"Et tu vois, je sais pas trop quoi faire comme véranda. Faudrait un truc qui colle avec mon intérieur. Classe et sobre. Et en même temps, je voudrais un truc un peu déjanté comme chez Cara Delevingne. Tu es déjà allé chez elle ? C'est comme tomber dans le terrier du lapin blanc et franchement..."

Karen lève les yeux de son téléphone sur lequel elle montrait des photos de véranda à Robert. Le journaliste est en face d'eux depuis un moment et elle s'en rend compte seulement maintenant. Aussitôt, elle range son cellulaire dans sa poche de veste cintrée.

"On est prêt ! Balancez la sauce !"

"Karen, comment est-ce de reprendre le rôle de Hope Bowman après Isolda Dychauk ?"

"C'était très... déstabilisant. Au début, j'ai trouvé l'idée vraiment bizarre. Je n'ai pas accepté de suite. Je trouve irrespectueux de prendre le rôle de quelqu'un. Puis, j'ai appris qu'Isolda avait décidé de quitter la série, donc je ne volais le rôle à personne. Et j'ai trouvé l'idée de changement de corps de Merida plutôt amusante. C'était original !"

"Et vous Robert, avez-vous été déstabilisé de donner la réplique à une "autre" Hope ?"

Karen hoche la tête avec un sourire mutin.

"C'est sûr : je suis très déstabilisante, comme fille. Mais je le laisse répondre quand même."

Susan m'avait conseillée une tenue classe et sobre. Du coup, en farfouillant dans ma buanderie, j'ai opté pour un costume noir, avec une chemise blanche et une cravatte. Mais en passant devant une boutique, à l'opposé de notre lieu de rendez-vous avec le journaliste, j'étais entré dedans afin d'acheter quelque chose de plus dans mon style.
« Ca a été un jeu d'enfant. Je n'ai pas été le seul interprète de Hadès, ce qui fait que je venais rarement sur le plateau. A cette époque, il était prévu qu'il soit un temps avec Aphrodite, un autre avec Hope et enfin avec Elsa. C'était confus. Je voulais qu'il ait quelque chose de fixe. Il est plus comme ça. C'est un grand enfant qui a besoin d'un certain équilibre. Après, Susan est mieux placée pour répondre à ça, car c'est elle qui a choisie notre véranda. » affirmais-je à l'intention de Karen.
« Ou tu fais l'avant d'un vaisseau. Une reproduction de celui qu'on avait dans Endgame. C'était une hyper grande baie vitrée et tu peux coller un poster de Brie sur la vitre pour faire un clin d'oeil au film. »
Le journaliste s'était mis à sourire en tentant de reprendre le cours de l'interview.
« Bien. Une tension est en train de se créer entre le chien des Enfers, la maîtresse des Enfers, le dieu des Enfers... ça va finir comment ? »
« Je n'ai pas l'impression qu'il y ait une réelle tension dans tout ça. Cerbère est tellement collé à Hadès qu'il ne pourrait pas s'en détacher. Un peu comme Rami avec... » dis-je en cherchant mes mots.
« Lucy Boyton ? » me coupa le journaliste.
« Tout le monde. Voilà, c'est ça le mot. Il est très... affectif. » ajoutais-je en hochant plusieurs fois la tête. « D'ailleurs, tu l'as invité chez toi finalement ou pas ? » demandais-je à Karen qui dans mes souvenirs avait prévu une soirée avec lui et surement Lucy si elle ne voulait pas qu'il soit trop collé à elle.

"Hum... oui on se fait une bouffe demain soir mais j'ai prévu le siège éjectable au cas où, parce que c'est le genre de gars à ramener son pyjama et planter sa tente dans le jardin."

Karen tourne la tête vers le journaliste qui semble ne plus du tout maîtriser l'interview. Elle lui adresse un sourire encourageant.

"Quelle est la scène que vous avez préféré tourner ?"

"Oh, il y en a tellement ! J'avais adoré l'épisode spécial Tokyo sans Sushis. On a tourné à Tokyo et ça a été une véritable expérience ! En plus, tout le monde était survolté sur le tournage. Bon, je vais pas vous mentir, y a des substances un peu cheloues qui ont circulé. Mais ça nous a permis de donner tout ce qu'on avait en terme de délire ! Sinon, plus récemment, j'ai adoré mes scènes avec Hugh (Jackman). C'est une personne adorable et très professionnelle. Et puis, y a pas à dire, mais physiquement, il assure ! On avait une scène de course-poursuite avec le gamin et il avait la forme ! Heureusement que j'ai de grandes jambes sinon je n'aurais pas réussi à le suivre !"

Elle éclate de rire à ce souvenir, puis pivote vers Robert.

"Je sais pas trop pour la véranda-vaisseau-spatial. Quitte à faire excentrique, j'aimerais mieux miser sur une déco à la fois classe et étrange. Je vais contacter le décorateur d'intérieur de Cara."

Elle sort son téléphone et fait mine de composer un numéro. Soudain, elle se stoppe et rit en direction du journaliste.

"Je plaisante. Je ne vais pas le faire maintenant."

Malgré tout, elle garde son téléphone en main.

J'avais laissé échapper un petit rire à la réaction de Karen, avant de croiser les bras et de fixer le journaliste. Il était là pour nous poser des questions, n'est ce pas ? Je ne voyais pas ce qui pouvait le perturber au point qu'il n'en trouvait plus ses mots.
« Bien bien... alors, vous regrettez que votre relation avec Thémis ne soit pas plus développée ? »
« Je dirais qu'en atteignant l'âge adulte, un enfant voit sa relation avec sa mère évoluer. D'abord, il en est totalement dépendant, puis il apprend à s'en détacher progressivement. En théorie du moins. Il arrive parfois qu'au lieu de suivre leur cours normal, ces rapports restent coincés à leur stade le plus primaire. Chacun se retrouve cantonné dans son rôle désigné et il devient très compliqué, voire impossible de poser des limites saines. Souvent les enfants au début de leur vie se reposent totalement sur leur mère. L'avantage de Hadès, c'est qu'il ne l'a pas véritablement connu. Et par conséquent, il a pu évoluer sans elle et je ne pense pas qu'aujourd'hui il ait réellement besoin d'elle. Ce qui lui importe c'est son shéma familial, au sens très stricte du terme. A savoir, sa femme... sa fille, son Norbert et diverses autres personnes plus importantes à ses yeux les unes que les autres. »
Le journaliste semblait plutôt satisfait de ma réponse. Je tournais la tête vers Karen.
« Indio était comme ça à l'époque. C'était plus facile avec Exton Elias et Avri Roel. » lui dis-je. « Tu devrais mettre ton portable en silencieux. On sait jamais si elle se met à te répondre... »
Car oui, du coin de l'oeil je voyais Karen tapotait sur son téléphone.
« Un mot pour qualifier votre partenaire à chacun ? » me coupa le journaliste.
« Rebelle. » répondis-je du tac au tac. « C'était facile, je sais. »
« Et vous ? » demanda t'il à Karen.

"Bwarf, t'aurais pu faire plus original." lance Karen en agitant un revers de main blasé. "Je vais répondre infernal du coup. Quoique..."

Elle croise les mains autour de son téléphone - qui n'est pas silencieux - et ajoute :

"Exubérant. Ouais, ça te va mieux. T'es toujours en train de bouger. Tu ne tiens pas en place. J'ai pas dit que c'était un mauvais truc. J'aime pas les gens trop statiques. Ca me stresse."

Elle grimace pour montrer à quel point ça la met mal à l'aise.

"Karen, vous avez été révélée par la série Doctor Who. Comment s'est passée votre intégration dans Disney RPG ? Est-ce que ça a été plus facile ?"

Elle réfléchit en tapotant son téléphone contre son menton, puis se redresse pour répondre :

"Ca a été différent. Dans Doctor Who, j'avais l'un des rôles principaux, donc je n'ai pas eu à 'créer mon trou', je l'avais d'office, si vous voyez ce que je veux dire. Sur Disney RPG, j'ai dû reprendre un rôle déjà joué. Ca a été un vrai challenge. Au final, toute l'équipe a été adorable. On m'a tout de suite mis à l'aise. Cet énergumène, en particulier."

Elle désigne Robert d'un revers de pouce.

"Vraiment, Disney RPG, c'est une grande famille. Doctor Who aussi. En fait, j'ai souvent eu la chance d'être bien entourée dès le départ. Sauf que bizarrement, à mon contact, les gens se lâchent et deviennent bizarres !"

Elle s'esclaffe.

"Si vous pouviez changer quelque chose dans votre carrière, ce serait quoi ?"

"Twilight. J'aurais jamais dû jouer là-dedans."

"On me précise dans l'oreillette que vous n'avez jamais joué dans Twilight."

"Ah mais oui, c'est vrai ! C'est Rami. Il m'en a parlé hier alors j'ai confondu."

"Donc, vous soutenez que Rami regrette d'avoir joué dans Twilight ?"

"Oh, me faites pas dire ce que je n'ai pas dit." réplique-t-elle d'un ton faussement sévère. "Je disais juste que..."

A cet instant, le téléphone de Karen sonne.

"C'est Cara. Si vous voulez bien m'excuser deux secondes."

Elle se lève de sa chaise et décroche. Puis elle disparaît du champ de la caméra, même si on l'entend toujours parler en fond sonore.

"Et vous, Robert ? Un regret dans votre carrière ?" demande le journaliste, décontenancé par le comportement de l'actrice.