Quand j'étais un toon, je n'oubliais pas les enfants que j'accompagnais durant leurs premières années d'existence, même si le passage naturel me forçait à être oublié d'eux quand ils étaient prêts à grandir, où qu'un choc les forçait à oublier et abandonner l'innocence de l'enfance. Ca me rendait toujours triste d'être oublié, mais tous les esprits de l'enfance s'y habituaient, forcés à s'y habituer. Certains oublient étaient plus tristes que d'autres par exemple. La Princesse Lily m'avait oublié à la mort de sa mère. Le petit Diego m'avait oublié après un accident de cheval qui l'avait paralysé. La petite Mulan m'avait oublié après que sa fougue ait attisé la colère et la honte de sa famille. Et plein d'autres exemples d'enfants qui ont eu la vie trop dure pour qu'un esprit de l'enfance ne soit pas assez fort pour le préparer. Même si c'était son rôle, on ne pouvait pas lutter contre certaines circonstances. Un toon ne pouvait pas changer le cours des choses, après tout. On ne pouvait se contenter que de donner notre coeur à l'ouvrage et de garder la mémoire de tous ceux que nous avions accompagné.

Mais beaucoup de choses avaient changé depuis l'époque des toons où je pouvais encore me rattacher à ces souvenirs. J'ai fini par arriver à Wasteland quand j'étais oublié de tout le monde à cause du succès des toons les plus récents et surtout de mon frère, Mickey, j'ai connu le désespoir, la haine, la guerre, j'étais devenu leader en combat, la malédiction de la Méchante Reine, la condition d'humain, le risque multiple de mourir, des combats pour sauver des mondes en tant que super héros, et depuis l'été 2020, je n'étais plus rattaché au Pinceau Magique qui avait dessiné les toons, ce qui me rendait officiellement humain.

En gros, tout ça pour dire qu'avec tout ça, j'avais oublié beaucoup d'enfants, à cause des épreuves et de ma condition et mon cerveau humains. Récemment, j'ai commencé à travailler pour Regina au Roni's Bar quand j'avais perdu toutes mes occupations professionnels (super héros, mairie, restaurateur et patron), et avais donc rejoint une équipe de collègues que je rencontrais, qui eux me connaissaient en tant qu'ancien adjoint du mairie et comme le type qui a été déclaré mort en décembre dernier avant de revenir quelques jours plus tard, au terme de plusieurs mois de disparition. C'était un peu gênant d'être connu pour ça, et plus seulement pour mon poste et mes actions à la mairie, mais j'apprenais à vivre avec.

Parmi ces collègues, il y avait une certaine Fa Mulan. Ancienne policière de la ville pendant près de sept ans, avant qu'elle décide de changer, et devenir serveuse au bar, non pas par contrainte économique mais par réel choix et attirance du contact avec les clients lors du service. Je trouvais ça beau, d'ailleurs. Moi aussi, après tout, j'aimais ça, j'avais même mon propre restaurant pour ça avant de le perdre durant ma disparition. Alors je m'entendais bien avec Mulan, faisant d'elle mon amie au fil de nos discussions.

Mais, pour toutes les raisons que je venais d'évoquer, j'avais oublié qui elle était pour moi. Notre première rencontre remontant du temps où elle était enfant dans la Chine impériale de la Forêt Enchantée et que j'étais, Oswald, son toon, son esprit de l'enfance contesté lorsque je l'encourageais à écouter le courage qui l'animait alors que sa famille (bien qu'ils ignoraient mon existence en tant qu'adultes) n'était pas du tout d'accord avec ça. Mais j'avais quand même, malgré l'oubli de ce passage pourtant important pour moi, l'étrange impression que je connaissais la guerrière, et pas uniquement parce que la légende de Mulan (et son film chez Disney dans le monde réel que tout le monde ici connaissait depuis la malédiction) était connue. Non, j'avais un impression de déjà vu personnelle. L'impression que nous nous étions connus quelque part, sans remettre la main dessus.

Durant une de nos pauses communes au Roni's, puisque ni elle ni mois ne fumions, nous nous étions éloignés des fumeurs, nous retrouvant à nouveau tous les deux. Je décidais enfin de mettre un terme à cette étrange impression de la connaître, qui était très frustrante. Dis moi, est-ce qu'on s'est déjà rencontré ? Lui demandai je enfin. Je veux dire, avant le bar de Regina ?

La question n'était pas très utile puisque comme tous les enfants qui grandissaient, elle avait oublié son toon. Mais si moi, je réussissais à me souvenir que c'était une enfant que j'avais aidé, je pouvais chercher le moyen de lui rendre les souvenirs de son enfance et de son ami imaginaire que j'étais. Car oui, dans la Forêt Enchanté, les amis imaginaires des enfants étaient en fait les toons que les adultes ne pouvaient pas voir.

Dyson et Mulan