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 Tell me the valor of Life » EvilTiger

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Antropy Tiger
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Tell me the valor of Life » EvilTiger _



________________________________________ 2017-08-15, 01:28


We got questions we should not ask


Septembre 2017.

Le monde s’était effondré il y a plusieurs mois déjà. Balayé. Soufflé et évincé avant même d’avoir pu renaître des cendres qui le composait déjà. Les choses étaient allées crescendo sans que je ne puisse vraiment les rattraper avant qu’elles n’arrivent. Il y avait eu les engueulades mais nous avions l’habitude, parfois je m’absentais plusieurs jours pour partir en tournée avec Stuart, et d’autres c’était lui qui s’envolais pour un congrès ou tout autre acte frauduleux. On parvenait pourtant toujours à se réconcilier, à passer à autre chose, à se compléter sous les draps ou dans de simples gestes attentionnés. Je lui faisais des crêpes et c’était comme si nous passions à autre chose. Comme si tout ceci n’avait pas de vraie importance…

Et puis il y avait eu la critique de trop. Le commentaire déplacé alors que je m’apprêtais à m’absenter pendant plusieurs longues semaines. J’avais repris la guitare et le chant, j’avais retrouvé la forme avec ma main et parvenais désormais à retrouver suffisamment de motivation pour composer et me lancer sur la route des concerts. Une vie coupée, entrecoupée, d’un côté la partie Storybrooke et Carlisle, de l’autre le reste du monde. Une vie scindée. Une vie où je me sentais bien et libres… Mais où il avait voulu me mettre en cage une fois de trop.

Je ne me souvenais plus très bien de ce qu’il m’avait dit – mon esprit avait méticuleusement enregistré ses mots mais je refusais de me les répéter – je me revoyais seulement prendre ma guitare sur l’épaule, jeter les papiers sur la table basse et passer la porte sans un regard en arrière. Lorsque je m’étais engagé dans les escaliers, Carlisle n’était pas venu. Quand j’avais atteint le rez-de-chaussée, il n’était toujours pas apparu. Quand j’avais grimpé dans le taxi, il n’avait pas pris la peine d’au-moins faire mine de s’intéresser à moi. Fier. Entêté. Prisonnier de sa propre prison. J’avais claqué la portière et, avec elle, cette vie que nous partagions jusque là.

J’aurais dû partir trois semaines. Je ne suis jamais revenu.

Les premiers soirs, je n’avais pas eu de nouvelles et je ne lui en avais pas donné non plus. Je le savais bien trop fier pour s’abaisser à m’écrire et moi trop en colère pour seulement envoyer un message. Je n’avais aucune envie de lui montrer qu’il me manquait ou que je pouvais regretter notre échange sec ; alors pour la première fois je n’ai pas fait ce pas vers lui comme les mésententes précédentes. J’ai attendu mais rien n’est venu. Et quand le temps a été écoulé, j’ai continué en prétextant à Stuart que je rien ne me retenais vraiment dans cette petite ville du Maine. Pas pour le moment, malgré Jamie, Alice, ou qui que ce soit de cet acabit… Je n’avais pas envie de rentrer ni de l’affronter. Je n’avais pas envie de me retrouver devant son visage fermé et impassible, à tenter une négociation pour qu’il consente à m’accorder un regard plus doucereux, à recommencer cette existence un peu hors du temps en attendant la prochaine fois où nos avis divergeraient. Pour une fois, il pouvait bien faire le premier pas, non ?

Les jours sont devenus des semaines. Zero nouvelles, rien, peanuts et walou. Je pouvais m’asseoir dessus à ce rythme-là ! Alors j’ai craqué, mais pas dans le bon sens du terme. J’ai finis par suivre ces personnes qui font partie d’une tournée mais dont vous oubliez parfois les prénoms – pas moi, je les connaissais tous ! Et ça avait d’ailleurs l’air de leur faire plaisir que je m’en souvienne – jusqu’à nous retrouver dans un bar à Galway. J’ai bu ce soir-là, plus que d’habitude et plus que de raison. J’ai bu et j’ai dérapé avec quelqu’un, quand elle m’a presque arraché mon tee-shirt je n’ai pas vraiment résisté et quand j’ai mordu dans sa gorge elle a poussé un gémissement si aigu qu’elle m’a rendu fou. Fou d’elle. Fou d’ivresse. Fou de colère aussi, car dans les caresses qui se noyaient dans mes cheveux j’avais la sensation que c’était lui. Qu’il était toujours là. Que nous ne nous étions pas séparés sans mot dire et que… Rien. Rien de tout ça. Rien de plus et rien de moins. Je l’ai embrassée à en avoir le souffle coupé et ma vie personnelle est devenue encore plus chaotique qu’avant.

Stuart m’avait trouvé des dates en Europe. Tout ce qu’il me proposait, je l’acceptais. Tout ce qui lui passait par la tête, je le faisais. Tout ce que nous croisions sur la route, je m’y lançais. Un jour, j’ai chanté dans un karaoke surprise où les gens payaient deux euros pour entrer et découvrir un artiste. Un autre, j’ai accepté cent euros pour animer une soirée de mariage et j’ai passé un excellent moment, en plus de goûter ce fameux vin français. Une fois j’ai participé à un festival totalement improvisé… En plein air ou dans des salles, dans des bars ou des boites de nuit, la musique me paraissait comme une délivrance à mon propre esprit qui m’empoisonnait de jours en jours. Je ne voulais penser à rien. Je ne voulais pas penser à Elena, c’était le nom de cette fille qui avait partagé plus que des baisers, ni à sa présence sur la tournée. Je ne voulais pas penser à Carlisle et à ce qu’il dirait s’il savait. Je ne voulais pas penser à tout ce que j’aurais pu faire mais que je ne parvenais pas.

Je ne l’avais fait qu’une fois. Une seule et unique fois. Et au fil des semaines je voyais le poids de cette culpabilité devenir de plus en plus visible et présent.

On avait dû rester un peu plus longtemps à Rome, Elena s’était faite hospitaliser car le rythme de vie pesait un peu trop lourd sur son organisme. Nous n’avions rien de vraiment en commun, même pas une relation. Même pas une histoire en réalité, juste quelques heures partagées dans un coin du monde et rien depuis. Nous parlions un peu plus que le reste, je la trouvais intéressante et intelligente, sans doute aurait-elle plu à Carlisle mais il se serait rapidement fait un plaisir de la manipuler à sa guise. Je grimaçai en pensant à lui, passant une main devant mes yeux en les fermant pour tenter de chasser son image de mes pensées. Les périodes où il n’apparaissait pas derrière mes paupières étaient de plus en plus longues. Je craignais d’avoir oublié les simples traits de son visage mais les photos volées que je possédais me rappelait à quel point il était beau. Terrifiant. Et ô combien j’éprouvais une rancœur coupable à son égard.

Un soir, je l’avais appelé. J’avais laissé sonner une fois puis j’avais raccroché en regrettant immédiatement d’avoir céder à la tentation. J’avais tenté de me rassurer en me disant qu’il n’avait probablement pas vu et, le connaissant, il avait de toute façon déjà dû changer de numéro de téléphone portable. Peut-être même m’avait-il oublié et était-il passé à autre chose… ça ne m’aurait pas surpris. J’avais eu un sourire triste en songeant au nombre de personne qu’il côtoyait, d’un côté comme de l’autre du globe ; j’avais tenté. Je l’avais eu. Et a présent je devais accepter que je n’avais pas compté autant que je l’avais cru. Sinon, pourquoi me laisser sans nouvelles ? Pourquoi ne même pas essayer de me rattraper, alors que je n’attendais que cela : qu’il me rattrape. Enfin.

Je fixai le fond du gobelet avec un regard vide. Je me trouvais à Berlin, au Bundeswehrkrankenhaus, en attente des résultats. En attente que quelque chose ne se passe. En attente que les portes ne s’ouvrent et que quelqu’un m’apporte une ou deux nouvelles. J’étais venu en urgence, c’était Stuart qui m’avait prévenu en personne parce que j’avais coupé mon téléphone. Je grattais quelques airs d’une guitare que j’avais abandonné en route pour me retrouver dans cette salle d’attente et le goût âpre du café dans la bouche. Qu’est-ce que je détestais cette boisson ! C’était infâme. Amer. Mauvais pour les dents et l’haleine en plus. Mais Elena l’aimait bien. Elle n’avait pas pu la boire, je l’avais fait à sa place.

Elle, elle était derrière les portes. En urgence. Et je n’avais aucune idée si elle était encore vivante ou non. Un médecin m’avait parlé dans une langue que je ne comprenais pas bien, j’avais juste saisi que c’était inquiétant et qu’il fallait que j’attende. Encore attendre. Toujours attendre. Quand un autre type en blouse bleu était arrivé, un interprète était à ses côtés pour que je puisse m’exprimer en anglais avec plus de facilités. Je me rappelais de certains mots, Thomas Shubner les avait prononcés une fois et j’en avais retenu la signification : je. suis. désolé. Ça n’était jamais bon quand un médecin vous disait une chose pareille, n’est-ce pas ? Ce n’était pas très bon signe. Au contraire, les gens se mettaient à pleurer dans les films il me semblait. Il se passa une main dans la nuque, baragouinant quelque chose à l’interprète qui hocha la tête. Celui-ci posa une main sur mon épaule et serra sans que je ne ressente vraiment son geste. Je suis désolé. Répéta-t-il.

Je n’avais pas envie de lui pardonner. Je n’avais envie de rien en fait. Un bourdonnement s’était installé dans mon crâne et j’avais la sensation que mon corps m’échappait complètement. Le fourmillement s’intensifia quand je me mis à marcher dans le couloir à la recherche de la machine à café. Du café. Je devais trouver du café. Quelque chose à boire. Quelque chose pour tenir réveillé encore un peu parce que j’en aurais besoin. J’ignorais littéralement comment je faisais pour tenir encore sur mes jambes. J’avais les doigts qui tremblaient, brûlés par le gobelet en plastique, mais je ne pouvais pas le lâcher. J’avais l’impression que cette douleur vive m’empêchait d’oublier de respirer.

Les couloirs se ressemblaient tous. Les gens se ressemblaient tous. Les soignants et tout le reste, un flou artistique de mouvements et d’aller-retours sans but précis. Et puis j’avais reconnu des chaussures. Ou plutôt, des chaussettes que j’avais moi-même choisi dans un Primark à deux dollars. Alors je m’étais arrêté et mon cœur avait cessé de battre.

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Tell me the valor of Life » EvilTiger _



________________________________________ 2017-08-20, 23:51

Tell me the valor of Life » EvilTiger 1498307234-eviltiger3 Tell me the valor of Life » EvilTiger Tumblr_nnxzo9NQzN1ron3qio1_500
That's the price of love, the price of love, a debt you pay with tears and pain. The price of love, the price of love, it costs you more when you're to blame.


Le monde avait basculé du jour au lendemain. Sans que Carlisle ne parvienne à le comprendre. Les jours étaient devenus des semaines. Des mois. Sans que jamais, Antropy ne revienne à Storybrooke. Ce n’était pas seulement de son appartement qu’il était partie, pas seulement de sa vie. C’était de toute son existence. Il avait fuit. Était parti au loin, dans cet univers qui était le sien et auquel Carlisle n’avait pas le droit de participer. Il avait tenter de lui expliquer pourtant. Tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il avait tenter de faire, ce n’était pas de l’étouffer. Les caméras étaient nécessaires. Les filatures étaient nécessaires. Les plannings, les gardes du corps, les voitures banalisées, tout cela était nécessaire ! Plus que nécessaire, indispensable ! Si il désirait demeurer en vie, ce n’était là que le nécessaire prix à payer. Ne pouvait-il donc le comprendre ? Ne pouvait-il donc le réaliser ? Était-ce donc si dur pour lui de comprendre que vivre au côté de lui était un risque de chaque instant ?…

Peut-être aurait-il du le comprendre plus tôt. Le réaliser plus tôt. Avant de… Malgré lui, Carlisle baissa les yeux, les reportant à son verre de cognac. Carlisle ne baissait jamais les yeux. Jamais. Mais il était fatigué. Si fatigué. Abattu aurait probablement été un mot plus adéquat. Si il était parvenu à être honnête, peut-être aurait-il pu reconnaître qu’il se sentait en effet plus bas que terre. Mais pour cela, il aurait fallut parler. Or Carlisle ne parlait plus depuis des semaines. Il avait bien voulu faire l’effort un temps. Mais désormais, il ne se faisait comprendre que par des gestes, secs. Sa verve et son plaisir du verbe s’étaient enfuis. Comme tout le reste.

Comme lui.

C’était aberrant de mièvrerie. Terrifiant d’imbécillité. Comment avait-il pu ne pas se rendre compte plus tôt de l’impossibilité de la chose ? L’absurdité de la situation ? Lui, avec un être tel qu’Antropy ? Ce n’était que pure stupidité. Idiotie. Il était bien supérieur à cet énergumène, bien plus adulte, bien plus, toujours plus. Tout ces mois, ces caresses inutiles, cela n’avait été que des réactions chimiques, rien de plus. Des pulsions de son corps, terrassant l’esprit pour quelques instants. Rien de plus. Absolument rien de plus. Il n’était qu’un parmi des millions et Carlisle se refusait catégoriquement qu’il est pu être en quelques façons que cela fût… Important. Trop important. Qu’il est pu… L’aimer. L’amour n’avait pas sa place dans son existence. Ce n’était qu’un sentiment vain, feint, un amas grossier de sensations et de faiblesse, des choses ralentissant le business, la mièvrerie d’un instant risible. L’amour n’était pas fait pour lui, en aucun cas. Et en aucun cas il n’avait aimé Antropy.

En tout les cas, il se devait de le répéter. Peut-être finirait-il par le croire. Peut-être cela finirait-il par faire cesser son âme de hurler quand Mère lui faisait parvenir ces magazines de papier glacé sur lesquels sa vie s’étalait. La passion soudaine de Mère pour la carrière d’Antropy n’avait rien d’anodin, pourtant, Carlisle ne parvenait pas à lui ordonner d’arrêter. A ne pas ouvrir ses paquets, semaines après semaines. Un par jour. Un par pays. Le plus de photos possible de lui et… Cette fille. Cette stupide créature aussi banale que ridicule. L’aimer ? Jamais. Il n’aimait en rien cet imbécile si heureux au bras d’une autre. Bafoué. Ridiculisé. Un peu plus à chaque jours qui passait.

Même ses sœurs avaient finit par cesser de le taquiner à ce sujet. A propos de ces accès ridicules de sentiments qu’il avait cru avoir. Il avait essayé d’aller dans leur sens un temps. Il les avait même encouragé. Moqué l’imbécile qui avait fuit, rit de sa propre faiblesse. Mais cela n’avait été que pour sombrer plus encore dans le silence et la douleur. Dans la souffrance indescriptible, à part par l’Orgue. Jamais Carlisle n’avait autant composé. Des œuvres sombres, vibrantes. Cassantes. Vives et violentes. Des morceaux sans titre, que parfois il ne prenait pas même le temps de coucher sur papier. Qu’elles sortent. Qu’il se brise les doigts sur les touches, qu’il saigne sa souffrance contre les touches d’ivoire. Qu’il se brise. Encore et encore. A jamais.

Les mois étaient devenus des fantômes. Ou bien était-ce lui même ? Carlisle n’en avait plus conscience. Déambulant dans le Manoir sans plus en sortir. Ne laissant personne y entrer, pas même les quelques amis qu’il avait ici. Se contentant de errer dans les couloirs. Cessant peu à peu de manger. De parler. D’apprécier. Quoi que ce soit. Les heures. Les minutes. Qu’importait. Plus rien n’avait de sens hormis le manque. La douleur. La condamnation à un oubli auquel il ne pouvait se contraindre. Empilant les magazines, encore. Sans fin. Sans répit, jamais. Trop doux. Trop dur. La violence d’un temps révolu dont le ressac n’avait de cesse de revenir le hanter.

Il avait fallut qu’Indiana le convainc de quitter le Manoir. Lui intime de partir. Peu importait où. Le Nigeria. Berlin. La France. Tout était bon à prendre. Tout était mieux que de le voir dépérir de la sorte. Tout valait mieux que de voir son frère devenir l’ombre de ce qu’il avait été. Carlisle était le socle. Celui auquel elles s’accrochaient. Celui dont elles avaient besoin. Celui qui ne pouvait chuter. Ne pouvait cesser la lutte. Si Carlisle cessait d’être cet être irréductible… Elle ne pourrait jamais le supporter. Jamais l’assumer. Il fallait qu’il tienne. Qu’il survive. Alors si pour cela, elle devait le confier à cet insupportable Schubner… Elle ferait la concession.

Tant qu’on lui rendait son frère.

Il avait donc émigrer. Sans prendre le temps d’oublier. Son business reposant entre les doigts fins et gantés de noir de sa sœur, il avait fuit pour l’Allemagne, où Thomas Schubner l’avait recueillit, effaré de son allure. Si rien de sa classe innée n’avait disparue, c’était les sillons creusant son visage qui avait enserré son coeur. Thomas Schubner n’appréciait pas les sœurs Evil. Pour être tout à fait honnête, il ne les portaient pas dans son coeur. Il n’avait pas cru l’effusion de peur qu’il avait cru ressentir dans le ton quémandeur de la plus âgée de la dynastie, soupçonnant une tentative de manipulation de sa part. Mais lorsqu’il l’avait aperçut sur le tarmac… Thomas avait cru son coeur devenu silencieux un instant. Cette haute stature. Cette supériorité. Tout était encore là mais ces muscles… Si saillant sous la peau. Si marqués.L’accolade qu’il lui offrit eue quelque chose de triste, d’inquiet, et Carlisle le sût. Ils eurent cependant tout deux la délicatesse de ne pas le souligner, chacun feignant d’ignorer la raison d’une telle déchéance.

La vie chez les Schubner tourna vite à la routine. Les conversations avec Katheleen lui étaient douces, souvent légères, parlant de sujets et d’autres sans jamais se centrer sur la moindre esquisse d’un sentiment ou d’une sensation. Celle avec Thomas, plus acides, avaient la capacité de le dérider par instant. Mais pour le reste, ses journées ne se composaient que de deux activités. La natation, où il aiguisa plus encore ses os et ses muscles. Et la musique. Chaque instrument composé par le luthier passa par les mains de Carlisle, interprétant des millions de mélopées, des centaines de sonates. Les murs de la villa furent souvent envahit de son talent, pour le plus grand plaisir de Thomas… Et sa plus grande peine.

Les jours passant, Carlisle finit par reprendre goût à la parole, mais la nourriture lui demeurait intolérable par instant. Il faisait l’effort, logique, pour ne pas laisser son corps mourir face à un tel rythme, mais il lui arrivait encore trop souvent de se sentir nauséeux. Malade. Comme ce soir. Il n’avait pourtant mangé qu’une portion raisonnable de protéine mais… Peut-être était-ce le fait de savoir qu’il était à Berlin la semaine dernière. Ou peut-être était-ce moins ? Il ne savait plus. Sa tournée européenne n’était pas terminée. Berlin était une date incontournable. Il aurait pu s’y rendre. N’avait pas réussi à s’y résoudre. Pas réussi à se l’enlever de la tête. Il était probablement reparti désormais. Quelque part en Pologne. Ou en Ukraine. Il ne savait plus, ne se souvenait plus bien. Ne voulait pas se souvenir. N’y tenant plus, il finit par se relever, se dirigeant dans le couloir pour sortir respirer quelques goulées d’air frais, espérant faire passer le malaise.

-Katheleen? murmura-t-il en apercevant la jeune femme dans le couloir elle aussi.

Aussi pâle que lui. Et agrippée à la rambarde.

-Carlisle… Je vous en prie, appelez… Thomas, l’implora-t-elle d’une voix douce, aux légers accents anglais. Je.. Ne me sens pas très bien.

Le suite fût logique. Diablement logique. En quelques coups de volants, ils furent tout trois à la clinique la plus proche. En quelques minutes, le verdict fût posé. Katheleen Schubner attendait son premier enfant. Et c’était une nouvelle dont il devait se réjouir. Combien même son âme se mit à saigner dès l’entente du mot ‘enceinte’. Elle ne devait pas pâtir de son histoire. Ni son seul ami. Ils méritaient tout deux beaucoup plus. Alors Carlisle prétendit. Il leur offrit des sourires, au fond, sincères, des accolades, des compliments. Avant de se diriger dans le couloir, sous prétexte de chercher des cafés. Ayant la délicatesse de les laisser savourer cette nouvelle. Cette merveilleuse nouvelle. La venue d’un héritier. L’aveu d’un amour passionnel.

Si Carlisle avait pu, il aurait probablement vomi à même la poubelle en plastique de ce couloir aux couleurs flous.

Assit dans l’un des seul siège de ce couloir anonyme, il s’obligea à inspirer profondément. A respirer, aussi calmement que possible. Ils méritaient ce bonheur. Et lui n’avait aucun droit de le leur gâcher. Quand bien même, quelque part dans le monde, Antropy se baladait au bras d’une femme enceinte elle aussi. De lui. De son enfant.

Carlisle n’avait jamais voulu d’enfant, ce n’était pas là ce qui le torturait tant. Mais l’idée qu’il puisse avoir voué cet amour à un autre, à une autre !… C’était là le plus cruel. Le plus…

-Carlisle ?

Sa voix. Sa voix. Avait-il seulement pu prétendre ne pas s’en souvenir ? Avait-il seulement pu prétendre l’oublier ? Jamais. De l’accent rond de son phrasé à cette façon si particulière de prononcer son prénom d’une manière… Incertaine. Hésitante. Comme avant. Comme quand rien n’existait encore.

Comme rien n’existait plus.

Ses gestes furent secs. Mécaniques. Se relever. Se redresser. Faire face, en déplaçant le poids d’un pieds à l’autre. Les cours de maintient de ses collégiales. Le port de tête. Et le regard franc. Direct. Ne cillant jamais, même face à la menace. Même face à la douleur.

-Antropy.

Le prononcer lui arracha le coeur, mais rien dans son attitude ne changea. Pas même une ombre dans son regard.

-Que fais-tu ici ? N’étais-tu pas censé te produire à Varsovie demain soir?

Le ton banal. Le ton désintéressé. Et pourtant que n’avait-il envie de se précipiter en avant… Quand bien même sa décence l’en empêchait.
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________________________________________ 2017-09-03, 00:09


We got questions we should not ask


Si j’avais été dans mon état normal, peut-être aurais-je remarqué plus vite à quel point il avait minci. Ses joues, déjà creuses d’ordinaires, étaient maintenant quasiment aussi coupantes que son regard. Sa taille ne manquait pas de paraître plus haute, ou bien était-ce un effet de ce costume presque trop grand pour lui. Impossible. Impensable. Carlisle était toujours tiré à quatre épingles avec des tenues étudiées sur mesure. Je crois qu’il avait même une styliste attitrée dans chacune des villes où il se rendait… Il avait le teint blafard, presque malade, ou bien était-ce du aux néons du couloir d’hôpital qui ne rendaient rien de très gracieux et encourageant ? Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Qu’est-ce qui lui était arrivé ? Pourquoi était-il à Berlin alors que je le pensais à Storybrooke ou partout ailleurs… Sauf ici ?

J’avais tant de questions au bord des lèvres mais je ne parvins à en poser aucune. Le son était comme bloqué au fond de ma gorge, étouffé sous un amas de muscles et de chair et refusant littéralement de lutter pour se faire entendre. La sensation désagréable que rien de ce que je pouvais vouloir dire n’avait d’importance ni ne compterait. Que rien ne changerait quoi que ce soit. Il était là, moi aussi, et alors ? Alors… Les flash de notre dernière dispute me revinrent en mémoire et je retins de justesse un sanglot pour ne pas me dévoiler. Je ne pouvais pas. Je n’allais pas toujours revenir là-dessus alors qu’il ne m’avait pas suivi, n’est-ce pas ? Il avait choisi son chemin, j’avais suivi le mien. Pourquoi est-ce que d’un coup ça paraissait si important de savoir ? De comprendre ? Je me giflais mentalement, tentant de reprendre un esprit décent. Impossible.

J’ouvris la bouche comme un poisson, incapable. Tout me paraissait plus ridicule d’un côté comme de l’autre. Tout me paraissait… Surréaliste. J’avais l’impression de flotter dans un monde cotonneux, voluptueux et particulièrement vide de sons comme de sens. Sans-dessus-dessous. Inversé. Martelé. Etiré et étriqué à la fois. Qu’est-ce que je faisais là déjà ? Qu’est-ce que j’allais faire ? Pour… Qui était ce café que je tenais à la main ? La brûlure fut telle que je changeai de paume et secouai mes doigts douloureux. Cela eu au moins le mérite de me permettre de bouger et de changer d’angle de vue. D’angle d’appréhension. Même si cela ne me fournit pas la moindre aide pour parvenir à m’exprimer.

Je t’aime. Je te déteste. Tu étais où. Tu faisais quoi. Je t’aime. Pourquoi tu m’as pas suivi. Je te hais. Tu es venu. Tu as une sale tronche. Je t’aime. Tu m’as rendu mes affaires. Tu es toujours professeur de piano. Tu es beau. Je t’aime… Je secouai la tête de droite à gauche, au moins répondre à sa dernière question. Enfin, essayer.

« Je… Non, je… On… » Balbutiai-je.

Ridicule, tellement ridicule. Je le voyais déjà se pincer l’arête du nez face à mon incapacité à aligner trois mots correctement et il aurait bien raison. Pourquoi est-ce que je connaissais ses expressions par cœur ? Pourquoi après ces mois passés je m’en souvenais encore, moi qui pensait être parvenu à oublier son visage ? Un pas en avant puis deux pas en arrière. Je pris une grande inspiration, mes yeux piquants dangereusement et mon souffle saccadé sur les bords ne parvenant pas à dissimuler grand chose. J’allais mal. Mais était-ce du à lui ou bien à ce qu’il se passait autour ? Tout ce qu’il se passait ?

« Je suis… Resté un peu… Plus. A Berlin. »

« Carlisle, Kamarade ! » S’exclama la voix de Shubner tandis que celui-ci assénait une grande tape sur l’épaule de son ami. « Vient donc fêter la nouvelle avec nous en vill… Oh, Antropy ! »

Je déglutis sous le regard surpris de l’allemand. Cet homme au moins n’avais pas changé d’un pouce, je pouvais sentir sa force et sa bonne humeur jusqu’ici ; c’était quelqu’un de profondément gentil et de loyal. Savoir Carlisle en sa compagnie me rassura en un sens, il n’était pas seul avec les deux harpies qui lui servaient de sœurs… Mais qu’il soit venu voir son ami pouvait signifier tout autre chose. Faites que ce soit pour un instrument et pas pour une grave nouvelle. Faites que tout aille bien. Faites…

« Bonjour, Shubner. »

« Ca alors ! Mais que fais-tu ici ? J’ignorais… » Il posa un regard vers son ami avant de s’avancer pour me serrer la main avec vigueur. « … Que tu étais en ville ! Rien de grave, je l’espère ? »

Le sourire que je lui adresse est tordu mais je ne le vois pas. Son entrain et son regain de vie me donnent juste la force de ne pas pleurer en fait, passant une main dans ma nuque avec gêne. Thomas s’écarte de moi et pose un poing sur sa hanche, attendant sans doute une réponse qui ne vient pas. Je dois agir normalement. Naturellement, bon sang ! Faire comme si tout allait bien. Qu’ils ne s’inquiètent pas. Qu’ils retournent à leur vie et moi à la mienne. Et que plus jamais je n’interfère, ou presque. Je veux les rassurer. Leur faire reprendre leur petit train train quand le mien est en train de voler en éclat. Je pensais avoir touché le fond en le quittant, mais j’étais en train de creuser plus profond encore dans le gouffre qui s’étalait sous mes pieds.

Quand est-ce que tout ceci allait s’arrêter ? Quand est-ce que…

« Monsieur Tiger ! » Cria une voix dans mon dos, me poussant à me retourner : une infirmière. Ou une médecin, je ne savais plus trop. « Monsieur, nous vous cherchons partout ! Venez vite ! »

Sauvé. Ou presque. Brusque retour à la réalité. A cette vie que j’avais désormais. A cette existence dont il ne faisait plus partie. Dont il n’avait pas voulu faire partie. Pourtant, après le Nigeria, après Barcelone, après la Provence et tout le reste… J’aurais franchement cru qu’il prendrait la bonne décision. Il fallait croire que j’avais la tête trop pleine de rêve et que le karma était en train de rééquilibrer la balance. J’avais perdu l’homme que j’aimais le plus au monde et je devais en payer les conséquences. Dramatiques conséquences…

Je reculai, hésitant à partir en courant mais me rappelant soudain de leurs présences.

« Je… On m’appelle. » Commentai-je. Une évidence. Un gain de temps. Le voir encore quelques secondes supplémentaires. Sentir jusqu’ici son parfum. Défaillir, mais pas encore. Pas tout de suite. « Ce fut un plaisir de vous voir, Shubner. Carlisle… Porte toi... bien. »

Ces simples mots m’arrachèrent la gorge et je me tournai vivement pour ne pas lui montrer à quel point ça m’atteignait. Il avait une vie à faire, à vivre, à continuer. Je n’étais plus dans ses pattes pour l’enquiquiner ou le freiner dans son entreprise, ne devrait-il pas être heureux ? Ainsi débarrassé de moi, comme il l’avait sans doute toujours voulu. Comme cela aurait du être si on s’en était tenu à sa seule vision des choses. J’étais venu bousculer toutes ses habitudes et voilà où on était : de parfaits étrangers. Je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas lui parler comme si de rien était. Je ne pouvais pas le regarder sans avoir envie de me ruer sur lui, que ce soit pour le frapper ou l’enlacer de toutes mes forces. Il me manquait. Bon sang, il me manquait plus que tout et c’était tout ce à quoi j’arrivais à penser pendant que je parcourrai les mètres de couloirs.

La double porte avec sa grande ligne rouge. Celle que je n’avais soi-disant pas le droit de franchir, mais l’infirmière me faisait de grands signes de l’autre côté. Elle était accompagnée du même type que tout à l’heure, celui à la blouse verte qui s’était excusé. Il avait l’air toujours aussi contrit en me voyant. Sa mine sombre ne bougea pas quand il répéta ses paroles en allemand, passant une main dans ses cheveux gominés vers l’arrière. La jeune femme hocha la tête, un sourire triste sur le visage qui se mua en air grave.

« Monsieur, souhaitez-vous la voir avant que son corps ne soit transféré au service funéraire ? »

Morte. Bel et bien morte. Elena était morte ce soir… Et je n’avais pas été avec elle. Je n’avais pas du tout été présent, juste à l’extérieur à l’attendre. Elle m’avait dit que tout irait bien, que je n’avais pas à m’en faire et qu’elle saurait gérer. Comme d’habitude. Peut-être que j’aurais du un peu plus m’intéresser à elle ? Peut-être que j’aurais du faire plus attention ? Peut-être aurais-je du l’aimer, au moins un peu ? … Si seulement ça avait changé quelque chose.

Un bip sonna dans la poche du grand dadais et ils échangèrent un regard avant de se précipiter derrière les doubles portes.

« Restez-là ! » S’exclama l’infirmière en me faussant compagnie pour l’accompagner.

Rester là. De toute façon, où pouvais-je aller ? Où aurais-je pu aller ? Je sentis le sang battre violemment à mes tempes avant de les abandonner pour se réfugier dans mes jambes. Courir. J’avais la cruelle envie de courir. De m’enfuir. De m’éloigner, d’elle, de lui, de tous ces visages que je connaissais pour me cacher. Me terrer. Les tigres ne se cachent pas, sauf pour mourir et panser leurs blessures ; pourtant j’avais envie de trouver une trou de souris et de m’y engouffrer pour tout le prochain siècle.

Je sentis la première larme couler sur ma joue tandis que je m’adossai au mur derrière moi, perdant l’équilibre. Tremblant. Maladroit. Le sanglot me provoqua un haut le cœur, faisant soudain surgir toute la tristesse que je semblais garder enfouie jusqu’alors. Je me mis à pleurer comme un enfant derrière mes paumes, sans parvenir à m’arrêter.

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________________________________________ 2017-09-05, 16:32

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Le mensonge était toute son existence. Du moment où il avait prit sur ses épaules le fardeau de son nom jusqu’à cet instant où il déambulait tel un somnambule dans les couloirs de cet hôpital allemand, le mensonge avait fait partie intégrante de sa vie. Peut-être trop, au regard de l’état dans lequel, puisqu’il en était arrivé à se mentir à lui même. Ou peut-être était-ce là la plus pure forme de vérité ? Carlisle l’ignorait. Et pour être en franc, en cet instant, il avait l’impression de tout ignorer. Un comble pour celui qui, depuis toujours, avait prit pour point d’orgue d’être toujours et en tout lieu une figure de savoir, de sciences, de certitudes.

Foutaises.

-Es-tu bien sûr, Kamarade ? Rien ne ferait plus plaisir à Katheleen que de partager notre soirée avec toi ?

Il y avait chez Thomas une chose que Carlisle appréciait par-dessus tout, c’était cette délicatesse avec laquelle il exprimait parfois la plus évidente des vérités par le voile qu’il dressait autour d’elle. Lui qui pourtant prenait un plaisir certain à toujours mettre chacun et chacune dans une position de malaise évidente, faisait aussi preuve de la plus douce des candeurs. La plus calculée des pudeurs. Et pourtant, la plus agréable et la plus poignante.

-Non vieux frère, fit finalement Carlisle, posant à son tour sa main à plat dans le dos du luthier. Cette soirée est la votre, vous l’avez mérité.

Même si Carlisle avait toujours prit soin de ne pas mentionner le sujet -bien qu’il n’aurait en réalité eue aucune raison de parler d’héritier, n’ayant jamais songé à fonder une famille, il savait que pour les Schubner, la chose avait une importance certaine. Capitale même, et voir cette attente complétée était pour eux un véritable bonheur. Plus sans doute que pour la moitié des couples de leur monde, beaucoup plus. Un enfant, symbole d’union. Symbole de joie. Symbole de vie.

-Profitez l’un de l’autre, conclut-il, d’une voix blanche, sans pour autant être menteuse.

-En es-tu bien sûr Carlisle ?

-Oui. Emmène la dans le plus beau des restaurants, et dansez jusqu’à l’orée des étoiles.

L’allemand eue un sourire, un peu pâle, mais sincère, à la mention de cette formulation, qui avait vu le jour durant leurs années universitaires. Il eue une sorte de rire esquissé, avant de se pencher vers l’homme qu’il prit dans ses bras, dans une accolade presqu’indécente, le nez de Thomas se perdant dans le cou raide de son ami.

-Ah Carlisle, soupira-t-il, reculant pour venir poser sa paume contre la joue froide de l’américain, avant de secouer la tête, comme pour lui même.

Carlisle tenta de sourire, piètre tentative, mais que Thomas comprit, souriant en retour avec plus de succès. A nouveau, il enlaça son ami, plus rapidement, avant de finalement reculer, et repartir vers la pièce où sa femme finissait de se rhabiller. Ce ne fût que lorsque la porte se referma totalement que Carlisle laissa enfin le masque lisse glisser de son visage. Aussitôt seul la lassitude et la fatigue vinrent enserrer sa gorge, ses traits pâlissant et s’affaissant. Une brûlure étrange envahit sa trachée, et à nouveau, Carlisle sentit la nausée le menacer au point de devoir plaquer une main contre ses lèvres.

Il était là. Il était dans le même lieu que lui. Il était…

Un vertige le prit, terrible, et Carlisle dût réellement serrer les dents pour ne pas défaillir sur l’instant. Il avait l’impression d’une chute interminable, sans avoir le moindre repère. Sans la moindre cohérence, sans le moindre but. Tout était insensé, tout était irréel, et une sueur froide sinua contre son dos avant qu’il ne réalise à quel point l’air lui manquait.

Le monde avait basculé. Et lui ne faisait que subir son mouvement.

Après un moment infini passé à même un mur à tenter de respirer, et de reprendre contenance, Carlisle finit par rouvrir les yeux, se redressant. D’un geste rapide, il passa sa main sur son visage, comme pour y replacer le masque qu’il appelait désormais son visage, resserrant sa cravate avant de s’avancer dans le couloir. Il ne savait pas exactement alors ce qu’il allait faire. Ou peut-être que si. Quelque chose en lui le poussait à avancer dans ce long couloir, tournant à gauche pour prendre l’ascenseur, heureusement silencieux. Dans son état, une musique aigre n’aurait pu que le rendre plus meurtrier qu’il ne l’était déjà, et il se devait de garder un minimum de cohérence.

Juste encore un peu.

-Bonjour, lança-t-il d’une voix encore un peu trop sombre, mais visiblement assez posée pour ne pas alertée la secrétaire. Je cherche Monsieur… Tiger. Il est entré ici il y quelques heures je crois et...

-Vous êtes ? Le coupa-t-elle, vérifiant rapidement sur son moniteur.

Si il était une chose que Carlisle haïssait, c’était ce genre d’incivilité. Mais heureusement pour elle, il était trop ivre de fatigue pour lui en tenir vraiment rigueur.

-Un… Ami, articula-t-il, avec une certaine hésitation qui fit relever les yeux de la brune vers lui.

-D’elle ou de lui ?

-D’eux deux, fit-il, difficilement, accusant la surprise de sa présence.

Bien qu’au fond, Carlisle s’en soit douter. Sa présence dans un hôpital, à l’étage même de la maternité, sachant qu’elle devait désormais atteindre la fin de sa…. Gestation… Cela semblait pour le moins évident…

-Je suis vraiment désolée, souffla-t-elle soudain, une immense compassion se peignant sur son visage.

Malgré lui, Carlisle eue une moue de surprise, perplexe. Aussitôt, la femme se redressa, venant toucher sa main avec douceur.

-Cela se présentait fort mal à son arrivée… Je doute qu’elle…

-… Où est-elle?

-Monsieur, je…

-Où est-elle?!

Sa voix claqua avec une soudaine violence, faisant reculer la jeune femme qui, après une dernière hésitation, finit par lui indiquer où la trouver, avant de lui présenter ses plus sincères condoléances. Elle avait l’air si sincèrement touchée que Carlisle eue presque envie de la rassurer, de lui dire qu’il se fichait de cette femme, qu’il n’était pas même touché de cette nouvelle, non. Il n’avait que faire de cette idiote, que faire de sa mort. Que faire de son existence touchant à sa fin, que faire d’elle. Elle n’avait aucune importance, aucun poids, aucune existence à ses yeux ! Elle n’était qu’un joli visage sur du papier glacé, une simple silhouette qu’il haïssait sans connaître ! Non. Elle n’était rien. Absolument rien pour lui.

Et pourtant c’était bien vers elle qu’il remontait désormais, dans une démarche de somnambule. Et pourtant c’était bien vers elle qu’il marchait, d’un pas perdu et lent. Presque hésitant, sans l’être, marchant sans même dévier lorsque la lourde porte lui barra la route. Sans même y songer quand une masse rousse apparût devant lui, tressautante de sanglots odieux. A même le sol, à même les genoux. Ratatiner sur lui même, dans une violence inouïe.

L’espace d’un instant, Carlisle pensa à faire demi-tour. A le regarder de haut, à se complaire de sa douleur, à en savourer même chaque secondes. Chaque larmes, chaque éclats de voix. Chaque soubresauts. Il aurait pu, si facilement. Si simplement, alors qu’il gisait désormais à sa juste place. A ses pieds, à même le sol, là d’où il n’aurait jamais du s’élever pour l’atteindre. Un prolétaire retournant à la fange, un incube battu par le Diable en personne. Oh oui, il aurait pu, si simplement, l’abandonner à son sort et ne jamais se retourner. C’était sa nature. C’était son rôle. C’était tout ce qu’il était et tout ce qu’on attendait de lui. Tout ce qu’il voulait être, tout ce qu’il savait être.

Il ne savait rien du pardon. Rien de la miséricorde. Rien de l’abnégation.

Il aurait pu partir. S’en aller et ne jamais revenir. Peut-être aurait-il du.

Mais à l’instant où Antropy releva les yeux vers lui, Carlisle se figea. Il ne savait pas ce qu’il voyait à cet instant, ce qu’il percevait de ce Diable sur le point de fondre sur son cadavre pour s’en repaître. Peut-être y voyait-il l’accomplissement d’un jugement, la finalité d’une malédiction. Peut-être. Il était sa malédiction tout comme il était la sienne. Le Diable et l’Incube. Un démon contre un autre…

Il avait tellement envie de le haïr. Tellement envie de se précipiter en avant pour le rouer de coup, lui et ses larmes, sa fragilité, sa candeur stupide. Lui et ses grands yeux rougis, bouffis, ridicules, immondes ! Il avait envie de lui arracher la gorge et de ravager son visage, d’agripper ces cheveux pour frapper son visage à même le sol, sans jamais s’arrêter. Sans jamais cesser. Lui faire mal, au moins autant que lui avait souffert. Le brutaliser, l’honnir, le détruire, le gâcher. Le réduire en cendres. En sang.

Des pas de somnambules. Neutres et sans heurts. Simples en un sens et pourtant, si durs. Si violents. Si douloureux que Carlisle a l’impression de mourir à chacun d’eux. A chaque centimètre l’approchant de lui. Nausée, violence, enfer. Tant de mots qui ne pouvait décrire les siens. Tant d’idées pourtant si loin de ce qu’il ressentait vraiment. Si il avait pu, il aurait souhaité mettre fin à tout cela dans l’instant.

Il ne le accorda pas le moindre regard. Pas la moindre expression. Un visage neutre, vide. Creusé alors qu’il ployait les genoux. Alors qu’il s’accroupissait à son tour. Alors qu’il rejoignait le sol et s’appuyait au mur. Un frôlement, à peine. Le tweed du costume touchant le coton d’un pull informe. Un contact, infime. Son dos touchant le même mur, son épaule frôlant la sienne.

Mais si c’était tout ce qu’il avait à offrir, il ne l’offrait qu’à lui.
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________________________________________ 2017-09-16, 11:10


Ceux qui errent ne sont pas tous perdus...


Je ne savais même pas pourquoi est-ce que je pleurais. Peut-être était-ce, en partie, pour Elena qui venait de franchir la dernière frontière en étant absolument seule et loin de tout. Peut-être était-ce pour cette vie qui me filait entre les doigts et que je tentais vainement de rattraper au passage. Peut-être était-ce pour ceux que j’avais perdu. Ce que j’avais perdu, oublié, laissé derrière moi sans un regard et qui désormais me pesait encore plus lourdement que du plomb dans le cœur. J’avais la nausée et l’âme à l’envers, pleurant pour les milliers de raisons qui m’avaient amené à être ici plutôt qu’ailleurs, à subir plutôt qu’à rester insouciant. J’avais aimé quelqu’un de toutes mes forces et il m’avait bafoué. Elle m’avait sans doute aimé plus que de raison et je l’avais laissé mourir seule dans un bloc opératoire. J’avais honte. Honte de moi et de tout ce que je n’avais pas fait. Honte de laisser mes sanglots filtrer et la tristesse emplir mes prunelles, faisant tressauter mes épaules contre celle qui venait leur apporter un peu de soutien. Un minimum. Un infime changement…

Une infinie sensation. Je ne lui accordai plus mon regard, incapable de soutenir sa présence à mes côtés. Je ne faisais que me laisser porter, supporter, relâché par les tourments et échoué contre le tweed de sa veste que je fini par saisir entre mes doigts tremblants. Moites. Comme un besoin viscéral de m’assurer qu’il était vraiment là, réel, présent, et non pas juste cette illusion que j’avais entretenu tous ces mois. Tout ce temps. J’étais a blamer d’avoir oser oublier les traits si fins de son visage mais j’avais des milliers d’autres choses dans le crâne à cet instant. Cet unique instant où je reconnu l’odeur singulière qu’il portait sur lui. Son parfum. Sa saveur. Je n’en pleurais que davantage alors, misérable créature en train de râcler le fond où j’étais tombé.

Les secondes ou les minutes s’effilochèrent sans que rien ne les retienne. Je le tenais toujours entre les doigts de ma main gauche, mon visage disparaissant contre mon poignet et le tissu. J’avais enfoui mon visage près de lui. Peut-être espérai-je me perdre dans un cauchemar sans fin où je ne serais plus à l’hôpital, pas dans ce couloir, et où nous ne nous serions jamais revu ? Mystère. Je ne savais pas y penser. Je n’osais pas y penser. Sa présence était aussi inespérée que dévastatrice… et je ne parvenais même pas à lui expliquer pourquoi j’étais dans cet état. Pourquoi est-ce que j’étais aussi lamentable. Que ce n’était pas pour elle. Que ce n’était pas pour les souvenirs de son absence. J’étais ignoble, odieux d’oser me lamenter de nos retrouvailles alors qu’Elena reposait à quelques mètres. Je méritais des claques. Qu’on m’écrase le crâne contre le sol.

J’eu un sursaut lorsque je sentis ses doigts frôler les miens. Ils étaient d’une telle chaleur quand mon corps tout entier semblait glacé de la tête aux pieds. D’une telle… Douceur. Attention. Je n’osais pas relever les yeux, les ouvrant cependant en grand pour observer cette main à l’orée de la mienne. Dos à dos. Chair à chair. Une caresse lente, qui sembla durer une infinité de temps. Simple spectateur. Simple visionnage. Mon souffle s’étant coupé alors que sa paume venait finalement saisir la mienne et que ses grands doigts s’entrelaçaient aux miens. Légers. Vaporeux. Frôlant comme si j’étais fait de fer chauffé à blanc. Etait-ce lui qui avait engagé le mouvement, ou bien moi qui l’avait tant supplié qu’il avait fini par l’entendre ? Je préférai ne pas lui demander. Je préférais ne pas briser le silence religieux.

En revanche, je serrai sa paume dans ma main et m’y accrochai de toutes mes forces. Faibles forces. Maigres forces. Mais il aurait fallu s’y prendre à cent pour me faire lâcher ce qu’il venait de m’offrir.

« … Monsieur Tiger ? » Interpella une voix.

J’eu l’impression de sortir d’un brouillard cotonneux, vaporeux, papillonnant du regard tandis que la réalité me rattrapait à nouveau et, avec elle, toutes les minutes qui s’étaient allongées en heure. Je ne sentis bientôt plus sa main dans la mienne et je découvris, à ma grande surprise, qu’il était déjà debout. Venais-je seulement de rêver à cela ? Ou bien est-ce que… L’homme en tenue de bloc m’observait depuis la porte. A côté de lui, l’infirmière encore là. Encore présente. Dans le même accoutrement mais, cette fois, elle esquissait un léger sourire. Un doux sourire.

L’homme exprima quelque chose en allemand à laquelle elle hocha la tête avant de prendre la parole.

« Monsieur Tiger, votre fille est en vie. » Déclara-t-elle, une bouffée de fierté dans la voix.

Une bouffée glaciale pour moi. Une… fille ? J’avais… une fille ? Je tournai les yeux vers Carlisle, sans doute pour tenter de capter quelque chose derrière son expression livide et blafarde ; je savais qu’il parlait allemand et qu’il avait compris avant moi. Je savais qu’il ne comprendrait pas, en revanche, pour tout le reste.

« Voulez-vous la voir ? Elle est en soins intensifs mais elle va bien. Elle a été sortie à temps. »

Tout tournait bien trop vite dans ma tête. Beaucoup trop vite. Je ne sentais plus mes jambes, incapable de me relever de là sans l’aide de la main qui me saisit le bras pour le faire. Violence douce. Pour avancer. Pour aller de l’avant. Pour tenter de comprendre et d’attraper au vol quelque chose avant qu’il ne disparaisse. La main me relâcha et me poussa légèrement en avant. J’entendis les pas de Carlisle emboiter les miens, mécaniques, petit automate en pilote automatique que j’étais. Une fille. Avais-je vraiment… une fille ? Comment est-ce que… J’avais presque fini par oublier, occulter, qu’Elena était enceinte jusqu’alors. Mais la réalité venait à nouveau de m’exploser au visage et je me devais de réagir. De tenter quelque chose. De…

Il parla à ma place, me poussant en avant pour que je franchisse les portes. J’avais l’impression d’être revenu des mois en arrière et qu’il était habituel qu’il tente d’agir pour moi. Je me laissais faire, tournant la tête vers lui tandis que l’infirmière me guidait à l’intérieur. Le médecin resta en sa compagnie et le battant se referma sur un tout autre univers, plus tamisé, plus sombre, plus… médical encore que le reste. Les lumières étaient éteintes. J’étais en train d’enfiler une blouse bleue mais je ne pensais qu’à Carlisle. J’étais en train de me laver les mains mais je ne pensais qu’à Carlisle. J’étais en train de marcher le long d’un mur mais je ne pensais qu’à Carlisle. A l’espoir, aussi fou soit-il, qu’il ne disparaisse pas pendant que je n’étais pas là. Qu’il ne recommence pas. Qu’il reste, cette fois, peut-être…

L’infirmière me dirigea vers une couveuse, ou du moins était-ce comme ça qu’on appelait ce genre de boite transparente recouverte d’un drap coloré. Elle souleva le drap et je pu découvrir celle qui allait devenir ma fille… Un bonnet sur la tête et une couche comme seule tenue, un bracelet et de nombreux fils sur le corps, elle semblait reposer dans un cocon de tissu avec une sérénité propre. Tranquille. Difficile mais pourtant… Ma main à plat contre le plexiglas, je fus incapable d’en détacher mon regard. Je fus incapable de voir l’infirmière relever un store vers le couloir. Incapable d’apercevoir si Carlisle me voyait ou non. Incapable de faire autre chose que de la fixer, elle. Si petite. Si… fragile.

Une fille. Ma fille.

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La douleur le frappa avec une telle violence qu’il en eue la nausée. Ainsi était-ce là le tour que le destin s’était décidé à lui jouer, dans son infinie ironie. Il l’avait perdu. L’avait renier. Avait refuser de s’abaisser à lui présenter des excuses. Refuser de revenir auprès de lui, refuser de venir le chercher en Europe. Il l’avait bafouer aux abords même de la dignité, lui qui l’avait changé en une créature indigne de ses aspirations. Il l’avait effacé de sa vie, effacé de ses nuits, de ses souvenirs.

Et il avait une fille.

Une famille.

Carlisle dû faire un effort surhumain pour retenir la bile que la phrase du médecin fit monter à ses lèvres. La blancheur déjà maladive de son teint vira au verdâtre, et ses narines se dilatèrent, dans l’espoir d’inspirer plus de cet air que son corps refusait de prendre. C’était beaucoup trop violent. Beaucoup trop douloureux. Ce fût à cet instant que Carlisle comprit à quel point il aurait du fuir. Le mépriser et l’écraser au sol. Le détruire, se moquer, et le perdre à jamais. Parce que cette perte aurait toujours été plus agréable à subir, en comparaison de celle que la vie lui imposait désormais.

D’une voix blanche, il exprima l’idée qu’Antropy voulait voir son enfant, le poussant en avant pour l’obliger à se mouvoir. Ces mots, ces frôlements, lui arrachèrent des frissons maladroits, glaçant sa peau malade et creuse. Lorsque l’infirmière lui fit signe de rester ici, Carlisle n’avait pas même esquisser le moindre geste pour la voir. Il n’en avait aucune envie, aucun désir. Il n’avait que faire de cet enfant ! Que faire de cette fille morte en lui donnant vie, que faire du fait que désormais, il sortait définitivement de sa vie. Il n’avait jamais exprimé le souhait d’y revenir, jamais cru en cet imbécile espoir ! Il l’avait quitté. Et Carlisle ne pardonnait jamais. Alors qu’on puisse croire qu’il ai le moindre intérêt pour une chose tel qu’un enfant…

Carlisle n’avait jamais voulu de descendance. S’étant considéré pour la majeur partie de sa vie comme asexuel, il n’avait jamais accepté l’idée de devoir ‘apprendre’ de qui que ce soit sur le sujet et s’était donc voué à une abstinence des plus scrupuleuses. Secrètement, il avait toujours eue l’espoir de voir l’une de ses sœurs trouver le bonheur et fonder une famille. Une vraie famille. Une revanche sur leur enfance et sur cette Mère et ce père indignes d’eux, indignes de leur nom,. Une famille simple, heureuse, protégée du besoin et du moindre mal grâce à son influence.

Mais lui n’en avait jamais souhaité. Si il avait assurer l’éducation de ses sœurs lorsque celles-ci étaient encore enfants -particulièrement celle d’Avie- il n’avait jamais éprouvé la moindre envie d’avoir à nouveau un enfant à élever. Il avait déjà élevée la sienne. C’était amplement suffisant.

Peut-être était-ce là, ce qui les avait séparer. Peut-être était-ce ce qui l’avait accueilli, lorsqu’il était partie. La possibilité d’une famille ‘normale’. La possibilité de vivre d’une façon plus saine, plus acceptée par la société. Qu’en savait-il ? Cela faisait si longtemps qu’ils s’étaient séparés. Peut-être avait-il changé ? Peut-être aspirait-il à des désirs que Carlisle ne pouvait comprendre ? Loin de lui…

-Vous êtes un ami de la famille ?

La voix de l’infirmière était douce, posée, presque agréable. Mais Carlisle ne s’en rendit pas compte, les yeux rivés sur la porte par laquelle Antropy venait de passer. Avec un léger retard, il se tourna vers elle, reprenant un masque froid et neutre.

-Non.

Elle sembla surprise, son visage se fermant en une moue explicite, mais Carlisle ne lui laissa pas le temps de poser plus de questions.

-Ses jours sont-ils en danger?

-Non, répondit-elle avec calme, comme si elle pesait ses mots avec une infinie vigilance. Cependant comme pour tout cas de naissance aussi...Particulière, un suivit sera mené et...

-Quel est le meilleur service de prématurés de la ville?

A nouveau, elle eue une moue surprise, prenant le temps d’enlever son masque qui pendait encore à l’une de ses oreilles.

-Monsieur, je ne suis pas certaine de compr...

-Je veux que vous trouviez le meilleur hôpital dans cette ville pour s’occuper des cas comme elle, fit-il d’une voix blanche, mais coupante, n’acceptant aucune objection. Je veux que vous la placiez dans le meilleur service et je veux que cela soit fait dans l’heure.

-Je regrette, mais sans l’aval de son père, je ne...

La simple mention de ce nouveau titre tira à Carlisle un rictus, amer, et la jeune femme le considéra avec une expression mitigée.

-Ecoutez, je peux vous assurez qu’elle ne risque rien ici et...

-Pouvez-vous l’assurer ? L’assureriez-vous sur votre place?

Cette fois, elle le fixa avec méfiance, sa bouche se pinçant devant l’insistance de cet homme beaucoup trop pâle.

-On ne peut jamais être certain de...

-Alors transférez la.

-Je crois que vous ne vous rendez pas compte de tout ce que cela implique Monsieur. En plus, ce genre de clinique coûte des sommes pharamineuses !

-Je me contrefiche du prix! s’exclama-t-il, perdant son calme.

Cette femme l’exaspérait. Ne comprenait-elle rien ou était-elle simplette ?! Ignorait-elle qui il était ?! Le regard peu amène qu’elle lui adressa lui confirma que non, et Carlisle eue soudain la brûlante envie de le lui faire connaître. Il pouvait appelez la direction et la faire licencier sur le champs si il le désirait ! Il en avait les moyens, il en avait le pouvoir !

-Ecoutez moi, reprit-elle doucement, en le fixant droit dans les yeux, je conçois que vous vous inquiétiez pour cet enfant, mais je n’ai légalement pas le droit de vous donnez le moindre pouvoir concernant sa santé. J’ignore même qui vous êtes ! Si je ne vous avait pas vu en compagnie de Monsieur Tiger je ne vous aurais même jamais adressé la parole sur le cas de cet enfant !

Son air désabusé se fit soudain creusé, ses lèvres se crispant en un soupir. Elle venait de réaliser une intervention difficile et cet énergumène commençait vraiment à la fatiguer

-Ah ! s’exclama-t-elle soudain, en se tournant vers la porte qui venait de doucement chuinter. Monsieur Tiger. Pouvez-vous s’il vous plait dire à votre ami que tant que vous n’aurez pas prit de décision concernant votre fille, je ne peux pas vous conseillez une clinique spécialisée ?

Les yeux ronds d’Antropy se posèrent sur la femme, avant de se tourner vers Carlisle, scandalisé. Du regard, Carlisle intima à l’infirmière de se taire, mais elle haussa les épaules.

-Je parle d’une clinique pour prématurés, pas d’adoption, précisa-t-elle, provoquant chez Antropy une moue beaucoup plus perplexe.

Sans même lui laissé le temps de se tourner vers lui, Carlisle se détourna. Son corps mut d’un instinct brusque, il traversa le couloir en ignorant totalement les cris de l’infirmière qui l’appelèrent deux fois, avant d’être remplacé par une autre voix, bien plus intolérable. Cela suffisait. Il avait pour ce soir subit suffisamment d’affronts. Son ego ne pouvait plus en tolérer plus. Pire que cela, son esprit malade et son corps brisé ne pouvaient en supporté plus. Il était au seuil d’une douleur sans nom, à la lisière de la folie et on le ridiculisait en plus ?! Non. Cela suffisait. Cela devait cesser..

En courant presque, Carlisle traversa l’hôpital, dévalant les escaliers et filant à travers le hall dans l’espoir de faire taire cette voix qui n’avait de cesse de le rappeler en arrière, comme une Eurydice faîtes de couleurs et de feu. La nausée le prit à nouveau, et l’air froid de l’extérieur l’empêcha de se plier en deux pour vomir à même le parking des urgences. S’en était trop… Beaucoup trop.

D’un geste, il attrapa le poignet de la main qui le frôla, plaquant avec une violence sans nom le rouquin qui avait finit par le rattraper contre la première voiture venue.

-Tais toi!

Par l’amour des Diables, qu’il se taise. Qu’il se taise avant que ses poings serrés n’atteignent son visage. Qu’il se taise avant que ses doigts ne déchirent son col. Qu’il se taise avant qu’il ne puisse plus supporter de l’entendre appeler son nom...
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________________________________________ 2017-10-13, 00:35


Ceux qui errent ne sont pas tous perdus...



« Carlisle ! »

C’était tout lui ça. C’était exactement lui, à ce moment, à cet instant, complètement lui. Cet homme maniaque du contrôle, cet as de la manipulation, capable de voir venir et de formuler mille hypothèses alors que j’étais incapable de penser. D’aligner un mot après l’autre. De marcher un pied devant l’autre et… Lui, il oarlait d’avenir. D’hôpital. De soins. De service. De changer déjà de lieu et d’environnement. De la mettre à l’abri, dans une meilleure unité, avec de meilleures personnes ou tout un tas d’autres choses auxquelles je n’aurais jamais pensé. Il était fait pour ça. Il était là pour ça : prévoir, anticiper. Une efficacité redoutable. Un savoir faire ancré jusque dans ses gènes. Il était homme de pouvoir et il n’était pas arrivé là par hasard, non, il savait y faire et régnait sur le temps et l’avenir comme s’ils lui étaient dû. Pas le contraire.

« Carlisle !! »

Pour me reprendre, pour me dire de me tenir droit, pour me gronder, pour bouger mes mains correctement, pour me frapper, pour me jeter des regards noirs, pour serrer les dents, pour se pincer l’arrête du nez, pour claquer sa langue contre son palais, pour prendre un air désespéré, pour espérer que je trébuche dans un ravin, pour me faire passer pour un idiot, pour décider de ma vie à ma place… Carlisle était là.

Pour me faire la morale, pour m’emmener au bout du monde, pour me perdre au Nigeria, pour me faire plus prendre l’avion que dans toute une vie, pour m’inquiéter de ses absences, pour me réjouir de ses retours, pour compter sur ma discrétion, pour protéger mes arrières, pour me tirer d’un hangar après un seul baiser, pour dévorer ma bouche comme s’il manquait d’oxygène, pour m’étreindre dans une suave malice, pour se rhabiller immédiatement, pour dormir d’un seul œil, pour veiller sur moi, pour caresser mes tatouages, pour choisir de m’ignorer, pour justifier de ne pas me suivre, pour accepter de me perdre… Carlisle était aussi là.

Mais quand il s’agissait d’affronter la réalité en face, il n’y avait plus personne. Non, personne !

« Carlisle, arrête ! »

Je hurle à travers les couloirs, fixant cette silhouette engoncée dans un costume bleu nuit qui fuis. Qui cours, plus vite que moi, prise d’un soudain accès de panique injustifié. Il marche vite ou il enjambe, il s’enfuit ou il reprend sa route, je l’ignore. Mais je hurle pour l’arrêter. Je hurle pour espérer le faire se retourner. Je hurle parce que c’est tout ce que je suis capable de faire tandis qu’il espère encore se soustraire à notre réalité. Je l’ai blessé, un vrai poignard dans le cœur, et je m’en rend compte au rythme des marches que je saute pour espérer aller plus vite. J’enjambe les rambardes et je plonge un étage plus bas sans m’arrêter. Mes genoux me brûlent. Mes jambes me lancent. Mais je n’arrête pas, malgré mes poumons en feu et les larmes au bord des yeux.

Je n’arrête pas parce que lui ne s’arrête pas.

Il y a des mois, quand j’ai voulu qu’il me suive, il ne l’a pas fait. Il s’est sans doute dit que c’était la meilleure chose à faire, que cela valait mieux pour nous deux ou je ne sais quelle connerie bien pensante encore. Il s’est inspiré de la vie qu’il avait et il a décidé ce qui conviendrait le mieux pour la suite des choses. Comme toujours. Comme maintenant. Aussi livide qu’un cadavre, l’ombre de lui-même et le reflet lactescent d’un être que j’avais aimé plus que tout. Qui était-il pour décider ? Que restait-il de l’homme qu’il avait été ? Est-ce qu’il avait seulement une idée de ce à quoi il ressemblait ? Est-ce qu’il croyait que j’allais me laisser faire, moi qui possédait sans doute plus de force que lui désormais ? Il était rapide. Je l’étais encore plus.

« CARLISLE ! »

A nouveau ma voix résonne et se brise, ma gorge douloureuse décidant qu’elle ne parviendrait pas à aligner correctement les sons entre eux. Un comble pour un chanteur. Une honte pour un amoureux… Amoureux ? L’étais-je encore ? Avais-je cessé un jour ? Je l’ignorais et je m’en fichais, tout ce qui comptait c’était ce grand dos qui s’engouffrait dans la nuit de Berlin et qui bifurquait entre les voitures. Il avait refusé de me suivre. Il avait commis une erreur et maintenant c’était à moi de la réparer J’avais sans aucun doute ma part de responsabilités mais ce n’étais pas le moment d’y penser. Il y aurait un temps pour les doléances. Un temps pour les excuses. Un temps pour les reproches… Pour l’heure, je faisais ce que lui n’avais jamais été capable de faire : le poursuivre jusqu’à ce que mort s’en suive.

Ou plutôt, qu’il s’arrête enfin.

« Carl… »

« Tais-toi ! »

Sa prise sur mon poignet, virulente, violente, qui me tire en avant et me fais basculer pour me projeter contre une voiture garée là. Innocent véhicule. Fatale destinée. Je geins quand mon dos se plaque à la carcasse, je hoquète quand ses doigts saisissent mon col et je pleurs toujours quand mes yeux rencontrent les siens. Fous. Désespérés. Apeurés. Tout à la fois. Un mélange de sensations. Un maelstrom de contradictions. Il a envie de me tuer et de me voir en vie. Il a envie de m’oublier et de se souvenir de moi. Il a tant envie de me frapper et ce n’est pas du tout ce qu’il fait.

Son baiser est extrêmement dur, violent, comme un raz-de-marée engloutissant l’Atlantide au milieu de la tempête du siècle. Je perdis mon souffle sous l’ardeur du sien, chaud, destructeur, envahisseur ; courbant la nuque quand il ploya de toute sa hauteur vers moi. Je ne m’attendais pas à cela. Je ne m’attendais à rien d’aussi… J’étais à la fois prisonnier d’un étau et infiniment libre. L’épée de Damoclès se fit un malin plaisir de s’abattre sur mon crâne et me vrilla les tempes, faisant bouger mes doigts pour s’agripper à la naissance de ses cheveux. Ils étaient roux. ROUX. Mais je n’en avais cure, trop occupé a lui répondre. Trop occupé à essayer de comprendre pourquoi est-ce qu’on était en train de s’embrasser plutôt que de s’entretuer.

Ou bien était-ce ça, justement, notre torture ? Notre sort. Notre punition pour avoir cru pouvoir vivre l’un sans l’autre ? J’essaye de parler mais rien ne sort. J’essaye de respirer mais l’air me manque. J’essaye et je suis juste un type tatoué plaqué contre une voiture, aussi misérable que sa description, face à un homme détruit qui veut sans doute ma mort. Magnifique perspective. Fabuleuse opportunité d’avenir. Qui avait écrit un script pareil et s’amusait à nous rendre plus mal encore que les secondes précédentes ? On était sans doute dans un très mauvais film. Petit budget. Petites idées. Incroyables diversités de suite et pas une plus attrayante que les autres.

J’étais prisonnier et il était le geôlier. Non, le contraire. Peut-être. Peut-être pas ? Je le repousse enfin, à quelques centimètres, à quelques encablures, trop près et à la fois si loin. Trop. Pas assez. Je me perd dans ma propre tête et c’est mon cœur qui parle à la place de ma raison.

« Je t’a… »

« Je t’ai dis… de te... taire ! »

Carlisle est essouflé. Moi aussi.

« Je t’aime ! » Insistai-je, envers et contre tout. Envers et contre lui, qui écarquille les yeux d’une surprise immense et d’une terreur absolue, d’un dégoût certain et d’une colère sourde. Tout et rien. Là et absent. « Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime… Carlisle. Je… »

Il se met à crier après moi, à secouer la tête quand je la hoche. A vouloir me faire taire mais je veux parler. A me secouer comme un prunier mais je m’accroche. A sa veste. A sa nuque. A lui comme il semble ancré à mes vêtements. Il ne sait pas ce qu’il veut. Moi non plus.

« Je t’aime… » R2pétai-je, encore. Inlassable. Inlassé. « … Et je… Ne… Te laisserais pas… Partir ! »

Du-t-il me frapper pour me faire lâcher, mes doigts étaient solidement amarrés. Et ils ne comptaient pas se retirer tant que je n’aurais pas obtenu gain de cause. Je ne voulais plus qu’il fuit. Je ne voulais plus qu’il s’en aille.

La partie était terminée. Les timers arrêtés.
Il était tant de faire les comptes.
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• Ssssssh discrétion Al' discrétion !

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________________________________________ 2017-10-29, 09:36

Tell me the valor of Life » EvilTiger 1498307234-eviltiger3 Tell me the valor of Life » EvilTiger Tumblr_nnxzo9NQzN1ron3qio1_500
That's the price of love, the price of love, a debt you pay with tears and pain. The price of love, the price of love, it costs you more when you're to blame.


Ses lèvres contre les siennes étaient dures, sèches. Serrées. Rien ne l’avait préparé à ce qu’il l’embrasse, non, rien. Ou peut-être était-ce lui qui s’était penché, lui qui avait agrippé sa nuque, il n’en savait rien. Carlisle ne savait plus, ne savait pas. Cela ne lui arrivait jamais et pourtant en cet instant, il avait l’impression d’être le plus ignorant des hommes. Le plus miséreux des humains. Une coquille vide se raccrochant à ce contact dont il avait tenté d’oublier jusqu’à la forme. Jusqu’à l’esquisse. Incapable pourtant. Désireux de l’oubli. Prisonnier des souvenirs. Et ces mots qu’il prononce ne sont que des réminiscences de plus de ces souvenirs à jamais enfermés dans son torse, rejetés au loin, abjurés ! Ses lèvres se tordirent d’un rictus amer et sec quand ses mains se resserrèrent encore contre son col. L’aimer ? Avait-t-il le culot de prétendre l’aimer ?! Avait-t-il l’audace d’un tel mensonge, perpétré à l’infini d’une voix aussi brisée que lui ?

-Menteur, siffla-t-il à même sa bouche quand il n’eut de cesse de le répéter pourtant. Tais-toi, arrêtes, arrêtes de mentir!

Sa voix s’écharpa dans ce parking banal et miséreux, résonnant dans une nuit qu’ils ne devraient pas partagés. Concours de circonstance. Mauvais tour du destin. Tant de mots pour résumer ce qu’au final, ils ne sont même plus.

Ses mains contre son col le secouèrent, faisant résonner son dos contre la carcasse anonyme d’une voiture sans forme. Carlisle ne voyait plus. Rien autour de lui n’avait plus le moindre sens. Il avait perdu. Il avait tout perdu. Perdu jusqu’à son rang, en s’asseyant dans la fange à ses côtés. Perdu jusqu’à sa dignité, en acceptant de s’avilir en le déchargeant des décisions concernant ce petit être, là haut, seul dans sa couveuse, dont il n’avait pourtant pas la moindre once d’intérêt à son égard ! Perdu jusqu’à la raison en acceptant un baiser qu’il avait réfuter de toutes ses forces… Tout. Carlisle avait tout perdu.

Il ne pouvait pas prétendre l’aimer. Pas alors qu’elle venait de mourir. Pas alors qu’il avait une fille et qu’il avait une famille à construire. L’aimer ? Il avait préféré cette fille et son ventre, il avait préféré une vie loin de lui, il avait choisit cette fille alors qu’il cesse par tous les Diables de prétendre l’aimer alors que son corps devait encore être chaud !

Etait-ce pour l’argent ? Après tout, il venait de lui offrir sa dignité sur un plateau en acceptant de prendre soin de cette enfant, au moins de s’assurer de son transfert. Etait-ce pour cela qu’il affirmait avec tant de ferveur l’aimer ? Une assurance de payement ? Peut-être bien. Sûrement pas. Carlisle connaissait la moindre de ses expressions, y comprit celle de la fausseté. Et ce qui animait ses traits à cet instant n’était rien d’autre que de la douleur…

-M’aimer? répéta-t-il, ivre de colère, se penchant vers lui au point de le forcer à plier l’échine, tordu entre son corps et le métal. M’aimer ?! Tu mens. Cesse de te ridiculiser de la sorte, j’avancerai tous les frais, pas la peine de mentir !

L’expression qui tordit le visage d’Antropy fut si brusque que Carlisle s’étonna de ne pas sentir sa main frapper son visage. Cela ne l’empêcha pas de continuer.

-Je paierai ce qu’il faudra mais pour l’amour de Dieu Antropy, tu as une fille ! Et ta compagne est morte, alors cesse de te ridiculiser ! As-tu si peu d’estime pour venir vendre des sentiments que tu ne ressens même pas ?! Tu mens, arrêtes, arrêtes de mentir !! Tu l’as choisis ! Tu l’as choisis elle et tu as un enfant Antropy ! Tu as une famille, tu as des responsabilités pour l’amour des Diables !

Il ignorait de quoi il parlait. Totalement. Il n’avait que faire de cette enfant. Que faire de son existence. Il n’avait que faire d’Antropy et de la vie qu’il avait choisi. Que faire de cette fille, morte, quelques minutes auparavant. Que faire de le voir si brusquement propulser dans les affres d’un univers que lui maitrisait depuis des mois.

Ses mains sur son col se serrèrent encore d’avantage, au point de presque déchirer le tissus de son pull informe, s’approchant au point de l’étouffer de sa proximité, de son corps contre le sien, de son visage penché près du sien au point d’englober le monde entier.

-Tu les as choisis elles… Assume les conséquences de tes actes.

L’éclair de douleur qui transperça les pupilles d’Antropy fut insupportable. Pire encore que celle qu’il ressentait. Cela, il était parvenu à oublier. A oublier en demi teinte. La douleur que c’était de se savoir responsable de la sienne. Créateur de la sienne. Pourtant son visage demeura de marbre. Creusé. Heurté. L’ombre de lui même dans un un halo de candélabre. Un spectre.

-… Trouve lui un nom, finit-il par dire, ses doigts contre son col se desserrant lentement, sans le relâcher pour autant. Signe les papiers qu’on te présentera. Je paierai les frais. Tous les frais...

Sa voix baissa au point de presque devenir un murmure, son grand corps s’affaissant sur lui même. Il était épuisé. Epuisé de tout ce qui était arrivé. Epuisé d’avoir courut pour fuir son propre démon. Epuisé d’avoir sentit son coeur mort se remettre à saigner. Epuisé d’avoir perdu. Epuisé d’avoir prétendu. Epuisé de ne pas l’avoir rattraper dans ce couloir. Epuisé d’avoir échoué.

-Elle aura les meilleurs soins de la ville. Tu pourras rester avec elle, continua-t-il à murmurer, d’une voix morte. Tu pourras rester… Avec ta fille.

Le mot dans sa gorge le brûla comme de l’acide, ses yeux se fermant sous le coup de la compréhension. Une fille. Antropy avait une fille. Une famille. Sa compagne était morte mais l’enfant demeurait. Peut-être était-ce tout ce dont il avait toujours rêvé et que Carlisle n’aurait jamais pu lui offrir. Une famille. La possibilité d’une vie paisible, dénuée de noirceur, dénuée de danger, dénuée de tout ce qui faisait de lui cet être abominable. Sans lui, il pourrait vivre heureux. Avec elle. Avec sa fille. Sans lui, il aurait au moins cette chance là.

Ses doigts contre son col finirent par lâcher prise, ses bras retombant lentement le long de son corps. Il eue un soupir, las,avant d’enfin relever les yeux vers lui. Il fallait qu’il renonce. Après tout, n’était-ce pas déjà ce qu’il avait fait ? Il avait renoncé à lui, était parvenu à l’oublier. A s’en persuader du moins. Il était parvenu à enfermer la mièvrerie de ses sentiments dans des verres d’alcool et des concertos sans fin. Il avait fait cesser son coeur et avait survécu. Il pouvait bien continuer. Il le devait. Le revoir n’avait été qu’un malheureux hasard, un coup fourbe du destin, juste ce qu’il fallait pour lui donner la chance d’effectuer une vraie sortie de scène. Un acte héroïque, une sortie triomphale. Antropy n’avait pas besoin de lui. Antropy n’était pas amoureux de lui. Ces mots… Ce n’était que des tentatives. Des imbécilités lancer aux quatre vents. Rien de concret. Rien de vrai…
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________________________________________ 2017-11-11, 16:13


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Je le pris comme une attaque. Un poignard en plein cœur lorsqu’il m’accusa d’un mensonge qui n’en était pas un. Je ne mentais pas. Je n’avais jamais été capable de lui mentir, encore moins sur les sentiments qui me liaient à lui malgré tout ce qu’il s’était passé. Je l’avais aimé dès les premiers instants, d’abord d’un amour adolescent, un coup de cœur pour son talent et sa personne, puis par jeu, puis par contradiction et enfin par amour simple véritable. Aujourd’hui je l’aimais désespérément. Je l’aimais d’être resté et d’être venu. Je l’aimais de fuir comme il aurait du le faire il y a lontemps. Je l’aimais dans sa colère et sa fureur, parce que cela signifiait qu’il n’était pas redevenu l’homme froid et insensible qu’il se vantait d’être. Parce qu’il y avait peut-être un espoir, même infime, que ses sentiments réciproques l’empêchent de se détacher complètement. Et ce baiser qu’il m’avait asséné n’en était qu’une preuve de plus. Virulent. Bestial. Comme la hargne qui l’habitiat à mon encontre et que j’avais nourrie, malgré moi, pendant tout ce temps perdu.

Il retourna le poignard, le roula à nouveau dans la plaie et l’enfonça même davantage au fil des secondes qui égrenaient cette grotesque situation. Je savais qu’il avait mal. Je savais qu’il était terriblement blessé… Mais j’étais dans le même état. J’étais exactement cet être qu’il croyait être seul à représenter, blessé, meurtri, enragé de réponses et de vengeance. J’étais comme lui, même si les chocs répétés contre la voiture ne faisaient que renforcer la douleur lanscinante de mon corps. J’étais fatigué. J’étais épuisé. J’avais mal, au corps, au cœur, à l’âme. J’avais mal de lui… Mais il refusait de me croire. De m’accorder le moindre crédit. En un instant j’étais redevenu un enfant à ses yeux, un témoin gênant ; il m’avait retiré sa confiance et je ne pouvais rien faire pour me rattraper.

« Elle n’était pas… » Commençais-je, mais il ne me laissa pas terminer. Il continua de vociférer des insultes plus vives les unes que les autres, déguisées en promesses dont je n’avais que faire. « Je ne l’ai pas… choisie… Elle ne… »

Ma voix était hachée, cassée, brisée de sanglots ou bien de secousses je l’ignorais. Je ne savais même pas si je pleurais ou non, si mes larmes coulaient encore tant j’avais l’impression d’être vide. Sec. Aride. Un champ de ruine, un champ de bataille dévasté sur lequel il aimait encore faire couler le sang de la haine. Et je subissais. Je subissais sa fureur diabolique. Je subissais cette peine qu’il déversait à m’en noyer de remords et de regrets. Les choisir. Les choisir… Je n’avais rien choisi. J’avais vécu sans attendre. Sans espérer. J’avais avancé sans m’en rendre compte. Mais j’ignorais que cela signifiait mettre une distance définitive entre nous.

Je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas qu’il décide à ma place. Comme il l’avait toujours fait et comme il savait si mal le faire. Carlisle n’avait jamais su réfléchir pour moi, se mettre dans ma tête, et ce n’était sûrement pas ce soir qu’il allait y parvenir. Pas dans son état. Pas dans le mien. Si mal… Tant de mal. Trop de mal. Qu’il arrête de me secouer. Qu’il arrête de me malmener. Qu’il cesse un peu. Et il arrêta alors que j’allais le lui demander, mes mains sur ses poignets. Glacés quand mes paumes étaient chaudes. Bouillante de cet espoir qui tentait vainement d’exploser dans la noirceur de cette rancœur. Il me détestait. Il me haïssait. De nouveau, j’étais un inconnu pour lui.

Je ne répondis pas à ses ordres. Je ne répondis à rien de ses paroles, me contentant de l’écouter se faire violence pour se raisonner. La logique avait toujours été la clef de son cheminement de pensées, il cherchait donc un moyen de reprendre le contrôle de la situation. De se l’approprier pour qu’elle lui soit plus supportable. Que je lui soit plus supportable. Que cette petite fille, dans la couveuse, trouve un sens là où elle n’en avait aucun. J’avais eu plusieurs mois pour apprendre que j’allais sûrement être père. Lui venait à peine d’effleurer la notion et le déferlement qui en découlait était à la fois compréhensif et totalement démesuré. J’étais devenu quelqu’un d’autre. Je prenais un autre rôle. Une autre tâche. Il m’écartait des schémas qu’il avait tracé pour moi, je m’en écartai, et ça foutait un sacré bazar dans sa tête.

Je croisais son regard. Des yeux clairs, cernés de blancs et de rouge. Des yeux glaciaires dans lesquels brûlaient des flammes si différentes qu’elles en devenaient coupantes. Je sentais sa peine. Je sentais sa détresse. Je sentais qu’il était sur le point de basculer et qu’il suffirait d’un mot, d’un acte, pour qu’il tombe d’un côté où de l’autre. Jusqu’à quels tréfonds avait-il rendu visite pendant mon absence ? Jusqu’où s’était-il fait du mal ? Est-ce que je comptais tant pour qu’il… Ne parvienne même pas à… M’abandonner, purement et simplement ?

Et je compris que si je voulais le garder… Il me faudrait accepter toutes ses conditions. Quelles qu’elles soient.

« D’accord… » Articulai-je enfin, retrouvant la liberté de mouvement de ma tête et de mes épaules ankylosées. « D’accord, je… Lui trouverai un nom et… je m’en… occuperai. C’est… Je le ferai. »

J’essayai d’avoir l’air résolu, je n’avais que plus l’air misérable encore. Je reniflai et essuyai mon visage du dos de la main, fixant mes pieds tandis que je remontai sur le trottoir face à lui.

« Je ne compte pas l’abandonner. »

Tout comme je n’ai jamais voulu t’abandonner, toi… Mais je tus cette pensée malgré la grimace douloureuse que cela me coûta. Tous ces mots m’étaient douloureux. Toutes ces paroles futiles n’étaient que des aiguilles qu’on plantait dans chaque pore de ma peau.

« Alors… Ne… N’abandonne pas, toi aussi. » Je vis à son regard soudain acéré qu’il allait répondre, mais je parlai plus vite encore. « Je t’aime. Je sais que… Tu ne me crois pas mais, je t’aime. Je t’aime tellement. Tu es… Tu as été l’amour de ma vie. Tu es… Tu l’es toujours, malgré tout. Tu veux que je mente, que je dise le contraire, parce que… ça te donnerai une bonne raison de me haïr et de partir. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas dire ça. Je ne peux pas renoncer à… A toi. Je t’aime. »

Je tendis la main vers lui, il recula. Je n’insistai pas, ma paume suspendue en l’air entre nous deux.

« Reste. Reste avec moi. Reste avec… nous. Reste, s’il te plaît. Ne… S’il te plait, ne t’enfuis pas. Ne pars pas. J’ai… Nous… J’ai besoin de toi. »

Trembler semblait être devenu une seconde nature. J’avais du mal à respirer tant un étau comprimait mes poumons. J’avais du mal à me concentrer. J’avais du mal à tout en face de lui de toute manière. J’étais ridicule. Misérable. Il était le Diable et moi… Je ne savais même pas quelle prétention adopter pour lui tenir tête. Je n’avais pas peur de lui. J’avais peur pour lui.

Je poussai un soupir, l’air plus décidé soudain. Au maximum de mes capacités.

« Reste avec moi. Si ce n’est pas pour moi, fais-le pour elle. Pour elle à qui tu veux tout offrir. Pour elle à qui tu veux apporter les meilleurs soins. La meilleure chance de survie. Reste avec nous. En souvenir de… De ce qu’on a vécu, tous les deux. » Ce n’était pas le meilleur argument et je savais qu’il allait le réfuter à la première occasion. « Je ne veux plus être… séparé de… toi. »

Ajoutai-je dans un murmure qui m’étrangla la gorge, retenant d’autres sanglots encore. Je parvenais à peine à discerner le chemin qu’il me restait et celui-ci semblait semé d’embuches et d’obscurité. Trop loin. Trop grand. Trop boueux et piégé. Sans lui, j’avais la sensation que je n’y arriverai pas. Que je n’y arriverai plus. Toutes mes résolutions volaient en éclat tandis que mon oxygène était en train de m’être arraché.

J’avais terriblement besoin de lui.

« Reste. Je t’en supplie. »

... Et lui, de moi.
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________________________________________ 2017-11-20, 10:40

Tell me the valor of Life » EvilTiger 1498307234-eviltiger3    Tell me the valor of Life » EvilTiger Tumblr_nnxzo9NQzN1ron3qio1_500
That's the price of love, the price of love, a debt you pay with tears and pain. The price of love, the price of love, it costs you more when you're to blame.


Son regard se fit soudain plus coupant qu’une lame, plus violent encore que le moindre des mots qu’il avait prononcé jusque là. Sa gorge se fendit d’un rire sec et creux, caverneux comme si il s’était échappé des tréfonds de cette cage dans laquelle il était parvenu à enfermer la moindre émotion qu’il avait pu ressentir depuis son départ.

-Penses-tu donc que j’ai la moindre affection pour cet enfant ? Je n’ai que faire de cette chose que tu as crées en sa compagnie, siffla-t-il, en appuyant chaque mots d’un pas menaçant vers lui.

Qu’Antropy ne cille pas le rendait fou de colère. Qu’Antropy ne fuit pas le rendait ivre de haine. Mais plus que tout, c’était encore de voir ses larmes qui lui faisait le plus de mal. Que ne comprenait-il pas ? Que ne saisissait-il pas ? Rien de ce qu’ils avaient été n’existait plus désormais et il pourrait clamer le contraire que cela ne changerait rien ! Il était parti ! Il avait une fille ! Il prétendait l’aimer mais c’était impossible. On ne pouvait aimer le Diable, s’en défaire et revenir. Les choses ne fonctionnaient pas ainsi. Et lui ne pouvait tolérer un tel mensonge…

-Tu as des responsabilités, cracha-t-il, en pointant son index vers son visage, faisant presque trembler sa lèvre inférieure. Tu as des responsabilités et tu ignores même lesquelles! explosa-t-il, reculant à nouveau de plusieurs pas, lui tournant le dos quelques instants.

Il aurait pu partir, mais sa colère le rendait aveugle au bon sens. A la logique qui était pourtant la sienne. Et qu’il aurait adopter dès lors qu’il l’avait aperçut dans ce couloir.

-As-tu la moindre idée de ce que cela représente d’élever un enfant, as-tu la moindre notion en la matière?! s’énerva-t-il, commençant à faire des cents pas erratiques, incohérents. Que sais-tu de l’éducation, des gestes à adopter ?! Comment porter un enfant, de quelle façon soutenir sa nuque ? Comment savoir pour quelles raisons il pleure?! Tu ne sais rien, rien de tout cela !

Lui savait. Lui avait du palier aux absences parentales. Lorsque Avie était née, il n’était guère âgée, mais la disparition de Père l’avait forcé à apprendre. Il avait observer les domestiques. Demander à ce qu’on lui explique. Une soif d’apprendre immense pour un enfant désireux d’apprendre à aimer sa sœur. Carlisle était le seul père qu’Avie ai jamais connu. Et voir Antropy endossé ce rôle le rendait fou. Fou de haine, fou de rage, fou d’angoisse aussi face à son air aussi perdu qu’épuisé. Qu’avait-il donc fait pendant ces mois de tournées avec elle ? N’avait-il pas apprit, prit des cours comme tout ces futurs parents de sa génération ? N’avait-il donc aucun principe, aucun honneur ? Il allait être père -il était père alors pour l’amour des Diables qu’avait-il donc attendu pour apprendre ?!

-Tu n’es qu’un enfant, comment pourrais-tu élever le tien ?! Je n’ai que faire de ta progéniture mais sois réaliste, tu n’y connais rien!

D’un pas vif, il revint vers lui, le menaçant de toute sa taille.

-En souvenir du passé ?! Tu veux vraiment que l’on aborde le sujet ici et maintenant?!

Sa main serpenta jusqu’à son menton, l’enserrant dans une poigne de fer pour le forcer à le regarder. Le forcer à assumer le carnage qu’il avait fait. Le forcer à affronter le regard ivre d’une haine innommable qui le défigurait.

-Tu es parti, siffla-t-il d’une voix brisée. Tu es parti et tu m’as remplacé par une autre.

Il n’avait pas envie de parler ainsi. Pas envie de le laisser croire qu’il avait put le blesser plus que cela, mais il devait se rendre à l’évidence. Rien n’était plus criant que la douleur qui défigurait ses traits. Rien n’était plus marquant que la maigreur de son visage. Rien n’était plus évident que l’amertume de son ton. Il aurait voulu paraître fort. Invincible. Le Diable porteur de Lumière, indétrônable. Mais il n’en était rien. Il n’avait rien d’un sombre héros. Il n’était plus rien depuis de longs mois désormais. Et tous le savait.

-Alors arrête de prétendre me vouer des sentiments que tu as donnés à une autre. Je n’en veux pas.

Pourtant, à l’instant même où il prononça ces mots, ses yeux dévièrent sur les lèvres tremblantes d’Antropy, les fixant un long moment avant de parvenir à s’en défaire. Il ne voulait plus rien venant de lui. Il ne désirait plus la moindre chose. Il n’avait pour lui plus que de la haine et de la colère, rien de plus. Et si il faisait preuve de bonté, cela n’avait rien à voir avec ce qu’ils avaient pu être. Il avait tout balayé. Détruit, jeter aux quatre vents. Il avait choisit de partir et de prendre une femme à son bras. C’était lui qui avait choisi qu’ils n’étaient plus rien. Et Carlisle ne lui ferait pas le plaisir de réclamer ou de revenir en arrière.

On ne blessait pas un homme comme Carlisle sans être à son tour mortellement blessé.

Ses doigts contre son menton se crispèrent encore, prêts à le marquer de bleu et de rougeur, quand soudain, la main d’Antropy vient saisir sa nuque, le surprenant suffisamment pour le forcer à se pencher, et laisser le plus jeune venir s’emparer de sa bouche. L’envahir totalement. Ses bras s’enroulèrent autour de sa nuque, le forçant à courber l’échine sous son poids et Carlisle du s’appuyer à la voiture derrière lui pour ne pas perdre l’équilibre. Comme le sien, son baiser était dur, désespéré. Odieux dans ses suppliques, que Carlisle finit par mordre. Ronger. Il ne voulait pas de cela. Pas de ses baisers, pas de son corps contre le sien. Pas de ces réminiscences qui lui broyaient les entrailles et lui arrachaient le souffle. Rien de tout cela. Il ne voulait plus rien.

-Je n’ai pas le moindre sentiment pour toi, souffla-t-il à même sa bouche, sa main venant appuyer sur sa gorge pour l’éloigner de lui.

Alors pourquoi le voir si miséreux lui donnait envie de l’enserrer contre lui et de le bercer comme il l’avait fait tant de fois auparavant ?…

-… Trouve lui un nom, répéta-t-il. Je demanderais à Schubner de t’héberger. Elle… Aura les meilleurs soins. Et tu… Seras auprès d’elle.

Lui reprendrait l’avion dès le lendemain.
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