'ici. Je les ai vues... lorsque le sergent Garcia me poursuivait à travers l'Amérique du Nord. J'ai heureusement réussi à le semer, sinon je ne serais pas là pour en parler."

J'esquissai un sourire quelque peu incertain. Mon mensonge me semblait bancal. J'avais été contraint d'inventer en vitesse car j'avais failli raconter mon voyage en Amérique en 1867, ce qui aurait fatalement dévoilé mon identité à la jeune femme. Lorsque je la fixais un peu trop longtemps, j'avais l'impression qu'elle me reconnaissait. Non, cela devait être le fruit de mon imagination.

"Torride." lus-je sur la troisième pancarte sans aucun à-propos.

Je m'éclaircis la gorge, car ce mot hors de son contexte avait une connotation embarrassante. Je tentai de comprendre le sens de "Sierra" mais n'étant pas très doué en espagnol -un comble pour Zorro !- j'abandonnai vite. Elliot aurait pu faire l'effort de nous le traduire.

"Que pensez-vous de la Surprise ?" suggérai-je à Robyn. "Je n'ai aucune envie de me retrouver en pleine guerre civile américaine. Quant à la Sierra Torride... Cela ne m'inspire pas confiance. Et vous ?"

Je lui décochai un regard quelque peu provocateur. Tellement Zorro ! Puis j'ajoutai avec l'ombre d'un sourire malicieux :

"Après tout, vous êtes mon épouse. Robyn Eastwood, la femme la plus impétueuse de l'Ouest ! La décision vous revient."

Tornado s'impatientait. Il tapait du sabot contre le sol et tirait sur les rênes, tournant la tête vers la direction Sierra Torride. Evidemment. Dans notre dos, le soleil couchant dardait ses derniers rayons, embrasant l'horizon. Allions-nous assister au phénomène rare et merveilleux qui s'appelait le rayon vert ? Silencieux, j'attendis la décision de la demoiselle, plongeant mon regard dans le rayon bleu-vert de ses yeux, qui était d'un éclat bien plus extraordinaire que n'importe quel astre diurne.


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Tant que la tempête fait rage en lui
Il ne peut trouver la paix ni dans la vie, ni dans la mort. Il fera jour après jour ce qui est nécessaire, avec la douleur pour navire et le désir pour boussole.
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(Et ouais du coup j'en profite pour faire un tour et mâter les profils, z'allez faire quoi pour m'en empêcher hein ?)

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________________________________________ 2017-10-26, 01:37


Ô Désespoir, Ô triste kinder Surprise !

Au lieu d'écrire des mots magiques dans l'air, il aurait pas pu nous sortir de ce merdier, le Girafon? Je m'en foutais d'avoir casé une référence à un film de geek. Moi, tout ce que je voulais, c'était me casser de là entière et mes deux pompoms encore intacts. Ce qui risquait pas d'arriver si on continuait à tomber sur des bandes de connards dont les cerveaux devaient tremper dans du jus de chaussettes moisies. À un moment, j'allais vraiment finir par foutre mon genou entre les jambes de quelqu'un. Surtout si ils s'amusaient encore à essayer de zigouiller Zorro. Ça serait cool que lui aussi ressorte de là vivant. Et physiquement intact. Merci bien.

Et pour que ça arrive, faudrait déjà qu'on trouve un moyen de transport un peu plus fiable. Genre une voiture. C'est bien, une voiture. C'est solide. Mignon. Confortable. Et ça bouffe pas du foin. J'étais assise n'importe comment sur le dos d'un putain de cheval, et j'aimais pas du tout. C'était la première fois que je jouais les Robyn cavalières. Et j'aurai préféré que ça arrive jamais. J'étais à deux doigts de faire un arrêt cardiaque à chaque fois que la grosse bête faisait fonctionner ses trop grandes pattes. Fallait pas porter un casque pour monter ce genre d'animal? On risquait pas un traumatisme crânien ou un truc du genre? À choisir, je préférai encore me balader à pieds. Ça aurait vachement meilleur pour la santé. Mais apparemment y avait pas trop le choix. Du coup je m'agrippais fermement à la crinière bien mieux coiffée que ma propre tignasse, en me mordant l'intérieur des joues pour pas laisser paraître ma peur. J'étais une pompom girl. J'étais pas supposée avoir peur des hauteurs et des équilibres précaires. Et... et non, ça servait rien d'essayer de s'hypnotiser, j'avais toujours l'impression que j'allais crever.

- Les Chutes du Niagara, ça sent la noyade. La Guerre... nop. Je veux pas finir en sang, avec un bras en moins et à me traîner dans la boue en pleurant de désespoir. Et le machin Torride m'inspire absolument pas confiance non plus. Mais genre vraiment pas.

Je fixais le paneau d'un regard soupçonneux, les yeux plissés pour tenter d'y voir correctement malgré le couché de soleil qui m'aveuglait à moitié. Et puis pour me focaliser sur autre chose que le corps de Zorro pressé contre moi. Maintenant que le cheval avait arrêté de bouger, je me rendais compte qu'on était un peu trop proches. Hum hum. Si il faisait si chaud tout à coup, c'était uniquement parce qu'on était dans le désert. Hein. Bien entendu.

- T'excites pas trop non plus. Le coup de l'épouse, c'était juste pour éviter de passer pour la prostituée du coin. Je suis une Robyn célibatante qui n'hésite pas à mentir pour sauver sa peau.

Mon menton s'était fièrement relevé, tandis que je faisais la rebelle. Robyn Eastwood, ça sonnait super bien. Mais si on devait jouer à un jeu de rôle grandeur nature, je préférais être la hors-la-loi qui s'en bat les oréos et qui pense à sa gueule. Le rôle de l'épouse, c'était un peu trop extrême pour moi. Ça sentait à plein nez les baisers forcés et les mains entrelacées pour "faire genre". Ouais mais non. C'était pas le but. Au contraire.

- Et en tant que femme indépendante qui en a rien à faire de l'avis d'un pseudo shérif portant un chouette masque, je... choisi aussi la surprise parce que clairement, tout le reste, ça craint un max. Et je suis pas suicidaire.

Bon au final je confirmais juste ce que Zorro avait proposé. Direction la surprise, pour plus de fun et plus de chances de se faire trucider par des coyotes mutants ou des vautours ! Waouh!

Le cheval se remit en marche et, sous la surprise, je laissais échapper un petit cri. Ou plutôt un espèce de couinement ridicule qui eut même l'air de faire rire la bestiole. Il avait sûrement fait exprès, l'espèce d'animal à la con! Gênée par ma réaction ridicule au possible, j'essayais de me faire toute petite sur le dos de Tornado, en fixant le sol poussiéreux qui défilait sous mes pieds pendant dans le vide.

- Avant que tu te moques, je suis jamais montée à cheval. Et j'aurai préféré pas avoir à m'essayer à l'équitation. C'est genre le pire moyen de transport jamais inventé! Elle est où la sécurité là dedans? T'as pas peur qu'il se rebelle, t'envoie valser par terre et qu'au final tu finisses avec une nuque pétée ou handicapé à vie?

Il y avait déjà pensé à ça? Y avait que dalle pour se protéger. Pas de protection, même pas de ceinture de sécurité. Que. Dalle. Le danger était partout. Et surtout sur le dos de ce monstre. Peut être que j'étais pas à l'aise du tout parce que c'était pas moi qui tenait les rênes, que j'étais juste la "passagère". Si ça se trouvait, ça serait vachement plus fun comme expérience si j'étais conductrice. Mais c'était pas le cas. Et tout ce que j'avais à faire, c'était prier quelques dieux faits de pâtisserie pour que tout se passe bien et qu'on arrive entier à la fameuse surprise.

- Et puis pourquoi un cheval comme animal de compagnie? Valait pas mieux un chien? Parce le Tornado, là, on peut pas le laisser dormir sur le tapis à l'intérieur. Ça doit être galère de l'entretenir.

Mais sûrement pas plus que quand on est la proprio d'un éléphant qui pèse quelques tonnes. Bordel, c'était quoi ce sujet de conversation tout pourri? Oui j'étais avec Zorro, mais fallait pas oublier que c'était pas vraiment son cheval. Et puis que c'était pas vraiment Zorro. Je parlais trop. Je racontais trop de conneries. C'était nerveux, je pouvais pas m'en empêcher. Ça sortait tout seul!

- On aurait pas dû demander à Elliot de nous faire quitter le laser game, en fait? Parce que t'es blessé. À cause du coup de fouet de tout à l'heure. Ça saigne plus mais on sait pas, c'est peut être infecté. Dans le doute, ça pourrait être pas mal de revenir à la réalité et de t'emmener voir un médecin ou à l'hôpital, non?

Bah ouais. On savait jamais hein. Peut être que son fouet était super mal entretenu. Qu'il était couvert de bactéries. Et que du coup sa plaie était toute dégueue. Ça risquait pas de lui laisser une cicatrice si on faisait rien? Quoi que ça avait pas l'air trop profond, non plus. Je fixais la blessure depuis un peu trop longtemps maintenant, et je me rendais bien compte qu'il risquait pas de crever à cause de ça. Mais quand même. Dans le doute...

- C'est ça la "Surprise" d'Elliot? On dirait la maison dans "Evil Dead"!

Le cheval venait de se stopper devant une vieille bâtisse en bois pas bien grande et surtout en très mauvais état. Comme si elle avait pas été habîtée depuis environ deux ou trois siècles. Ce qui était pas étonnant, vu qu'elle ressemblait à un mix entre la ferme de "La petite maison dans la Prairie" et un lieu hanté façon Western. Si y avait un bouquin relié en peau humaine dans la cave, je préférais encore partir faire la guerre. On avait le droit de faire demi-tour?

Je décidais quand même de descendre de Tornado, en me dépêchant pour pas avoir besoin de l'aide de Zorro. Manquerait plus qu'il me porte en me tenant par les hanches façon princesse...

Et toujours sans attendre, je m'avançais jusqu'à la maison d'un pas décidé, en faisant gaffe de pas marcher sur un serpent ou une autre bébête du même genre et m'arrêtais seulement une fois arrivée devant la porte abîmée et légèrement entrouverte. La poignée avait disparue, remplacée par un trou dans le bois qui rendait le tout pas du tout plus rassurant. Manquait plus que les doux croassements des corbeaux et des rires hystériques venant de l'intérieur pour que l'ambiance soit au top du top. En même temps, en plein désert, je m'attendais à trouver quoi? Les voisins les plus proches étaient des cactus aux formes tordues. Des. Putains. De. Cactus. L'aspect "Massacre à la tronçonneuse", ça avait rien de vraiment étonnant.

- Si ça se trouve à l'intérieur c'est génial.

Pourquoi pas. Peut être. Le meilleur moyen de le savoir, c'était de pousser la porte à moitié arrachée et d'entrer. Y avait une surprise à l'intérieur. C'était que ça devait être plutôt cool, non? Vu qu'elle était d'Elliot, j'étais en droit de douter.

- Putain... C'est quoi cette merde, nom d'un oréo!

Je venais d'entrer. J'avais juste posé mes deux petits pieds sur le sol couvert d'une couche de poussière et sûrement parcouru par tout un tas d'araignées diverses. J'avais juste fait ça. M'avancer de quelques pas, et c'était tout. Alors pourquoi tout avait changé d'un coup?

Vu l'extérieur, je m'attendais à ce que tout soit pourri. Et ça l'était. Du moins ça l'avait été pendant deux secondes top chrono, le temps que j'entre complètement. Et tout à coup j'avais été aveuglé par un foutu rayon de soleil et l'endroit s'était comme... métamorphosé. Le sol était redevenu propre. La porte derrière moi était bien à sa place, ornée d'une poignée un peu tordue en fer. La grande pièce dans laquelle je me trouvais était lumineuse, chaleureuse et aménagée de manière simple mais pas désagréable. Y avait dans un coin ce qui devait être la cuisine, juste à côté d'une cheminée devant laquelle se trouvait deux rockings chairs en bois. Les murs étaient ornés de tapisseries et de trophées de chasse qui me fixaient de leurs yeux de verre. Au dessus de la cheminée étaient accrochés des fusils de taille impressionnante, encadrés par deux fenêtres aux formes irrégulières, qui donnaient sur un enclos rempli de ce qui devait être des... euh.. moutons? De là où j'étais, je voyais pas très bien. Y avait ausi une échelle au milieu de la pièce, qui donnait sur un grenier ou un étage. C'était devenu sympa. Des fleurs ajoutaient au tout un certain charme et donnaient à l’atmosphère une odeur... féminine? C'était pas désagréable, en tout cas. Du moins, ça, ça l'était pas.

- Oh putain.

Horifiée, je fixais la toute nouvelle tenue qui avait remplacé mon costume sans que je m'apercoive de quoi que ce soit. Ça avait du avoir lieu quand j'étais entrée. Ça devait être comme pour la maison. Je voyais pas ce que ça pourrait être d'autre sinon.

Mon petit haut bien décolleté avait été remplacé par un chemisier blanc épais et boutonné jusqu'au cou. Par dessus était noué un foulard rose pâle, de la même couleur que la longue jupe à carreaux qui m'arrivait jusqu'aux chevilles, par dessus des bottines en cuir avec de légers talons. Je ressemblais à... je savais pas trop, en fait. Mes cheveux étaient noués en une tresse sophistiquée qui me tombait sur l'épaule. Genre j'étais une paysanne, mais en même temps j'en étais pas vraiment une. C'était difficile de cerner le truc. Et pourtant, c'était pas le pire.

- Non! Non non non! Ton masque! Tu l'as plus! Je peux plus faire genre que t'es Zorro maintenant! Putain non!

La main plaquée sur la bouche, je fixais avec de grands yeux horrifiés Jules, qui était entré à son tour. Et qui avait subit la transformation parce qu'y avait pas de raison pour qu'il y passe pas aussi. Son costume de justicier masqué s'était métamorphosé en tenue de cow boy mille fois plus canon. Il avait le droit à une chemise beige sous un gilet sans manche gris, avec le foulard rouge qui va bien autour du cou. Il portait aussi un pantalon gris foncé à carreaux plus clairs discrets et des bottes en cuir à la pointe légèrement... pointue. Sans oublier le chapeau. Le mythique chapeau. Marron façon cuir, il était tout cabossé et les bords étaient recourbés, exactement comme dans les westerns. Et bordel, que ce que c'était classe. Ce qui était un sérieux problème, du coup.

- C'est hors de question que je reste ici avec toi. Même pas en rêve. Jamais. Never.

Fixant le sol, je passais à toute vitesse à côté de lui pour me diriger vers la porte et me casser de là. Mais quand j'ouvris celle-ci, je découvris que le cheval était attaché à une barrière en bois, broutant tranquillement un tas de foin. Il avait plus de selle, ni rien. Genre Tornado n'était jamais venu nous sauver dans un saloon à la con. Il était juste un vieux pépère qui bouffait tranquilou la vie. Sérieusement. C'était quoi cette merde?

Vu que le monde où nous étions semblait avoir changé, je retournais à l'intérieur et claquais la porte derrière moi. Avant de relever le bas de ma jupe, de me mettre à genoux par terre et de fermer les yeux en joignant les mains. Parce qu'il était vraiment hors de question que je sois la victime d'un plan tordu encore une fois. J'étais devenue parano, depuis l'affaire sauna. Et il faisait beaucoup trop chaud dans le coin pour que je me mette à l'aise.

- Chut. Je prie.

Il avait encore rien dit, mais je m'attendais à ce qu'il ouvre la bouche à tout moment pour me demander ce que je foutais. C'était pourtant facile à deviner. Je priais pour de vrai. Je priais Elliot, le dieu des débilos et des girafons aux cheveux chelous pour qu'il me fasse sortir de là avant que ça dégénère. Je lui promettais d'arrêter d'embrasser sa femme, de le traiter avec respect et même de disparaître de sa vie à tout jamais. Vraiment tout et n'importe quoi. Tant qu'il m'éloignait de Jules. Parce que maintenant que je savais que j'avais une résistance proche de zéro niveau tentation, je vivais dans la peur.

- C'est moi qui prend mes désirs pour des réalités ou ça tambourine vraiment à la porte?

J'osais soulever une paupière, pas certaine que ça soit autre chose que le fruit de mon imagination. Je venais à peine de finir de promettre de lui faire des gâteaux Star Wars pendant un mois quand quelqu'un ou quelque chose s'était mit à frapper à la porte. Sérieux? Genre... déjà? J'avais même pas eu le temps de lui faire un petit discours super cool!

Plus que surprise, je me relevais en manquant de me casser la gueule à cause de la longueur de ma jupe et allais ouvrir. En remerciant silencieusement au passage Elliot qui pour une fois avait prouvé qu'il pouvait être cool. Ou pas.

Instinctivement, je faillis foutre à coup de poing à la créature hirsute qui se jeta sur moi pour m'enlacer de ses bras maigres et sales. Heureusement que je réussis à me retenir, parce qu'apparemment, cette chose pleine de crasse et de sang séché, c'était un gamin. Un gamin qui refusait de me lâcher, d'ailleurs. Si c'était ça la bonne idée d'Elliot pour répondre à mes prières, il pouvait aller se faire foutre. Comment c'était supposé m'aider ça?

- Eh oh, calmos l'asticot! Que ce que tu fous?

J'étais clairement pas faîte pour être mère, vu ma grande délicatesse. Mais ça avait pas l'air de tellement perturber que ça le gamin, qui refusait toujours de me lâcher et qui se contentait de trembler violemment contre moi. J'étais toute raide, pas du tout à l'aise par ce contact physique gênant. J'étais supposée faire quoi? Le repousser? Le considérer comme un potentiel enfant de Satan venu foutre la merde? Lui tapoter la tête pour essayer de le calmer?

- Les monstres... Les monstres venus du ciel... ils les ont dévorés. Et ils arrivent.

Le gamin avait tout à coup relevé son visage sale et creusé pour planter son regard vert dans le mien. De sa faible voix morte, il avait réussi à me foutre la trouille. Surtout qu'en disant ça, il avait continué à être collé à moi. J'avais genre dix mille questions en tête là, mais je me contentais d'adresser un regard à Jules.

- On aurait dû choisir les chutes du Niagara, en fait. Je suis sûre qu'au final ça aurait été moins dangereux.

Pourquoi je m'étais mis en tête que tout allait bien se passer si on choisissait la surprise? Que ce qui tournait pas rond dans ma petite tête? Maintenant, j'avais un gamin chelou à gérer, un Jules plus canon que jamais dans la pièce et les bêlements effrayés des moutons ou des chèvres dehors qui avaient l'air de flipper à cause d'un truc. Et dire que j'aurai pu être en train de dormir là...



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________________________________________ 2017-10-29, 20:52

« Il était une fois dans l'Ouest... »
... Madame et Monsieur Zorro Eastwood.

Je fus sincèrement surpris d'apprendre que Robyn n'était jamais montée à cheval. Encore une fois, le fossé qui nous séparait me sembla abyssal. L'écart des siècles était un goufre subtil et cruel. De mon temps, tout le monde savait chevaucher, des petites gens aux aristocrates. C'était le seul moyen de locomotion que nous connaissions. Malgré mon désappointement, je gardai la tête haute et expliquai posément, en me confortant dans le rôle de Zorro :

"Tornado et moi sommes de vieux amis. Avec le temps se crée un lien indéfectible entre le cavalier et sa monture. Il ne peut rien nous arriver de fâcheux tant que nous sommes ensemble. Effectivement, il reste toujours un risque de chute, mais que serait la vie sans un petit goût de danger ?"

J'adressai un sourire en coin à la demoiselle. Sur le chapitre de l'entretien, je ne fournis aucune explication, car je n'en savais rien. Je n'avais jamais travaillé dans une écurie. Cependant, j'étais persuadé de savoir comment m'occuper de Tornado si les cirsconstances l'exigeaient. Puis, Robyn mentionna ma blessure au menton. Certes, l'entaille m'élançait toujours et le sang avait séché, provoquant une sensation désagréable dès que je parlais, mais j'estimais pouvoir survivre. Malgré tout, le fait qu'elle s'en soucie me toucha beaucoup.

"Ne vous inquiétez de rien, je suis Zorro : j'ai survécu à bien pire !" dis-je avec un rire.

Tornado nous mena jusqu'à une demeure en bois mal entretenue qui semblait à l'abandon. Je voulus préciser à Robyn de faire attention, mais elle avait déjà mis pied à terre. Je sautai de selle à mon tour et attachai la bride autour d'une clôture, avant de flatter l'encolure de mon cheval pour qu'il ne s'inquiète pas.

"Je reviens très vite, mon ami." murmurai-je.

C'était peut-être absurde, mais le fait d'avoir chevauché avec lui m'en avait rapproché. Il m'avait rappelé une autre époque, essentiellement ma jeunesse à Nantes, lorsque je préférais me déplacer directement à cheval plutôt qu'en voiture. à attelage.

Mieux valait que je rejoigne Robyn avant qu'elle ne s'aventure trop loin dans la demeure branlante. Pourquoi ne m'attendait-elle pas ? Son entêtement à être indépendante à toux prix la mettait bien trop en danger. Pour plus de sûreté, j'attrapai mon fouet à ma ceinture, afin d'être prêt à m'en servir en cas d'attaque.

J'accélérai le pas en l'entendant pousser plusieurs jurons et la retrouvai à l'intérieur, très changée. Elle portait une tenue radicalement différente, qui lui allait à merveille. Quelle apparition ! J'en restai troublé quelques secondes, avant de baisser les yeux sur ma main qui se refermait sur du vide. Où était donc passé mon lasso ? Je m'aperçus alors que mon costume de justicier avait disparu, remplacé par la panoplie parfaite du cowboy. J'esquissai une moue satisfaite qui se crispa en voyant les contours d'un revolver dans un colt, à ma taille. J'avais un très mauvais souvenir des armes à feu, aussi bien à bord du Nautilus que dans mon autre vie, ce sombre jour où mon neveu Gaston m'avait tiré dessus... Un léger frisson me parcourut mais je redressai la tête, surpris, en entendant l'exclamation horrifiée de Robyn. La demoiselle me fixait avec des yeux ronds. Sa phrase m'arracha un sourire incertain. Ainsi, elle faisait semblant de ne pas m'avoir reconnu lorsque j'étais encore masqué. Pour quelle raison ?

Préférant garder le mystère pour l'instant -car je n'étais pas sûr de vouloir connaître la vérité- j'observai l'unique pièce de la maison avec curiosité. Vu de l'extérieur, elle n'avait rien de chaleureux, contrairement à l'intérieur. Aussi étonnante que la personnalité d'une femme. Je fis quelques pas à l'intérieur et les éperons de mes santiags claquèrent. Je saisis mon chapeau par un bord afin de l'ajuster sur ma tête, détaillant toujours la maison.

Derrière moi, Robyn s'agitait. Elle réouvrit la porte puis, inexplicablement, se mit à genoux, les mains jointes et les paupières closes, une expression profondément pieuse sur le visage. J'en fus totalement désarçonné. Je ne savais pas qu'elle était chrétienne, étant donné toutes les choses peu catholiques qu'elle faisait, notamment de jurer et de porter des tenues affriolantes... Il était vrai qu'à présent, elle portait une tenue élégante qui aurait pu la faire passer pour une jolie fermière. Peut-être souhaitait-elle se repentir de ses péchés ?

Je ne savais quoi en penser, en définitive. J'avais toujours remis en cause l'existence d'un être supérieur veillant sur nous, et maintenant que je connaissais une demi douzaine de divinités vivantes, le père, le fils et le saint esprit m'apparaissaient comme ridicules en comparaison. Malgré tout, je n'osais formuler ce genre de pensées à haute voix, cela aurait été blasphémer. Mon éducation catholique me faisait encore défaut, parfois. Les vieilles habitudes sont tenaces.

En tous les cas, je pris le parti de respecter son choix et de la laisser prier, bien que ça ne soit ni le lieu, encore moins le moment. Je joignis les mains dans mon dos et patientai, jusqu'à entendre frapper contre la porte de façon précipitée. Robyn se releva si brusquement qu'elle marcha sur ses jupes. Je tendis les bras vers elle mais elle garda l'équilibre. L'instant d'après, un petit garçon sale et échevelé se serrait contre elle, le souffle saccadé et les yeux écarquillés. Ce qu'il raconta était loin d'être rassurant.

"Quels monstres ? De quoi parles-tu, petit ?" demandai-je en me penchant vers lui. "Calme-toi, tu ne risques rien ici."

Ma voix était calme et assurée, mais cela ne suffit pas à rassurer l'enfant qui continuait de trembler. Il était incapable de parler. Par la porte ouverte, je constatai que Tornado s'agitait et que le vent s'était levé. Des masses de branchages roulaient sur eux-mêmes sur le sol désertique alors que des nuages s'amoncelaient dans le ciel. Cela n'augurait rien de bon. Une tempête se préparait.

"Restez à l'intérieur." conseillai-je tout en étendant le bras vers la porte. "Je vais mettre Tornado à l'abri et je reviens."

Je voulus sortir mais à cet instant, quelque chose attira mon attention : les ongles du petit garçon qui avaient une taille non homologuée, et qui étaient sur le point de se planter dans le dos de Robyn, puisqu'il était toujours contre elle. Ses ongles étaient pointus et recourbés comme ceux d'un monstre. Me souvenant que la "surprise" d'Elliot pouvait prendre bien des tournures, je m'écriai :

"Arrière, démon !"

L'enfant, démasqué, esquissa un sourire carnassier qui dévoila une rangée de dents pointues et aiguisées comme des lames. Ni une ni deux, j'attrapai le vase sur la table et le lui jetai en pleine tête. Le projectile atteignit sa cible dans un grand fracas et le gamin lâcha enfin la jeune femme avant de tituber et de chuter au sol. J'entourai les épaules de Robyn de mon bras et de l'autre, posai ma main contre sa douce chevelure afin de l'attirer contre moi.

"Vous allez bien ? Vous n'avez rien ?" m'enquis-je, anxieux.

Mon coeur battait la chamade. Je venais de frapper une créature qui avait l'aspect d'un enfant ! Mon regard se posa sur le petit corps étendu sur le plancher. Le doute me saisit brusquement. Avais-je bien vu ? N'avais-je pas agi à la hâte ?

J'en eus la confirmation quand le gamin se redressa d'une façon molle et déstabilisante qui n'avait rien de naturel, parmi les éclats de porcelaine. Il posa un regard torve sur nous, à travers sa masse de cheveux hirsute et sanguinolente. Des morceaux de vase étaient piqués dans son crâne mais il ne semblait pas s'en formaliser.

"Les monstres venus du ciel m'ont dévoré !" lança-t-il d'un ton mielleux. "Et bientôt, ça sera votre tour ! Vous ne pouvez pas leur échapper ! Aha !"

Son rire me glaça le sang et je pressai davantage Robyn contre moi. Déglutissant avec peine, je fis glisser ma main de son épaule jusqu'à sa main que j'agrippai pour l'entraîner vers la porte.

"Quittons cet endroit maudit." dis-je d'une voix blanche.

Je ne pus m'empêcher de penser qu'Elliot avait une imagination un peu trop débordante, aux frontières de la folie. Je m'inquiétais sérieusement pour lui. Lorsque je le verrai, je lui ferai part de mes impressions. Pour le moment, il me fallait prendre soin de Robyn.

"Je n'apprécie pas ce genre de surprises." marmonnai-je tout en me dirigeant à grands pas vers Tornado qui s'ébrouait dans le vent de plus en plus violent. "J'en toucherai deux mots à Elliot dès que nous serons loin d'ici. Soyez-en assurée."

Je n'étais plus du tout amusé. Pour tout dire, j'avais très envie de le gronder. Il aurait eu besoin d'une bonne correction. Je regrettais presque de ne pas être son père. J'en étais là de mes réflexions alors que je venais de libérer la bride de Tornado. Ce dernier, toujours très agité, s'ébroua de nouveau et poussa un hennissement. Je levai les bras vers lui en prononçant plus "Oh oooh !" afin de le calmer mais il se cabra sur ses pattes arrière. Je me reculai d'un bond pour éviter un éventuel coup de sabots, plaçant un bras devant Robyn.

L'air était électrique. Le tonnerre grondait au loin. Quelques éclairs zébrèrent le ciel et il n'en fallut pas davantage à mon pauvre cheval pour s'emballer. Il s'enfut au galop à travers le désert malgré mes appels.

Poussant un soupir, je le regardai s'éloigner. Je craignais pour sa vie. Il n'était pas prudent de courir à travers le désert en plein orage. Puis je levai les yeux vers le ciel dans lequel remuaient de sombres nuages violacés. Ce n'était pas une couleur normale pour un paysage céleste. D'autres éclairs m'aveuglèrent brièvement avant qu'un objet volant non identifié ne passe furtivement à travers les nuages. Je clignai des yeux, ahuri et les écarquillai afin de mieux voir. La chose volante de forme allongée surgit de nouveau dans un bruit vrombissant désagréable et... fondit vers nous. Des éclairs la parcouraient. Je compris alors que c'était la chose qui les provoquait ! Elle devait sûrement provoquer une fluctuation climatique de part sa nature mécanique et créer une géo-tempête localisée !

"Cet objet volant vient pour nous !" m'écriai-je en tenant mon chapeau afin qu'il ne s'envole pas. "Tornado avait raison : il faut fuir !"

Attrapant de nouveau la main de Robyn, je courus jusqu'à la maison de bois, mais bifurquai en me souvenant du petit garçon monstreux. J'aperçus alors une grange non loin de la demeure en bois. Peut-être pourrions-nous nous y abriter le temps que l'orage passe ?

J'ouvris la porte si brusquement qu'elle manqua de s'arracher de ses gonds et emmenai Robyn jusqu'à un espace dans lequel était entreposé du foin. Le reste de la grange exiguë était occupée par un objet imposant caché sous une bache marron couverte de poussière, mais je n'y accordai aucune attention. Je m'occupai de bloquer la porte en poussant une botte de foin tout contre. Ce ne fut pas une mince affaire car elle se révéla très lourde, mais j'en vins à bout. Je me redressai ensuite en soupirant, passant une main contre mon front.

"Il semblerait que nous soyons bloqués ici jusqu'à ce que l'orage soit terminé."
déclarai-je à l'adresse de la jeune femme qui ne semblait pas très à l'aise. "En tous les cas, nul ne nous trouvera ici."

Vraiment ? Pourquoi entendais-je de plus en plus de bruits étranges et inquiétants au dehors ? La chose volante vrombissait, de plus en plus proche, et les éclairs projetaient des lumières furtives à travers les planches disjointes de la grange. Le tonnerre grondait. Il était juste au-dessus de nos têtes, tout comme l'objet volant non identifié.

Elliot, ça suffit ! Ce n'est plus drôle du tout ! songeai-je, réprobateur et anxieux, mais mon ami ne se manifesta pas.

J'inspirai profondément dans l'espoir de canaliser mon angoisse et de ne pas trop la montrer, puis me tournai vers Robyn, qui se tenait debout devant la bache marron.

"Vous ai-je dit à quel point je vous trouvais saisissante dans ces atours ?"

J'esquissai un pas vers elle. Le monde semblait s'écrouler autour de nous. Le sol commençait à trembler sous nos pieds, les murs vibraient. Les éclairs illuminaient le visage de la jeune femme par instants, avant de le plonger de nouveau dans la pénombre. J'enveloppai la pâtissière d'un regard tendre, l'observant de bas en haut. La jupe allongeait sa silhouette, quant à son chemisier, il avait perdu un bouton, ce qui dévoilait sa gorge alors qu'elle respirait par saccades. Son foulard était de travers, mais cette attitude négligée ne la rendait que plus désirable. Etrangement, me focaliser sur elle me permettait d'amenuiser mon anxiété.

"Il semblerait que nous allons passer un très mauvais moment, je voudrais le rendre plus agréable. Et puis, à présent que je suis démasqué, il n'y a plus à faire semblant. Il m'apparaît d'ailleurs qu'il n'y ait rien d'autre à faire hormis... prier ensemble."

Je fis les derniers pas qui me séparaient d'elle et la saisis par la taille. Bien entendu, je ne parlais pas de la prière ordinaire ; je faisais allusion à une autre, plus originale et scandaleuse, qui aurait indigné n'importe quel homme d'église. Robyn ne pouvait se dérober puisqu'elle était contre la bâche cachant l'objet imposant. Plongeant mon regard dans le sien, je me penchai vers elle, nos visages à seulement quelques centimètres l'un de l'autre. Là, je fermai les yeux au milieu de la tempête. Mes lèvres cherchèrent les siennes et...

Un violent coup de tonnerre interrompit notre étreinte. Je serrai la jeune femme contre moi, observant le plafond duquel tombait un tourbillon de poussière. Quelque chose venait de se poser contre le toit de la grange, et à en juger par les filaments d'électricité volatile qui parcouraient les planches disjointes, ce n'était pas difficile de deviner de quoi il s'agissait...

"Miséricorde, nous sommes perdus !"

Nous étions si proches de la bache que cette dernière glissa de l'objet qu'elle recouvrait, révélant un véhicule parfaitement inapproprié pour l'époque dans laquelle nous étions. Il était recouverte de poussière, ce qui laissait présager qu'il avait roulé dans le désert il y a peu. Sur le pare-brise sale, on avait tracé les lettres suivantes :

CADEAU BONUS
ROBYN, TA PRIERE A ETE ENTENDU !
☺️

Le message était directement adressé à la demoiselle, et agrémenté d'un petit visage souriant et basique, comme un dessin d'enfant.

"Madame Eastwood." déclarai-je d'un ton grave. "Pensez-vous être capable de nous conduire loin d'ici ?"

Cette voiture était le seul moyen de nous échapper. La chose sur le toit fit davantage de bruit et la grange se mit à trembler totalement, déversant sur nous des flots de poussière. Les éclairs étaient si nombreux sur les planches qu'il faisait presque jour. Je n'osais imaginer ce qui arriverait si l'un d'entre eux venait à nous toucher. La puissance de la foudre équivalant à environ deux cent quatre vingt kilowatts-heures par choc, il ne resterait plus grand-chose de nos pauvres carcasses...

"Je ne voudrais pas vous presser." repris-je en fixant nerveusement le plafond qui risquait de céder d'une minute à l'autre. "Je sais que vous pouvez le faire. J'ai remarqué avec quelle efficacité vous pilotez votre engin du diable à travers les rues de Storybrooke. Je remets donc ma vie entre vos mains."

Je déglutis avec peine avant de lui adresser un regard profondément confiant.


crackle bones

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Tant que la tempête fait rage en lui
Il ne peut trouver la paix ni dans la vie, ni dans la mort. Il fera jour après jour ce qui est nécessaire, avec la douleur pour navire et le désir pour boussole.
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________________________________________ 2017-11-12, 00:35


Highway to hell

Que soit maudit Elliot. Mais genre vraiment maudit. Avec Malédiction éternelle, vie après la mort vachement craignos, condamné à exister seul et en bonus un truc bien pourri pour qu'il soit encore plus moche que d'habitude. Il pourrait perdre ses cheveux. Ou ses dents. Ça serait dégueulasse et là au moins je serai certaine qu'il regretterait chacune de ses conneries et le moindre de ses miséreux actes irréfléchis, cons comme lui et dangereux au possible. Non mais à cause de lui j'avais failli me faire zigouiller par un gamin démoniaque, Jules avait dû lui éclater la gueule, y avait des trucs chelous dans le ciel façon O.V.N.I et même Tonardo-Machin-Truc s'était cassé, nous laissant dans une situation plus que critique. Alors merci Elliot! Merci beaucoup! Meurs intoxiqué par ton pot de gel, connard!

- Je le hais. Non mais je le hais vraiment là.

Je marmonnais entre mes dents serrées, en donnant quelques coups de pieds énervés dans un tas de paille. Et dire que je l'avais prié, cet abruti! Il aurait au moins pu faire l'effort d'écouter et de répondre à mes prières! Si jamais je sortais de là vivante, je comptais aller dire à sa mère que le laisser gérer un foutu laser game, c'était tout sauf une bonne idée. À moins qu'on ait envie de réduire de moitié la population de Storybrooke. Vu les tendances psychopathes du futur Elliot, c'était pas si étonnant finalement.

Perdue dans mes délicieuses pensées rageuses, j'entendis pas tout de suite Jules. Le boucan causé par la tempête et le machin volant qui semblait nous avoir prit pour cible aidait pas non plus à capter les mots qui sortaient de sa bouche. Par contre quand il se rapprocha, je captais immédiatement. Reçu 5 sur 5. Pas la peine de continuer à avancer ou de s'essayer au contact physique. Non mais vraiment, faut pas se donner autant de mal enfin. C'était très bien de garder un ou deux mètres de distance entre lui et moi. Là, maintenant, c'était beaucoup trop proche. Comment on allait faire pour se défendre si on nous attaquait alors qu'il me tenait? Hein? C'était pas très réfléchit tout ça. Mais alors pas du tout. Oulala! Mauvaise idée Monsieur Verne! Faut relir vos guides de survie parce que se laisser distraire c'est vraiment très mauvais. Oh oui. Moi je l'étais maintenant et j'en oubliais presque qu'on allait cramer sous la décharge d'un bon paquet d'éclairs ou peut être finir en sujet d'expérience 626 ou un truc du genre. Et c'était pas bien. Vraiment pas...

- Bordel!

Je sursautais dans ses bras quand tout parti encore plus en vrille. Et voilà! On aurait dû en profiter pour fuir ou au moins essayer mais il m'avait encore distraite. Raaaah! Que ce qu'il était agaçant! Si on crevait, au final, ça serait aussi un peu de sa faute, de son charisme et de sa personne!

- Le petit con! Il aurait pas pu afficher un message directement dans les airs comme avec les poivrots de tout à l'heure? Ça nous aurait évité de poireauter là comme des débiles sans savoir que la solution était à genre cinq centimètres.

Il l'avait fait exprès. J'en étais sûre. De ça, mais aussi du fait que j'allais l'étrangler de mes propres mains une fois que je sortirai de là. Soulevant le bas de ma robe qui était atrocement longue, j'entrepris de nettoyer le pare-brise pour effacer le message poussiéreux d'Elliot qui devait arrêter d'abuser des smileys. Si je devais conduire cette bagnole, valait mieux que je puisse y voir correctement.

- Je préfère te prévenir tout de suite. Je conduis comme une pilote de course. Ça veut dire que tu vas sûrement voir ta vie défiler devant tes yeux deux ou trois. Vaut mieux que tu le saches avant de t'installer sur le siège passager, parce que ça va aller vite. Très vite.

Enfin si ce vieux tas de ferraille pouvait aller à plus de 110 km/h. Elle avait plutôt intérêt, vu ce qu'on devait essayer de fuir. Maintenant que Jules savait que même si je conduisais comme une gros malade, je savais toujours maîtriser mon engin, j'ouvris la portière conducteur qui... se souleva? Elle aurait pas pu s'ouvrir comme n'importe quelle voiture? C'était vachement naze comme ça. Et tellement moins classe que le système habituel. Je soupirais pour la forme et me glissais sur le siège qui semblait très bas. J'avais l'impression d'être à ras le sol. Ça promettait de sacrées sensations. J'attendis que Jules s'installe à son tour et dès qu'il posa son fessier qu'on ne qualifiera pas de musclés pour éviter que ses chevilles enflent un peu plus, je refermais la portière, réglais les rétroviseurs, appuyait sur l'embrayage, passait la première, fit rugir le moteur et appuyais à fond sur l'accélérateur. Le jeu, maintenant, ça allait être de sortir de là.

- Accroche toi bien!

Valait mieux, parce qu'il y avait pas de ceinture de sécurité. Quand je disais que Elliot voulait notre mort...

Des nuages de poussières et des morceaux de bois tombaient sur la voiture, se fracaissaient dans un bruit terrible sur le toit en métal et salissaient le pare-brise au point que j'y voyais quasi rien. Je mis en marche les essuis-glaces et continuait à accélérer, les sourcils froncés, les machoîres serrées, concentrée au maximum. Je me foutais du danger et de tout le reste. Là, tout ce qui comptait, c'était de maîtriser cette bagnole et de nous faire sortir de la grange avant qu'elle s'effondre totalement.

Et le meilleur moyen pour ça, bien entendu, c'était de foncer dans les grandes portes en bois qui s'agitaient sous la force du vent, prêtes à céder à cause de la pression. Bien entendu, hein. Parfois la survie, c'est arrêter de réfléchir et juste... accelérer encore.

J'aurai hurlé si j'étais pas aussi focalisée sur la manoeuvre. Les portes se rapprochaient dangereusement. J'avais envie de fermer les yeux, alors que je continuais à foncer droit devant. La deuxième venait d'être passée. Ma main droite était crispée sur le levier de vitesse. J'étais prête à emboîter la troisième.

Le pare-choc avant de la voiture fonça avec la force d'un bélier contre les portes qui s'ouvrirent en grand sous le choc. Y en avait même qui s'était totalement décrochée et s'était fracassée au sol, faisant voler un nuage de poussière derrière nous qui disparu peu à peu alors que je passais déjà la cinquième. Le compteur affichait 100 km/h. Le machin volant dans le ciel et la grange semblaient loin maintenant.

- Jules? Ça va?

Je lui aurai bien jeté un petit coup d'oeil pour vérifier son état mais au même moment un éclair bleu électrique s'écrasa à à peine un mètre de la roue avant de la voiture. Je du donner un violent coup de volant vers la gauche pour faire une embardée. Au passage, je percutais un cactus qui finit déchiqueté sous les roues. Elle était peut être chelou comme voiture, mais elle tenait super bien le coup.

- Je gère! Je gère vraiment!

Même si d'autres éclairs apparurent et s'écrasèrent contre le sol en laissant une marque brûlée dans la poussière asséchée. À chaque fois, je réussi à les éviter, les doigts crispés sur le volant, que je ne cessais de tourner à gauche, à droite, de nouveau à gauche... j'espérais très fort qu'aucun petit animal se jette sous mes roues parce que je pourrai pas freiner. Dans le feu de l'action, je savais d'avance que je le verrai pas en plus. Autant j'avais pas de remords à éclater des zombies ou des momies, autant je l'aurai mauvaise de tuer Roger Rabbit ou un bébé kangourou. Y avait des kangourous dans le far west ou pas?

- Est-ce que t'as touché à quelque chose?

J'osais jeter un bref coup d'oeil un peu paniqué à mon passager quand des lumières se mirent à clignoter un peu partout au niveau du tableau de bord. C'était quoi cette merde? Des chiffres venaient d’apparaître. Des boutons se la jouaient guirlandes de Noël. Des fils électriques se mirent à briller, zigzaguant entre mon siège et celui de Jules. Pourquoi j'avais pas vu ça avant? Pourquoi ils se mettaient en marche que maintenant?

- Eh! Calmos Mamie!

La bagnole venait d'avoir comme un sursaut, avant d'accélérer. Je vis l'aiguille indiquant la vitesse commencer à grimper. Pourtant, j'appuyais pas plus sur la pédale de l'accélérateur. Peut être que c'était juste que j'étais trop tendue. J'avais pas arrêté de jouer avec, je me rendais sûrement plus compte de la puissance de la pression que mon pied exerçait sur la pédale. J'essayais de me décrisper un tout petit peu, mon regard faisant des aller et retour entre la route et le compteur. Mais j'avais beau retirer un tout petit mon pied, la vitesse ne réduisait pas. Pire, elle augmentait. On venait de passer la barre des 140 km/h là. Et c'était vraiment pas bon.

- Je comprends pas. J'ai l'impression que la voiture va de plus en plus vite mais toute seule.

Pourquoi je disais ça à Jules? Je voulais pas le faire flipper. C'était pas le but. Mais moi même je commençais à me sentir mal. À chaque mètre parcouru, la voiture prenait de plus en plus de vitesse. Je tournais la tête pour regarder par la fenêtre de mon côté et je déglutis en me rendant compte que le paysage poussiéreux et jaunâtre était en train de se changer en des espèces de lignes floues et colorés. On allait trop vite. Tellement que notre vision était toute déformée.

- Putain! Putain!

Je m'étais mise à hurler quand le volant s'était violemment tourné et m'avait tordu le poignet alors que j'avais même pas fait un geste. Par réflexe je retirai celle qui me fit mal... et le volant continua à bouger. Tout seul. Comme pour les pédales. Comme pour la vitesse. Comme pour tout.

- Oh bordel! Cette bagnole c'est Christine!

Christine. La bagnole tueuse dans le bouquin de Stephen King. Un livre fascinant qui m'avait pas mal impressionné la seule fois où je l'avais lu étant ado. Des voitures, des gens qui meurent... ça m'avait paru super cool. Mais maintenant rien que me rappeler son nom de strip-teaseuse dans un bar miteux du Texas me donnait mal au coeur. Parce que j'étais coincée avec elle, et elle avait prit les commandes.

- Elle roule toute seule, je contrôle plus rien!

J'avais retiré mes deux mains du volant et mes pieds des pédales pour tourner la tête vers Jules et lui montrer que cette fois, j'y étais pour rien du tout. Et que moi aussi, ça me faisait flipper. Surtout qu'on s'approchait des 180 km/h maintenant. J'avais déjà été plus rapidement avec ma voiture, mais c'était un véhicule de course, ça avait rien à voir. Celle là, elle était vieillotte, pleine de boutons clignotants chelous. Et elle commençait à sentir le cramé. Est-ce que les pneus allaient tenir bon? Et putain, ça allait tellement vite dehors que je pouvais plus voir où on en était niveau éclairs. Si ça se trouvait, le vaisseau spé était juste au dessus de nous et on allait pas tarder à nous faire exterminer par un putain de rayon laser ou un truc du même genre.

- T'aurais dû m'embrasser dans la grange.

Je fixais devant moi, même si je voyais plus rien, en posant cette question. C'était sorti tout seul. Pour faire un peu la conversation. Pour combler les blancs. Pour dire un truc. Et puis aussi se confier discrétos avant de peut être mourir.

- Fallait pas prendre le temps de discuter. Tu te contentais de m'embrasser et puis ça aurait été très bien comme ça. Au moins j'aurai eu bon souvenir avant de finir zigouillée par des aliens. C'est con.

Oh oui, ça l'était. J'aurais probablement plus d'occasion, désormais. Et c'était dommage. Si j'avais eu le droit à une dernière friandise, j'aurai bien aimé pouvoir goûter une dernière fois à un de ses baisers. Ils rendraient un peu trop accro. Et c'était justement à cause de ça que j'avais tout fait pour éviter de recroiser sa route. J'étais contre ce genre d'addictions.

- Maintenant tu me crois quand je dis que Elliot est un tordu?

Changement de sujet activé. Avant d'y passer, ça serait cool aussi que quelqu'un soit de mon côté pour une fois concernant le Girafon. Histoire d'avoir une petite victoire. Et qu'enfin je sois pas la seule à me rendre compte qu'il était complètement taré, dangereux et pas bien dans sa tête. Il avait dû être bercé trop prêt du mur quand il était petit, je voyais pas d'autres explications.

Je fermais les yeux, tandis que Christine la bagnole Mamie continuait à tracer sa route sans qu'on sache où elle allait. L'odeur de brûlé était de plus en plus fort et les lumières ne cessaient pas de clignoter. Les fiches lumineux sur le tableau de bord arrêtaient pas de changer, mais de toute façon je comprenais pas leur signification. Alors je me contentais de fermer très fort les yeux pour pas voir ce qui allait se passer. Et à l'aveuglette, j'allais chercher la main de Jules pour la serrer dans la mienne. Bah quoi? Pourquoi pas?

À peine mes doigts s'étaient refermés sur sa main qu'un flash lumineux avait éclairé mes paupières closes, qu'il y avait eu un désagréable bruit de crissement de pneus et qu'il avait tout à coup fait très chaud dans la voiture. Pas non plus comme dans un sauna, mais c'était pas super agréable. J'eus du mal à respirer à peine une micro seconde mais au bout d'un moment je pu remplir mes poumons d'air. Ce qui voulait dire que j'étais pas morte.

Ça voulait dire que je pouvais ouvrir les yeux maintenant, non? J'osais soulever une paupière mais je regrettais aussitôt. Cette fois, je me mis à hurler quand un mur apparu comme par magie se rapprocha à toute vitesse. J'eus le réflexe de tourner le volant pour essayer de modifier la trajectoire mais de nouveau la voiture refusa d'obéir. Je donnais de violent coups de pieds dans la pédale de frein mais elle non plus voulait pas nous laisser en vie. Quelle connasse!

J'eus le souffle coupé quand la voiture freina soudainement. Ma tête frappa le volant et je sentie le goût désagréable du sang sur ma langue. Merde, j'avais dû me mordre quand Christine s'était arrêtée à quelques centimètres à peine du mur. Apparemment elle voulait pas qu'on meurt. Pas encore.

- Tu vas bien ? Ça va? Tu t'es pas fait mal?

J'avais pivoté sur mon siège pour vérifier que Jules était en bon état. Et il avait l'air de l'être. Je laissais échapper un soupire de soulagement et en fermant de nouveau les yeux mais pour cette fois savourer le fait d'être encore en vie. J'avais vraiment vu défiler ma vie devant mes yeux. Et vu le mini film tout pourri que ça avait été, j'aurai préféré par avoir à supporter ça.

- Cassons nous de là avant qu'elle décide de nous digérer.

Elle en était sûrement capable. Si ça se trouvait elle venait d'essayer de nous transformer en steak haché et elle comptait nous bouffer ensuite. Mais vu à quel point je devais avoir du sucre dans le sang, elle avait pas dû aimer le goût.

J'entrepris d'ouvrir la portière, un peu nauséeuse, en manquant de me casser la gueule quand je réussie à quitter la voiture. Ça avait été un peu trop violent. Tellement que je me rendis pas tout de suite compte que le décor avait changé. Pourtant on était en ville maintenant, le ciel était désormais ensoleillé et y avait plus de vaisseau spé pour essayer de nous exterminer. C'était quoi ce bordel encore?

- Juuuuuules!

Ok que ce qui se passait là? En entendant le hurlement suraigu que venait de pousser la rousse aux cheveux épais comme de la barbe à papa qui courait vers Jules, je me retournais d'un coup, sur la défensive. C'était un alien? Un alien femelle qui ressemblait vachement à un être humain mal habillé? Et qui se permettait de se jeter sur Jules pour le prendre dans ses bras alors qu'elle le connaissait pas? Non mais sérieusement. C'était quoi cette merde?

- Que ce qui s'est passé? Et pourquoi tu portes ce costume ridicule? Tu avais promis de te déguiser en Indiana Jones pourtant!

La fille qui était peut être un alien lui adressa une moue faussement vexée, avant d'éclater de rire et de continuer à s'accrocher à lui comme une sangsue. Je me rendis compte que je serrais un peu trop fort les mâchoires quand j'entendis mes dents grincer. C'était qui ce truc? Elle allait finir par le lâcher ou elle préférait se faire traîner par sa tignasse gonflée au possible et luisante de ce qui devait être du gel ou un truc du genre ?

- Oh Robyn! Comment ça se fait que toi aussi tu sois habillée comme ça? On devait se retrouver tout à l'heure pour essayer nos costumes ensemble enfin! D'ailleurs je ne comprends pas pourquoi vous êtes déjà déguisés. On doit être à la fête à seulement vingt heures. Et vous êtes pas un peu trop vieux pour aller faire du porte à porte comme des enfants?

Elle m'adressa un sourire taquin, comme si c'était une blague vachement drôle. Ça l'était moins en tout cas que le pull col roulé rose qu'elle portait et qui était rentré dans un jean taille haute hyper moulant.

- Attends... est-ce que c'est ta voiture? Tes parents ont enfin décidé de t'en offrir une ? C'est ton cadeau d'anniversaire en avance?

Que... Quoi? Elle allait finir par fermer sa grande gueule ou pas? Pourquoi elle me parlait de parents? Ou elle avait vu que j'avais des parents? J'en avais pas. J'étais la création d'un logiciel virtuel. Elle avait sûrement fumé un truc vachement fort. Comme de la moquette.

- Je...

J'allais dire que je comprenais pas ses conneries quand je croisais le regard de mon reflet dans l'une des vitres de la voiture qui continuait à fumer à côté de moi. Mes yeux s'écarquillèrent d'horreur quand je me rendis compte qu'il reflétait tout... sauf moi. Ou alors cette ado aux grands yeux innocents et à la mâchoire carrée avec des cheveux bruns bien coiffés... bah c'était moi. Le coeur au bord des lèvres, je fis un test et levais la main. L'ado fit pareil. Je grimaçais. Elle grimaça. Oh. Putain. Pourtant quand je baissais les yeux sur mon corps j'étais toujours pareille. Je me reconnaissais. J'étais toujours habillée en mode cow-girl. Y avait que mon reflet qui avait changé. Et j'avais l'impression que la gonzesse qui nous parlait avec un peu trop de familiarité me voyait comme ça aussi. Jules me paraissait être le même. Il était toujours lui. Mais si ça se trouvait... lui aussi il était un ado aux yeux des autres. Oh putain.

À ce moment là, comme par magie et surtout pour bien souligner l'horreur de la situation, un bout de papier s'envola dans un coup de vent et s'écrasa sur la vitre de Christine la bagnole Mamie. Quand je vis la date affichée en gros sur la page de ce journal coincé à moitié dans la portière, je me sentie mal. On était le 31 Octobre 1984. Je voulais pas me répéter mais... oh putain.



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________________________________________ 2017-11-15, 13:49

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Au crépuscule de ma première vie, les automobiles ne dépassaient pas les trente kilomètres par heure, et le vieillard que j'étais alors maudissait tous les chauffards qui circulaient à trop vive allure dans les rues d'Amiens, en manquant de renverser les piétons tranquilles et les écrivains légèrement aigris. J'avais toujours préféré le calme à l'agitation désordonnée. Bien entendu, j'appréciais les extravagances sous de nombreuses formes, et les découvertes scientifiques réclamaient forcément une certaine souplesse de ma part étant donné leur nature inhabituelle et surprenante. Tout pouvait être un réel bonheur du moment que cela obéissait à une certaine structure et cohérence.

De ce fait, me retrouver plaqué contre un siège d'un véhicule propulsé à toute allure, de surcroit sans ceinture de sécurité, ne m'amusait en aucune façon. Je savais dans quoi je m'embarquais lorsque j'avais demandé à Robyn de conduire, car je l'avais déjà vue manoeuvrer sa voiture sucrée à travers Storybrooke, et l'on ne voyait souvent qu'un nuage de fumée rose qui dispensait une agréable odeur de barbapapa, pour toute trace de son passage. Elle était aussi rapide que l'éclair. Bien souvent, lorsqu'elle était au volant, je craignais pour sa vie. Cependant, étant donné notre situation désespérée, la laisser nous guider à travers le désert m'avait semblé l'idée la plus sûre. Je le regrettais amèrement.

J'avais agrippé la protubérance de la portière et la serrais de toutes mes forces, les yeux rivés sur le chemin que l'automobile paraissait avaler sous ses roues. Tout en conduisant, Robyn ne manquait pas de maudire quelqu'un, et son identité n'était pas difficile à deviner. Mentalement, je dressai la liste de toutes les réprimandes que méritait Elliot. Non vraiment, son comportement envers nous était inacceptable.

La demoiselle me demanda comment je me sentais. Je mis un certain temps à rassembler mes pensées. Mon coeur battait bien trop vite dans ma cage thoracique.

"Vous prétendez que se déplacer à cheval est dangereux, mais que devrais-je dire de cette mécanique du diable ?"
laissai-je échapper dans un glapissement dont je n'étais pas très fier. "C'est un engin empli de fureur et de démence ! Imaginez ce qui se produirait si nous venions à percuter quelque chose ?"

Oh, miséricorde ! Pourquoi avais-je prononcé cette phrase à haute voix ? Avais-je attiré le mauvaise sort ? Je n'étais pas superstitieux, cependant à raison de vivre à Storybrooke, certains phénomènes finissaient par prendre une tournure mystique. Des lumières s'étaient mises à clignoter sur le tableau de bord. Trois cadrans de différentes couleurs indiquaient des chiffres sans aucune logique particulière. Je plissai des yeux, m'y intéressant de plus près. Concentrer mon esprit sur autre chose que notre mort imminente m'aiderait sensiblement à ne pas faire un infarctus. Le premier cadran indiquait : 10 31 2017. Cela était la façon américaine d'écrire une date. Celle d'aujourd'hui. Je voulus pousser ma curiosité en analysant les deux autres cadrans mais à cet instant, Robyn fit remarquer que le véhicule était animé d'une volonté propre. Je fermai brièvement les yeux en me mordant les lèvres. A ce stade, était-il encore utile de prier le dieu des imbéciles, j'ai nommé Elliot Sandman ?

"Oh bordel! Cette bagnole c'est Christine!"

Etait-ce vraiment primordial de baptiser l'automobile ? Désemparé, je vis la jeune femme lâcher le volant afin de me montrer qu'elle n'était pour rien dans cette folie. Le bolide fonçait à vive allure. Des étincelles parcouraient la carrosserie et les lumières à l'intérieur de l'habitacle vrombissant s'affolaient plus que jamais. Bientôt, une odeur de brûlé parvint jusqu'à mes narines. Je retins mon souffle. J'allais lui dire que j'étais profondément navré de l'avoir convaincue d'utiliser le véhicule : c'était par ma faute si nous allions perdre la vie à cause de "Christine", cependant elle fut plus prompte à parler. Ses mots me surprirent tant et si bien que je me contentai de la fixer en silence. Certes, j'aurais dû l'embrasser dans la grange. J'aurais dû le faire à chaque seconde depuis que je l'avais rencontrée.

La vitesse augmenta encore, nous plaquant davantage contre nos sièges. La pression exercée contre mes membres était telle que cela me faisait presque mal. A combien de kilomètres/heure roulions-nous ? Je ne voulais surtout pas le savoir.

A l'instant où la main de Robyn trouva la mienne, un flash aveuglant nous enveloppa. J'en restai aveuglé quelques instants, subissant la suite des évènements dans un état second. J'étais si secoué que je compris ce qui m'était arrivé une fois que tout fut fini.

Le souffle saccadé, je sentis un violent à-coup me faire avancer violemment avant de me coller de nouveau au siège. La mécanique du diable s'était enfin stoppée. Sans un mot, je rassemblai mes membres épars et tremblants pour m'extirper du véhicule. Hors de question de passer une minute de plus à l'intérieur. D'ailleurs, je ne voulais plus jamais de ma vie monter dans une automobile. J'ignorais que l'on pouvait éprouver ce genre de... sensation. Je ne savais si j'avais apprécié ou pas. L'adrénaline me laissait une drôle impression de flottement, comme si j'étais décalé dans mon propre corps. J'avais éludé la question de Robyn qui, décidément, s'inquiétait beaucoup pour moi. J'espérais qu'elle ne m'en tiendrait pas rigueur, mais je ne me sentais pas en état de parler pour l'instant.

Je fis quelques pas chancelants à côté de la voiture. Tout tournait autour de moi. Je me sentais nauséeux. Mon regard enveloppa la rue, cherchant un endroit contre lequel m'appuyer. Je finis par m'adosser au mur que nous avions failli repeindre avec notre sang. Cette perspective m'arracha un haut-le-coeur. Quelle horreur ! Ma plus grande satisfaction actuelle était d'avoir réussi à ne pas rendre mon dîner sous les yeux de Robyn. Les nausées s'atténuaient au fil des secondes.

En tous les cas, je m'aperçus très vite que je n'étais pas au bout de mes peines quand je vis une créature au charme discutable se précipiter vers moi en gloussant mon prénom. Elle m'étreignit avec chaleur et j'entendis ses grosses boucles d'oreille cliqueter tout près des miennes. Qui était-elle ? D'où venait-elle ? Etions-nous toujours dans le jeu d'Elliot ?

"Indiana... quoi ?" balbutiai-je, dérouté.

Elle éclata de rire sans me lâcher. Sa main glissa le long de ma nuque dans une caresse plutôt agréable, mais je secouai la tête, tentant de retrouver tout à fait mes esprits. Il était question d'une fête costumée et de porte-à-porte. J'en concluai donc que cela concernait toujours Halloween.

Lorsque la jeune fille rousse mentionna les parents de Robyn, je posai un regard neuf sur la pâtissière. Elle était d'un tempérament secret et mystérieux, si bien que je l'avais toujours crue orpheline. Après tout, lors de notre périple en Australie, elle avait prétendu n'avoir personne qui l'attendait, aucune famille. Dans ce cas... que croire ?

Je suivis le regard de la jeune femme et aperçus à mon tour le journal coincé dans la vitre de la voiture, qui indiquait le 31 octobre 1984. Je fronçai les sourcils. Tout ceci était de plus en plus laborieux et destructuré.

"Bon, je vous laisse les amoureux !" fit la petite rousse avec un sourire tout en levant les yeux au ciel. "Vous êtes pas drôles de ne pas m'avoir attendue, quand même ! On se voit à la soirée, alors ! Et pas de bêtises en attendant, ok ?"

Elle se mit sur la pointe des pieds pour piquer un baiser sur ma joue avant de s'éloigner avec un geste de la main.

"Etrange. Très étrange." commentai-je tout en me grattant l'arête du nez. "Vous connaissez cette jeune fille ? En tous cas, elle a l'air de... nous connaître. Ce qui est techniquement impossible, du moins me concernant. J'en déduis que nous sommes toujours dans une illusion de notre cher Elliot."

Mon ami possédait un humour des plus singuliers. Nous n'étions pas encore au bout du voyage qu'il s'acharnait à nous faire effectuer. Pour ma part, j'aurais été ravi de m'asseoir dans un bon fauteuil en savourant une boisson chaude au coin d'un feu et de laisser l'aventure derrière nous. Il y avait un temps pour tout ; l'exploration finissait par me lasser, surtout avec ma récente expérience dans une automobile infernale.

Subitement, je remarquai des bonbons gélifiés sur le sol. Ils avaient la forme de petits crocodiles de différentes couleurs. Je les désignai à Robyn, suspicieux, et remarquai qu'ils avaient été disposé de sorte à former un chemin. Je croisai le regard de la jeune femme, dubitatif. Cela sentait le piège à plein nez.

"Je pense qu'il serait plus prudent de ne pas emprunter cette voie toute tracée." songeai-je à haute voix. "Cependant, si nous voulons terminer le jeu et quitter cet endroit, il me semble que nous n'ayons d'autre choix."

Y avait-il seulement une chance de finir cette partie hasardeuse sans aucun fil conducteur susceptible de nous guider ? A vrai dire, je comptais surtout sur le fait qu'Elliot se lasse et nous en fasse sortir de lui-même. Espérons que cela se produirait vite.

Joignant le geste à la parole, je commençai à avancer en suivant les sucreries gélifiées sur le trottoir.

"Qu'importe ce qui se trouvera au bout du chemin, je serai là pour vous embrasser." affirmai-je d'un ton très sérieux à Robyn qui marchait à mes côtés.

Je clignai des yeux, m'apercevant de mon lapsus et corrigeai en vitesse :

"Vous protéger. Oui, vous protéger."

Inutile de préciser vers quel sujet mes pensées étaient toutes focalisées. Je me repassai mentalement le moment dans la grange, juste avant que le monde ne semble s'écrouler autour de nous. Quel imbécile avais-je été ! Je réfléchissais beaucoup trop et n'agissais pas suffisamment vite. Evidemment, je n'allais pas réitérer l'expérience en pleine rue sans aucun motif. La magie du moment était passée. Il me faudrait en attendre un autre.

Les bonbons nous menèrent jusqu'à une maison de forme allongée et plutôt basse de plafond, de style américain sans aucune personnalité particulière. J'estimais que ces demeures sans âge n'avaient aucune âme. Elle semblait de plein-pied et les parois extérieures étaient en partie en bois. Elle était proche d'une forêt. Une fois à proximité du perron, je cherchai la main de Robyn à tâtons et murmurai, à l'instant où mes doigts se refermaient sur les siens :

"Tout va bien se passer."

J'ignorais ce qui se trouvait à l'intérieur, mais j'étais bien décidé à affronter ce qui s'y cachait. Mon autre main s'était posée sur le revolver à ma ceinture, bien que l'idée de m'en servir me répugnait. La mâchoire contractée, je lâchai mon arme une seconde, juste le temps d'appuyer sur la sonnette de l'entrée. Des bruits de pas à l'intérieur. Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines et mes doigts agrippèrent le revolver, hésitant à le dégainer.

La porte s'ouvrit dans un léger grincement sur une femme entre deux âges. Un sourire fendit son visage en nous voyant.

"Robyn ! Je pensais que tu étais à la fête de Nancy ! Chéri, Robyn est là !"

Elle ouvrit davantage la porte, révélant un homme qui portait le même genre de chapeau que moi. Il avait l'air beaucoup moins commode que sa femme. Il nous adressa un bref signe de tête avant de me fixer avec une intensité destabilisante.

"Oh, Jules je suppose ?" fit la femme brune avec un sourire espiègle. "Notre fille nous a tellement parlés de vous ! Tu as raison ma puce, il est très beau garçon !" ajouta-t-elle à Robyn sur le ton de la confidence.

"Joyce, tu nous gonfles quand tu fais ça." grommela son mari derrière elle.

Elle fit un geste désinvolte de la main en riant un peu et s'effaça de devant la porte.

"Ne restez pas plantés là, voyons ! Entrez ! Je suis contente de vous rencontrer enfin !"

Le regard qu'elle posa sur moi était beaucoup plus chaleureux que celui de son mari, aussi j'acceptai l'invitation et entrai, entraînant Robyn avec moi, même si je sentais une certaine réticence dans sa main et son bras. J'en profitai pour enlever la main de mon arme et ôter mon chapeau.

"Moi de même, chère madame."
déclarai-je en me retenant de justesse de m'incliner devant elle comme l'indiquait l'usage à mon époque. "A présent, je sais d'où votre fille tient sa très grande beauté."

Avec un sourire charmé, la dénommée Joyce leva les yeux au ciel avant de glousser légèrement. Son mari s'éclaircit la gorge et je jugeai opportun de ne pas le laisser de côté. Il fallait me faire apprécier des deux protagonistes. Cela était extrêmement important. Aussi m'approchai-je de lui et lui tendis ma main libre.

"Monsieur, je suis enchanté de faire votre connaissance."
dis-je d'un ton profondément humble et calculé.

Il observa ma main quelques instants, les yeux toujours plissés, puis me répondit sans la serrer :

"Je t'ai à l'oeil, gamin."

Un sourire crispé accueillit sa réplique. Le jeu se corsait. Il ne serait pas facile à amadouer. Je ne me sentais pas menacé pour autant. Joyce vint à la rescousse en glissant une main dans le dos de son mari et en expliquant :

"Il est un peu à cran depuis que notre fils a disparu l'an dernier... dans les bois."

Son ton avait été incertain, comme si elle avait hésité sur les circonstances de cette disparition. Je haussai un sourcil et elle poursuivit :

"Heureusement, nous avons fini par le retrouver, mais Jim est du coup très protecteur avec nos enfants. Nous le sommes tous les deux, vous comprenez ?"

"Parfaitement. Mais soyez sans crainte : je protègerais votre fille au péril de ma vie." assurai-je d'un ton bienveillant.

Le mari émit une exclamation déplaisante du bout des lèvres.

"J'ai eu seize ans moi aussi. Je sais ce que les gamins dans ton genre ont derrière la tête."

Cette fois-ci, je fronçai les sourcils. Pourquoi me considérait-il comme un adolescent ? C'était curieux. Puis, mon regard fut brièvement attiré par mon reflet dans la vitre du buffet qui se trouvait là. Vertuchou ! Dans mes atours d'homme de l'Ouest sauvage, je ressemblais à un adolescent déguingandé. Fort heureusement, j'étais déjà charmant à cet âge. A mes côtés, Robyn avait également rajeuni : ses joues avaient davantage les rondeurs de l'enfance et étaient encadrées par d'épais cheveux bruns. Je ne pus m'empêcher de penser qu'elle était incroyablement saisissante malgré son air changé. Ainsi, nos reflets étaient différents de la réalité car lorsque j'observai la jeune femme, elle fut de nouveau blonde.

"Les garçons ne sont pas tous comme ça !" glissa Joyce à l'oreille de son mari. Puis, lui tapotant la chemise, elle ajouta à haute voix à l'adresse de Robyn, toute guillerette : "Et si tu lui montrais ta chambre le temps que le dîner termine de cuire ? Je ne sais pas si ton frère se joindra à nous. Il est parti chercher des bonbons avec ses copains."

Avec un dernier sourire, elle fit pivoter son mari sur ses pieds et le força à s'éloigner en sa compagnie dans la cuisine. J'attendis qu'ils soient partis pour me tourner vers Robyn.

"Je les aime bien. La partie risque de s'avérer plus difficile avec votre père, mais je ne désespère pas de me faire apprécier de lui."

Je me penchai vers elle afin d'ajouter à voix basse, mes yeux plongés dans les siens :

"J'ai parfaitement compris qu'ils ne sont pas vos véritables parents, mais nous devons faire comme si afin de terminer le jeu."

Je lui adressai un sourire encourageant et désignant le couloir du menton, je lançai d'un ton désinvolte :

"La chambre ?"

Je n'y voyais là aucun sous-entendu particulier. Après tout, l'invitation avait été donnée par Joyce. Qui plus est, nous ne pouvions être en retard pour le dîner. Il était simplement question de visiter la pièce. Peut-être y avait-il des éléments afin de nous faire avancer dans ce nouvel endroit ? Curieusement, cette aventure prenait un tournant palpitant, avec de la nourriture à la clé. J'étais comblé.


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________________________________________ 2017-11-20, 17:11


Upside Down & Inside Out

J'avais l'impression d'être coincée dans "Jumanji". Pour que tout ce merdier cesse, fallait finir la partie. Et ce même si y en avait ras la marmelade. J'étais fatiguée, énervée, en jupe et en plus je crevais la dalle. Ah et j'avais aussi failli mourir dans une putain de bagnole à la con. Vu le nombre de fois où j'avais insulté Elliot dans ma tête, il avait toujours pas capté avec ses antennes divines qu'il fallait nous faire sortir de là? Non?

Eh non. C'était reparti pour un tour. Youhou. La prochaine étape c'était quoi? Un crocodile géant en gélatine allait essayer de nous bouffer dans un marécage? Probablement. Et j'en avais bien trop conscience pour avoir envie de suivre le chemin à l'aspect délicieux qui était apparu sur le sol des années 80. Putain, en plus il gaspillait des centaines de bonbecs! Le respect des sucreries, ça lui disait quelque chose ?

- Mouais. J'ai pas envie... mais mouais.

Renfrognée et de mauvaise humeur, je me mis aussi en marche pour suivre Jules. J'aurai très bien pu rester plantée là et refuser d'entrer dans le délire d'Elliot. Mais j'avais plus la force, ni l'envie, de me lancer dans une rebelion et surtout une bouderie qui me demanderait trop d'énergie. Ou alors c'était que j'étais en train d'enfin devenir mature et que je me rendais compte que bouder c'était pour les sales gosses. J'espérais que c'était pas ça.

Je manquais de me prendre un lampadaire quand Jules se trompa de verbe. J'avais été trop occupée à le fixer avec de grands yeux façon lapin prit dans les phares d'une bagnole pour remarquer que je fonçais droit sur un obstacle. Je réussis à l'éviter à la toute dernière seconde, évitant au passage un nouveau moment de pur gêne comme y en avait tant dans ma vie depuis quelques temps. On était en vie, hein. Du coup maintenant je regrettais tout ce que j'avais dis quand j'avais cru qu'on allait crever à cause de Christine. Pourquoi fallait toujours que j'ouvre ma gueule pour dire ce que j'avais sur le coeur au lieu de voir ma vie défiler devant mes yeux comme tout le monde?

Heureusement, à la fin du chemin, y avait juste une maison. Intérieurement, je soupirais de soulagement. Sûrement que ça serait comme pour la version cow-boy. On entre dedans, on change de fringues, on explose la tête d'un gamin démoniaque abordant un magnifique mulet sur la tête. Ça, ça allait encore. Je savais à quoi m'attendre et du coup j'étais prête à choper la première arme potentiel que je trouverais dans un coin de la pièce.

Mais... pourquoi on sonnait? Pourquoi on entrait pas directement? Et puis pourquoi Jules me tenait la main? Fallait que je m'inquiète? Y avait un détail que j'avais zappé? C'était quoi encore ce merdier? Pourquoi quand je paniquais fallait toujours que je me pose à moi-même autant de questions?

Quand la porte s'ouvrit, elle dévoila aucun monstre, aucun gamin, aucun piège mortel. Rien de tout ça. Juste une femme et un homme pas tout jeunes. Des gens qui avaient l'air vachement contents de nous voir. Des gens qui me parlaient avec un peu trop de familiarités. Des gens qui avaient l'air de me prendre pour leur...

Oh putain.

J'essayais de rester sur le pas de la porte, mais Jules m'entraîna avec lui à l'intérieur. Et vu qu'il avait vachement plus de muscles que moi, je pouvais pas trop lutter. J'avais même pas essayé de retirer ma main de la sienne en fait, pour pouvoir me barrer en courant dans les bois, loin de ces malades qui se prenaient pour mes "parents.". Parents. Rien que penser à ce mot mettait mon pauvre coeur dans tout ses états.

Dans cet espèce d'univers alternatif, j'avais donc des parents. Ils s'appelaient Joyce et Jim. J'avais aussi un frère qui avait disparu. Ah et ils pensaient que Jules était mon copain. D'accord. Très bien. Pourquoi pas. Hum hum.

- Voui.

C'était tout ce que j'avais réussi à articuler d'une petite voix quand ma "mère" m'avait proposé d'emmener mon "copain" dans ma chambre. J'arrivais pas à m'empêcher de les fixer longuement, d'un air un peu béat, à essayer de rechercher des similitudes entre eux et moi. J'étais pas vraiment leur fille, ils existaient pas, mais... y avait un truc. Je pouvais vraiment passer pour le gamine. C'était juste terrifiant.

Dès qu'ils disparurent je me sentie... absolument pas mieux. C'était comme avoir de la fièvre. Mais en pire. Je me forçais quand même à reprendre un minimum mes esprits et à faire des phrases complètes au lieu d'une espèce de syllabe pas très distincte.

- Voui.

Ouais. Non. Apparemment dès qu'on me proposait d'aller dans ma chambre ça me réussissait pas. Je secouais la tête, pris une grande inspiration, priais le dieu des oréos pour que tout se passe bien et passais devant Jules en essayant d'avoir l'air désinvolte et pas du tout dans tout mes états.

- Je veux dire... Ouais. La chambre. Logique.

Félicitations Robyn! T'as réussi à prononcer deux... quatre... six... Six mots en plus! Ce fut donc avec un vocabulaire un peu plus complet que je me rendis jusqu'au fond du couloir, devant une porte sur laquelle étaient collés des lettres colorées formant mon prénom. Elles étaient abîmées, comme si elles étaient là depuis un bon paquet de temps. Depuis seize ans, sûrement. Avec une légère appréhension, je posais ma main sur la poignée et l'abaissais avec une délicatesse peu habituelle dessus pour révéler "ma" chambre.

- Si tu te poses la question, ma vraie chambre d'ado à jamais ressemblé à ça.

En même temps, j'avais grandi dans un orphelinat, donc niveau personnalisation c'était pas le top du top. Mais si j'avais pu refaire la déco... Nop. Ça aurait jamais été comme ça. Les murs étaient recouverts d'une couche de peinture rose pâle, d'après ce que je pouvais en voir. C'était difficile de savoir, vu que quasi partout un poster avait été punaisé. Non mais quand je disais partout, c'était vraiment partout. Y en avait même un à l'arrière de la porte, au dessus du lit, à quelques millimètres du sol... Apparemment, j'aimais les films. Surtout ceux d'horreur. Y avait The Thing, la gueule grande ouverte du Requin des Dents de la Mer... Ah et j'avais aussi l'air d'avoir un crush pour Indiana Jones. Harrison Ford avait une place de choix sur le mur prêt de mon lit. Lit qui était lui couvert de peluches plus niaiseuses les unes que les autres. Y avait carrément un ourson. Un. Ourson. Bordel.

- Bon bah... fais comme chez toi.

J'allais m'asseoir sur la chaise qui faisait face à une jolie coiffeuse en bois blanc, pas du tout girly à souhait. Sur le bord de la fenêtre, une stéreo trônait fièrement, juste à côté d'une étagère pleine à craquer de cassettes audio. Donc la moi des années 80 et qui avait seize ans fantasmait sur Indiana Jones et écoutait du vieux rock dans sa chambre en se brossant les cheveux. Eh bah dit donc.

- Tu peux t'asseoir sur... "mon" lit. C'est ça ou le sol donc t'as pas beaucoup de choix, de toute façon.

J'aurais peut être du poser aller poser mes fesses sur mon matelas, mais j'avais pas du tout envie. Ça aurait fait trop bizarre. Surtout que c'était mon lit, mais qu'en fait non. Je me voyais mal m'asseoir dessus comme si c'était vraiment le mien.

- On va faire quoi? Manger avec mes... Avec ces gens? Je sais qu'ils sont supposés être mes parents, mais c'est pas trop spé? Moi je pense qu'on devrait se casser de là. Ça va forcément partir en vrille à un moment. Ça se passe toujours comme ça.

Je voyais pas en quoi ça serait différent cette fois là. Alors ouais, le Jim et la Joyce ils avaient l'air vachement sympa. Mais il leur faudrait combien de temps pour se métamorphoser en monstres dégueulasses qui voudraient nous bouffer?

- Mais en attendant, évite d'essayer de charmer mes parents! Je sais qu'on est supposés faire semblant mais t'es pas du tout mon copain donc arrête de vouloir te faire bien voir par eux! C'est juste... méga malaisant!

Avec une grîmace, je secouais la tête pour essayer de me débarrasser de l'image de Jules en train de faire des petits sourires charmants à ma "mère", pendant que mon "père" à côté avait envie de le défoncer. C'était yerk. Yerk yerk yerk! Je savais pas trop ce qui était le plus "yerk", mais c'était "yerk" quand même.

- J'ai l'air de plus tenir de lui en tout cas... On doit avoir le même caractère de merde. C'est dingue quand même. D'avoir des parents, je veux dire. J'en ai jamais eu. Pas de père, pas de mère. Rien. Et là... j'ai une vraie famille. J'ai pas vécu à l'orphelinat. J'ai une chambre. Une chambre à moi! C'est qu'une illusion, mais quand même. Si ma vie avait vraiment ressemblé à ça, elle aurait merveilleuse.

Elle aurait été parfaite, même. Joyce avait l'air d'être une mère aimante et surprotectrice. Jim, c'était le père bourru et qui veut pas qu'on s'approche de sa fille. Ils étaient des clichés. Mais ça aurait pas été si mal de les avoir eu pour vrais parents. Mon existence aurait été vachement moins triste.

- Je me demande à quoi ressemble mon frère. J'espère que je suis l'aînée. J'ai toujours rêvé de martyriser un petit frère. Ça doit être super cool comme expérience.

Et pas cool pour lui, mais on s'en foutait de son avis. Si ça se trouvait, celui que j'avais dans le laser game était plus grand que moi, pesait le double de mon poids et me foutait des torgnoles dès que nos parents avaient le dos tourné.

- Dis...

J'avais à peine ouvert la bouche pour lui poser une question des plus innocentes quand la porte s'était ouverte d'un coup et avec tellement de force qu'elle avait frappé violemment le mur. Les yeux comme des donuts, je fixais mon faux paternel qui avait l'air d'un ours sur le pas de la porte, les mains sur les hanches et les yeux lançant des éclairs. Son expression s’adoucit très légèrement quand il se rendit compte que moi et Jules étions pas en train de faire des trucs chelous. Non mais il avait cru quoi? Que dès qu'on avait fermé la porte derrière nous on s'était l'un sur l'autre pour se rouler des pelles?

- Mouais. Je préfère ça. Y a intérêt à avoir un mètre de distance entre vous pendant toute la soirée. Voir même deux.

C'était à ce moment là que j'étais supposée rouler des yeux et soupirer avec force pour lui faire comprendre mon agacement? Je l'aurai bien fait pour tester, mais quand mon "père" se rendit compte que Jules était un peu trop proche de mon lit, ses yeux se remirent à briller d'une lueur assassine. Dans le genre "Je vais t'étouffer avec un ourson en peluche et découper ton corps avec une hache avant de t'enterrer au fond du jardin".

- Vous faîtes quoi?

Ça se voyait pas? Pourquoi il était à ce point suspicieux? C'était un truc de dingue quand même ! Je savais pas qu'on pouvait être à ce point parano?

- Bah on discute.

- Vous discutez...

Il hocha lentement la tête, sans lâcher du regard Jules. Il essayait de l'intimider, les machoires serrées et le torse gonflé. D'un certain côté, c'était mignon sa façon de me surprotéger. Du moins quand c'était à petites doses.

- Je veux que cette porte reste ouverte.

Sa grosse main se posa sur la poignée, tandis qu'il continuait à éclater mentalement mon "copain".

- Et pourquoi?

Bah ouais, pourquoi? Je sentais que j'étais une ado rebelle, qui se laissait pas faire et qui tenait de lui le caractère explosif et l'air bourru. Donc logiquement, fallait que j'ouvre ma gueule aussi.

- Comment ça, pourquoi?

Il avait effectivement l'air habitué à ce que je lui réponde, vu sa façon très calme de poser sa question. Bordel, je plaignais ma "mère". Est-ce qu'on était du genre à s'entretuer entre deux repas de famille?

- On a fermé la porte parce qu'on voulait un peu plus d'intimité. Je vois pas pourquoi faudrait qu'on la laisse ouverte. Toi et maman êtes pas obligés d'assister en direct à nos conversations. Ça vous regarde pas.

Waouh. J'avais appelé ma fausse mère Maman. C'était sorti méga naturellement en plus. Je m'en inquiéterais plus tard, quand mon père serait plus en train de bouillonner intérieurement. Il avait à peine cillé, et vu que son poing s'était resserré sur la poignée, je comprenais pourquoi. Il devait être en train de lutter intérieurement pour pas exploser. Je faisais cette tête là quand je me retenais pour pas gueuler ou frapper quelqu'un?

- La porte reste ouverte. Si tu approuves pas mes règles, ton petit copain peut toujours s'en aller. Mais tant qu'il reste là, cette. Porte. Reste. Ouverte. Tu m'as bien compris?

Ok. Là il exagérait. Mais alors sévère. C'était même carrément trop pas juste! Genre c'était grave de vouloir une vie privée? J'étais en droit de pas vouloir à ce qu'ils entendent nos conversations. Ils auraient rien captés à ce qu'on disait, et sûrement qu'ils auraient pensé que j'étais en train de devenir timbrée. Je voulais pas les inquiéter pour rien. Mais là... Là il me faisait chier.

- Bon ça va? T'as terminé? Tu peux partir? Jules et moi on aimerait bien être tranquille et pas t'avoir sur le dos. Parce que tu vois, on a prévu de passer toute notre soirée à se rouler des pelles jusqu'à en avoir les lèvres gercées. C'est ça qui t'inquiètes? Bah désolée, va falloir t'y faire. C'est mon copain, donc on va pas se contenter de se regarder dans le blanc de l'oeil parce que Môsieur est pas content! Je vois pas pourquoi t'en fais toute une montage de chocolat! Je fais ce que je veux!

J'allais rajouter "je suis majeure et vaccinée" mais vu que c'était plus le cas, ça aurait juste posé problème. Alors je me contentais de soulever mes fesses de ma chaise pour me diriger à grands pas vers Jules, attraper le col de son costume à deux mains et l'attirer à moi pour l'embrasser. Et je mis le paquet. J'étais un peu trop énervée pour profiter pleinement de l'instant présent, mais je jouais à fond le rôle de l'ado qui veut dégoûter son père. Quand je finis par relâcher les lèvres chaudes de Jules, au bout d'un petit moment, je foudroyais du regard Jim qui avait l'air sur le point de faire un arrêt cardiaque. Sa main était toujours sur la poignée et son regard exprimait le bug le plus total. Toujours accrochée à Jules, je secouais la tête pour chasser les mèches brunes qui avaient glisser devant mes yeux.

Avant de pouvoir ajouter quoi que ce soit, mon paternel se remit en marche et fit demi tour avec un air un peu hagard. En laissant la porte ouverte. Waouh, ça avait marché! Effectivement, ce type avait été créé pour être mon vrai père. Les baisers nous faisaient tout les deux buguer.

- Te fais pas des plans sur la comète, c'était juste pour l'énerver. Ça a pas changé, t'as toujours pas le rôle du copain.

Je relâchais enfin Jules et m'éloignais de lui, en essayant de me concentrer sur la colère qui m'avait animé pour pas prendre conscience de mes actes. Que ce qu'on avait dit? On cède plus à l'appel de Monsieur Verne, même pas pour faire chier son père!

- Robyn? Jules? Vous venez à table?

La tête de ma mère apparue dans l'encadrement de la porte. Je vis qu'elle essayait difficilement de cacher un sourire. Même si j'avais traumatisé son mari, elle avait pas l'air en colère. Au contraire.

- Jules, je pense qu'il faudra que tu viennes t'asseoir à côté de moi. C'est pour ton bien que je dis ça.

Euh... elle avait pensé à moi? Je voulais pas me retrouvée noyer dans de la sauce parce que j'aurai été placée trop prêt d'un père qui venait de s'engueuler avec sa fille. Comment on était supposés empêcher ça? Je m'étais jamais retrouvée avec le manuel des parents entre les mains!




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________________________________________ 2017-11-26, 18:53

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Je ne savais exactement à quoi m'attendre en entrant dans la chambre de Robyn. Jusqu'à présent, je n'avais pénétré que dans sa pâtisserie et son atelier. Son logement m'était encore entièrement inconnu. J'ignorais quels étaient ses goûts en matière de décoration d'intérieur, aussi lorsque j'arrivais dans sa chambre, je me sentis observé puis espionné par les différentes personnes exposées sur les murs. Une sorte d'aventurier était affiché juste au-dessus de son lit. J'eus un léger sourire en constatant qu'il portait le même style de Stetson que moi. Je tapotai le chapeau que j'avais en main -je l'avais ôté dès mon entrée dans la maison, par respect- et m'approchai du lit pour le poser dessus, juste à côté de l'ours en peluche. Puis, acceptant l'invitation de Robyn, je m'installai au bord du matelas, les mains jointes sur mes genoux.

Je percevais la nervosité de la pâtissière, bien que nous soyions à un bon mètre de distance l'un de l'autre, et cela se confirma lorsqu'elle commença par préciser que mes attentions envers ses faux parents étaient inutiles. Je haussai un sourcil amusé en l'écoutant ajouter que nous n'étions pas un couple. Vraiment ? Ainsi, elle embrassait fréquemment des personnes sans aucun sentiment sous-jacent ? Je peinais à le croire, surtout étant donné avec quelle ferveur elle s'était défendue la fois, au sauna, où j'avais cru que Neil et elle se moquaient de moi. Mademoiselle Candy était plutôt une personne qui aimait faire l'autruche. Ses petites manies avaient un attrait adorable.

Je poursuivis mon observation de la jeune femme alors qu'elle analysait ses "parents" et sa chambre à voix haute. L'entendre parler si librement de sa condition à l'orphelinat me confirma que notre lien était bien plus profond que ce qu'elle voulait laisser croire. Puis, elle mentionna qu'elle aurait préféré avoir un petit frère. Cette nouvelle me ramena deux cent en arrière et assombrit quelque peu mon regard, même si un sourire enjoué subsistait au coin de mes lèvres.

"Etre l'aîné d'une fratrie n'a pas que des avantages."
déclarai-je, songeur. "En tant que premier né, j'ai été contraint de m'occuper de mon frère et de mes soeurs. Mon père était plus dur avec moi qu'envers les autres. Si Paul, Anne ou Mathilde l'importunaient, c'était moi qu'il tançait. Cependant, il y avait aussi des avantages : lorsque j'inventais un gadget quelconque, Paul me servait de souris de laboratoire."

Mon sourire se fit plus large alors que de nombreux souvenirs me traversaient l'esprit, comme la fois où je l'avais convaincu que le chariot avec lequel nous jouions était capable de nous envoyer sur la lune s'il courait suffisamment vite en le tirant...

"Les petits frères sont un peu trop crédules." conclus-je tandis que mon sourire s'attristait légèrement.

Je me penchai vers Robyn en l'entendant réclamer mon attention. Elle semblait vouloir me dire un secret.

A cet instant, la porte s'ouvrit brusquement. Je lançai un regard surpris au dénommé Jim Candy qui nous fixait d'un oeil suspicieux. J'allais lui signifier que ce n'était pas une façon d'entrer dans une pièce, mais me souvenant à temps que je n'étais qu'invité dans cette maison, je me tus. S'ensuivit un échange verbalement musclé entre le père et la fille. J'y assistai, incrédule et impressionné par la qualité discutable de cette joute verbale. J'avais à peine enregistré la dernières paroles de la jeune femme que je la vis se lever et se précipiter vers moi.

Je la reçus plus ou moins dans mes bras alors qu'elle m'attirait à elle pour m'embrasser avec une ferveur. Interloqué et trop heureux, je me laissai faire. L'étreinte s'éternisa moins que je l'aurais aimé, cependant elle fut suffisante pour agacer Jim. Penchant la tête vers lui, je lui adressai un regard à la foix anxieux et navré. Il donnait l'impression de vouloir frapper quelqu'un et j'avais la désagréable sensation d'être la cible de premier choix. Un petit silence tendu s'installa avant qu'il ne consente à partir, enfin.

J'exhalai un soupir soulagé et tournai la tête vers Robyn qui s'empressa de préciser une fois encore que ce baiser ne signifiait rien du tout.

"Evidemment." appuyai-je d'un ton posé.

Comment faisait-elle pour que sa bouche soit si sucrée en toutes circonstances ? Je passai subrepticement la langue sur mes lèvres et me relevai, après que la jeune femme se soit éloignée.

Joyce se manifesta bientôt en passant la tête par la porte ouverte. Oh, le dîner était servi ! Je me frottai les mains avec conviction. Je hochai la tête à son conseil. Quelle sollicitude de sa part ! Assurément, c'était une femme des plus charmantes. Elle m'adressa un sourire et s'en alla.

"Etant donné à quel point vous êtes douée en pâtisserie, je n'ose imaginer le talent culinaire de votre mère !" déclarai-je à Robyn avec une expression gourmande. "Ne perdons pas davantage de temps !"

Je m'élançai vers le couloir, mais faisant mine de me souvenir de quelque chose, je pivotai de nouveau vers la jeune femme :

"Oh, et j'ai parfaitement saisi le rôle que j'occupe dans votre vie, car vous avez le même à mes yeux. Je n'essayerai plus de me comporter comme votre prétendant, à partir de maintenant. Nous sommes seulement deux personnes appréciant mutuellement la compagnie de l'autre, mais ce, sans aucun engagement."

Je lui adressai un regard entendu et repris, toujours aussi serein :

"De toutes les façons, à quoi bon se promettre fidélité et loyauté ? Tous ces engagement sont superflus. Nous sommes dans un siècle de changement et d'audace. Soyons à son image : libertins et frivoles."

Sur un dernier sourire, je lui tournai le dos pour m'engager enfin dans le couloir. J'espérais que mes paroles porteraient leurs fruits, car je nourrissais le dessein de provoquer la demoiselle à refuser tout ceci, au lieu de la conforter dans ses idées puériles. Le temps était venu qu'elle prenne conscience de ce qu'elle ressentait vraiment.

Tranquillement, je pris place à table, à la gauche de Joyce. Deux assiettes vides me faisaient face, ce qui laissait présager que Robyn s'assiérait devant l'une d'entre elles. Un gigot trônait au centre de la table, dispensant une odeur des plus agréables, juste à côté d'un plat fumant de pommes de terre et de haricots.

"J'ai mis une assiette supplémentaire au cas où ton frère reviendrait plus tôt."
expliqua Joyce à Robyn tout en me tendant les ustensiles afin que je me serve.

Au lieu de garnir mon assiette, j'attrapai celle de la maîtresse des lieux. Cette dernière eut un sourire agréablement surpris et me couvrit de compliments. Avec le même geste affable, je voulus ensuite me saisir de l'assiette de Jim mais il la garda jalousement dans ses mains.

"Je sais me servir moi-même."
grommela-t-il avec un regard oblique.

Inutile d'insister. Je me penchai donc vers celle de Robyn et la servit à son tour. Je terminai par la mienne. Le bénédicité n'étant plus à la mode depuis des années, je me contentai de souhaiter bon appétit à tout le monde. L'atmosphère de la maisonnée était si conviviale et chaleureuse -si on omettait le nuage noir au-dessus de la tête de Jim- que j'en oubliai presque notre présence dans un jeu.

Je venais de piquer quelques haricots verts de la pointe de ma fourchette quand la porte d'entrée claqua contre le mur.

"J'suis rentrééééé !"
fit une voix masculine.

Sans doute s'agissait-il du fameux frère de Robyn. J'étais impatient de faire sa connaissance. Je me redressai sur mon siège et pivotai légèrement alors qu'il pénétrait dans la salle à manger. Mes yeux s'écarquillèrent de stupéfaction.

"Elliot ?" fis-je, interdit.

"Oh, vous vous connaissez déjà ?" s'étonna Joyce.

"Oui... on s'est croisé à l'école." dit mon ami précipitamment.

Je le détaillai sans vergogne, me demandant ce qu'il fabriquait dans cette machination. Il était vêtu d'une combinaison étrange de couleur marron, et portait une sorte d'aspirateur dans le dos. Il posa le sac empli de bonbons qu'il tenait à la main et vint s'asseoir à table. Dans la vitre du vaisselier, je vis son reflet qui était celui d'un garçon d'une douzaine d'années. C'était ainsi que Joyce et Jim le voyaient.

"T'as de la chance de sortir avec Robyn !"
dit-il avec un grand sourire tout en s'installant à table à côté d'elle. "Ma soeur, c'est la plus cool !"

Il semblait sincère en disant cela. Je le fixai avec des yeux ronds, la fourchette toujours en l'air.

"Elliot, ça suffit. Nous aimerions terminer le jeu et rentrer chez nous."
dis-je d'un ton sévère.

Mon ami écarquilla les yeux et fis un geste de la main. Instantanément, les parents de Robyn se figèrent en plein élan, alors qu'ils mangeaient. Je sursautai puis les observai, à la fois fasciné et mal à l'aise.

"Non mais ça va pas ?"
fit-il, réprobateur. "Ils sont pas au courant qu'ils n'existent pas ! Si jamais ils venaient à l'apprendre, ils pourraient disjoncter ! Créer un monde c'est hyper difficile ! Pourquoi tout le monde prend ça à la rigolade ?"

Mécontent, il croisa les bras et me fixa.

"Vous aviez l'air de vous éclater en plus, dans la chambre. Ou dans la grange..."
précisa-t-il, un sourire narquois au coin des lèvres.

"Parce qu'en plus, tu nous espionnes ?"

Je n'en croyais pas mes oreilles. Il haussa les épaules.

"Vous êtes dans mon jeu, je peux pas faire autrement que de regarder. Bon, on peut continuer d'avoir l'air d'une famille unie ? Cette partie est trop bien, tellement que j'ai eu envie de vous rejoindre !"

Il adressa un clin d'oeil à Robyn avant de la regarder avec adoration. Tout ceci était vraiment trop étrange, mais je n'eus pas le loisir d'insister car les parents Candy venaient de se remettre en mouvement. Elliot s'était donc donné le rôle du frère de la pâtissière. J'avais comme le pressentiment que cette histoire allait très mal finir...


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