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Aryana Cloud-Sandman
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________________________________________ 2019-01-31, 20:36



These Are The Days Of Our Lives.

Septembre 1975, Pays de Galles,
Studio de Rockfield, entre deux Galileo...


"When I'm holding your wheel
All I hear is your gear
When I'm cruisin' in overdrive
Don't have to listen to no run of the mill talk jive.
I'm in love with my car (love with my car), gotta feel for my automobile
I'm in love with my car (love with my car), string back gloves in my automolove."

Je retins mon souffle et applaudis poliment la prestation de Roger. Il venait de chanter sa dernière composition solo en passant la bande témoin de la musique.

"Ca envoie, non ?" fit-il, ses grands yeux bleus guettant une réaction positive de ma part.

Je battis des cils afin de me laisser le temps de ne pas le décevoir.

"Il y a du... potentiel. C'est certain."

Nous nous trouvions dans le studio d'enregistrement -une ancienne ferme en briques rouges- où depuis plus de quinze jours, le groupe Queen travaillait son nouvel album très attendu. Freddie avait choisi le titre depuis des mois, A Night at the Opera, et je m'estimais infiniment chanceuse de pouvoir en suivre le processus dans l'ombre. C'était une place qui habituellement ne me convenait pas, mais ces quatre "stars" brillaient tellement fort que je m'acclimatais fort bien de leur lumière.

"Voilà, merci !" lança Roger avec un peu trop d'humeur qui ne m'était pas destinée. "Les autres critiquent la chanson en disant qu'elle est un peu faible, mais j'y ai mis mes tripes et toute ma..."

"... poésie." achevai-je d'un ton entendu.

Ses yeux brillèrent, saisis d'émotion. Puis un sourire arqua sa bouche, équilibrant d'autant mieux la symétrie intéressante de son visage.

"Tu le sens aussi ce truc entre nous ? Ou c'est juste moi ?" fit-il tout en nous désignant tour à tour.

L'air de rien, j'avais remarqué que sa chaise à roulettes s'était rapprochée de moi. Je plissai des yeux avant de poser la main sur son épaule et de le repousser avec une petite impulsion. Il alla rouler deux mètres plus loin en éclatant de rire.

"T'es une sacrée nana."

"Je sais." fis-je en passant une main désinvolte dans mes cheveux volumineux.

J'avais plutôt bien perçu le profil de chaque Queen, et il s'avérait que Roger était le tombeur du groupe. Aucune femme ne lui résistait. Par souci de contradiction, j'avais donc décidé d'être une cible inaccessible. Fatalement, il allait redoubler d'efforts pour me conquérir, et j'aimais assez. Il avait déjà commencé en me chantant sa dernière chanson.

"Et qu'en est-il de Bohemian Rhapsody ?" demandai-je, mutine.

"Ouuuh gros morceau. Freddie travaille dessus nuit et jour. Il est scotché à son piano. Mais on avance bien. C'est une expérience unique, et on espère que ça sera pareil pour l'auditeur."

Quand il parlait musique, il oubliait d'être canaille et arrogant. J'appréciais beaucoup ce Roger-là, mais je savais que le lui révéler ne lui rendrait pas service. Il penserait que j'étais conquise.

"Vous allez être grandioses. Comme d'habitude." fis-je en haussant les épaules, assurée.

On frappa à la porte et cette dernière s'ouvrit sur Brian avant même qu'on l'ait invité. Il eut un sourire furtif en me voyant puis adressa un regard sévère à Roger.

"On avait dit qu'on venait ici pour ne pas avoir de distraction et se concentrer sur le boulot."
fit-il semblant de le gronder.

Roger roula des yeux et soupira.

"Une seule fille à des kilomètre à la ronde et il faut qu'elle soit avec toi !"
poursuivit-il, agacé.

"Serait-ce de la jalousie que je perçois ?" répliqua Roger avec un sourire narquois.

Nonchalamment, il appuya son bras contre le dossier de sa chaise.

"Je n'y peux rien si je suis le plus beau."

Ce fut au tour de Brian de lever les yeux au ciel.

"Vous avez tous du charme." intervins-je, mais le brun prit mes paroles pour de la pure gentillesse et m'adressa une moue reconnaissante mêlée d'embarras. Il me fit tellement mal au coeur que j'ajoutai en vitesse : "Mais de toutes façons, j'ai toujours préféré les guitaristes."

Sans un regard à Roger -qui venait de laisser échapper une exclamation stupéfaite- je passai devant lui pour rejoindre Brian. Ce dernier écarquilla les yeux, n'osant y croire. Je lui adressai un sourire et me mis sur la pointe des pieds pour poser une main contre le haut de son bras.

"Tes solos de guitare me font vibrer. Tu sais, quand tu joues, parfois je m'imagine que... c'est mon corps que tes doigts caressent."
murmurai-je à son oreille.

Le tressaillement qui le parcourut agrandit mon sourire, surtout que mes paroles étaient sincères.

"Je suis sûr que tu imagines mes baguettes te... frapper." fit Roger qui nous avait rattrapés.

Je fronçai les sourcils. Niveau poésie, aucun doute, on était au degré de I'm in love with my car. Il s'aperçut lui-même de sa bévue car il se mordit les lèvres et adressa un regard noir à Brian qui semblait aux anges.

"Maintenant, excusez-moi les garçons, mais je vais rejoindre mon Apollon."

J'ignorais où il se trouvait, en réalité, et je n'avais pas envie d'utiliser mes pouvoirs pour le localiser. Peut-être était-il occupé avec Freddie ou Deacy ? Ou s'amusait-il à traire les vaches ou chasser les poules ? Avec mon frère, tout était à envisager.

En apprenant que notre groupe préféré s'offrait une retraite à la campagne afin de travailler sur leur album, nous avions saisi l'occasion de les rencontrer en nous présentant à eux comme des habitants de la ferme voisine. Depuis, nous avions sympathisé et nous étions devenus des sortes de muses pour eux, fonction qui nous plaisait énormément. Bien évidemment, Apollon avait pris un nom d'emprunt, comme moi, mais je trouvais amusant de l'appeler par son véritable prénom, puisque c'était bien le seul avec qui on pouvait se le permettre, puisqu'il s'agissait d'un compliment -qui lui allait à ravir, de surcroît.

Tandis que je me rendais dans la cour de la ferme, j'entendis, grâce à mon ouïe fine, Brian dire à son ami à voix basse :

"Tu devrais lâcher l'affaire : elle est avec ce gars, c'est évident. Tous les deux, on dirait des mannequins sortis d'un magazine. Ils sont assortis."

"Tu fais ce que tu veux, mais je m'avoue pas vaincu." s'entêta Roger. "J'aurais cette fille. Elle sera mon Mont Everest."

Restant dos tourné à eux, j'esquissai un sourire amusé et poursuivis ma marche.

"En attendant, ce sont mes doigts que son corps caresse quand je joue."
précisa Brian avec un orgueil qui me surprit de sa part.

"Fais pas le malin. Au final, tu la toucheras que dans tes rêves."
assura Roger en lui faisant une tape sur le torse. "Alors que moi..."

"... tu resteras amoureux de ta voiture." conclut Brian, goguenard.

Je l'entendis s'esclaffer. Roger répliqua quelque chose mais je me fermai à leur conversation en percevant des notes de piano provenir de la salle à manger. Cette ancienne ferme ressemblait à une maison entièrement musicale. Pas étonnant qu'Apollon s'y sentait si bien. Au final, personne ne jouait de piano, c'était un disque de Chopin dont la mélodie s'échappait depuis la porte entrouverte de la vaste demeure. Entendre une musique d'un ancien ami dans l'atmosphère de ces lieux était une expérience à la fois émouvante et joyeuse. Une façon de prouver que la vie suit son cours et qu'au final, on ne perd jamais vraiment les gens qui comptent. Ils vivent à travers leur héritage.

Je haussai un sourcil en apercevant Freddie occupé à jouer au frisbee avec mon frère, à l'extrémité de la cour, près des pâturages. Cela avait quelque chose de ridicule et d'extravagant. Ca leur correspondait plutôt bien. En revanche, il aurait fallu m'expliquer pourquoi Apollon avait jugé utile d'enlever sa chemise alors qu'il faisait dix degrés.

Silencieuse, je m'appuyais contre le mur de briques rouges et croisai les bras, observant les deux énergumènes s'amuser en toute insouciance. Leurs longs cheveux s'agitaient dans le vent comme des crinières. Ca leur donnait un petit côté sauvage. Et pour faire taire les mauvaises langues, non je ne les matais pas. Ou juste un peu.

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________________________________________ 2019-02-04, 23:47



Don't stop me now,
I'm having such a good time


L'air frais lui faisait toujours le plus grand bien. Sortir d'Olympe, s'éloigner de Zeus, de son caractère insupportable et de ses délires paranoïaques, voir le monde et les humains qui le peuplaient... C'était toujours un véritable plaisir. C'était revigorant. Comme des petites vacances qu'il s'accordait de temps à autre. Il partageait la plupart de ces moments avec Artémis à la recherche des nouvelles âmes les plus talentueuses dans les domaines qu'ils affectionnaient, mais il daignait parfois lui laisser un peu de tranquillité en compagnie de ses chasseresses. Elle ne le supporterait déjà plus si il n'acceptait pas de temps à autre de lâcher la bride. C'était une occasion de vaquer chacun à ses occupations : elle avait également cette Madame Veil qu'elle aimait suivre dernièrement, alors que ses propres pensées étaient dirigées dans une toute autre direction. La musique, toujours, évidemment. Mais pas que.

« Aouh ! » s'exclama-t-il en portant une main à son visage d'un geste théâtral et d'un ton exagérément surpris, alors que le frisbee venait de frapper son arcade dans un bruit sec.

Il avait à peine ressenti un chatouillement à ce choc, en réalité. Il aurait également tout aussi bien pu avoir le réflexe de le rattraper, il était assez rapide pour ça, et il l'avait vu venir de loin. Seulement, Apollon était un phénomène à lui seul qui aimait se faire plaindre pour un rien dès qu'il mettait les pieds hors de la cité. Recevoir volontairement un coup dans la tête était aussi un bon moyen d'avoir l'air d'un humain lambda un brin maladroit. Ça faisait partie du personnage. Il adorait les jeux de rôle.

« J'ai failli perdre un œil ! Mon magnifique visage aurait pu être mutilé à vie, Freddie ! » poursuivit-il avec un sourire qui contrastait largement avec ses paroles. « Kubrick voudra jamais de moi dans son prochain film si je deviens aveugle... »

Le ton de sa voix partait dans les aigus tandis qu'il se mettait à rire en écho à l'amusement de l'autre homme, une réaction qui collait parfaitement à cet Adam qu'il interprétait depuis qu'ils avaient mit les pieds dans cette ferme. C'était un prénom qui lui allait à la perfection. Tout lui allait à la perfection. Il se faisait passer pour le rejeton d'une famille de chrétiens qui avait été renié parce qu'il prétendait à une carrière d'acteur de renom sans parvenir à percer, après tout, il devait faire les choses bien. Il n'avait pas souhaité leur faire de l'ombre en admettant son talent pour la musique mais avait conservé une touche artistique par ce biais.

Il avait toujours préféré admirer le talent des autres plutôt que d'étaler le sien quand cela concernait les humains. Il adorait leur créativité et leur passion. C'était ce qui l'animait, tout en le frustrant de ne pas pouvoir partager un morceau en leur compagnie. Mais quand Freddie se mettait à jouer du piano ou qu'il entendait le groupe sur scène, il pouvait jurer qu'il se rapprochait un peu plus de ce qui devait être le Paradis.

« Et toi, voudra-tu toujours de moi ? » cria-t-il, faussement désespérée, à l'attention d'Aphrodite – celle-même qui était à l'origine de sa distraction – tout en arborant un sourire éclatant.

Il passa nonchalamment une main dans ses cheveux qui bloquaient quelque peu sa vue tout en se rapprochant vivement de la déesse. Peu importe l'époque, elle était resplendissante. C'était un talent qu'ils partageaient tous les deux. Il appréciait passer du temps en sa compagnie et chérissait ces courts instants – qui ne l'aurait pas fait à sa place ? Tout le monde le jalouserait d'avoir la chance d'être à proximité de la créature la plus magnifique de la Création. Même Freddie ne pouvait pas le nier bien qu'il devait être celui qui lui accordait le moins d'attention, à la réflexion. Il se demandait même si il n'était pas jaloux de l'aura qu'elle dégageait. Ça aurait été compréhensible.

« Regarde, je vais avoir un bleu. » fit-il remarquer à la jeune femme tout en penchant sa tête dans sa direction au-dessus du mur de briques, alors qu'il allait en réalité parfaitement bien.

Il aimait bien juste la regarder. C'était toujours intense de plonger dans son regard. Ça avait quelque chose de distrayant aussi. Il finit par largement sourire avant de tourner la tête, cherchant sa chemise des yeux sans parvenir à la retrouver et haussant finalement les épaules. Ça n'avait pas la moindre espèce d'importance.

« Alors ? T'as encore rendu fous les deux autres ? Ils ont survécu ? » l'interrogea-t-il, faussement désinvolte, en s'appuyant sur les briques pour s'y asseoir.

Il avait sorti un paquet de cigarettes de la poche de son pantalon avant de prendre l'une d'entre elles entre ses lèvres et de l'allumer distraitement de son briquet. Il n'appréciait pas particulièrement cette habitude humaine – c'était tellement dangereux pour leur santé à ses pauvres fous, ils aimaient prendre des risques. Mais c'était un de ses détails qu'il aimait travailler.

« Dire qu'on pourrait les laisser tranquilles juste un petit moment et visiter la chambre de John tous les deux... » articula-t-il, taquin, tout en passant sa main libre dans une des mèches blondes de la jeune femme. « Stars of lovingness in her hair... »

Il fredonna ces quelques mots distraitement, écartant sa main tout en aspirant une nouvelle bouffée de sa cigarette.

« Combien de personnes doivent penser à toi en attendant cette chanson, Jane ? »

Il haussa un sourcil dans une expression malicieuse avant de se redresser.

« Oh. Freddie est parti. » constata-t-il avec une moue boudeuse, entendant des notes de piano qui laissait penser que l'inspiration l'avait reprit. « Regarde comment tu me distrais ! C'est incroyable ! Il faut que tu arrêtes de faire ça, tu sais que je suis hors catégorie. »

Il ne se laissait pas charmer aussi facilement que Brian et Roger. Ou alors... il voulait juste le faire penser. C'était plus drôle de faire les choses comme ça. Tout en se redressant, il lui adressa un clin d'oeil en s'éloignant tout en lui faisant face avant de pivoter au bout de quelques mètres.

« John ! Je te cherchais ! » s'extasia alors le dieu tout en accélérant le pas, son bras passant au-dessus des épaules du jeune homme qui passait par-là. « Dis, est-ce que tu l'as déjà entendu chanter ? Elle interprète Edith Piaf comme personne. Ça la rend toute mignonne avec son petit accent. Pourquoi tu leur ferai pas une démo ce soir, Jane ? »

Il avait à peine tourné la tête pour lui lancer cette proposition d'une voix d'un cri, bien qu'il savait qu'elle pouvait l'entendre très distinctement sans cet effort. Si lui ne laissait pas entendre sa voix qui était bien trop impressionnante pour ne pas les gêner, rien n'interdisait à sa sœur de se laisser aller à quelques performances. C'était une occasion unique d'être écoutée par un tel groupe, même pour des divinités. Quel était leur but en venant à cet endroit déjà ? De ne pas être distraits ? Oh. C'était déjà peine perdue avec Aphrodite dans le coin de toute façon. Autant en profiter et se faire plaisir.
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________________________________________ 2019-02-06, 12:03



You call me up and feed me all the lines
You call me sweet like I'm some kind of cheese. O_o


Je fronçai les sourcils tout en lorgnant Apollon d'un oeil oblique. John afficha une expression étonnée.

"Ah vraiment, tu chantes ?"

"Mais Ap... Adam aussi."
précisai-je aussitôt en me corrigeant de justesse. "Et il prétend à beaucoup d'autres choses figure-toi, car il vient de me proposer d'aller faire des galipettes dans ta chambre. Pourquoi la tienne, je me le demande."

Je croisai les bras tout en souriant au dieu des arts, alors que le bassiste levait les mains d'un air désinvolte malgré la déception visible sur son visage.

"Vous êtes libres de faire ce que vous voulez. Mais... prenez plutôt la chambre de Roger. Ca va bien l'énerver."

Il ne parvint pas à cacher son expression réjouie et je secouai la tête, exaspérée. Les hommes, tous les mêmes ! Je braquai de nouveau mon regard sur Apollon qui paraissait ravi d'être soutenu par son nouveau grand copain qu'il tenait par les épaules. Cela termina de me mettre de mauvaise humeur. Je tournai les talons sans un mot, estimant que mon silence et mon expression glaçante étaient plus éloquents que n'importe quelle parole.

Je me rendis jusqu'à la salle à manger dans laquelle Freddie composait. Il jouait une mélodie absolument magnifique tout en fredonnant, puis s'interrompait brutalement pour prendre des notes, avant de reprendre avec une passion presque frénétique. Je ne souhaitais pas le déranger. Ce serait criminel en un pareil moment. Aussi je marchai sur la pointe des pieds pour faire machine arrière et retourner dans la cour de la ferme. Tout en passant près d'Apollon et John qui me lancèrent un regard perplexe, je grognai, volcanique :

"Je suis toujours en colère !"

Dans mon dos, j'entendis le bassiste demander à Apollon à voix basse :

"Tu sais ce qu'on a fait de mal ? Parce que j'ai pas compris..."

C'était là tout le problème, mais je n'allais certainement pas les aider à y voir plus clair.

***

La nuit venue... These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA 1634017881 These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA 2852471132

Il était très tard, aux alentours de trois heures du matin. Je n'avais jamais prêté d'attention particulière aux mouvements de l'horloge, puisque mon corps n'obéissait à aucun rythme. Je n'avais pas besoin de sommeil et de l'énergie à revendre. Cependant, il était toujours amusant de voir les mortels se préparer à aller dormir, puis les écouter ronfler pendant des heures. Avec Queen, les nuits étaient mouvementées. Ces messieurs, habitués à enregistrer en studio à des heures indues (avant d'être connus, ils étaient contraints d'utiliser les studios quand les autres artistes n'en voulaient pas), dormaient finalement très peu, ou jusque très tôt l'après-midi. C'était la seconde nuit que nous passions en leur compagnie et c'était incroyablement stimulant. Nous alternions entre jeux, chansons et discussions autour d'avenirs utopiques. J'avais fini par mettre ma rancune de côté. Après tout, personne n'est parfait, pas même Apollon même s'il prétendait le contraire.

De toute la bande, Roger était le seul à dormir, malgré le boucan que nous faisions. Assis par terre, la tête reposant contre le bas du canapé, il avait été emporté par l'ouragan de Galileo que Freddie l'avait contraint de chanter le reste de la journée ainsi qu'une bonne partie de la soirée. Comme le jeune homme assoupi était à ma merci, je m'étais amusée à lui faire des couettes tout en discutant avec les autres. John avait sorti le Polaroïd pour immortaliser cet instant et nous nous étions tous contorsionnés pour figurer sur les clichés, en faisant des grimaces.

Freddie, emporté par l'euphorie, accourut soudain avec un feutre indélébile dans l'intention de lui dessiner une moustache, mais à cet instant, Roger se réveilla en sursauts.

"Keskya ?" marmonna-t-il d'un ton éraillé -les Galileo étaient toujours coincés dans sa gorge.

Il cligna des yeux sur la pointe du feutre dirigée vers lui et le repoussa brusquement.

"Fais gaffe, Fred !" le mit-il en garde.

Le chanteur se contenta d'afficher un large sourire avant de ranger le feutre et de m'adresser un clin d'oeil. Après quoi il se redressa et alla s'affaler nonchalamment près du piano. L'atmosphère de la pièce était lourde, chaude et enfumée, mélange de tabac, de sueur, et d'une substance plus volatile et parfumée.

Pour apaiser Roger qui observait son ami d'un oeil suspicieux, je pressai son épaule, la massant délicatement de mes doigts experts. Il se décrispa instantanément, sans toutefois remarquer son étrange coiffure. Quant à moi, je restais étendue sur le canapé, mes jambes reposant sur celles d'Apollon. Brian était assis dans un fauteuil et lisait une revue scientifique tout en fumant de l'herbe -mélange étonnant et détonnant. Quant à John, il avait planqué le Polaroïd sous le-dit fauteuil et sifflotait pour masquer le bruit de l'appareil qui laissait échapper la dernière photo instantanée.

Profitant que Freddie entamait une mélodie de Gloria Gaynor au piano, je l'accompagnais spontanément au chant, jetant un coup d'oeil à Apollon. Il fallait au moins que je lui donne une partie de ce qu'il voulait, à défaut du reste. Freddie tourna brièvement la tête vers moi mais poursuivit ses accords en tempo allegro, alors que ma voix fluette s'élevait dans la pièce enfumée. Brian ferma sa revue pour m'observer, imité par John qui entrouvrit la bouche. Quant à Roger, puisqu'il me tournait le dos, je ne pouvais voir l'expression de son visage, mais je percevais son coeur pulser plus vite tandis que je battais la mesure contre son épaule.

"Every time I think I've had enough
I start heading for the door
It's that same ol' dizzy feeling
Piercing me right through the core."


Tout en chantant, je m'amusais à regarder les différents garçons, m'attardant sur l'un, puis l'autre, accordant à chacun une attention particulière pour ensuite les ignorer. Plus la musique avançait, plus nous bougions tous en rythme sans nous en apercevoir, et sans pour autant nous lever. D'un point de vue extérieur, cette scène aurait sûrement été ridicule. Au moment du "Never never never" répété plusieurs fois, je tressaillis, surprise, alors que les voix des garçons, si différentes et harmoniques, se mêlaient à la mienne. Je croisai à cet instant le regard d'Apollon qui chantait aussi, nettement plus bas, et un sourire fendit mon visage. Le sentait-il, lui aussi, que cet instant était magique ? Une perle rare entre toutes ? Evidemment. Il était le dieu des arts. Si ce moment m'était précieux, je peinais à imaginer ce que lui devait éprouver.

Nous achevâmes la chanson tous ensemble, sur des "Yeah yeah yeah" enthousiastes. Et Freddie donna un point final au dernier accord, avant de pivoter vers nous. Il y eut des rires ravis, des regards émerveillés puis John prononça la phrase fatidique :

"On pourrait... inclure une fille au groupe. Non ?"

"C'est la plus mauvaise idée que j'ai jamais entendue, chéri."
répliqua aussitôt Freddie en allumant tranquillement une cigarette.

Les autres se regardèrent, surpris et indignés par un refus aussi radical. Je me mordis les lèvres. Et voilà, j'avais passé le point de non retour sans même m'en apercevoir. Je m'étais laissée emporter par la vague de la passion, oubliant de me contenir, de ne pas aller trop loin. Paradoxalement, Apollon avait été le plus raisonnable de nous deux jusqu'à maintenant : il poussait la chansonnette à voix basse et ne faisait pas étalage de ses talents, afin de ne pas trop les subjuguer. J'avais oublié, l'espace d'un instant, qu'ils étaient mortels. Impressionnables.

"On pourrait faire un essai." déclara Brian d'un ton posé mais arrêté.

Ignorant son ami, Freddie tira sur sa cigarette, expira, croisa les jambes et pivota tout à faire vers moi.

"Je ne nie pas que tu as une qualité vocale intéressante mais Queen, c'est Roger, Brian, Deacy et moi."

Il passa la langue sur ses lèvres et ajouta avec un sourire arrogant et espiègle :

"Surtout moi."

Les trois autres levèrent les yeux au ciel et comme il fallait s'y attendre, Roger s'emporta :

"Je ne suis pas d'accord !"

"Tu n'es jamais d'accord..." soupira Freddie tout en fumant.

"Pourquoi on ne pourrait pas lui laisser sa chance comme on l'a fait pour toi ?"

"Il marque un point." nota Brian tout en roulant sa revue scientifique avec un air mutin.

Nous courions à la catastrophe. Je le pressentais. L'atmosphère était devenue électrique (mais pas comme dans le Beautiful Trauma These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA 3392629739). Aussi je m'empressai de déclarer :

"Votre proposition me fait immensément plaisir, mais je dois la refuser. Je ne veux pas être un sujet de discorde entre vous."

"Tu l'es déjà, chérie." coupa le chanteur tout en jetant un regard désabusé à ses trois amis. "Ils ont tous la bave aux lèvres. You call me up and treat me like a dog... N'est-ce pas, Brian ?"

Je fronçai les sourcils, car il venait de fredonner des paroles que je ne connaissais pas. Je suivis le regard éloquent qu'il lança au guitariste tandis que ce dernier faisait semblant de ne pas avoir entendu, de nouveau concentré sur sa revue. Je déglutis, de plus en plus soucieuse.

"De toutes façons, je n'ai pas pour ambition d'être chanteuse."
assurai-je d'un ton ferme. "Je préfère être... une figure de l'ombre."

Je m'extirpai du canapé et enjambai le corps de Roger pour me diriger ensuite vers la cuisine. Ce dernier porta alors la main à ses cheveux et écarquilla les yeux d'horreur.

"Qu'est-ce que... qui m'a fait ça ?"
s'écria-t-il, furieux, se rendant enfin compte qu'il avait des couettes.

Les autres éclatèrent de rire. Laissant la porte de la cuisine entrebâillée, je me rendis jusqu'à la fenêtre pour observer la campagne anglaise envahie par l'obscurité. On y voyait à peine. Les collines et les pâturages étaient seulement éclairés par les étoiles et la lune.

"On l'a échappé belle."
murmurai-je en sentant l'aura d'Apollon tout près.

Entendre nos amis rire et discuter avec animation dans la pièce d'à côté me rassurait, même si désormais, tout était terni d'un voile obscur.

"Parfois, j'oublie que ce sont des humains. Je joue et... je vais trop loin." poursuivis-je tout en croisant les bras et fixant l'extérieur. "Et puis, c'est de ta faute aussi !"

J'affichai une moue boudeuse avant d'ajouter :

"N'empêche... tu te rends compte de l'honneur qu'ils m'ont fait ?"

Je pivotai légèrement vers mon frère, mes yeux brillants d'émotion et de ravissement. Puis, je me ressaisis. Difficilement.

"Je pense qu'il est temps de partir." soupirai-je, la mort dans l'âme. "Avant que je fasse davantage de bêtises."

Je n'en avais aucune envie mais c'était le mieux à faire, non ? Je savais très bien que je ne pourrais me contenir. J'étais si facilement distraite. Une moue attristée s'installa sur mon visage et je penchai la tête.

"Tu leur diras au revoir de ma part ?"
fis-je d'une toute petite voix. "Je ne sais même pas quoi donner comme excuse... Ils risquent de ne pas comprendre."

Je me mordis les lèvres de plus belle, serrant mes bras davantage contre moi dans une tentative désespérée de trouver du réconfort.

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| Conte : Hercule
| Dans le monde des contes, je suis : : Apollon, dieu de la divination, des arts, de la lumière.

These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA Vox4

| Cadavres : 2540



These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA _



________________________________________ 2019-02-16, 00:21



Don't stop me now,
I'm having such a good time


Aphrodite était la personnification de l'excès. Du moins c'est ce qu'il se mettait parfois à penser quand il l'observait interagir avec les humains qu'ils côtoyaient. Lui avait finit par se détacher à une époque, n'étant plus touché par ce qui pouvait concerner cette espèce de près ou de loin. Il avait vu la pire facette de l'humanité et avait estimé qu'il n'était pas nécessaire de s'inquiéter pour eux ou de les protéger d'une quelconque manière – ils se détruisaient entre eux sans avoir besoin de leur intervention. Pourtant, le Temps étant passé, il ne pouvait s'empêcher de retrouver une affection pour ces personnes aussi fragiles que complexes. En particulier celles qui, comme aujourd'hui, possédaient cette aura si spéciale et unique qui l'incitait à se sentir impliqué dans leur vie à sa manière. Elles ne dissimulaient aucun mal. Seulement une passion sans borne.

« Jane, Jane, Jane... » murmura le dieu en secouant légèrement la tête de gauche à droite, tout en se rapprochant d'elle.

Elle n'avait rien trouvé de mieux à faire que de se cacher dans la cuisine. L'incident était déjà oublié dans l'autre pièce, il l'entendait et il savait qu'elle aussi. Cela dit, elle avait raison sur un point : elle allait trop loin. Elle pouvait toujours prétendre qu'il en était la cause – il ne niait pas son implication, il l'avait cherché – il n'était cependant pas celui qui contrôlait ses pulsions.

« Tu oublies le plus important dans tout ça. » enchaîna-t-il, presque mystérieux, tout en attrapant avec nonchalance entre ses doigts une mèche des cheveux blonds de sa sœur. « Tu as beau être le centre d'un de leur conflit, ils ne sont pas en train de s'entre-tuer à coup de cafetière. »

Il lui offrit un sourire amusé tout en caressant d'un frôlement la joue de la déesse. Elle pouvait faire tourner les têtes comme personne et il était persuadé qu'elle était la source de bien plus de querelles terrestres qu'on pouvait se l'imaginer. C'était évident, une telle beauté rendait fou n'importe quel homme – et n'importe quel dieu, aussi. Cela dit, il avait un mental bien plus solide que les pauvres humains qui s'emballaient au moindre battement de cils.

« C'est plutôt positif. » poursuivit le grand blond en s'écartant pour s'adosser à l'un des meubles. « Tu sais la plupart des groupes n'échouent pas, ils se séparent. »

C'était un fait, une statistique. Il en avait vu plusieurs, prometteurs, voir leur entente s'éteindre avant même d'avoir fait un premier album. C'était décevant quand ça se produisait mais après tout l'Art était un domaine qui ne pouvait accueillir trop de légendes. Sinon quel serait l'intérêt ? Rien ne sortirait du lot.

« Tu l'as remarqué toi aussi. » énonça-t-il en tournant sa tête dans sa direction. « Freddie est resté impassible. Il n'a pas cédé. Pourtant il passe autant de temps avec toi que les autres. Il est solide. Il ne cédera pas. Et si toi tu n'arrives pas à les faire se déchirer tragiquement... alors rien ne les arrêtera jamais. »

Et l'idée lui plaisait assez. Il était impatient de voir la suite. Il partageait l'avis qu'elle avait certainement sur le moment qu'ils venaient de passer et de partager avec ces individus plus épatants les uns et que les autres, et il comprenait à quel point elle devait être flatter que trois d'entre eux aient eu rien que l'idée de l'intégrer à leur groupe. Il n'en était pas jaloux. Lui n'était qu'un observateur. Ce rôle lui convenait à merveille dans une telle situation.

« Ce serait tellement dommage de fuir maintenant, Aphro... » ajouta le dieu avec une moue qu'il voulait adorable et presque suppliante. « On s'amuse bien. Et tout le monde fait des bêtises. C'est ce qui rend nos vies plus palpitantes. Puis ce ne sera pas pareil si tu n'es pas avec moi. »

Il s'était de nouveau approché pour prendre ses mains dans les siennes avec douceur et faire en sorte qu'elle cesse de se recroqueviller ainsi sur elle-même. Elle était tellement plus belle lorsqu'elle faisait preuve d'assurance et qu'elle n'arborait pas cet air attristé. Bien que même là, elle restait sublime. Lentement, il se pencha pour coller son front contre celui de la jeune femme, gardant son regard plongé dans le sien.

« Je conçois que ça te semble difficile, mais tu dois juste... ne pas les faire languir jusqu'à ce qu'ils en deviennent fous. Tu fais souvent cet effet-là. C'est ce qui fait partie de ton charme. »

Il était intimement persuadé qu'il en faudrait bien plus pour que les conséquences soient durables. Les affres du cœur étaient sa spécialité mais ne duraient pas forcément jusqu'au point de laisser une marque indélébile. Si il en croyait son instinct – et il le trompait rarement – ou même son expérience, étant donné ce qu'il avait déjà pu observer, ce n'était pas le divertissement qu'ils s'autorisaient actuellement qui pourrait tout gâcher. Au contraire. Ils aimaient ça eux aussi.

« Je crois même que Brian a commencé à écrire une chanson sur toi. Il faudrait au moins s'assurer qu'il l'a terminé avant de t'éclipser. »

Ses lèvres se plissèrent en un sourire plein de malice alors qu'il avait perçu sans mal que les paroles fredonnées par Freddie devaient la concerner. Il ne pouvait en être autrement dans ces circonstances.

Un bruit de moteur lui fit relever la tête tandis que son expression espiègle laissait laissait place à une légère contrariété. Il claqua sa langue contre son palet, mécontent d'une telle perturbation, tout en s'éloignant de la déesse sans pour autant lâcher ses mains qu'il tenait toujours.

« Définitivement, on ne va pas partir maintenant. » affirma-t-il avec assurance, tout en l'incitant à retourner dans l'autre pièce en compagnie des autres.

Si certains regards leur furent accordés à leur retour, l'attention d'Apollon n'était portée que sur la porte qu'il s'attendait à voir s'ouvrir d'une seconde à l'autre. Il avait déjà identifié l'aura de la personne qui s'apprêtait à entrer et son intervention ne lui plaisait pas. Il ne le connaissait pas – pas encore – mais l'avait juste aperçu une fois à la ferme depuis l'arrivée du groupe. C'était suffisant pour qu'il soit méfiant à son égard. Comme il le disait, son instinct ne le trompait jamais.

Il esquissa un sourire malgré tout à l'arrivée de l'homme, bien moins avenant que celui qu'il adoptait habituellement cependant. Il devait avoir passer le reste de sa soirée ailleurs et l'état de son regard témoignait de sa fatigue – et de sa probable consommation d'alcool avant de revenir ici. Rien que ce détail fit rouler des yeux au dieu qui s'était affalé à la place qu'il avait abandonné dans le canapé en gardant Jane contre lui.

« Celui-là, je suis pas sûr que tu pourrais l'avoir même si tu le voulais. » murmura-t-il à son oreille dans un léger rire, tandis que les autres se saluaient plus ou moins joyeusement. « Peut-être que j'ai mes chances. »

Il n'était pas sérieux. Absolument pas. Il n'avait d'attirance particulière que pour les femmes, en plusieurs millions d'années, il pouvait l'affirmer. Ça ne l'avait pas empêché de s'en assurer par diverses expériences dans sa jeunesse pour en être assuré. Mais ce serait peut-être une nécessité, si il en croyait les regards appuyés de Paul à l'égard de Freddie. C'était ça surtout, qui ne lui plaisait pas. Il ne supportait pas qu'on tourne autour de ses protégés.
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________________________________________ 2019-02-18, 19:52



Take care of those you call your own
And keep Good Company. These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA 727948119


Apollon avait toujours eu un talent particulier pour réconforter. Quand je doutais, il était là pour me montrer la crise que je traversais d'un point de vue objectif. J'étais excessive, j'exagérais mes actions ou faisais une montagne d'un détail insignifiant pour les autres. Il y avait une véritable raison à tout ceci : j'étais la mieux placée pour savoir que certains de mes actes avaient fait perdre la raison à des mortels trop fragiles psychologiquement. C'en était suivi de suicides au bord d'une falaise, d'agressions aux couteaux ou de duel au soleil afin d'obtenir mes faveurs. Fort heureusement, les Queen possédaient un mental d'acier et de toutes façons, je n'avais pas l'intention de les pousser jusqu'à leur dernier retranchement. Leur musique était la priorité absolue.

Je fermai les yeux alors qu'Apollon posait son front contre le mien. Ce simple geste suffit à m'apaiser. Etais-je en train de rêver ou venait-il de sous-entendre que je devais cesser de faire languir les garçons ? Un sourire mutin arqua le coin de mes lèvres en l'écoutant préciser le dernier point sur Brian.

"Tu fais preuve d'un tel sens du sacrifice." déclarai-je à voix basse, espiègle malgré tout. "Parce que tu te doutes bien que si je m'occupe d'eux, tu seras le laissé pour compte dans l'histoire. Je suis une déesse, mais je ne peux pas être partout à la fois."

Et je savais très bien que cette situation n'allait pas lui convenir. Apollon, dieu des arts, rester sur la touche pendant que d'autres s'amuseraient en ma compagnie ? Cela relevait de la science fiction.

"Je te trouve très brave." ajoutai-je en tapotant son épaule robuste, retrouvant ma mauvaise habitude de le narguer.

Bientôt, son expression se fit différente en même temps qu'une voiture arrivait. Je croisai son regard : nous pensions tous deux la même chose. J'avais perçu une aura déplaisante aussi bien que lui.

Je lui emboîtai le pas, retournant dans le salon alors que la porte s'ouvrait sur Paul Prenter. Je n'avais pas bien saisi l'utilité de ce monsieur au sein du groupe, mais il était vaguement lié à la production. Apollon s'affala dans le canapé en m'entraînant avec lui, et Roger s'empressa de s'asseoir près de moi -très près- même s'il restait un tiers de la banquette inoccupée.

"Oh, tu as enlevé tes couettes." remarquai-je avec une moue déçue. "Dommage, ça t'allait très bien."

Le batteur eut un sourire en portant une main à ses cheveux, avant de froncer les sourcils, s'interrogeant s'il s'agissait d'un compliment ou pas. Mais je fus bien obligée de me désintéresser de lui quand M. Prenter toussota de façon prononcée. Tout ce qu'il faisait était agaçant. A peine il était entré que l'atmosphère de la ferme en semblait changée. Les garçons paraissaient légèrement sur le qui-vive, même s'ils gardaient leur apparente nonchalance.

J'eus un petit rire en percevant les propos chuchotés d'Apollon, et précisai mentalement, afin que lui seul puisse entendre :

Chiche. Arrange-toi pour qu'il soit fou de toi. Je veux voir ça.

"Je vois que je dérange."
constata Paul tout en lançant un regard équivoque aux nombreuses bouteilles qui ornaient les meubles et le sol, ainsi que les cendriers remplis.

"Ca t'embête qu'on ait fait la fête sans toi, Paul ?" lança Roger, narquois.

"Non, ce qui m'ennuie, c'est le retard sur le délai. Vous en êtes déjà à deux semaines de dépassement et vous n'avez pas l'air de prendre ça au sérieux." répliqua-t-il tout en jetant un regard perçant au batteur.

Roger le soutint sans ciller et Brian vint au secours de son ami :

"On a bouclé plusieurs chansons. C'est juste que Bohemian Rhapsody est vraiment compliqué à monter. On a besoin de beaucoup plus de bande pour les mélanges sonores et..."

"Ne te justifie pas, Brian."
coupa Freddie, désinvolte.

Il prit le temps de tirer sur le joint qu'il venait d'allumer avant de pivoter vers Paul et de reprendre :

"EMI aura son single. Et je peux même te faire écouter les maquettes de certaines chansons, si ça peut te détendre."

Je haussai un sourcil, écoeurée, alors que Paul aspirait la fumée de Freddie en donnant l'impression d'être transporté par l'extase. Certes, le chanteur avait un charisme incroyable, mais ce monsieur Prenter lui tournait beaucoup trop autour, alors que son coeur appartenait à Mary. Je l'avais perçu dès l'instant où je l'avais rencontré, et il m'avait parlée d'elle d'une façon si passionnée que j'en avais été attendri. Personne n'avait le droit de gâcher cela.

"Freddie, on avait dit pas de distraction." insista Paul tout en jetant un coup d'oeil prononcé dans la direction d'Apollon et moi. "Vous étiez tous d'accord là-dessus avant de venir ici."

"La seule chose immuable, c'est le changement !" rétorqua Freddie d'un ton léger tout en s'éloignant du piano pour se saisir d'un boa à plumes qui traînait sur une table. "Et puis, ces deux-là nous distraient plutôt bien."

Il nous désigna d'un mouvement théâtral du poignet tout en enroulant le boa autour de lui. J'eus un petit rire tout en secouant la tête. Il en faisait toujours des tonnes mais c'est ce qui le rendait adorable.

"Je ne nous ai jamais vus aussi créatifs ! Roger a écrit une chanson sur sa voiture."
dit-il en insistant bien sur le dernier mot alors que les deux guitaristes s'esclaffaient sous le regard outré du batteur. "John a gratté quelques accords un peu western, ça peut donner quelque chose de sympa. Brian a même réussi à parler fromage et nana dans le même couplet ! Non vraiment, cet album va être fabuleux !"

"Très engageant." commenta Paul du bout des lèvres. "Mais je serai ravi que tu me fasses écouter tout ça. Tu sais à quel point j'aime connaître l'avancée de ton travail, Freddie."

Le ton doucereux de sa voix me donnait des frissons désagréables, et j'entendis Roger laisser échapper un soupir contrarié. J'attendis que les deux hommes soient partis pour demander aux trois autres :

"Il est toujours comme ça, celui-là ?"

"Entre nous, on l'appelle Suce-Bo..."

Roger s'interrompit tout en me jetant un coup d'oeil, comme s'il se rappelait qu'on ne devait pas parler ainsi devant une "dame". Il avait des élans de courtoisie assez étonnants, et plutôt tardifs.

"Enfin on l'appelle d'une façon pas très..."

"J'ai compris, je crois." coupai-je avec une expression entendue.

"On doit le supporter comme il fait partie de la production." renchérit John avec un mépris qui me surprit venant de lui, puisqu'il était le plus affable du groupe. "Ca fait partie du métier."

"Mouais." fis-je tout en tournant la tête vers Apollon avec insistance. "Mais les choses peuvent changer."

Rien n'était impossible à mon frère : c'était de famille. S'il décidait de jeter son dévolu sur Paul pour l'éloigner de Freddie, rien ne l'arrêterait dans sa démarche.

Il s'écoula une heure encore avant que les trois hommes ne suggèrent l'idée d'aller dormir. Freddie et Paul n'étaient toujours pas de retour. Probablement que le chanteur était à nouveau traversé par des élans créatifs.

"Vous pouvez rester ici."
proposa aussitôt Roger en se redressant dans le canapé. "Jane, on peut partager ma chambre pour la nuit, même pour plus longtemps si tu veux."

Il ne put s'empêcher d'afficher un large sourire charmeur. Je notai l'effort qu'il avait effectué pour le contenir le plus possible. Dans le même laps de temps, Brian récupéra sa guitare et s'éloigna ; quant à John, il était déjà parti hiberner au sous-sol.

"Merci, mais non merci." répondis-je en répondant à son sourire. "Il faut dormir, Roger. On sait très bien tous les deux que ça va mal finir si on partage le même lit."

"Ou très bien finir."
insista-t-il en haussant les sourcils, canaille.

Je levai les yeux au ciel sans parvenir à dissiper mon sourire. On pouvait au moins souligner son obstination.

"Bonne nuit."
fis-je, de sorte à clore la discussion.

Après quoi je me levai du canapé, tout en m'appliquant pour que ma jupe tourne élégamment autour de moi, de sorte à révéler mes jambes. D'un pas léger, je rejoignis Apollon qui attendait près de l'entrée.

"Je sais, je ne dois pas les faire languir..."
dis-je à voix basse. "Mais ses tentatives sont beaucoup trop amusantes, admets-le ! Je me demande jusqu'où il ira."

Nous devions faire semblant de retourner à la ferme d'à côté, se situant à deux kilomètres à pieds, même si en réalité, nos nuits se jouaient souvent à d'autres endroits du pays, voire du globe. Il fallait redoubler d'ingéniosité pour tromper l'ennui de l'éternité.

"Que vas-tu faire pour occuper les dernières heures avant le lever du jour ?"
lui demandai-je.

En ce qui me concernait, j'avais trouvé. L'évidence s'était imposée en entendant des accords de guitare sèche provenant du dehors, quelque part dans la cour de la ferme. Lâchant la main d'Apollon, je m'éloignai de lui et précisai avec l'ombre d'un sourire espiègle :

"Je pense que l'un d'entre eux ne va plus languir très longtemps..."

Sur un clin d'oeil, je me détournai de lui et m'orientai selon la musique, plutôt qu'en prenant en compte l'aura du jeune homme. C'était plaisant de ne pas toujours user de ses pouvoirs. Hélas, la mélodie s'interrompit trop vite à mon goût, ce qui était dommage car elle était très jolie. Cela ne m'empêcha pas de trouver Brian quelques instants plus tard, qui fumait dans la cour de la ferme, assis sur un muret de briques rouges. Il semblait contemplatif alors qu'il expirait la fumée, la tête renversée en arrière. Délicatement, je soulevai la guitare acoustique posée à côté de lui et m'installai en la plaçant sur mes genoux. Je savais très bien qu'il avait perçu ma présence, car même si je m'étais montrée discrète, je ne passais jamais totalement inaperçue. Si ce n'était la pointe de mes cheveux qui voletaient, effleurant sa nuque, il s'agissait de mon parfum floral, captivant sans être entêtant. Pourtant, j'adoptais une attitude réservée tandis que j'imitais sa posture, gardant une main pour retenir la guitare tandis que de l'autre, je m'appuyai sur le muret pour observer les étoiles à mon tour.

"Ca t'arrive de regretter ?" demandai-je doucement, afin de ne pas troubler ses rêveries.

Je savais qu'il avait fait des études en astrophysique et bien qu'il ait obtenu ses diplômes, il n'avait pas poussé le cursus plus avant. Quand je l'avais vu, seul, songeur sous la voûte céleste, j'avais saisi l'instant pour en apprendre davantage. J'aimais pousser les autres à la confidence. C'était toujours utile de collecter un maximum d'informations sur les gens. D'autant plus quand ils m'intéressaient, pour diverses raisons plus ou moins louables.

Un soupir lui échappa en même temps qu'un nuage de fumée qui se dissipa dans le vent.

"Mon père préfèrerait que je lâche tout pour devenir astrophysicien mais arrêter tout ça, ce serait..."

Il n'acheva pas sa phrase, portant de nouveau la cigarette à sa bouche. Après un petit temps, il reprit :

"Je faisais partie d'un groupe, bien avant Queen, et j'ai tout lâché au profit de mes études. Je l'ai regretté aussitôt. Je sais que c'est ce qui me convient. Je ne me sens jamais mieux quand je suis sur scène ou en studio. On crée quelque chose de... cosmique ensemble."

Je ne pouvais qu'approuver.

"Je pense que tu as raison de tenir tête à ton père."

"Evidemment. Tu n'allais pas dire le contraire." fit-il tout en jetant la cigarette et m'adressant un regard par-dessous son épaisse masse de cheveux.

Je lui renvoyai une petite moue espiègle et chassai une de ses boucles d'une pichenette. Puis, je m'installai plus confortablement, posant ma tête contre son épaule tout en levant les yeux vers la voûte céleste.

"C'est le moment où tu étales ta science et où tu nommes les constellations auprès de la jolie fille, non ?" lançai-je, provocante.

Il eut un petit rire gêné ainsi qu'un geste instinctif pour récupérer sa guitare, mais elle ne courait aucun danger avec moi. Même si j'avais l'air nonchalante, ma prise était ferme autour de l'instrument.

"Pas exactement."

"Tu ne me trouves pas jolie ?" fis-je, faussement perplexe.

Je me redressai suffisamment pour le regarder. Il semblait désemparé et un peu perdu, ce qui termina de m'attendrir. Il me regardait par intermittences, évasif.

"Je pourrais te parler de la thermodynamique des trous noirs, la théorie de Hawking concernant l'éternité du temps mais... on est d'accord que ce n'est pas vraiment ce que tu veux entendre."

"Tu as tellement de préjugés sur moi."
commentai-je, un peu exaspérée. "Je sais écouter autre chose que le son de ta guitare. Et figure-toi que je m'intéresse aux travaux de Stephen Hawking."

Je trouvais ses théories passionnantes même si je n'y comprenais pas grand-chose, mais Brian n'était pas obligé de savoir ce détail. Le musicien parut surpris et me considéra d'un oeil neuf.

"J'avais remarqué ton expression quand je me suis présentée. Je sais que je suis une homonyme de Jane Wilde, la femme de Hawking. Je le vis plutôt bien." précisai-je, désinvolte.

Je pensais que cette révélation, combinée à mon intérêt pour les théories quantiques, allait jouer en ma faveur et le faire chavirer, mais à ma grande surprise, malgré l'affection que je percevais, il ne tenta aucun rapprochement. Fallait-il donc que je fasse tout moi-même ? Ca en devenait presque agaçant. Je faillis laisser échapper un soupir de contentement quand il pivota vers moi pour se pencher, mais au lieu de m'embrasser, il profita de ma déroute pour récupérer enfin sa guitare. Me redressant, je fronçai les sourcils, contrariée.

La tête baissée vers son instrument, il gratta quelques accords sans plus s'occuper de moi. Offensée, je le dévisageai alors que je sentais une rage sourde battre à mes tempes. Comment osait-il ? Quelque chose clochait. Il éprouvait des sentiments à mon égard -je le sentais- mais il se retenait de les montrer. Pourquoi ? Je décidai de passer à l'offensive pour de bon, posant une main sur sa cuisse et la pressant légèrement. Un frémissement le parcourut et il fit une fausse note avant d'interrompre sa musique.

"Pourquoi ne tentes-tu rien alors que tu en as envie ?"
murmurai-je, penchant la tête vers lui, repoussant délicatement ses cheveux de ma main libre. "Si c'est à cause de Roger ou d'Adam, il n'y a absolument..."

"Je suis avec une fille." coupa-t-il brusquement. "Enfin, je l'étais... elle a voulu faire une pause."

Il donna un petit coup sur sa guitare du plat de la main en se mordant les lèvres.

"Je veux juste... enregistrer l'album." dit-il, déterminé. "C'est ça qui a un sens."

Il quitta le muret et retourna vers la ferme d'un pas assuré. L'espace de quelques secondes, il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule et j'accrochai son regard. Mais il finit par reprendre son chemin.

Moi aussi, j'étais déterminée. A lui faire oublier son chagrin. Nous n'avions pas exactement les mêmes motivations mais l'une n'empêchait pas l'autre. Au final, dans tous les cas, il risquait d'être très inspiré.

***

"Adam, ces petites vacances prennent la tournure d'une double mission."
annonçai-je trois jours plus tard tout en lui apportant une bière.

Je lui adressai un regard lourd de sens par-dessus mes lunettes noires. Ce jour-là, les températures étaient en hausse et le soleil resplendissait dans un ciel bleu plutôt inhabituel en Angleterre. Apollon était sûrement particulièrement en forme. Me cachait-il une bonne nouvelle ? Je fronçai les sourcils tout en le fixant. Ce serait méchant de sa part de me faire des cachotteries.

Pendant la moitié d'une semaine, je ne m'étais pratiquement pas manifestée auprès de Queen, afin de leur laisser l'espace nécessaire à la création de leur oeuvre, mais en revenant, j'avais été contrariée de constater que Paul était encore là. Je me demandais si Apollon était resté à l'écart, comme moi, ou si au contraire il avait déjà déjà commencé à agir.

"J'ai découvert une chose très intéressante : Brian a une peine de coeur. Je pense que m'occuper de lui est une priorité absolue." dis-je, très impliquée. "Où en es-tu avec le trouble-fête ?"

Je coulai un regard oblique en direction de Paul qui paradait en débardeur avec un frisbee en main, mais ce n'était pas pour jouer car il alla le ranger près de la cabane à outils.

"Quel casse-bonbons, celui-là."
grommelai-je entre mes dents.

Il me donnait l'impression de monter la garde autour de la ferme.

"Si vous cherchez vos vedettes, vous ne risquez plus de les trouver ici." lança-t-il alors que j'avais pourtant tout fait pour l'ignorer. "Ils sont partis depuis presque deux jours. Ils enregistrent ailleurs. Ils font ça pour que personne ne sache vraiment ce qu'ils préparent."

Son ton hautain s'accordait parfaitement avec son petit haussement de menton tandis qu'il me toisait.

"C'est la Queen Touch." précisa-t-il, plus méprisant que jamais. "Ne comptez pas sur moi pour vous dire où ils sont. C'est top secret."

Il en faisait des tonnes. Je roulai des yeux et les posai ensuite sur Apollon, avant de revenir vers Paul qui, comme je m'y attendais, avait désormais toute son attention portée sur mon frère. Il était très fort. Ou alors, c'était seulement son physique avantageux qui incitait l'homme à s'y intéresser.

"Je suis là pour mettre leurs affaires en ordre après leur départ." expliqua-t-il d'un ton important, tout en souriant aimablement. "Ensuite, j'irai les retrouver."

"Vous allez avoir du boulot."
intervins-je, avec un sourire de façade. "Ils n'ont pas nettoyé la cuisine depuis la crise de Roger."

Les divergences d'opinion concernant les chansons devant ou non figurer sur l'album avaient transformé le lieu du petit déjeuner en un véritable champ de bataille : les oeufs au bacon avaient volé par-dessus les têtes, les pancakes avaient tapissé les murs, et du café avait dégouliné le long du comptoir, puis séché. Cela faisait plus de deux semaines que la pièce était restée en l'état. J'aurais pu la nettoyer d'un claquement de doigts, mais je n'avais pas envie d'être considérée comme la ménagère de la bande. Les garçons n'avaient pas eu l'air gêné outre mesure par l'aspect rudimentaire de la cuisine et avaient continué de prendre plus ou moins leurs repas dedans. Quand je dis que les hommes ont tous un petit côté "homme des cavernes"...

"Les artistes apprécient de vivre dans le chaos."
ajoutai-je. "Il faut bien que quelqu'un nettoie derrière eux. Je suis persuadée que vous ferez ça très bien, monsieur Prenter."

Je battis des cils alors que Paul plantait un regard oblique dans le mien. Décidément, l'aversion était réciproque. Désinvolte, je glissai la main d'Apollon dans la mienne, m'assurant que l'homme voyait bien nos doigts entrelacés, et l'entraînai à ma suite. Je nous fis faire le tour de la ferme, de sorte à être cachés par une paroi et là, je me stoppai pour me retourner vers mon frère.

"Ca l'a beaucoup agacé." fis-je tout en lui désignant nos mains liées. "Il est sous le charme. Tu n'as plus qu'un tout petit truc à faire et c'est dans la poche ! Ca sera juste un mauvais moment à passer."

Nous allions nous sacrifier pour le bien de l'Art, chacun à notre manière (même si je devais admettre que ma cible était beaucoup plus inspirante que la sienne).

"Bon, et si on allait retrouver nos Queen ?"
proposai-je.

Paul avait omis un détail dans son ambitieux programme : nous étions des dieux. Par conséquent, sentir les auras des mortels était d'une facilité déconcertante. En moins de dix secondes, Apollon et moi sûmes où se trouvaient Freddie, Roger, Brian et John. Nous nous renvoyâmes un regard de connivence.

Direction les Wessex Studios, à Londres.

Paul fut bien dérouté quand il arriva deux heures plus tard et qu'il nous découvrit à l'intérieur. Apollon était occupé à bouger les boutons de la table de mixage avec Freddie, pendant que Brian, John et Roger terminaient de brancher -ou débrancher, ce n'était pas très clair- leurs divers instruments.

"Que... comment avez-vous fait pour être là avant moi ?" fit Paul, perplexe. "D'ailleurs, comment pouvez-vous être là ? Qui vous a donné l'adresse ?"

Il planta sur moi un regard soupçonneux. Décidément, il me rendait fautive de tout. Ce qui était absolument parfait. Apollon avait grâce à ses yeux. Je pivotai vers lui en arborant une expression purement innocente.

"Voyons M. Prenter... c'est vous qui nous avez donnés l'adresse. Vous ne vous rappelez plus ?"

Il fronça les sourcils, signe qu'il ne me croyait pas, même s'il était décontenancé.

"Vous travaillez trop, vous devriez lâcher du lest." lui conseillai-je.

"Non. Non, je ne vous ai donnés aucune adresse !" assura-t-il après quelques secondes. "Et c'est impossible que vous soyez ici avant moi !"

"Distorsion temporelle." intervint Brian en quittant la cabine d'enregistrement, suivi par Roger et John.

Sourd à tout ce qui se déroulait autour de lui, Freddie passait et repassait la bande d'une chanson à l'aspect prodigieux. Comme il en avait assez que tout le monde parle, il lança subitement :

"CHUT !"

Aussitôt, tout le monde se tut. Paul le premier. Le chanteur avait un charisme naturel qui se manifestait parfois en une sorte d'autorité. Il enclencha de nouveau la bande. Pendant six minutes, une musique sublime, nantie de mélanges sonores époustouflants, envahit l'habitacle exigu. A la fin, nous en avions oublié de respirer.

Un petit silence presque religieux accueillit la fin de l'écoute. Après quoi, les garçons s'adressèrent un regard à la fois ému et ébloui.

"On l'a fait." déclara Freddie d'un ton feutré et humide.

Brian posa une main sur son épaule, que Freddie serra, et les deux autres se rapprochèrent.

"Puta*n, on l'a fait, les gars !" s'écria Roger d'un ton exalté.

S'ensuivit un câlin groupé, duquel je restai volontairement éloignée. C'était leur moment. Je me contentai de les observer avec un sourire ravi et croisant le regard d'Apollon, je passai mes bras autour de lui. Paul était tout seul, à vouloir faire partie de l'euphorie, mais personne ne voulait partager sa joie avec lui.

"ALLONS BOIRE !" s'écria Roger qu'on ne tenait plus.

J'avais remarqué que beaucoup de problèmes ou de solutions se résolvaient par le biais de l'alcool, avec lui.

"OUAAAAAIS !" beuglèrent les trois autres.

C'est fou comme les humains avaient le don de tour à tour m'exaspérer ou m'attendrir. Avec ces quatre-là, c'était sans cesse les montagnes russes. Ils étaient capables de créer Bohemian Rhapsody, une pépite musicale dont la mélodie caressait encore mon oreille, et l'instant d'après, de vouloir fêter ce futur chef d'oeuvre en se comportant comme des australopithèques. Apollon les comprenait-il mieux que moi ? Je haussai les épaules. Ca n'avait pas grande importance. De toutes façons, j'aimais m'amuser, moi aussi.

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what could it be worse ?


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________________________________________ 2019-02-25, 18:18



Don't stop me now,
I'm having such a good time.


Apollon devait agir subtilement, sans l'être trop pour autant, et le travail avait en réalité déjà commencé depuis quelques jours maintenant. Depuis plusieurs jours, il faisait volontairement en sorte de "tomber par hasard" sur Paul. Pendant ses courses maladroitement, ou juste en apparaissant dans un coin de rue. Assez pour lui faire penser qu'il commençait à être partout dans sa tête. C'était efficace puisque le regard du jeune homme avait changé, il le remarquait. Il ne pouvait s'empêcher de le fixer. Ce n'était pas étonnant, il avait quelque chose de magnétique et il le savait.

Lui et Aphrodite n'avaient pas le même mode de fonctionnement. Il faut dire qu'ils n'avaient pas les mêmes cibles, ni les mêmes atouts (bien qu'ils soient tous les deux aussi physiquement parfaits l'un que l'autre). Il s'imaginait mal en train de minauder, de faire battre ses cils de façon captivante et d'afficher un air timide mais pas trop pour se montrer charmeur. Puis faire le bellâtre inaccessible n'était pas sa technique de prédilection. Pas avec Paul, du moins. Il avait déjà Freddie comme béguin inatteignable alors pour l'en détacher, il devait se montrer plus entreprenant, c'était un fait. Cela dit, même si sa cible n'était pas très engageante, il devait admettre que ça ne lui faisait jamais de mal de jouer à ce jeu de la séduction.

« Sérieusement qu'est-ce que ça leur apporterait de faire croire des trucs pareils ? Le coup du drapeau qui flotte c'est n'importe quoi. C'est pas un argument. C'est trop facile de dire que c'est une théorie du complot... C'est que tout le monde se ferme au progrès. C'est triste. »

Il parlait beaucoup trop et il en avait conscience. Mais avec John, c'était facile. Il n'était pas aussi excentrique ou fêtard que les autres, tout en étant étonnement bien intégré. C'était sans doute parce qu'il était le seul à avoir une famille pour l'instant, ça l'assagissait. Il ne savait pas pourquoi il s'était mis à lui parler de la Lune, peut-être parce qu'il lui rappelait Artémis et qu'il était persuadé qu'ils se seraient bien entendus, tous les deux. Il aurait bien aimé avoir cette conversation avec Brian, mais il le laissait à Aphrodite, il avait comprit qu'elle avait très à cœur de lui faire oublier sa petite mésaventure amoureuse. Elle ne pouvait pas s'en empêcher.

« En plus le programme Apollo, je trouve que c'est un joli nom, non ? Moi j'aime bien. »

Il offrait son plus magnifique sourire tandis qu'il s'était étalé sur la banquette sans la moindre retenue. Il prenait de la place à cause de sa grande taille, c'était l'excuse qu'il donnait toujours en tout cas. Tout le monde avait pu se rendre compte de sa tendance à être un peu envahissant ces dernières semaines, bien qu'il se soit retenu la plupart du temps pour que le seul ego imposant du coin soit celui de Freddie. Si il se permettait de se faire un peu plus apparent à présent, c'était simplement pour s'assurer que Paul ne pourrait que le remarquer.

« Et c'est un argument valable, ça ? ''C'est un joli nom'' ? » railla John tandis qu'Apollon grimaçait, déçu de ne pas recevoir de flatterie détournée de sa part.

C'était magnifique même, comme nom. Ils n'auraient pas pu choisir mieux. C'était frustrant parfois de se donner une autre identité pour cette raison, même si ça avait quelque chose de distrayant en même temps. Vidant d'un trait le verre qu'il avait en main, il le posa sur la table face à eux et se redressa de façon presque théâtral pour rejoindre le bar. L'autre était en mouvement, il aurait tout le temps de reparler de Neil Armstrong plus tard.

« Pas d'avis sur la question des premiers pas de l'homme sur la Lune, Prenter ? » lâcha-t-il une fois dans le dos du jeune homme d'un ton intéressé.

Ce dernier sursauta légèrement et tourna à peine sa tête dans sa direction avant de se concentrer de nouveau sur la commande qu'il passait. C'était un peu le petit esclave de la bande vu de l'extérieur. Il faisait tout ce que lui demandait Mercury, surtout, et méprisait les autres sans que ce ne soit trop visible. Mais les tensions étaient clairement palpables à certains moments. Elle n'avait pas échappé au dieu des Arts en tout cas.

Il n'était pas apprécié. Et c'était justifié. Il avait ce côté prétentieux, dédaigneux et cette aura de mauvaises ondes qu'il traînait autour de lui et qui n'inspirait pas confiance. Ce n'était certainement pas de sa faute, mais il devait tout faire pour l'éloigner au possible de celui qui dégageait tant de confiance et tant de créativité pour qu'il ne puisse pas... l'abîmer. C'était plus prudent de prendre les devants. Il avait eu quelques réticences au défi lancé par Aphrodite mais, pour le bien de l'industrie musicale et pour la sûreté de Freddie, il était prêt à tout donner.

« Ca doit te changer des clubs comme endroit, non ? » enchaîna le grand blond, imperturbable, tout en s'adossant contre le comptoir.

C'était relativement peu animé en ce début de soirée. Il avait laissé entendre qu'il connaissait le propriétaire de ce pub au style victorien où beaucoup de musiciens venaient tenter de percer, alors qu'il en était en vérité presque le créateur. En tout cas, il n'avait pas menti en disant qu'ils seraient extrêmement bien traités - toutes les consommations étaient gratuites pour les Queen afin qu'ils continuent tranquillement de célébrer la fin de création d'un morceau qui marquerait l'histoire. Il se sentait encore parcouru de frémissements rien que d'y penser. C'était exaltant de suivre toutes les étapes comme ils le faisaient avec 'Jane', et il ne regrettait pas de leur avoir laisser un peu de tranquillité ces derniers jours pour leur permettre de terminer cette partie de leur oeuvre. Ils étaient déjà légendaires sans le savoir.

« Ils vont faire un tabac. Ils étaient déjà impressionnants, mais ça ne va pas s'arrêter là. » estima Adam avec une moue admirative.

« Je sais. » répondit enfin Paul, ce qui le fit presque pousser un soupir de soulagement alors qu'il commençait à perdre patience. « Mais six minutes, c'est trop long pour une chanson. Personne n'en voudra. »

Ah. Il stressait. Il savait quels talents ils côtoyaient, mais il avait également conscience des difficultés que cela pouvait apporter. Apollon était plutôt satisfait de la place de simple téléspectateur qu'il possédait, puisqu'il s'imaginait que ça ne devait pas toujours être aisé de s'occuper d'eux et de chercher à les canaliser. Il n'avait lui que des avantages à sa position,pas d'inconvénients - enfin si on oubliait ce qu'il était en train de faire présentement.

Il chercha Aphrodite du regard, rien que pour avoir son soutien, même de loin, et il crut déceler sa chevelure blonde fascinante grâce à sa grande taille. Au moins elle était toujours dans le coin. Elle ne l'aurait pas abandonné comme ça.

« Y'a moyen de miser sur Love of my life, non ? Elle est magnifique. Il l'a écrite pour Mary, c'est ça ? »

Bingo. Paul se crispa instantanément. C'était la corde sensible, une option dont il n'avait pas encore usé mais qui se révéla diablement efficace. C'était trop facile. Un sujet délicat qui ne devait certainement pas être abordé régulièrement. Il eut presque un rictus en voyant la bouche de Prenter se crisper tandis qu'il se retenait certainement de grimacer.

« C'est ce qu'il dit, en tout cas. » grommela-t-il en récupérant les verres que le serveur avait posé devant lui avec trop de brusquerie.

Sans attendre, la main d'Apollon se tendit pour l'aider à tenir les diverses chopes. Et non, ce n'était pas un hasard si ses doigts venaient toucher ceux de l'autre homme, avec autant de douceur que possible. Il lui offrit un simple sourire sans le quitter des yeux, laissant durer l'instant de longues secondes en entendant clairement les battements de coeur de l'autre s'accélérer. Ah, l'effet qu'il pouvait faire était grisant au possible. Il ne s'en lassait pas, même si il préférait généralement voir cette petite lueur de convoitise dans le regard des femmes. Ca restait flatteur.

« Tu l'aimes pas beaucoup, hein ? » estima-t-il avec un air compatissant, tout en écartant ses mains après avoir récupéré deux des verres. « Je comprends. Je suis là, si t'as besoin. »

Discrètement, il avait laissé un petit sachet de poudre blanche passer de sa main à celle de Paul, appuyant ce geste d'un clin d'oeil avant de s'éloigner avec enthousiasme pour rejoindre Deacon. Ce n'était pas très fair-play d'user des penchants de cet individu pour rendre sa tâche plus aisé, mais il avait toujours affirmé que les humains étaient les seuls responsables de leurs vices.

Il ne se voyait pas comme un ange supposé les remettre sur la bonne voie si ils déconnaient, tout comme il n'était pas le petit démon qui était là pour les pousser dans leurs plus sombres retranchements non plus.

« Je vous ai déjà montré à quel point j'étais doué en strip-tease ? » lança alors le dieu avec gaieté et une innocence feinte en direction des autres, tout en retournant sa tête vers Paul.

Il avait toutes les cartes en main et il était le seul à pouvoir décider s'il faisait partie de ceux qui éveillaient l'intérêt d'autrui ou de ceux qui se perdaient en chemin. A en voir le regard qu'il avait baissé vers le dit sachet, il était plutôt de la deuxième catégorie. C'était déjà dans la poche, Apollon en était persuadé, même si il ignorait si il devait en être fier.

« Encore trois bières et je vous promets une démonstration. Je suis sûr que ça te serait utile Roger ! » enchaîna-t-il dans un rire léger tout en reprenant place sur la banquette.

Dans moins d'une heure, tu pourra m'appeler Apollon le Victorieux. affirma-t-il avec toute la modestie dont il était capable c'est-à-dire aucune à la seule adresse de sa soeur, cette fois.

Il était confiant. Mais il avait toutes les raisons de l'être.


Comme il l'avait prédit (parce qu'il n'était pas le dieu de la divination pour rien), sa chemise était tombée en l'espace d'une grosse demie-heure. Au début, elle n'avait été qu'ouverte pour les biens de son enseignement envers Roger, afin de montrer que même si la musique à laquelle ils avaient le droit se résumait à des accords de guitare, il était capable de transformer l'instant en un véritable spectacle. Tout se passait bien, les tensions étaient redescendues, aidées par l'alcool, tandis qu'il s'était débrouillé pour toujours s'immiscer lorsque Paul cherchait à entamer une conversation avec Freddie. Puis il y avait eu un simple regard appuyé. C'était le signal de sa réussite, ça.

« Je reviens tout de suite. » lança-t-il à l'adresse de Deacon qui s'était mis à parler de son fils.

Non pas que ça ne l'enchantait pas comme conversation (quoi que lui et les enfants, ça faisait dix), mais il ne perdait pas son objectif de vue. Il ne lui était difficile de retrouver Paul, il lui suffisait de capter son aura. Il s'était éclipsé dans les "coulisses" de la scène du bar - ou plutôt on pouvait résumer cet endroit comme un couloir obscur où traînait des caisses et des instruments divers disposés dans le coin pour les divers prestataires. C'était... intimiste ? Glauque, un peu. Pas assez lumineux d'après le dieu qui ne tenait pas rigueur de ce détail. Il n'en eut pas le temps de toute manière puisqu'on l'attrapait déjà par sa chemise ouverte.

Comme il l'avait envisagé, Paul n'était pas le plus doué en matière de baisers. Est-ce que c'était le manque d'expérience ou juste l'absence de talent ? Il n'aurait su le dire, ne pouvant certainement pas repousser l'homme maintenant qu'il avait atteint son objectif. C'était plaisant de se savoir désiré à ce point d'un côté. Il était doué, vraiment. Et il ne cessait de s'auto-complimenter intérieurement tandis que Paul se plaquait davantage contre lui à mesure que les secondes défilaient. Même si il ne trouvait pas qu'il faisait particulièrement plus chaud, il ne pouvait pas ne pas remarquer que le visage de l'homme était brûlant tandis qu'il y posait ses mains. Puis il y avait le goût et l'odeur d'alcool, autant que les pupilles dilatées de Prenter qu'il remarque en s'écartant de lui l'espace de quelques secondes. Le dieu ne pouvait s'empêcher de penser que cette scène était un parfait exemple de ce qu'était la débauche.

Il eut presque une exclamation surprise alors que, loin de s'arrêter là, Paul décidait de le débarrasser de sa chemise de manière radicale. Et bien... c'était pas prévu que ça aille aussi loin, non ? Qu'est-ce qu'il devait faire maintenant ? Lancer un S.O.S. ? Il écarquilla les yeux mais les ferma immédiatement lorsqu'il l'embrassa à nouveau, se crispant quelque peu en sentant la prise de l'homme se fit plus... décidée dans son dos.

Ok. Très bien. C'est le jeu. tentait-il de se convaincre intérieurement alors qu'il sentait distinctement les mains de Paul passer sous son jean. Dans quoi est-ce qu'il s'était embarqué ? Pourquoi il avait accepté ? Pour le bien de l'Art. C'était pour le bien de l'Art. Il faisait une bonne action et il aurait tout le loisir d'oublier en allant en vacances à l'autre bout du monde la semaine suivante. On ne faisait pas toujours ce qu'on voulait, même quand on était un dieu.

« Paul, j'ai... »

Et merde.

Il fallait être stupide pour ne pas reconnaître la voix qui venait de s'élever dès la première syllabe. La silhouette s'était stoppée à deux mettre et, malgré le manque de luminosité qui pouvait encore lui faire croire qu'il hallucinait, Freddie avait cessé de parler pour les dévisager tour à tour. La précipitation de Paul à cet instant fut impressionnante tandis qu'il se reculait en passant une main nerveuse dans ses cheveux, le regard paniqué.

« On était pas... C'est pas... »

« Oh. Si. C'est exactement ce qu'il croit. » coupa immédiatement le dieu, se surprenant lui-même en se montrant extrêmement assuré.

Faire l'effarouché, le petit jaloux qui ne comprend pas pourquoi on le laisse tomber juste parce que Mercury vient d'entrer dans le périmètre - alors que pourtant il comprenait totalement. C'était une technique qui pourrait être efficace. Après tout, ça mettait de la distance quand même entre ces deux-là, non ? C'était l'effet recherché. Apollon se pinça les lèvres en tournant la tête en direction de l'artiste, dont l'expression perdue et incompréhensive était assez douloureuse à regarder. Mais elle s'effaça bien vite au profit d'un sourire et d'un geste vague de la main tandis qu'il partait aussi vite qu'il était arrivé.

« Attends Fred... Putain ! » soupira Paul en passant une main sur son visage.

Il se retourna dans sa direction, comme si il était redescendu de sa consommation de substances illicites d'un coup sec. C'était pas prévu ça, et ça sentait pas bon du tout.

« Oublie ce qui vient de se passer. » ajouta-t-il sans oser le regarder - ce qui était encore un mauvais signe - avant de s'éclipser à son tour d'un pas fébrile.

Ah non ! Pas ça ! Il allait vouloir se racheter maintenant ? Alors qu'il était si près du but ? Quoi que Freddie allait le voir autrement mine de rien, c'était pas mal non plus n'est-ce pas ? Il retint un juron tout en récupérant sa chemise, jugeant utile de la replacer sur ses épaules avant de retourner dans la salle du pub. Où est-ce qu'il était passé ? Il aurait vraiment dû lui arracher ses vêtements à lui aussi pour qu'il ne puisse pas faire demi-tour aussi rapidement.

« Tu sais où est Jane ? » interrogea-t-il brusquement Deacon en le croisant sur le chemin des toilettes.

Il pouvait aussi bien la trouver de lui-même mais si elle était en train de s'amuser de son côté, il préférait ne pas la surprendre occupée avec Brian. C'était pas son truc le voyeurisme. Ni la victoire, apparemment, parce qu'il s'était bien raté sur ce coup. Paul ne le voyait que comme une roue de secours et il devait être en train de courir après son bolide préféré à ce moment précis. Il faudrait bien qu'il le retrouve, il ne lâchait pas l'affaire aussi facilement. Même si c'était un peu blessant. Son ego d'Apollon en prenait un coup et il aurait bien eu besoin des encouragements de sa soeur, par pur égoïsme, pour se dire que le plan tenait encore la route.
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________________________________________ 2019-03-02, 17:50



Dynamite with a laser beam
Guaranteed to blow your mind... Anytime!


L'ambiance était de plus en plus électrique à mesure que la soirée avançait, et que les esprits s'échauffaient par la consommation abusive d'alcools en tous genres. A cette heure avancée de la nuit, le bar était presque à nous -ce qui était doublement le cas puisqu'Apollon en était le propriétaire, bien qu'il ne l'ait pas mentionné aux autres. Il avait diablement mis le feu aux poudres en improvisant un strip-tease. J'étais habituée à ces démonstrations lascives de la part de mon frère, mais je les appréciais à chaque fois, car il avait le talent de se renouveler en ajoutant une subtile nouveauté qui rendait la démonstration d'autant plus audacieuse. Du coin de l'oeil, j'avais remarqué que Roger avait pris des notes sur une serviette en papier, tout en l'observant. Cela m'avait fait sourire. Puis, quand Prenter s'était absenté, mon frère s'était empressé de s'éclipser. Je me doutais qu'il était allé le rejoindre, aussi je lui envoyai un message télépathique d'encouragement. Il en aurait bien besoin.

Quant à moi, il était grand temps que je m'occupe de ma propre cible. Tranquillement, je me rendis jusqu'au comptoir, adressai un sourire au barman et me penchai pour attraper deux bouteilles de vodka martini. Après quoi, je retournai jusqu'aux garçons qui étaient affalés sur les banquettes, occupés à faire tourner un joint tout en fixant le plafond.

"C'est amorphe, tout ça." commentai-je en enjambant les longues jambes de Freddie pour m'asseoir entre lui et John. "On va jouer à un jeu. Quelque chose de stimulant."

"Je suis partant !" lança aussitôt Roger en se redressant d'un bond sur la banquette. "Tu n'as qu'un mot à dire pour me stimuler, Jane."

Je posai les bouteilles sur la table tout en le fixant intensément.

"Vibrato." articulai-je d'un ton mystérieux. "C'est un jeu qui est axé sur la corde sensible de chacun. On énonce un fait sur quelqu'un, et si la chose est vraie, la personne doit boire une gorgée. Celui qui a le moins été percé à jour remporte le jeu. Ou alors, celui qui arrive à tenir le plus longtemps sans rouler sous la table."

J'esquissai un sourire espiègle. Etait-ce tricher de savoir que j'allais forcément gagner ? Après tout, je n'y pouvais rien. L'alcool n'avait aucun effet sur moi.

"C'est stupide." commenta Freddie avec une moue. "J'adore !"

Me désignant de l'index, il ajouta, les yeux plissés :

"Tu es une fille incroyablement dangereuse, de la dynamite avec un rayon laser... tu as des morts sur la conscience."

Je lui renvoyai un regard surpris. Les vapeurs de la drogue le rendaient perspicaces. Le jeu étant le jeu, je portai le goulot à mes lèvres et bus une gorgée. Bien entendu, les garçons en rirent, prenant cette information pour du second degré. La vodka me brûla la gorge et je faillis m'étrangler, mais je parvins tout de même à sourire. Désignant Roger, j'énonçai :

"Tu ne te souviens pas du prénom de ta dernière petite amie."

Il ouvrit la bouche, hésita, la referma, fit mine de réfléchir malgré les ricanements de ses amis.

"Chelsea ? Shelly ?" fit-il, se creusant les méninges. "Je suis sûr que ça finissait en "i"..."

Avec un sourire rayonnant, je poussai la bouteille vers lui. Il haussa les épaules et bus une grande lampée et la reposant, il lança à Freddie :

"Tu voudrais être Aretha Franklin."

Avec désinvolture, ce dernier but une gorgée de vodka.

"Evidemment. Ca n'est un secret pour personne, Chéri."

Tout aussi naturellement, il se leva et quitta notre table, sans doute pour aller prendre l'air. Profitant que Roger était accaparé par Deacy qui lui parlait d'un nouveau rythme qui venait de lui traverser l'esprit, je pivotai vers Brian, bien trop silencieux à mon goût.

"Tu broies beaucoup trop de noir, et ça n'est pas logique puisque vous ne sortez pas un album de blues." déclarai-je tout en l'observant sérieusement.

Il eut un petit rictus et d'une main molle, attrapa la bouteille pour boire une gorgée.

"Tu veux me mettre dans ton lit et ça t'agace de ne pas y arriver."
répliqua-t-il sur le même ton, tout en m'évaluant avec une lueur de défi.

Cette répartie surprenante, agrémentée de son regard provocant inhabituel, m'offusquèrent en même temps que de m'exalter. Je clignai des yeux et imperturbable, lui pris la bouteille des mains pour boire. J'avais juré de ne pas mentir. Il m'avait percée à jour. C'était de bonne guerre.

"Tu me résistes uniquement par jeu."
assurai-je tout en le fixant.

Il n'avait pas cligné des paupières non plus, et installa un suspense insoutenable en ne répondant pas de suite. Sans me lâcher de son regard ardent, je sentis ses doigts contre les miens alors qu'il récupérait la bouteille. Mais il ne but pas. Je ne l'avais pas percé à jour. Je fronçai les sourcils. Pourquoi résistait-il, dans ce cas ?

"Par instinct de contradiction." supposai-je. "Pour le sport ?"

Ses doigts tapotèrent les miens autour de la bouteille. Il ne but toujours pas. Enigmatique, il se contentait de me fixer. Cela me rendait folle.

"La compétition ?"

Je songeais à Roger, mais je trouvais cette hypothèse peu recevable.
Brusquement, à bout de patience face à son silence, je me levai pour le jauger de toute ma hauteur, lâchant la bouteille qui manqua de tomber de la table. Je restai ainsi quelques secondes, réfléchissant alors qu'il restait impassible. Finalement, je me penchai et m'assis à califourchon sur lui, ma longue jupe remontant plus que de raison sur mes cuisses. Je m'installai le plus confortablement du monde, frémissant alors que ses cheveux effleuraient mes épaules nues. Avec une certaine satisfaction, je remarquai qu'il était troublé et surpris par mon initiative.

"Tu me résistes pour me résister."
murmurai-je, mon visage très près du sien. "C'est un jeu très dangereux auquel vous jouez, monsieur May..."

Qui aurait pu penser qu'il se révèlerait aussi sournois, lui qui semblait être la force tranquille du quatuor ? Cela ne le rendait que plus intéressant à mes yeux. Il ne répondit que par une petite expiration amusée, alors que je sentais ses mains se poser dans mon dos. Puis, elles dérivèrent lentement, pendant que les miennes s'égaraient dans sa nuque et sous sa chevelure. Je ne savais pas qui avait embrassé l'autre le premier, en tous cas, je savourais l'instant avec enfièvrement. J'en avais oublié où je me trouvais, jusqu'à ce qu'un grand bruit me fasse revenir à la réalité.

Brian et moi sursautâmes et nous renvoyâmes un regard indécis. Le souffle court, je repoussai ses cheveux d'un geste de la main et tournai la tête vers Roger qui faisait semblant de ne pas nous avoir vus, même s'il avait claqué très fort la bouteille qu'il avait en main contre le comptoir. Brian voulut m'embrasser de nouveau mais à cet instant, j'aperçus la mine décomposée d'Apollon, accompagné de Deacy. Quelque chose n'allait pas. Il avait rarement été aussi pâle.

"Je... il faut que je..." dis-je à Brian.

Je sentis ses mains se serrer instinctivement davantage autour de ma taille ; j'en fus ravie. Cependant, il eut une moue conciliante et hocha la tête.

"Sweet Lady... Though it seems like we wait forever oh ah oh..."
fredonna-t-il à mon oreille, et son timbre de voix chaud éveilla tous mes sens.

Ce fut un supplice de m'éloigner de lui, de laisser s'envoler cet instant. Mais il le fallait. J'espérais que mon frère ait une excellente raison pour m'interrompre, sinon je laisserais mon courroux se déverser sur lui.


Cinq minutes plus tard...

Je le fixais, bouche bée, partagée entre la consternation, la compassion, et une irrésistible envie de rire. Fort heureusement, mon talent d'actrice naturel me permit de garder mon sérieux tandis que je l'observais, si misérable et soucieux. Ce n'était pas le moment de me moquer de lui, même si cela aurait pu lui donner l'impulsion de prendre le dessus sur sa désagréable expérience. C'était indigne de lui de se comporter comme une victime. N'était-il pas le dieu des arts ? N'était-il pas supérieur à n'importe quel Paul Prenter ? Je l'évaluais, les bras croisés, avec une moue sceptique, tandis qu'il venait de me raconter ce qui lui était arrivé. La rue londonnienne, déserte puisque excentrée, garderait son secret. Nous nous tenions à deux pas de l'entrée du bar, à l'abri des oreilles indiscrètes.

"A ton avis, où sont Freddie et Paul ?"

Cette question était essentielle, car d'elle découlait beaucoup de possibilités. Ils ne se trouvaient plus au bar. Ils pouvaient être n'importe où. J'espérais qu'ils soient seulement en train de marcher quelque part dans les rues. La meilleure des hypothèses était qu'ils se soient fâchés et qu'ils ne se promenaient pas ensemble, mais je ne préférais pas être trop optimiste. Pas avec les circonstances relatées par mon frère.

"Au lieu de l'éloigner, tu as fait tout le contraire !" soupirai-je, agacée. "Tu as rendu Paul intéressant aux yeux de Freddie, puisqu'il a réussi à t'avoir toi. C'est un manège basique : le garçon que tout le monde ignore devient intéressant quand il parvient à décrocher le gros lot. Adam, le but n'était pas de rendre service à Prenter !"

J'avais très envie de lui coller une tape à l'arrière du crâne, geste dont ne se privait jamais Diane, et je comprenais d'autant mieux pourquoi elle le faisait, à présent.

"Maintenant, quoi que tu fasses, tu n'arriveras plus à éloigner Paul de Freddie, car c'est lui qui va s'en rapprocher." assurai-je.

Je me mordis les lèvres et allai m'appuyer contre le mur de briques du pub, renversant la tête en arrière. Je restai songeuse quelques secondes, la jambe relevée, le pied posé contre la paroi, avec le vent qui s'engouffrait sous ma longue jupe, la faisant voleter.

"Il aime Mary, c'est une certitude. Il émane de lui un sentiment d'une pureté rare chez un mortel. C'est très beau." déclarai-je, émue à cette pensée. "Mais... Freddie refuse pour l'instant de reconnaître qu'il préfère les hommes. La prise de conscience doit venir de lui. J'ai peur que Prenter profite de sa faiblesse."

Je réfléchis et suggérai après quelques secondes de silence :

"On pourrait le tuer."

Tranquillement, je posai les yeux sur Apollon, comme si je venais d'évoquer la météo. Ce n'était pas la première fois que je parlais de meurtre et ce ne serait sans doute pas la dernière. Par le passé, j'avais déjà agi de la sorte pour prendre soin de mes protégés. Par amour, j'étais tout à fait capable de tuer.

"On ferait passer ça pour un accident. Il consomme beaucoup de drogues.
" poursuivis-je avec détachement. "Une overdose est si vite arrivée par les temps qui courent..."

Je continuais de peser les pours et les contres dans ma tête. Pour l'instant, la liste des premiers était pleine. Je ne voyais aucune raison de ne pas le faire. Même si je me doutais que ce serait contraire aux principes de mon frère.

"Freddie serait définitivement libéré de sa mauvaise influence, ainsi que le reste du groupe. Ca serait un beau geste, en fait."

J'avais l'impression que les arguments pleuvaient tout seuls, je n'avais pas besoin d'en trouver. La Création toute entière incitait à agir, en somme.

Brusquement, la porte s'ouvrit sur Roger qui sortit comme une furie. Il zigzagua jusqu'à sa voiture et démarra en trombe, alors que Deacy et Brian cherchaient à le rattraper, en vain. Je me détachai du mur pour leur demander, inquiète :

"Quelle mouche l'a piqué ?"

"Il a trouvé un sachet de poudre par terre."
expliqua Deacy, anxieux. "Je lui ai dit de ne pas tout prendre, mais il ne m'a pas écouté..."

"Juste après, il a dit qu'il allait donner un concert mémorable aux bords de la Tamise, tout seul, parce qu'il est le membre le plus important du groupe, que Queen c'est lui, et blablabla..." soupira Brian. "Faut le temps qu'il redescende."

"Il a le temps de se tuer avant." lançai-je en croisant le regard d'Apollon, car la façon dont il roulait était loin d'être exemplaire.

"Il peut être allé n'importe où." fit Deacy, tourmenté.

"On va chacun prendre un taxi et tenter de le retrouver."
décida Brian.

Je hochai la tête et laissai les garçons avancer de plusieurs pas. Pendant qu'ils rejoignaient la rue principale, Apollon et moi nous étions déjà téléportés ailleurs. Près de l'aura de Roger.

"Un sachet de poudre, hum ?" fis-je à l'adresse de mon frère. "Je me demande bien qui a laissé traîner ça dans le pub. Tu vois, il n'y a aucun argument recevable à laisser Prenter en vie. Roger est en danger à cause de cet individu !"

Je posai les yeux sur le batteur dont la voiture était garée en travers de London Bridge, la portière ouverte et le moteur encore allumé. Les phares projetaient une lumière blafarde sur le jeune homme blond qui se tenait contre la balustrade, tourné vers le vide.

"Roger... Qu'est-ce que tu fabriques ?"
demandai-je d'une voix douce et prudente à la fois.

Il tourna la tête vers moi, à la fois surpris et amusé. Ses pupilles dilatées brillaient dans la nuit.

"Jane, sexy Jane..." dit-il, exalté. "Ce que je m'apprête à faire, c'est rien que pour toi ! Tu vas voir !"

Avec application, il commença à grimper sur la rambarde. Je m'avançai d'un pas, les mains en avant.

"Non, non, non !" le suppliai-je. "Tu n'as pas les idées claires. Je t'en prie..."

En contrebas, l'eau noire de la Tamise remuait mollement.

"Je vaux au moins deux Brian ! Même trois ! Tu sais que j'ai fait un peu de guitare ?"
assura-t-il tout en continuant de monter. "Mais ça m'a paru trop difficile. La batterie, c'est plus simple. Il suffit de taper. Et pourtant, il faut le sens du rythme. J'ai plus de rythme que n'importe qui."

Désormais, il se tenait debout sur la rambarde. Il chercha quelque chose dans ses poches qu'il finit par brandir : ses baguettes. En d'autres circonstances, j'aurais sûrement secoué la tête, exaspérée au plus haut point.

"CE SOIR, ROGER TAYLOR JOUE POUR TOI SUR LONDON BRIDGE !"
s'écria-t-il. "ADMIRE LE TALENT, BABY !"

Evidemment, il perdit l'équilibre. Evidemment, il bascula dans le vide. Je n'eus que le temps de me téléporter en contrebas, de faire apparaître une barque sous mes pieds. La seconde qui suivit, Roger atterrit lourdement dans mes bras, mais je le reçus sans flancher.

"Jaaane..."
s'extasia-t-il tout en caressant ma joue.

Je lui renvoyai un regard sévère et lui donnai un coup sur la tête afin de l'assommer. Cela éviterait les justifications pour l'instant, même s'il était trop défoncé pour réagir correctement.

Après quoi, je retournai jusqu'au pont, allongeai Roger sur la banquette arrière de sa voiture et revint vers Apollon.

"On l'a échappé belle."
marmonnai-je, le visage fermé. "Prenter est un homme mort."

Je retournai jusqu'à la voiture, m'assis face au volant et attendis que mon frère me rejoigne. J'avais l'intention de ramener le batteur à ses amis qui devaient se faire un sang d'encre, ainsi que son véhicule puisqu'il était tout pour lui.

"Ce n'était vraiment pas de cette façon que j'imaginais cette nuit..."
soupirai-je tout en dirigeant le rétroviseur vers moi.

Nous étions très loin de l'instant si prometteur partagé avec Brian. Un nouveau petit soupir frustré m'échappa. Je détestais être contrariée dans mes plans.

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________________________________________ 2019-03-08, 20:31



Don't stop me now,
I'm having such a good time.


Ce n'était pas bon. Pas bon du tout. Paul et Freddie étaient certainement en train de passer un petit moment en tête à tête et eux se trouvaient dans une voiture avec un corps inconscient à l'arrière. Ça n'aurait pas pu être pire. Ou plutôt, si, le corps aurait pu être mort. Ils avaient frôlé la catastrophe.

« C'est pour ça que d'habitude je m'occupe pas des humains... » marmonna-t-il en s'enfonçant dans son siège.

Il n'était pas à l'aise installé à l'avant. Il n'aimait pas les moyens de locomotion utilisés par la population, à moins peut-être le train, qui était une invention incroyable. Il avait toujours eu envie de vivre une aventure à la Agatha Christie, en évitant le meurtre, de préférence, même si ça rendrait les choses beaucoup moins intéressantes.

« On peut pas le tuer comme ça. On ne doit pas. »

Il secoua la tête, se renfrognant alors que ses jambes n'avaient pas assez de place devant lui. Il se mordait les lèvres nerveusement, conscient qu'Aphrodite était l'une des plus têtues des déesses du panthéon. Elle avait dans l'idée de se débarrasser de Prenter – ce qui en théorie ne lui déplaisait pas vraiment – mais le fait que la méthode qu'elle avait en tête soit radicale ne l'encourageait pas vraiment à la suivre dans ce plan. Apollon appréciait s'amuser, se détendre, découvrir, s'extasier... Il n'avait jamais été très axé sur le fait de mettre fin à la vie d'un individu. A moins que les circonstances puissent le justifier. Le problème étant que là, ce n'était pas le cas.

« Aphro... » murmura-t-il, penaud, en tournant légèrement sa tête dans sa direction.

Il donnait l'impression d'être comme un gamin prit en faute. Sa culpabilité se lisait sur ses traits. Il pouvait mettre toute la faute sur Paul, ce serait aisé, puis il le méritait, ce n'était pas une bonne personne. Il avait véritablement un instinct pour ça. En plus, ça lui permettrait de l'évincer définitivement et Freddie aurait toute sa vie devant lui pour continuer ses chefs-d'oeuvres avec le reste du groupe. C'était tentant. Pour l'Art, ça pouvait valoir le coup. Mais non. Apollon était... un fervent défenseur de la vie. Même si des fois, ça l'agaçait prodigieusement lui-même.

« Le sachet... C'est peut-être moi qui l'ait donné à Paul... » poursuivit-t-il, une moue navrée prenant place sur son visage. « Je pensais pas que quelqu'un d'autre tomberait dessus... »

Il avait voulu user des grands moyens et tenté d'influencer le destin. On voyait bien où ça venait de les mener. Il ressentait déjà la colère de sa sœur s'abattre sur lui et, si il en avait eu la place dans l'habitacle, il se serait déjà mis à genoux pour demander son pardon et sa compréhension.

« J'ai tout gâché. » lâcha-t-il dans une grimace tout en faisant tomber sa tête contre le tableau de bord.

Même un être aussi parfait que lui pouvait avoir des failles. C'était quand même dur à encaisser et à admettre, mais là il ne pouvait rester dans le déni : chacune de ses actions avaient mené à cette situation. Il était en grande partie à blâmer. Prendre ses responsabilités, ce n'était pas quelque chose de plaisant.

« Mais je vais me rattraper ! » s'exclama-t-il alors en se redressant, le regard plein d'assurance et d'optimisme.

… D'un autre côté, il se demandait si ce n'était pas une mauvaise idée. Etant donné l'enchaînement actuel, si il cherchait à agir pour changer de nouveau la donne, est-ce que ce n'était pas prendre le risque que tout empire à la place ? Il fronça le nez, indécis, alors que du mouvement était perceptible sur la banquette arrière.

« Laissez-moi le volant... Vous allez lui faire mal... » marmonna péniblement Roger dont l'état était toujours aussi misérable. « Ses pneus souffrent... »

Il avait réellement un problème avec sa voiture. Ce n'était plus à prouver. Apollon poussa un soupir en secouant la tête et vérifia que le batteur avait toujours les yeux fermés. Qu'il reste dans les vapes était préférable. Il devait être en train de rêver à moitié, son bras tendu vers eux retombant mollement en quelques secondes.

« Je vais m'occuper de lui. » assura le dieu en reportant son regard sur sa sœur. « Je peux gérer ça. Les soins et tout ça me connaît. »

Il savait désinfecter une plaie, mettre un pansement, poser une poche de glace ou encore donner des médicaments. Il se vantait même de savoir faire un massage cardiaque. Evidemment, ça ne lui servait jamais pour lui-même ou pour ses proches, mais il s'agissait des bases qu'il s'était donné d'apprendre pour que ce soit plus simple de prétendre d'être quelqu'un d'ordinaire. Ça pouvait toujours servir.

« Faut que je prenne le temps de réfléchir. Ramène nous au bar. »

Il n'avait pas un naturel autoritaire mais il ressentait la frustration de Jane à l'idée d'avoir dû gérer une perturbation qui n'était pas prévue. Elle avait certainement d'autres plans et il le comprenait aisément. Puis il avait presque le mal de voiture, ça tanguait dans tous les sens, il était pas bien là-dedans.

« Si on va encore les retrouver directement en se fiant à leurs auras, ça va commencer à paraître suspect. C'est grand comme ville et on finit toujours par leur tomber dessus par hasard, d'un point de vue humain ça me paraîtrait louche personnellement... Le bar, c'est une bonne idée. »

Il justifiait son opinion comme s'il avait besoin de sa confirmation, parce qu'il savait que parfois il n'était pas le plus réfléchi. Cela dit il trouvait son explication cohérente et surtout logique. Se retrouver à l'endroit qu'ils avaient tous quitté était un choix pertinent. Et non il ne se vantait pas. A peine.

« Encore mieux ! Je reste au bar, avec l'amoureux transi suicidaire, et toi tu vas flâner et tu peux leur tomber dessus par hasard. »

Oui, il remettait en cause toute sa réflexion, mais que Jane les croise seule et non qu'ils reviennent victorieux avec le disparu drogué serait déjà moins suspect. Dans sa tête du moins, ça semblait passable comme scénario. Un peu romancé sans doute, mais ça correspondait bien à des exubérants tels que les Queen.

« Je peux pas retourner voir Paul, pour l'instant. Ce serait trop... prématuré. J'ai fais n'importe quoi, je dois l'assumer, même si ça me brise le cœur. »

Il grimaça en s'imaginant qu'il admettait qu'il allait laisser cet homme passer le reste de sa soirée avec Freddie comme il le souhaitait. Aphrodite avait raison, le chanteur n'avait pas encore eu la prise de conscience nécessaire et il connaissait assez le genre humain pour savoir que ça ne se produirait pas en une nuit. C'était un travail sur la durée. C'était justement là qu'Apollon avait fait une erreur : il avait précipité les choses en voulant achever sa tâche en quelques jours alors qu'il aurait dû prendre son temps. La patience n'était pas son fort.

« Je pense qu'Adam va devoir disparaître des radars pendant un moment. » ajouta le dieu avec une moue songeuse et peinée. « Pas soudainement et brutalement, mais je vais devoir être moins présent. Je tiens une idée là. »

Ses neurones (parce que oui il en possédait et ils étaient nombreux, pour ceux qui s'en inquiétaient) fonctionnaient à plein régime. Il y avait tant de possibilités ! Rien n'était encore perdu. Il pouvait faire en sorte que ça s'arrange. C'était dans ses cordes.

« Ils me connaissent avec ce visage – magnifique et éblouissant – et je pourrais rien changer dans cette apparence, maiiiis... »

Il faisait traîner la syllabe, le temps de mettre ses idées en place, d'une façon théâtrale qui lui était propre. Un léger sourire étira finalement ses lèvres tandis qu'il enchaînait :

« Si je change de tête et que je deviens plus jeune, si je me crée une nouvelle identité, si je reviens subtilement et si je me donne une autre approche... ça pourrait le faire. »

Ses yeux brillaient d'une exaltation nouvelle et il était déjà complètement emballé par son propre plan. Ça faisait beaucoup de ''si'', mais ce n'était pas totalement stupide. Il y avait encore quelques détails à régler, et certains dont il devait discuter avec une autre personne, d'ailleurs.

« Ça veut dire qu'il va falloir que je me tue. » admit-il en arborant davance une expression douloureuse. « J'aime pas faire ça, mais pour l'Art, je suis prêt à subir cette épreuve. Par contre je dois en parler à Arté, elle va pas être contente... Elle va encore dire que j'en fais trop... »

Renversant sa tête en arrière contre le siège inconfortable, il exprima une faible plainte aiguë. Il allait encore se faire sermonner par sa jumelle et il le savait. Il allait devoir lui expliquer ce qu'il avait mal fait et elle allait lui faire comprendre que ce n'était pas en poursuivant son délire qu'il allait parvenir à quoi que ce soit. Elle aurait raison, mais il se tiendrait malgré tout à son idée de base. C'était toujours comme ça que ça fonctionnait.

« Je pourrais me faire passer pour un de tes cousins. Jackson ça m'irait bien ? Ohhh je peux me donner des origines américaines. »

Il avait déjà toute l'histoire en tête. Un refoulé qui ne s'assumait pas et qui cherchait la compagnie de sa magnifique cousine qui habitait de l'autre côté de l'Atlantique parce qu'elle était la seule qui le comprenait. Quelles études est-ce qu'il pourrait faire ? Dans la littérature ! L'écriture de poèmes. C'était mignon et sexy en même temps. Ou l'histoire, peut-être ? Non. Il n'aimait pas trop l'Histoire.

« Je parle encore trop, c'est ça ? Tu peux le dire si je parle trop. »

« Quelqu'un peut éteindre les cloches ? »

Il pouffa à l'entente de cette question insensée en jetant un nouveau coup d'oeil à Roger. Elle l'avait pas tapé trop fort en l'assommant celui-là ? A moins que ce soit encore l'effet du mélange qui agissait. Probablement.

La voiture s'arrêta non loin du bar et il en sortit précipitamment, allant récupérer l'homme à l'arrière et le portant sans la moindre difficulté. Il ouvrait difficilement un œil, un sourire béat se dessinant sur son visage tandis qu'il admirait celui d'Adam vers lequel il cherchait à porter ses doigts sans grande réussite.

« Tu es tellement magnifique, Jaaaane... »

Il délirait complètement, il en avait maintenant la preuve. Mais il n'était jamais contre un compliment même si ce dernier ne lui était pas réellement destiné.

« Ça doit être les cheveux. On se ressemble pas mal à ce niveau. » énonça Apollon en se retenant d'éclater de rire. « Au moins il a l'air d'aller bien. Ça va être facile de trouver une explication quand il aura retrouvé ses esprits, si il se rappelle de quelque chose. Il est tellement perché, suffira de faire croire à des hallucinations ! »

Qu'est-ce que l'organisme des humains pouvaient être faible, parfois. Il s'étonnait qu'ils aient réussi à survivre jusqu'ici et, pire encore, à se multiplier de manière étonnante. Le fait que la peste ne soit plus d'actualité devait aider, ça avait fait un grand ménage à l'époque, cette épidémie.

Avec agilité, il poussa la porte du bar à l'aide de sa jambe et pénétra à l'intérieur. Il n'était pas sensible aux températures extérieures mais retrouver l'atmosphère chaleureuse de cet endroit ne faisait pas de mal. Le barman lui adressa à peine un regard, un sourcil haussé, habitué à ce que certains débordements aient lieu après tout.

« Tu peux me ramener de l'eau, s'il te plaît ? » demanda-t-il malgré tout, se permettant une certaine familiarité puisqu'il était un habitué. « Je pense qu'il va en avoir besoin. »

C'était peu dire. Il allait passer les prochaines heures dans les vapes, ce Roger, et le lendemain ne serait certainement pas facile à subir non plus. D'un côté, maintenant qu'il était hors de danger, Apollon trouvait la situation presque distrayante.

« Bon. » appuya-t-il après avoir déposé l'homme sur une banquette en l'allongeant délicatement. « J'ai raté ma mission. Maintenant, tu dois réussir la tienne. T'es meilleure que moi à ces choses-là et j'espère que tu retiens bien ce compliment parce que c'est pas souvent que j'admets mon infériorité. »

Un sourire au coin au bord des lèvres, il s'étira légèrement tout en pivotant en direction de sa sœur.

« On peut pas se permettre deux échecs, ce serait triste et un peu catastrophique étant donné nos talents mutuels naturels. »

Il lui faisait pleinement confiance. Elle était douée avec les hommes. Contrairement à lui. La prochaine fois, si il pouvait s'occuper d'une Elena ou d'une Louise ça lui conviendrait parfaitement, parce que les Paul n'étaient à l'évidence pas faits pour lui. Même si il ne reculait pas encore : il avait perdu une bataille, pas la guerre.

« Va donc sauver cette petite âme en mal d'Amour qui t'attend, Jane, j'occupe celui que tu laisses de côté pour ce soir. » dit-il tout en se rapprochant d'elle, encourageant au possible.

Doucement, il passa une main dans sa nuque et se pencha juste assez pour déposer un simple baiser sur le haut de son front. C'était une sorte d'encouragement, bien qu'il savait qu'elle n'avait pas besoin de ça. Mine de rien, il était laissé derrière sans rien lui aussi. Si ce n'est cette impression d'inachevée et cette frustration de ne pas avoir été assez doué – ah bon sang, que ça le blessait intérieurement rien que de le penser. Aphrodite était bien la seule à pouvoir rattraper le niveau de la soirée, mais ce serait sans lui. Il allait boire dix bouteilles de whisky pour faire passer son mal-être, ça devrait être suffisant – il ne pourrait pas oublier mais l'effet placebo pouvait fonctionner.
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________________________________________ 2019-03-12, 18:19



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Guaranteed to blow your mind... Anytime!


Mon agacement était monté crescendo encore plus rapidement que lorsque j'avais entendu le dernier "tube" de Claude François. J'appréciais certains artistes français, mais celui-là m'irritait avec son timbre de voix nasillard et ses mélodies répétitives. Certes, il m'était arrivée de danser sur Belinda ou le Lundi au soleil, mais ça s'arrêtait là. Apollon venait de surpasser mon degré d'exaspération, la fois où j'étais tombée sur une fréquence de radio diffusant Le Téléphone Pleure. C'était impressionnant. Je n'aurais jamais cru la chose possible, du moins pas de la part de mon frère.

Pourtant, le fait qu'il avoue être à l'origine du sachet de poudre, ainsi que l'idée de se tuer afin de revenir sous une autre apparence auprès des Queen, tout ceci me plongea dans une morosité telle que ma façon de conduire en souffrit énormément. Roger, bien qu'à moitié inconscient, s'en aperçut et se plaignit que je maltraitais sa voiture. Je me fis violence pour assouplir ma conduite, car je ne souhaitais pas abîmer son véhicule. Il ne me l'aurait jamais pardonné.

Rongeant mon frein -tout en prenant soin de ceux de la voiture- je restai silencieuse tout le long de la route, les dents serrées et le visage fermé. Je pris tout de même le trottoir trop rapidement au moment de me garer, ce qui provoqua des secousses involontaires. Roger grogna des paroles incompréhensibles, mais c'était rassurant d'une certaine façon : au moins, il n'était pas dans le coma. N'aurions-nous pas dû l'emmener à l'hôpital, d'ailleurs ? Après tout, il avait consommé beaucoup d'alcool et j'ignorais s'il avait pris d'autres drogues en dehors de la fameuse poudre. Je laissai cette question de côté, haussant les épaules alors qu'Apollon transportait le batteur à l'intérieur du bar. La réflexion du petit blond, dans les bras du grand, m'arracha un sourire amusé qui dérida le masque glacial que je m'étais composé. Il était réellement attachant.

Je les suivis jusqu'à la banquette sur laquelle Adam allongea le batteur. Les bras croisés, j'observai mon frère alors qu'il me faisait un discours digne d'un soldat à un autre qui s'apprêterait à partir en mission commando. Je notai le compliment, l'imprimant dans un coin de mon esprit, et plissai les yeux graduellement tout en écoutant le reste.

"Je ne connais pas l'échec." précisai-je enfin sans aucune modestie, d'un ton très naturel. "Pour moi, ça n'est qu'un mot, pas une réalité."

C'était blessant, vexant, mais ses pieds devaient retomber sur terre. Je n'allais pas supporter plus longtemps un Apollon dans la lune. Si j'avais voulu un divin de ce genre, j'aurais demandé à Diane de m'accompagner dans mes aventures rock'n roll.

"Comme tu l'as si bien dit, je suis meilleure que toi à ces choses-là. Et comme je suis altruiste et pleine de bonnes intentions, je vais partager mon point de vue."

Je plaçai les mains sur les hanches et le jaugeai d'un air consterné.

"Ton idée est stupide."

D'un pas raide, je passai devant lui et le contournai pour m'asseoir sur la banquette. Délicatement, je soulevai la tête de Roger et la posai sur mes genoux. Ce dernier remua un peu, agita mollement une main dans le vide avant qu'elle ne retombe sur son visage dans un claquement qui lui arracha un grognement de douleur. Mais ses yeux restèrent fermés. Avec un soupir lassé, j'attrapai son poignet et repoussai sa main tout doucement.

J'avais pris la décision d'attendre les autres ici. Comme Apollon l'avait souligné, nous tombions sur eux "par hasard" un peu trop souvent. A force, ils risquaient d'avoir des soupçons. De plus, je n'avais aucune envie de laisser Roger pour l'instant. Il était dans un état bien trop préoccupant.

"Tu n'es pas doué pour séduire... les hommes." dis-je tout en hésitant à achever ma phrase (mais je ne pouvais tout de même pas remettre en cause son talent pour flirter, il l'avait déjà prouvé plus d'une fois auprès de la gente féminine). "Physiquement, il n'y a rien à redire. Tu as tout ce qu'il faut pour plaire, aussi bien aux garçons qu'aux filles. Je pense que le problème vient du fait que tu ne sais pas t'y prendre avec eux. Tu as voulu aller trop vite. Ce qui est fait est fait. Si tu reviens sous une apparence plus jeune, à quoi ça va servir ? Prenter a attiré l'attention de Freddie. C'est trop tard. Tu crois vraiment qu'il va avoir quelque chose à faire de Jackson, Joel ou Je-ne-sais-qui ? Tu vas juste empirer les ch..."

Je m'interrompis en sentant quelque chose caresser ma cuisse. Pendant mon sermon, Roger, toujours à demi assoupi, avait réussi à passer la main sous ma jupe. Un sourire béat ne le quittait pas alors qu'il devait sûrement faire un rêve aux frontières de la réalité. Je baissai les yeux avec une moue, hésitant à le laisser continuer. Non, ce n'était pas une bonne idée. Je lui fis donc une petite tape sur la main et il eut un rire grivois.

"Ouuh sauvage..." marmonna-t-il. "Jane, terrible ta carrosserie..."

Je dus me mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire. Croisant le regard d'Apollon, je lançai :

"Je pense qu'il faudrait lui confisquer sa voiture, parce que ça devient grave."

Avec douceur, je m'amusai à repousser les cheveux qui tombaient devant ses yeux clos, puis tout en continuant de le dorloter, je posai de nouveau les yeux sur mon frère et retrouvai le sujet premier de la discussion :

"Tu n'admets qu'à moitié que tu as échoué, alors que c'est indéniable. Une autre apparence ne va rien arranger du tout."

Il fallait être plus directe, sinon il n'allait pas comprendre. Et encore, je n'étais pas certaine qu'avec une approche plus franche, j'obtienne davantage de résultats. Mais il fallait que j'essaye malgré tout.

"C'est bien simple : si tu te tues pour rajeunir, je tue Prenter."

La menace, une technique aussi vieille que le monde. Ca me chagrinait d'en arriver là avec lui, mais il ne me laissait pas le choix.

"KILL YOURSELF ALIIIVE !"
s'écria Roger tout en levant le poing si fort qu'il manqua mon nez de peu.

Avec une patience teintée de lassitude, je saisis son bras levé pour le faire redescendre. A quel moment cet endroit était-il devenu une nursery dont j'avais la garde ? J'aurais pu choisir de ne plus m'en soucier. J'aurais pu quitter les lieux et m'amuser ailleurs. Retrouver Brian "par hasard". Mais j'étais trop impliquée et surtout, je voulais imprimer une certitude dans le crâne de mon frère.

"A ton avis, lequel de nous deux sera le plus rapide ? Tu parviendras à tes fins avant que quelque chose de mortel ne lui arrive ? Tu veux prendre ce risque ?"
demandai-je avec une dangereuse témérité.

Allait-il se mesurer à moi ? Allait-on vraiment en arriver là ? D'un côté, je trouvais la perspective divertissante, aussi ignoble était-elle, même si je considérais toujours que se tuer pour changer d'apparence était absurde. J'étais la seule du panthéon à être capable de changer de physique sans en arriver au geste fatal. Ce qui était très pratique. Malgré tout, il m'était déjà arrivé de mourir, et ce n'était guère agréable. Apollon était fou de s'infliger une telle chose. On pourrait au moins souligner qu'il souffrirait pour l'art.

Moins d'une heure plus tard, John et Brian revinrent. Ils se précipitèrent aussitôt vers nous.

"On était tellement inquiets ! On a failli signaler sa disparition à la police !" l
ança le bassiste.

"Mais on s'est dit que la presse allait encore s'en mêler..." grommela Brian en se plantant devant moi, qui avais toujours la tête de Roger posée sur les genoux.

Il se pencha et administra une petite gifle à son acolyte. Ce dernier émit un drôle de ronronnement depuis le pays des rêves :

"Oh ouais vas-y...!"

"Il a l'air d'aller bien." estima-t-il en se redressant. "On va le ramener à l'appartement."

John hocha la tête, déjà prêt à partir. Apollon s'occupa de transporter le batteur jusqu'à la voiture, avant de retrouver sa place à l'avant. Je confiai la clé à Brian et m'installai à l'arrière, coincée entre John et Roger, à moitié affalé sur la banquette.

Pendant le trajet, je sentais Brian plutôt nerveux, à en juger par sa conduite (décidément, le bijou mécanique de Roger allait en prendre un coup). Je croisai son regard dans le rétroviseur et demandai :

"Quelque chose ne va pas ?"

"Je me disais juste... Ce n'est peut-être pas la peine que vous veniez chez nous. C'est plutôt petit et... il n'y aura pas assez de place."

Je fronçai les sourcils, déroutée par ce brusque changement chez lui. Indécise, je tournai la tête vers John afin d'avoir plus d'explications. Dans le même temps, je repoussai un peu Roger qui s'affalait de plus en plus sur moi. Je n'étais pas un matelas !

"On s'est fait avoir par nos managers. On s'est rendu compte qu'on ne gagnait pratiquement rien comparés à tous les concerts qu'on faisait." dit-il avec une moue.

"On a changé de manager." s'empressa de préciser Brian. "On a négocié un bon contrat. C'est juste qu'en attendant de terminer l'album, on vit dans un endroit..."

"... pas très glamour." acheva John.

Je pus le constater de mes propres yeux quelques instants plus tard. Le groupe était logé dans un quartier malfamé de Londres, dans un appartement doté de deux chambres, d'un salon ainsi qu'une minuscule cuisine. Sur le trajet, John avait précisé que depuis son mariage, il vivait l'autre moitié du temps avec sa femme qui subvenait aux besoins du ménage. En découvrant l'état insalubre de leur logement, mon coeur se serra, et je voulus aussitôt leur offrir une maison à chacun. Bien entendu, il n'en était pas question. Ils ne pourraient comprendre d'où me venait tout cet argent. De toutes façons, je me doutais qu'ils allaient vite remonter la pente, étant donné leur talent respectif.

Le salon n'avait aucun style particulier et ressemblait plutôt à une brocante avec tous les assemblages hétéroclites qui le composaient, mélange de cadeaux de fans et d'objets-souvenirs rapportés de leurs différentes destinations. La pièce sentait le vieux tabac et le renfermé.

"Je constate que vous avez le même esprit de rangement qu'à la ferme." fis-je remarquer en voyant les moutons de poussière sur le sol et le désordre ambiant.

J'adressai un sourire à Apollon alors que les deux autres eurent un petit rire, pas du tout gênés par ma réflexion. Mon frère porta Roger jusqu'au canapé, et c'est alors que Freddie fit son apparition depuis une autre pièce, sans doute sa chambre. En voyant le batteur inconscient, il écarquilla les yeux et pâlit.

"Bordel, Roger !"

Apparemment, pas de Prenter à l'horizon. Tant mieux. Très inquiet, Freddie se rendit jusqu'à son ami et posa une main contre son front.

"Relax, Fred. Il a juste pris trop de poudre. C'est pas la première fois." déclara Brian. "Il est hors de danger. Il délire juste."

Sourd à ses paroles, Freddie prit ensuite le pouls de Roger tout en consultant la montre de ce dernier. Plus d'une minute plus tard, une fois qu'il se fut assuré que tout allait bel et bien, le chanteur se détendit. Pendant ce temps, John alla prendre une couverture dans l'une des chambres et couvrit le petit blond.

"Quel abruti..." soupira Freddie tout en considérant son ami endormi.

"Tu t'es pas vu à Boston." fit Brian avec un sourire de connivence à John. "Tu n'étais pas mieux."

"Moi, c'est pas pareil." répliqua le chanteur avec dédain et désinvolture. "Bon, allez roupiller. Je veille sur la Belle au Bois Dormant."

Avec nonchalance, il rapprocha le fauteuil défoncé du canapé et s'affala dedans.

"Liz Taylor dans son meilleur rôle..." murmura-t-il tout en chatouillant l'oreille de Roger.

Son ami, toujours endormi, étouffa un rire et leva mollement une main pour le faire arrêter.

"Non... non... pas les orteils..."
marmonna-t-il, en extase.

Freddie ricana et continua de taquiner son ami, après avoir récupéré un bout de couverture pour se couvrir.

"Tu peux prendre ma chambre, Deacy si tu veux." proposa-t-il. "Ah ? Ben, il est déjà parti. J'adore, je parle aux murs."

Je regardai sur la droite, et effectivement John s'était retiré dans la pièce d'à côté dont il avait fermé la porte. Il avait le chic pour faire des sorties... pas du tout remarquées.

Je lançai un coup d'oeil à Apollon. C'était le moment pour nous de partir, mais je n'en avais pas du tout envie. Je tressaillis en m'apercevant que Brian s'était lui aussi éclipsé. Sans même me dire au revoir ? Une vague d'indignation me saisit et je ne fis aucun effort pour le cacher. Freddie roula des yeux et d'un geste lassé, montra une porte fermée à quelques mètres derrière lui :

"Il est là-bas."

Malgré tout, je restai de marbre. Le chanteur prit alors mon frère à parti :

"Ils me fatiguent tous les deux, pas toi ?"

Brusquement, il repoussa la couverture, se leva du fauteuil et se dirigea droit sur moi pour me saisir par les épaules. Tout en me forçant à me rendre jusqu'à la porte fermée, il parla très vite :

"Brian le fait exprès, mais là franchement, j'en peux plus. Ma devise c'est : il ne faut jamais hésiter à se faire plaisir. Alors tu vas le rejoindre, et je ne veux pas vous revoir avant demain."

J'ouvris la bouche, mais déjà il avait ouvert la porte, me poussai à l'intérieur et la refermai aussi sec. Le souffle coupé, je me retournai, prête à la réouvrir, mais constatai que la poignée était bloquée. Dans le même temps, j'entendis un bruit de chaise de l'autre côté. Il avait sûrement placé le dossier sous la poignée. Stupéfaite, je balbutiai :

"Je viens de me faire séquestrer par Freddie Mercury."

Sachant qui j'étais, cette phrase me parut d'autant plus saugrenue. Mais curieusement, elle ne manquait pas de panache. Je perçus du mouvement dans la pièce et me retournai lentement. Brian était près de la fenêtre, occupé à ranger des affaires (un miracle !). D'ailleurs, je le soupçonnais d'avoir fait un peu de rangement avant ma venue. Y avait-il des choses compromettantes que je n'étais pas censée voir ? Il régnait malgré tout un sacré capharnaüm dans la pièce rendue exiguë par la présence de trois lits plus ou moins défaits.

"Alors comme ça, on disparaît sans me dire au revoir ?"
lançai-je, toujours piquée à vif.

"Je savais que tu viendrais."
dit-il, un petit sourire au coin des lèvres.

Je plissai des yeux. Au moins, ça confirmait ma théorie, tout en ayant le don de m'agacer et m'exalter à la fois. Il était doué et redoutable à ce petit jeu. Il me plaisait de plus en plus.

"Ah, c'est pour ça que tu as fait un brin de ménage à trois heures du matin ?" répliquai-je d'un ton narquois.

Dans la pénombre, je remarquai son expression déroutée, comme s'il ne comprenait pas où je voulais en venir. Et bon comédien avec ça. Tranquillement, je me mis à marcher vers lui, tout en ajoutant, mutine :

"Je suppose que si je regarde sous les lits, je ne vais rien trouver ? Dans l'armoire non plus, même en fouillant un peu ?"

"Je n'ai rien à cacher." assura-t-il.

"Menteur." fis-je dans un murmure. "On a tous des secrets. Et c'est très bien comme ça. Sinon, on serait des coquilles vides. Inintéressantes."

Je fus interrompue sur mon chemin, mon attention attirée par une guitare soigneusement posée sur une enceinte, juste à côté de l'armoire.

"Ouh... tu aurais dû me dire que nous n'étions pas seuls."

Il eut un petit rire et s'approcha, tandis que j'effleurai le corps en acajou de l'instrument. La Red Special. Je l'avais déjà vue, bien sûr, puisqu'il s'en servait durant les concerts et les enregistrements, mais cette fois-ci, c'était différent.

"Ta curiosité est-elle satisfaite ?"
demanda-t-il, et je sentis son souffle contre ma nuque.

Un frémissement me parcourut mais je n'en laissai rien paraître alors que mes doigts passaient contre le levier de vibrato de la guitare.

"Pas encore."
répondis-je finalement.

Lentement, je pivotai vers lui et renversai la tête en arrière, car il était beaucoup plus grand que moi. Il était également très près. Ce n'était pas particulièrement dérangeant.

"Il y a quelques notes à ajouter à notre partition, alors..."

Plaçant les mains autour de son cou, j'ajoutai, impérieuse :

"... Fais-moi chanter."

Je me mis sur la pointe des pieds tandis qu'il se penchait davantage, et capturai son sourire naissant dans un fougueux baiser. Je sentis ses mains pianoter fiévreusement dans mon dos, avant de trouver un chemin sous mon haut. Les miennes déboutonnaient déjà sa chemise, et l'en débarrassèrent très vite. Impatiente, je me plaquai contre lui et le poussai doucement vers l'un des lits. Ca serait plus confortable.
Pour commencer.

*** These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA 3109594688 ***

Il faisait jour depuis quelques heures déjà lorsque Brian s'endormit. Au début, je me contentai de le regarder, apaisée par sa respiration lente et profonde. Je laissais tout mon amour nous envahir et nous envelopper, encore plus doux et chaud que nos corps enlacés. Un moment privilégié. Quelques heures passèrent encore avant que je me décide à le quitter. L'ennui finit toujours par gagner ceux qui ne dorment jamais.

Je me dérobai à son étreinte, doucement, sans le réveiller, m'habillai et me téléportai dans une rue voisine, à l'abri des regards. Ensuite, je flânais, déambulant au bord de la Tamise, simplement heureuse. Je fis un peu de shopping, troquant mes habituelles jupes contre une tunique doublée d'un tissu vaporeux, un short assez court ainsi qu'une paire de bottines ressemblant pas mal à celles que l'on pouvait trouver au Far West. Je terminai mes achats par un passage sur le marché de Soho, puis revins à l'appartement des Queen aux alentours de quinze heures. Comme je m'y attendais, je les trouvais occupés à prendre le petit déjeuner. Pour eux, c'était seulement le début de la journée.

La cuisine semblait toujours aussi minuscule, bien qu'il n'y ait pas tant de monde que ça à l'intérieur : Apollon n'était pas présent, mais je notai la présence d'une jeune femme blonde assise à table, occupée à mettre de la confiture sur un toast. Affublé d'un tablier à fleurs, John faisait cuire le bacon dans une poêle en sifflotant. Quant à Freddie, il était appuyé contre l'un des placards, juste derrière la jeune femme, et lui massait les épaules de temps à autre.

"Hello ! Je suis sortie prendre quelques petites choses vitaminées, histoire de bien commencer la journée."
annonçai-je tout en posant une barquette de fraises et un filet d'oranges sur la table.

"C'est notre coach santé." déclara Freddie avec tant de sérieux qu'un non initié aurait pu y croire, mais évidemment pas la jeune femme qui répliqua aussi sec :

"Elle doit avoir énormément de boulot avec vous quatre."

Un large sourire se dessina sur les lèvres du chanteur, suffisamment évocateur. Je levai les yeux au ciel, amusée, et m'approchai d'elle.

"Tu dois être Mary, n'est-ce pas ? Je suis ravie de te rencontrer enfin. Freddie m'a beaucoup parlé de toi."

"Il en fait toujours des tonnes." soupira-t-elle, faussement exaspérée. "Eeeeh !"

Son exclamation indignée était due au fait que Freddie venait de lui voler le toast qu'elle avait tartiné. Elle lui lança un regard réprobateur, mais il répondit par une expression si innocente, sa bouche pleine lui conférant une allure de hamster, qu'elle éclata de rire. Ils continuèrent de se taquiner un peu, jusqu'à ce qu'elle se tourne de nouveau vers moi :

"Pardon, il est impossible. Enchantée, Jane."

Je haussai un sourcil, surprise qu'elle connaisse mon prénom.

"C'est le frisé qui m'a parlé de toi."
précisa-t-elle avec un air entendu, tout en donnant de petites tapes à Freddie qui faisait le zouave derrière elle.

"Brian avait peur que tu ne reviennes pas." soupira John tout en faisant glisser le bacon sur une assiette.

"Il y a trop de drama Queens dans ce groupe." nota Freddie.

Mary laissa échapper un rire significatif et il piqua un baiser sur sa joue, avant de s'installer à table pour tartiner un toast qu'il lui donna ensuite. (These Are The Days Of Our Lives ✰ APOLLON + SASHA + ARYA 2727069659)

"Vous pourriez éviter de parler de moi à la troisième personne quand je suis là ? Merci."
fit une voix depuis le cagibi.

Justement, je me demandais quand il allait se manifester. A l'instant où j'étais entrée, j'avais fait le tour de toutes les auras (Roger dormait toujours dans le salon), et j'avais perçu celle de Brian, bien présente, parmi les autres. Le guitariste apparut à l'autre bout de la pièce, grimaça de dégoût en passant près du bacon et se dirigea vers moi.

"N'écoute pas ce qu'ils disent. Ils racontent n'importe quoi." dit-il, à la fois contrarié et embarrassé.

"Oh mais je ne crois rien." rétorquai-je en le fixant, les yeux pétillants. "Tu as bien dormi ? Bien sûr que tu as bien dormi. Je t'ai regardé. Moi, je dors très peu."

Mutine, je pris une fraise entre mes doigts et mordis dedans sans cesser de le regarder.

"Faut dire qu'on n'a pas vraiment eu le temps de dormir..." susurra-t-il tout en se rapprochant davantage.

Il passa ses bras autour de ma taille et me pressa contre lui. A l'instant où il m'embrassa, Freddie imita le chant du loup un soir de pleine lune, ce qui déconcentrait légèrement, mais c'était plutôt amusant.

"Très Autant en emporte le Vent. J'aime beaucoup."
dit-il, commentant notre étreinte en applaudissant avec emphase.

Deux secondes plus tard, Mary lui confisqua l'orange qu'il venait de prendre. Elle éloigna également tout le filet.

"Pas de vitamine C pour toi. Tu es monté sur ressorts aujourd'hui."

Je ne suivis pas le reste de leur conversation car Brian accapara mon attention.

"Il y a quand même quelque chose que je me demande..."

Il m'enlaçait toujours, et quelques uns de ses cheveux caressaient mes joues.

"Comment tu as fait pour sortir de la chambre ? Quand j'ai voulu tout à l'heure, la chaise bloquait toujours la porte."

Gloups. J'avais oublié ce détail. Y avait-il une chance que je parvienne à détourner son attention en lui faisant manger une fraise ? Peu probable. Ce n'était pas Roger. Les secondes défilaient. Il fallait que je trouve une explication. Et vite.

"Un scientifique tel que toi n'a aucune hypothèse ?" lançai-je, espérant gagner du temps.

"J'en ai plusieurs, mais toutes irrecevables. J'ai même pensé à la téléportation, tu imagines ?"
s'esclaffa-t-il.

J'imitai son rire, mes lèvres s'affaissant et mes yeux s'écarquillant d'angoisse et de stupeur. Brusquement, la solution me vint. Tout en lui montrant une épingle à cheveux que j'avais sortie de ma poche de short, j'expliquai avec un calme désarmant :

"J'ai démonté la poignée. Et ensuite, quand j'ai réussi à sortir, je l'ai remontée et j'ai remis la chaise contre la porte."

Brian cligna des yeux, perplexe. Il s'éloigna de moi et croisa les bras.

"Pourquoi avoir fait ça ?"

Effectivement, il y avait de quoi se poser la question. C'était une attitude étrange qui aurait pu s'apparenter à celle d'une psychopathe. J'eus besoin de réfléchir quelques secondes encore avant de trouver la parade idéale. Finalement, je murmurai tout en plongeant un regard ardent dans le sien :

"Par jeu, voyons..."

Je me mordis un peu la lèvre inférieure afin d'accentuer l'effet. Tout d'abord, il parut sceptique, mais il se laissa amadouer, se mordant les lèvres à son tour.

A cet instant précis, je sursautai, car on venait de me donner une petite tape sur les fesses. Me retournant, je vis Roger dans l'embrasure de la porte, vêtu d'un caleçon et d'un kimono ouvert. Il m'adressa un large sourire charmeur. Du coin de l'oeil, je vis que Brian était sur le point de dire quelque chose, mais je lui fis signe de se taire.

Freddie, Mary et John avaient cessé de discuter et observaient eux aussi le petit blond, car son geste n'avait échappé à personne. Ce dernier bâilla bruyamment en s'étirant et s'installa en bout de table comme un roi, visiblement de très bonne humeur.

"Ca va, Rog' ?" s'enquit John, incertain.

"Ouais, je meurs de faim !"
dit-il tout en se servant un bol de porridge dans lequel il mit des morceaux de bacon. O_o "Faut que je récupère des forces, parce que quelqu'un m'a épuisé..."

Tout en mangeant, il me fit un clin d'oeil bien appuyé, sans cesser de me sourire. Freddie s'esclaffa et demanda, tout en croisant les bras sur la table pour se rapprocher de lui :

"Tu te souviens de quoi de la nuit passée ?"

"Je sais que j'ai fait un bad !" répliqua son ami d'un ton entendu. "Je me rappelle pas bien... Mais ensuite, Jane s'est occupée de moi comme personne." assura-t-il tout en me lorgnant de regards lourds de sens. "Toi, t'es une nana."

Il avait dit cela en hochant lentement la tête avec un sourire conquérant. Je le dévisageai, incrédule, alors que je sentais l'irritation de Brian, juste à côté, se transformer en amusement.

"Je peux te dire où elle était la nuit dernière. Et ça ne va pas te plaire."

Tout en mâchant son bacon-porridge, Roger fronça les sourcils. A cet instant, la sonnette de l'entrée résonna. Sauvée par le gong, comme on dit. L'idée saugrenue d'Apollon me revint alors en tête, et je priai mentalement pour qu'il ne l'ait pas appliquée. Il n'aurait plus manqué que ça.

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________________________________________ 2019-03-16, 00:01



Don't stop me now,
I'm having such a good time.


Evidemment, elle n'était pas d'accord avec son idée de génie. Evidemment, elle avait toutes les raisons de s'y opposer. Evidemment, il allait quand même le faire.

Il se garda de lui en faire la précision, dans un premier temps parce qu'il ne le pouvait plus maintenant qu'ils avaient été rejoints par les Queen, et également parce qu'il devait encore prendre le temps de peaufiner les détails avant de "passer à l'acte". Rien que d'y penser, il en frissonnait. Ce n'était pas un bon moment qui l'attendait : entre l'explication qu'il devrait donner à Artémis, la douleur que ça engendrerait et, mine de rien, la préparation psychologique qu'il était déjà en train d'entamer, mourir n'avait rien d'une promenade de santé. Et il devrait éviter que cette fatalité ne touche Prenter dans le processus en plus de cela. Il se maudissait d'être aussi prévenant avec l'humanité parfois.

Le dieu lâcha un léger rire amusé alors que Jane venait d'être enfermée dans la chambre de Brian. Il savait qu'elle aurait pu s'échapper sans mal de cette pièce malgré la chaise qui en bloquait l'issue, tout comme il était pleinement conscient qu'elle ne le ferait pas et qu'elle n'allait pas se gêner pour au contraire en profiter. Il jeta un bref coup d'oeil à Roger qui bavait presque sur la couverture qui le recouvrait. Il devait être parti loin dans ses délires au monde de Morphée, celui-là. Et maintenant qu'il n'était plus que trois dans la pièce, il hésitait.

Son pied tapait nerveusement et discrètement le sol à intervalles réguliers alors qu'il se pinçait les lèvres en posant son regard sur Freddie.

"Je vais y aller." se contenta-t-il de dire après un long moment de silence que le chanteur ne chercha pas le moins du monde à combler, répondant seulement d'un marmonnement approbateur.

Est-ce qu'il était le seul à en être dérangé ? Ils jouaient encore au Frisbee tous les deux il y a peu et pourtant, quelque chose avait changé. Il le sentait dans l'atmosphère. Ce n'était pas agréable. Bien entendu qu'Apollon ne demandait pas l'attention de cet individu, ce serait osé de sa part. Il était LA diva de cet appartement et c'était une certitude que le grand blond ne voulait pas venir ébranler. Cela dit, c'était comme si le courant d'inspiration et de béatitude dans lequel la proximité du groupe le plongeait habituellement était troublé. A cause de son comportement discutable et de sa façon de faire pitoyable. Il le savait.

"Je suis déso..." commença-t-il, indécis, avant de grimacer.

Pourquoi s'excuser ? Paul n'était rien pour lui. Du moins il n'était pas censé l'être. Et il se sentait encore plus con de donner de l'importance à tout ça maintenant.

"Je repasserai voir Jane demain !" lança-t-il finalement, forçant un sourire qui n'avait rien de naturel, avant de passer la porte avec brusquerie.

C'était déprimant. Tout était déprimant. La fin de cette soirée était catastrophique pour lui. Il n'avait même pas à faire vraiment de bilan : Aphrodite passait du bon temps avec un guitariste, Roger pensait être en train de vivre la meilleure nuit de sa vie, John dormait certainement comme une masse et Freddie... Est-ce qu'il avait déprimé Freddie, aussi ? Il allait appeler Mary si c'était le cas. Et si il parlait à Mary, c'était une bonne chose. Donc, le seul à passer un moment désagréable au possible, ce serait lui.

Quitte à s'enfoncer, il décida de le faire au maximum. Il s'était téléporté devant un immeuble et était resté adossé au mur un long moment, ronchonnant dans son coin comme il le faisait dès qu'il atteignait un seuil de contrariété critique. Il aurait tout aussi bien pu rejoindre Artémis maintenant mais il n'allait pas mettre à exécution son plan tout de suite. Ce serait trop précipité, clairement encore plus idiot que ça ne l'était déjà, et il avait besoin de garder cette tête là pour l'instant.

"Hey !" articula-t-il tout en se redressant et en esquissant un geste de la main assez vague en direction de l'homme qui s'approchait.

Ce dernier le regarda un instant, étonné dans un premier temps, avant de baisser les yeux avec un tel agacement que cela en froisserait presque l'ego du dieu. Mais il était déjà au plus bas, de toute façon, ça ne pouvait pas être pire.

"Qu'est-ce que tu veux, Adam ?" soupira Prenter en restant immobile près de la porte de l'immeuble.

"Tu m'invites pas à monter ?" l'interrogea-t-il dans une tentative vaine de faire de l'humour, ponctuant cette question d'un rire feint à la perfection.

"Non."

Ah. Son sourire disparut alors que toutes ses chances de se rattraper autrement que par l'usage de la méthode extrême venaient de s'évanouir en à peine une seconde. Au moins, il avait essayé, on pouvait pas lui reprocher.

"Ecoute. Si t'es là pour tenter de tirer ton coup, oublie. Vraiment. T'es pas mon genre."

"Je suis le genre de tout le monde." répliqua-t-il dans un réflexe, plus hautain et assuré qu'Adam aurait dû l'être.

Cette répartie immédiate eut au moins le mérite de faire hausser un sourcil à Paul qui le dévisagea. Il ne devait pas s'attendre à ce que le fait de ne pas "conclure" ce soir ne le dérange pas outre-mesure. Alors que, franchement, si Apollon devait trouver un point positif à la tournure des événements, c'est qu'il avait au moins échappé à ça.

"Je voulais juste te dire de faire attention." poursuivit-il en croisant nonchalamment les bras, un air faussement compatissant prenant place sur ses traits.

Il se sentait bien plus détendu, maintenant qu'il laissait quelque peu tomber le masque d'Adam. Ce n'était pas désagréable de jouer un rôle mais laisser place à sa véritable personnalité l'aidait malgré tout à reprendre un peu de contenance après cette accumulation d'échecs en si peu de temps.

"Attention à quoi ?"

Il était sur la défensive. Il le voyait se tendre et il entendait son coeur battre plus vite. Réaction humaine logique et compréhensible quand on se croit devant une menace.

"Détends-toi, je vais pas te frapper." précisa-t-il tout en souriant en coin. "Disons que... j'ai un genre de sixième sens. Je suis pas devin, ni médium, mais j'ai confiance en mon instinct."

Si seulement il savait... Oh il aurait pu tout lui dire et s'en aller pour ne jamais le revoir, vu qu'il ne comptait pas le recroiser avec cette apparence. Mais ce serait mettre l'identité d'Aphrodite en danger aussi et il n'allait pas prendre ce risque.

"Et mon instinct me dit que tu devrais faire attention. C'est tout."

"T'es complètement barré comme gars." rétorqua simplement Paul, ses clés serrés dans sa main. "Si on doit faire dans l'échange de conseils, tu devrais arrêter de traîner dans le coin. Toi... Toi et l'autre, vous avez une mauvaise influence sur eux."

Apollon ne put s'empêcher de pouffer. Sérieusement ? L'autre en plus, c'était tellement dégradant pour Aphro ! Ce n'était pas étonnant cela dit, il ne la portait pas dans son coeur et c'était réciproque. Elle voulait le tuer après tout. On pouvait pas dire que c'était une preuve d'affection.

"Je pense que tu fais un transfert. Ca arrive. C'est pour te déresponsabiliser alors que tu sais très bien que le seul qui est dangereux pour lui, et non pas pour eux, c'est toi... Tu t'en fiches des autres. Tout le monde l'a remarqué. Même un aveugle pourrait voir à quel point il te fascine."

Il roula presque des yeux tout en le prononçant, tellement l'évidence était présente sans que cet imbécile ne souhaite l'admettre. Il existait des personnes comme ça partout dans le monde. Egoïstes, possessives, inconscientes. Paul resta bouche-bée face à ce que se permettait de dire Adam, lui qui ne faisait jamais preuve de sérieux et qui n'aurait pas ainsi dû oser s'exprimer. Roh, il n'était plus à ça près, vraiment.

"Fais juste en sorte de pas le faire couler avec toi." acheva-t-il en haussant les épaules, sur un ton qui pouvait paraître très légèrement menaçant si on écoutait bien.

"Je sais pas ce que tu caches, mais t'es pas net." contesta Paul, de plus en plus sur ses gardes. "Je lui ferai jamais de mal."

Il n'avait pas l'air effrayé, quoi qu'un petit peu angoissé certainement. Il aurait pu tenter de dégager un peu de sa puissance pour carrément lui faire vivre la plus grande peur de sa vie mais ça n'aurait pas été sage. Et ce n'était pas le but. Il manquerait plus qu'il fasse un arrêt cardiaque alors qu'il voulait éviter que cette histoire se termine avec un cadavre justement.

L'homme n'attendit pas qu'Adam en rajoute une couche, préférant passer la porte de son immeuble qu'il poussa trop violemment - preuve que ses nerfs étaient à vif, même si il tentait de faire croire le contraire.

"Je veux pas te revoir. Je suis sérieux." précisa-t-il malgré tout en tournant à peine la tête dans sa direction, si sèchement qu'il aurait flippé si Prenter avait été juste un peu plus charismatique.

"T'inquiètes pas pour ça, je dois partir passer des castings pour le prochain film de Lucas de toute façon !" répondit-il gaiment tandis que l'homme avait déjà disparu dans le couloir assombri.

Il aurait bien aimé que ce soit la vérité, il sentait que c'était prometteur comme projet. Mais bon, être le dieu des Arts, ça impliquait de devoir rester dans l'ombre de temps en temps, donc ce n'était pas exactement ce qu'il comptait faire... Il tenait un bon alibi avec ça cela dit.

* * *

"Je dérange pas j'espère ?"

Deacy était venu ouvrir avec toute sa gentillesse - et son magnifique tablier - en secouant la tête de gauche à droite tout en affichant un sourire qui répondait déjà à la question.

"Pas du tout, t'arrive même pile au bon moment."


Le dieu passa la porte et prit soin de la refermer derrière lui, sachant ce qui se passait avant même qu'on ne lui fasse le moindre résumé. Son ouïe fine lui avait permit de capter une bonne partie de la conversation. De ce qu'il avait retenu : Jane avait accompli avec brio sa mission et Roger était en train de planer à des kilomètres encore.

"Si on m'avait prévenu j'aurai ramené des popcorns... Salut !"

Il se sentait un peu stupide de ne pas avoir prit le temps de ramener quoi que ce soit maintenant qu'il y pensait et il fronça brièvement les sourcils, irrité par son propre manque de réflexion, parfois. Il jeta un coup d'oeil plein de sous-entendus en direction d'Aphrodite, si proche de Brian qu'il pouvait déjà leur coller l'étiquette "petit couple qui batifole joyeusement", mais il se retint d'en faire la remarque à haute voix et se contenta d'un sourire aussi amusé qu'admiratif. Elle était définitivement douée dans ce domaine.

Si il offrit un signe de la main à chacun, évitant soigneusement le regard scrutateur de Freddie, il ne put qu'ouvrir la bouche de surprise et d'admiration face à la fameuse Mary. Son sourire s'agrandit immédiatement pour ne faire de lui qu'un distributeur de bonne humeur tellement l'enthousiasme pouvait se lire sur ses traits.

"Enchanté, je suis Adam. C'est un plaisir de te rencontrer !" décida-t-il de se présenter immédiatement en tendant sa main avec toute la galanterie dont il était capable.

Il avait l'impression de rencontrer une nouvelle célébrité. Elle avait son rôle à jouer elle aussi dans tout ça après tout. Love of my Life n'existerait pas sans elle, c'était déjà énorme ! Est-ce qu'il était trop enjoué ? Trop admiratif ? Il sentait des regards pesés sur lui et, non seulement celui de Freddie ne le quittait pas, presque suspicieux alors qu'il avait rapproché sa chaise de Mary, et celui de Deacon aussi se demandait ce qu'il était en train de faire.

C'était peut-être son aura naturellement captivante. Ou le fait que, comme l'avait si bien dit Aphrodite, il avait tout pour plaire physiquement et... il était plus doué avec les femmes. C'était naturel. Le but n'était pas de se montrer séducteur avec Mary pourtant ! Il se redressa et posa son regard sur sa soeur, presque peiné de s'y prendre à ce point comme un manche. Il lui faudrait un manuel de gestion de la vie parmi les humains, en fin de compte. Ca ne pourrait pas lui faire de mal.

"Je venais... prévenir que je pars, en fait." prononça-t-il après s'être raclé timidement la gorge en passant une main dans sa nuque d'un geste nerveux. "Y'a pas mal de casting en ce moment et j'ai peut-être moyen de décrocher un super rôle, c'est une occasion à pas rater d'après l'agent pourri que j'ai pour l'instant, en plus je vais peut-être pouvoir aller en Tunisie alors c'est plutôt... cool."

Il devrait faire preuve de plus d'enthousiasme si il voulait être convaincant. C'est ce qu'il fit d'ailleurs, en se redressant, grand sourire aux lèvres avant d'ajouter :

"Avec un peu de chance je vais rencontrer Audrey Hepburn. Ce serait classe."

Il l'avait déjà croisé, en vérité, mais ce n'était quelque chose qu'il allait préciser.

"Je pourrai te la présenter si ça arrive, elle est plutôt bien conservée." lança-t-il à Roger en appuyant cette réplique d'un clin d'oeil.

Il en aurait bien eu besoin vu sa mine déconfite. Apollon avait après tout couper la discussion à un moment de révélation, mais il ne culpabilisait même pas. C'était mieux de laisser traîner un peu le suspens.

"Je peux... te parler ?" finit-il par demander à Aphrodite, son regard précisant de lui-même qu'il voulait que ce soit un peu plus... privé.

Il ne lui laissa pas le temps de répondre, en vérité, offrant un geste de la tête à Brian comme pour lui assurer qu'il la lui ramènerait très vite. De toute façon, tout le monde avait deviné qu'ils n'étaient pas un couple à présent, bien qu'ils avaient laissé planer le doute au départ. Ils se ressemblaient assez pour que l'on suppose sans qu'ils ne le disent qu'ils faisaient davantage partie de la même fratrie.

L'appartement n'était pas grand, un peu misérable si on devait être honnête, alors il préféra l'attirer en attrapant doucement sa main en direction du couloir. Histoire que personne ne pense à un kidnapping, il laissa même la porte légèrement entre-ouverte. Il aurait pu faire une conversation télépathique, largement plus discrète et intimiste, seulement il aurait éprouvé des difficultés à se concentrer sur le reste en agissant de la sorte. Mieux valait un tête-à-tête.

"Je sais ce que tu vas dire." annonça-t-il de suite, levant sa main afin de la maintenir dans le silence avant qu'elle ne lance sa tornade de reproches. "Que je suis stupide, que je dois pas le faire, que ça sert à rien... Et t'as raison. Vraiment !"

Il serrait toujours sa main qui tenait la sienne, exerçant une légère pression qu'il voulait rassurante. Au fond elle ne s'inquiétait pas, ça aussi il le savait, mais c'était une manière comme une autre de se tranquilliser lui-même.

"Je le fais pas pour rattraper le coup avec Paul. Je l'ai vu hier et je pense que c'est foutu. Tant pis." souffla-t-il avec une expression malgré tout déçue et désabusée. "J'apprendrai de mes erreurs ! Comme quoi même après des millions d'années on peut toujours se planter..."

Il laissa échapper un rire léger. Il avait eu toute la nuit pour réfléchir et l'avait passé dans la résidence qu'ils avaient avec Artémis à La Nouvelle-Orléans à peindre divers portraits - dont certains des Queen qui ne le sauraient jamais - pour se détendre et remettre ses idées en place.

"Mais Freddie nous a vu. Je peux rien changer à ça." confia-t-il alors qu'une ride soucieuse prenait place sur son front, signe de son anxiété certaine à ce sujet. "Je vais pas supporter qu'il me voit comme le gars qui a choppé Prenter ou que ça puisse être tendu ou quoi que ce soit... Tu le comprends, non ?"

Il espérait la faire craquer avec sa moue adorable et son air irrésistible, même si il en fallait toujours davantage avec Aphrodite. Elle n'était pas facile à attendrir, cette déesse.

"J'ai fais une connerie et je l'assume, mais je veux pas que ça ait de répercussions sur l'existence d'êtres humains qui ont rien demandé." poursuivit-il d'un air entendu, faisant évidemment référence à son envie de meurtre qu'elle cherchait à justifier par le chantage qu'elle lui avait fait. "Je vais changer de tête et je vais aller voir Elton pendant un moment. C'est ce qui me paraît être le plus... judicieux. Il travaille avec Reid lui aussi. Je devrais pouvoir avoir une place dans l'équipe de la prochaine tournée, ou quelque chose comme ça. Je vais devoir tout reprendre à zéro."

Il eut presque une plainte à cet aveu. Toute la confiance qui avait été mise en place entre Adam et les autres, ou toute l'amitié qui avait pu commencer à naître, étaient des bases dont il allait devoir se défaire un moment pour les recréer avec une autre identité. C'était un travail de Titan qui l'attendait si il voulait faire les choses correctement.

"Adam reviendra sans doute. Une fois qu'il aura tourné un film, que tout ça ce sera passé et oublié... Mais me force pas à rester dans ces conditions. Ou pire, me force pas à rester loin alors que toi tu continuera à t'amuser sans moi."

Là, elle ne pourrait pas résister. Il avait une moue si craquante que si il s'était vu dans un miroir, il aurait craqué face à son propre reflet. Son regard pétillait d'une façon presque enfantine alors que pourtant, ce n'était pas vraiment un caprice qu'il faisait... ou si peu.

"Si toi t'as le droit de jouer et de prendre un peu de plaisir, pourquoi ce serait pas mon cas ?"

Oh. Il en faisait des tonnes. Il abusait clairement. Et le sourire qui se dessinait au coin de ses lèvres le faisait comprendre. Il n'était pas dupe, elle se distrayait follement en compagnie non seulement de Brian mais des autres aussi.

"S'il te plaît, Jane ?"


C'était la touche finale, alors qu'il avait finalement attrapé ses deux mains et s'était penché pour être à sa hauteur avec un air des plus suppliants. Le petit plus auquel elle ne pourrait pas dire non. Il en était persuadé.
black pumpkin
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