Anastasia avait une âme aventureuse. Elle avait traversé toute l'Europe du monde où elle était née simplement parce que, peut-être, sa grand-mère l'attendait à Paris. Et à écouter Axel, elle se disait qu'il lui aurait fallu bien plus qu'un peut-être et qu'un espoir pour entreprendre ce périple. Ils étaient décidément très différents et parfois la rouquine se demandait par quel miracle il s'était autant entiché d'elle. Même si la rouquine faisait parfois de gros efforts pour ne pas être "trop" honnête avec lui et préserver son innocence - des efforts rendus faciles par la maternité et la ferme volonté de la jeune femme de préserver Abigaëlle aussi longtemps que possible - Anya n'en restait pas moins fidèle à elle-même, quitte à être trop cash ou mettre les pieds dans le plat.
Chassez le naturel...
Combien de fois la jeune femme s'était-elle rendue compte de la véracité de cette vieille expression de grand-mère ?
Anastasia prit une grande inspiration et répondit franchement :
- En fait, j'aime bien voyager. Voir le monde. Changer un peu d'air. Partir de temps en temps loin de toutes ces bizarreries autour de nous, expliqua Anya avec un ample geste de la main. J'aime bien l'aventure. Mais c'est cool aussi si c'est pas ton truc, je pense. Tu fais comme tu veux.
C'était peut-être pas plus mal qu'Axel ne sorte pas trop loin de chez lui, en fait. Les circonstances semblaient tendre à le prouver, en tout cas.
La jeune femme le laissa trouver des utilités aux pouvoirs de Supergirl en opinant quand celles-ci paraissaient appropriées bien qu'elle ne soit pas spécialement claustrophobe. Anya ne broncha pas non plus spécialement quand Alex mentionna une certaine Alice qu'elle ne connaissait manifestement pas. Le jeune homme avait tendance à parler de toutes les personnes qu'il connaissait et partageait des anecdotes de sa vie avec une grande facilité, ce qui n'était pas du tout le genre d'Anastasia. mais elle savait écouter et n'en était pas gênée outre mesure.C'était généralement mignon. Voire déstabilisant.
Par exemple, en suggérant à Axel d’œuvre à la réinsertion des méchants, la jeune femme ne s'était pas imaginé qu'il ait arrive à parler une nouvelle fois de faire des câlins aux gens. Mais apparemment tous les chemins menaient aux câlins avec lui. De plus, sa technique, quoique non conventionnelle, avait l'air d'avoir fonctionné, Anastasia devait bien l'admettre. Elle était même peut-être impressionnée qu'il ait eu le cran d'enlacer un méchant. Cela dit, peut-être qu'Axel ne reculait devant rien pour l'obtention d'un de ses précieux câlins. Toujours est-il que la rouquine le félicita :
- Bien joué. On n'utilise pas cette technique dans la police mais ça ne m'étonne pas que ce soit la tienne. Mais... juste comment... peut-être que tu pourrais être aussi un peu plus sélectif dans le choix des personnes à câliner... Même si c'est une technique de défense intéressante, ajouta un peu précipitamment la jeune femme. Y a une expression qui dit "kill them with kindness". Ca pourrait être ton truc. Enfin, elle veut pas dire de réellement tuer les gens, c'est plutôt au sens métaphorique, tu vois ?
Anya n'était pas dans sa zone de confort. Elle appréciait comme tout le monde qu'on soit gentil avec elle mais trouvait parfois que certains en faisaient trop. Parfois, la gentillesse avait quelque chose d'oppressant. Mais ça, elle n'allait sans doute pas le dire à Axel alors Anastasia changea de sujet, radicalement :
- Sinon, tu penses bientôt pouvoir sortir de l'hôpital ? Tu as déjà des projets pour après, pour reprendre le cours normal de ta vie ?

- Quand je voyage je donne le nom de famille de mon... fiancé, se décida finalement Anastasia, qui trouvait toujours un peu étrange de se définir comme telle alors que, dans les faits, ils étaient fiancés depuis des années.
Et ils n'avaient pas encore sauté le pas de l'officialisation par le mariage alors que Dimitri était très à cheval sur les convenances. En soi, c'était particulièrement ironiques, mais les circonstances de ce délai l'étaient également. Et la rouquine ne comptait pas en discuter avec Axel alors elle recentra son attention sur ce dont elle voulait parler :
- ... J'utilise son nom de famille parce que dans l'Histoire de ce monde il y a eu une Anastasia Romanov assez connue qui est morte en 1917 et que j'ai pas envie qu'on me pose trop de questions. Mais sinon c'est sympa de voir le monde. Toi tu n'aurais pas ce souci. Si tu ne racontes pas aux gens que tu es en fait un bonhomme de neige, je pense que les gens pourraient t'apprécier.
Pas tous, nuança mentalement Anya. Certains seraient probablement exaspérés par lui mais on ne pouvait pas plaire à tout le monde. C'était normal, dans n'importe quel endroit.
- Y en a même qui s'en ficheraient probablement que tu sois un ancien bonhomme de neige, mais par principe, quand on sort de Storybrooke, on ne parle pas de qui nous étions avant. C'est plus sûr, poursuivit Anastasia, pour qu'Axel n'aille pas s'imaginer que les terriens soient totalement hermétiques à la magie.
Il y en avait et la grande majorité des Hommes hors de la ville en faisait partie. Mais pour ce qu'elle en savait, certaines personnes se revendiquaient encore, en 2020, d'un couvent de sorcellerie ou pensaient que les fées existaient. Alors dans l'absolu, tout était possible. C'était plutôt une histoire de probabilité et de sécurité.
Les câlins aux malfrats aussi avaient peu de probabilités de bien se terminer mais la rouquine était heureuse de voir qu'Axel pouvait parfois les défier. Dans tous les cas, Anastasia ne comptait pas encourager sa manie des câlins à outrance et se contenta d'opiner. C'était bien qu'il puisse intérioriser une partie de ce besoin et s'en défaire pendant la nuit.
La jeune femme laissa donc le sujet mourir et adressa un sourire contenté quand Axel embraya sur sa future sortie. Deux jours ça passerait vite, surtout pour une personne aussi avenante qu'Axel qui devait entretenir la conversation avec tout le personnel soignant qui passait dans sa chambre et, surtout, ne râlait probablement concernant la nourriture qu'on lui apportait. Il faisait sans doute un excellent patient. Mais ce n'était pas une raison pour qu'il revienne trop souvent à l'hôpital quand même.
Normalement, en s'occupant de ses carottes et de sa boutique comme il l'annonçait, révélant un sens des affaires que la rouquine ne lui soupçonnait pas, il ne devrait rien lui arriver alors Anastasia l'encouragea dans sa démarche :
- Ca te fera bien de revenir à la normale de ta vie. Je suis sûre que tes glaces auront manqué à tes clients qui reviendront très vite dès que tu rouvriras. Tu vas voir, le manque à gagner va vite disparaitre, assura Anya qui n'était pourtant pas commerçante et n'en savait donc en fait rien.
Elle essayait sans doute juste d'être optimiste et sympa, mais ce n'était pas dans ces domaines qu'elle excellait le mieux.
- Tu pourras poster une annonce d'embauche sur les réseaux sociaux et mettre une affiche sur la porte de ta boutique. Ca devrait fonctionner pour agrandir ta boutique. Il y a peut-être même des commerçants pas directement concurrents qui accepteraient de prendre ton affiche et de la diffuser, nota Anya en songeant à Amelia Peters qui, pour le coup, s'y connaissait comme personne en gentillesse.

Anastasia se trouva prise au dépourvu par la question d'Axel. Elle qui n'aimait pas parler d'elle plus que ça, elle était bien servie à devoir comparer ce qu'il appelait les différentes versions de son personnage. Anya se mordit donc la lèvre inférieure et réfléchit, cherchant comment fournir une explication satisfaisante, capable de couper court à ce sujet qui lui prenait déjà la tête par avance sans être toutefois trop cassante. Ca ne se faisait pas avec une personne dans un lit d'hôpital. Et puis, c'était un peu de sa faute si Axel posait la question puisque c'était la rouquine qui avait lancé le sujet.
Des fois elle regrettait de ne pas peser davantage ses mots.
- Il n'existe qu'une seule moi, commença calmement la jeune femme. Je ne considère pas la Anastasia Romanov de ce monde comme une copie ni un double. C'est juste... une personne qui s'appelait comme moi, qui est morte tragiquement il y a plus de cent ans mais qui était connue car aussi fille de tsar. D'où mes précautions quand je voyage hors de Storybrooke. Je ne lui ressemble même pas, d'ailleurs. Y a des photos dans les livres d'Histoire, précisa Anya au cas où Axel souhaiterait vérifier par lui-même. L'autre... c'est une fiction, c'est tout. Un personnage animé n'existe pas réellement hors de son œuvre. Ils sont juste bien tombés sur certaines choses, conclut la jeune femme en haussant les épaules.
Abigaëlle verrait peut-être ce dessin animé et il était fort possible qu'elle tombe sur l'homonyme de sa maman dans les livres d'Histoire, mais ce ne serait pas parce que sa mère aurait cherché à ce que cela arrive. Mais ça arriverait, elle en était presque certaine. Et quand ça arriverait elle mettrait un point d'honneur à établir la différence qui s'imposait.
Anya préféra chasser cette pensée de son esprit et fut bien contente qu'Axel lui en donne l'occasion.
- Tu n'es pas un idiot, répliqua-t-elle plus franchement qu'elle n'avait pensé sortir ce constat. Tu es un peu naïf et tu fais sans doute trop confiance aux gens mais ça ne veut pas dire que tu es idiot. T'es juste... gentil. C'est plutôt bien, évite seulement de te faire avoir.
Anastasia ne cherchait pas à devenir le mentor d'Axel. A la vérité, elle n'avait pas vraiment le temps pour ça - ni l'envie et probablement pas non plus la patience. Mais elle se demandait si les proches d'Axel lui avaient déjà dit toutes ces choses et puisqu'elle en avait l'occasion, elle le faisait.
- Oui, approuva la rouquine quand le grand blessé aborda, justement, sa trop grande notion de la gentillesse, évite d'offrir tes glaces à tout le monde. Tu gères un business, pas une ONG.
Anya marqua ensuite une pause, réfléchissait à la possibilité de mentionner la nécessité d'apprécier les câlins. C'était sans doute mieux pour son futur salarié s'il les appréciait et peut-être que Storybrooke était plus laxiste concernant la discrimination dans les offres d'emploi. Anastasia, de toute façon, avait déjà un travail très satisfaisant et ne postulerait pas. Alors en ce qui la concernait ça lui était bien égal.
- C'est ta boutique, je suppose que tu peux mettre cette précision en fin d'annonce, décréta-t-elle finalement. Pense quand même à garder une relation professionnelle avec ton futur salarié. C'est bien d'embaucher quelqu'un qu'on apprécie, c'est même mieux, mais il faut aussi savoir garder une certaine distance professionnelle. Tu veux embaucher un employé, pas un nouveau meilleur ami, tu vois ce que je veux dire ?

HJ : Une réponse chacune pour conclure ? Je pense qu'on commence à faire le tour...

- Bonne chance dans ta recherche de salarié, alors, conclut Anastasia qui avait senti que la conversation allait vite commencer à tourner en rond et la mettre mal à l'aise.
La jeune femme n'était pas une grande oratrice, il y avait des gens ou des situations face auxquelles elle ne savait pas quoi faire et n'avait pas envie que sa visite à l'hôpital en devienne une. D'un point de vue purement égocentré, la rouquine avait fait sa bonne action et ça lui avait fait plaisir. Mais maintenant elle avait également d'autres choses à faire et Axel avait besoin de se reposer - il commençait à en manifester quelques signes, même s'il n'avait rien dit.
- Bien, je vais y aller, je pense. On a fait le tour, je suis rassurée de voir que tu vas bien mais je pense que tu as quand même besoin d'encore un peu de repos et puis j'ai du travail, de toute façon.
Anya fit quelques pas en direction de la porte, pas tout à fait à l'aise, se demandant si elle n'oubliait pas de dire quelque chose avant de partir. Finalement elle se tourna une nouvelle fois vers le lit et son patient et reprit :
- On aura sans doute l'occasion de se croiser prochainement, de toute façon.
Et sans attendre davantage, la jeune femme quitta la chambre, en refermant la porte un peu brusquement. Elle prit la direction de la sortie le plus rapidement possible, sans regarder derrière elle. Une fois dehors, elle se sentit comme soulagée de ne plus être à l'hôpital et se pressa pour retrouver travailler.

Fin