Cilas serra les lanières du fourreau de son épée autour de sa ceinture une fois qu'il eut fini de se rhabiller. Sa décision était peut être précipitée mais c'était la bonne. Venir ici était une décision précipitée pour commencer. Il pensait que ce serait idéal, encore mieux de venir ici que de s'isoler dans les montagnes du nord d'Hyrule. Une forêt qui baignait dans la magie, plus encore que les plaines d'Hyrule, pourrait non seulement l'aider, avait-il pensé, mais il serait encore plus loin de son peuple qui, malgré l'environnement hostile dans lequel il se cachait, pouvait quand même tomber sur lui là-bas. Et alors il avait rencontré Morgane. Belle créature de la nature, mystérieuse et fougueuse, qui l'intriguait autant que le fascinait. Au début, il avait semblé qu'elle l'aidait, bien que Cilas ne savait pas si elle était une bonne ou une mauvaise sorcière. Mais le temps passait, et l'ancien prince se disait que ce châpitre qui semblait pourtant hors du temps bénéficiait à Agahnim, que le sorcier se renforçait dans son esprit grâce à l'environnement enchanté dans lequel il se trouvait, et la puissance de la sorcière qu'il voyait.

Alors il était temps de repartir. La culpabilité de ne pas saluer Lady Morgane était la même qu'il avait pour faire croire à son père, sa soeur, et son peuple qu'il était mort, mais il le faisait pour la même raison également. C'était mieux qu'elle ne vienne pas le chercher. Il quitta Brocéliande et retourna au nord d'Hyrule, dans sa solitude et les paysages déserts et mortels des montagnes enneigées.


Lorsque Cilas s'était échappé de l'asile de la ville, après des années à y rester durant la malédiction, puis des années encore après celle ci, volontairement par sécurité, le prince dû mettre du temps pour se faire à ce monde. Et cela ne faisait que quelques semaines : il était loin de s'y être fait. Cela était d'autant plus compliqué qu'il s'éloignait volontairement de la ville pour s'isoler dans la forêt afin de préserver ce peuple, qui contenait également le sien par ailleurs, ce qui faisait qu'il ne profitait pas tant de son temps pour appréhender le monde.

Cela dit, il était tout de même obligé, de temps à autre, de retourner en ville. Il chassait autant qu'il le pouvait mais parfois, pour subvenir à ses besoins, il était obligé d'aller dans les rues, malheureusement pour voler la plupart du temps malgré son code d'honneur. Les lois de la survie étaient impitoyables, mais c'était nécessaire le temps qu'il se débarasse d'Agahnim.

C'était ainsi qu'il avait découvert une boutique qui l'avait surpris. A l'abandon depuis quelques mois, il y avait vu un nom et un visage familier qui étaient ceux de Lady Morgane. Il ne savait pas ce qu'il lui était arrivé, où elle était partie, si elle était la même que dans ses souvenirs. Une partie de lui voulait savoir ce qu'elle était devenue, mais son absence était arrangeant. Quand Cilas devait venir en ville, il avait un endroit où rester. Comme un écho du passé où il était dans la forêt de la sorcière. C'est comme ça qu'il avait commencé à squatter le bâtiment les journées et surtout les soirs où, affamé et assoifé, il était en ville pour chercher à se nourrir et s'hydrater.

Mais quelle ne fut pas sa surprise ce jour où, alors qu'il était dêvétu de son haut pour dormir dans l'arrière boutique, il se fit réveiller par le bruit de la porte principale... Il se redressa, inquiet, le pauvre torse nu, maigre et désemparé, effrayé d'une menace qui pourrait réveiller Agahnim, et attendit un instant, debout.

Morgane entra sur ce spectacle : un ancien prince et chevalier sans tunique, trop maigre pour sa propre santé, et surtout, clandestin au bâtiment.

Lady Morgane... pardonnez moi. Je vous pensais disparue, tenta-t-il de se défendre.

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Cilas sursauta quand la magie de Morgane déplaça ses propres vêtements dans ses mains. Il n’était plus habitué aux enchantements de la sorcière depuis les nombreuses années qu’il l’avait quitté à Brocéliande. C’était compréhensible, alors que lui même fuyait la magie d’Agahnim qui se révoltait dans ses veines, ne réclamant qu’à se réveiller en même temps que la conscience de son maître qui tentait la même chose dans sa tête. Il prit une seconde pour se reprendre, mais il se reprit sans mal, car malgré tout, malgré leur passé, malgré le passé précis de Morgane, Cilas savait que toutes magies n’étaient pas nécessairement mauvaises et que la sienne pouvait être fondamentalement bonne. C’était une des raisons pour lesquelles il était resté avec elle pendant un long moment, d’ailleurs, espérant que ça contrebalancerait avec celle d’Agahnim.

Rougissant cependant de la situation quelque peu gênante, il s’habilla rapidement. Le Professeur Cassak, quand Cilas était un enfant suivant l’enseignement du précepteur royal, lui avait tout appris sur la bienséance. Et même s’il n’était plus prince, même s’il survivait dans la forêt ou, occasionnellement, dans quelques squats comme celui ci, la bienséance lui était tout de même encore importante, et spécialement lorsqu’il se trouvait en compagnie. En compagnie d’une Dame, qui plus est, et en compagnie de Dame Morgane, par ailleurs. Il avait assez à se faire pardonner – son départ sans plus d’avertissement il y a tant d’année, pour commencer – pour se comporter de façon aussi peu respectueuse à présent.

Dame Morgane, balbutia t il alors qu’il finissait de se vêtir, toujours aussi rouge, cherchant ses mots. Le voilà devant se justifier de deux torts, celui de l’avoir abandonné malgré ses principes, par devoir de contenir Agahnim mais sans s’être expliqué, et celui d’être entré dans ses quartiers, ce qui constituait également une grave infraction pour un homme – ou, d’ailleurs, pour tout citoyen selon la loi. Cilas soupira, honteux. Vous le devinerez bien assez tôt, ma situation n’a pas changé depuis tout ce temps, commença t il, la tête baissée avec respect comme il l’avait appris, les mains jointes derrière le dos. Mais la situation est particulière car nous voilà dans un territoire plus petit que les mondes que nous avions habité, et que nous devons partager avec mon royaume, duquel je me cache toujours pour les protéger des ténèbres du sorcier qui m’habite. Il leva cependant la tête pour la regarder un tant soit peu, alors qu’il était toujours aussi rouge, mais il considérait qu’il était tout aussi irrespectueux d’éviter son regard. Je pensais que ce bâtiment était abandonné, et pouvait donc me servir d’abri. Je m’en excuse.

Il vit dans ses yeux cependant que son intrusion n’était pas tant le problème principal, comprenant qu’il s’agissait plutôt de la situation. Cilas se mit à la place de Morgane et en effet, il y avait tout pour considérer insolente une telle circonstance. Morgane n’avait jamais eu d’adieu quand le prince était parti de Brocéliande alors qu’elle lui avait offert une compagnie et un soutien qui lui avaient été précieux, ce qui avait déjà de quoi faire rager, bien sûr, mais en plus de cela, sans autre forme de communication pour réparer ça, il venait chez elle en son absence des années plus tard. Alors tout à fait, Morgane pouvait être bien en colère pour davantage qu’un simple squat. Une venue par effraction, de sa part précisément était bien plus rageant, et Cilas s’en désolait.

Le Prince Cilas, Seigneur chevalier d’Hyrule, amené, à l’origine, à devenir le roi succédant à Bosphoramus, était un homme respectueux, inspiré et enseigné par son père, par son professeur, et par Lakan, le chevalier qu’il a servi jusqu’à ce qu’un Lynel ne le tue tragiquement. Mais aussi parce que le respect et la bonté étaient inscrit dans sa nature. C’est pourquoi toutes ces années depuis son sacrifice lui faisait autant de mal, car la présence d’Agahnim qui le terrifiait et le forçait à se cacher pour protéger son entourage, horrifié à l’idée qu’il s’en prenne à Zelda à nouveau, amenait Cilas à avoir des attitudes que jamais il ne voulait avoir. Morgane était l’exemple de ces écarts qu’il n’avait jamais voulu accomplir. Il devait beaucoup à Dame Morgane, dont il avait beaucoup aimé la compagnie au – delà d’avoir simplement apprécié son aide. Il aurait plutôt aimer la remercier comme il se devait et lui rendre hommage comme elle le méritait, mais le voilà après de nombreux écarts à devoir s’excuser bien qu’il était sans doute impardonnable.

Aucun de mes mots ne seront suffisant pour vous faire oublier ou me faire pardonner l’abandon dont j’ai fait preuve, commença t il tout de même. Malgré tout, même si cela ne servirait sans doute à rien, j’aimerais que vous sachiez que jamais je ne voulais partir. Rester à vos côtés était rassurant quand les ténèbres menaçaient ma famille, et très agréable. Mais il me fallait vous quitter pour la même raison qui m’a poussé à quitter ceux que j’aime : Agahnim prenait de l’ampleur et j’avais peur pour vous, j’en suis terriblement désolé.

Cilas attendit un instant, baissant à nouveau les yeux, sincèrement désolé, et toujours aussi honteux. Il finit par se tourner vers le lit qu’il s’était fait, et ramassa ses maigres affaires. J’accepterai le sort que vous me réserverez, si vous souhaitez assouvir votre colère. Sinon, je partirai en vous faisant la promesse que je ne vous accablerai plus de ma présence que vous ne devez certainement plus désirer, à juste titre.

Il se tourna alors à nouveau vers elle, ses affaires en main. Cependant, je vous demande une seule faveur, bien que je sais que vous n’avez pas à m’en faire. Quelque soit votre décision, pouvez vous taire ma présence à mes proches ? Je ne peux pas faire savoir à Zelda et à mon père que je suis encore en vie, alors que je présente toujours une menace pour eux, implora t il tout de même, sachant qu’il lui était audacieux de demander une faveur. Alors il attendit devant Morgane, qui jadis avait été une précieuse amie, attendant ce qu’elle déciderait. Il retournerait sûrement dans la forêt où il vivait seul, recevrait de temps en temps la compagnie de Hope, et sa vie reprendrait son cours, à nouveau sur la quête qui semblait désespérée de détruire le mal qui le rongeait pour retrouver un jour ses proches et son royaume. Et, qui sait, l’amitié de Morgane éventuellement.

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Cilas réprima un sursaut, quand l'enchanteresse lui retira ses affaires des mains, l'arrêtant dans son élan alors qu'il était prêt à prendre congé après ses excuses. Cependant, s'il pouvait réprimer un sursaut, il ne put réprimer le coup de chaud de sa peau qui se mit alors à rougir. Le retenait-elle vraiment ? Avait-il le choix ou le retenait-elle de force ? Et était-ci si mal d'être... stimulé par l'idée qu'elle le force ? Il chassa cette idée impolie de son esprit. Mais ses joues ne cessèrent pas pour autant de rougir sous l'effet de ce genre d'idées alors qu'elle lui avoua avoir été heureuse avec lui.

Ne vous méprenez pas, le temps que nous avons eu ensemble m'a été fort agréable également, se vit-il contraint d'avouer pour dissiper tout doute et réparer, même partiellement, ses torts et impolitesses dus à son départ imprévu.

Cilas regarda autour de lui, posant ses yeux sur tout l'espace qui lui était déjà aménagé, touché et surpris de toute cette attention qui lui était donnée avec si peu d'hésitation et avec tant de precipitation. Comme s'ils étaient envoyés des années auparavant et qu'ils n'avaient jamais quitté l'époque, certes courte mais hors du temps, où ils passaient leurs journées particulières, calmes et agréables ensemble. Comme si tout le temps qui les séparait de cette époque s'était envolé alors que Cilas avait dû l'abandonner.

Je ne vous en remercierai jamais assez, pour votre accueil tantôt, et votre accueil aujourd'hui, laissa-t-il échapper finalement. Mais vous n'y êtes pas obligée. Je ne puis vous demander autant de votre hospitalitée, se confessa-t-il.

Il reporta son regard vers Morgane. Cilas voyait bien qu'elle était sincère avec lui, et ce qu'elle demandait était tout à fait légitime. Il lui avait offert le temps d'un ami proche pour le lui retirer, exiger une certaine sincérité à présent et lui faire promettre d'abandonner toute lâcheté était normal. Elle le méritait bien. Cilas soupira.

J'ai peur de devoir partir, comme j'ai eu peur autrefois de le devoir également. Si vous le souhaitez, je cesserai de partir sans un mot, promit-il autant qu'il le fallait.

Il s'approcha de Morgane, puisqu'il était délesté de ses affaires de toutes façons. Je suis dangereux, souffla-t-il. Voilà des années que je me cache de mes proches pour ne pas les blesser, car cela me briserait le coeur. C'est pourquoi il m'a fallu prendre la résolution de partir. J'ai pris peur lorsque j'ai compris que vous m'aviez séduit.

Sur ces mots, Cilas embrassa Morgane chastement.

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