- Je suis complètement défaite...Comment est-ce que je pourrais donner des coups dans quoi ou qui que ce soit ? Barbara était toujours aussi sceptique , bien qu'elle allait admettre par un acquiescement de la tête que c'était utile et que ça permettait de se défouler, de se vider la tête.

- Je ne suis pas contre ce que tu dis, c'est même sûrement vrai ...Mais j'ai toute l'énergie d'un macaroni cuit...Je risque de me faire mal en tapant sur quelque chose ou sur quelqu'un. C'est comme si je n'avais plus aucun tonus ...

Et puis pourquoi craignait elle de se faire mal dans l'état dans lequel elle se trouvait ? Se pouvait-il qu'elle en ait quelque chose à faire ? Ne serait-ce pas contradictoire ?

- Bien sûr je pourrais le faire et épuiser mes dernières forces à cogner ...

Puis une pensée reforça ses méninges.

- Es-tu certaine que je verrai Samuel en y retournant ? Peut-être que le revoir allait enclencher quelque chose...De bien...Mais peut-être aussi de pire..On ne pouvait pas le savoir avant que cela se présente.

- Bah si ... Elle est mieux que moi... Pour lui. Comme j'aurais toujours quelqu'un de mieux que moi en face . D'ailleurs je ne cherche ni la compétition ni à plaire qui que ce soit. Le néant lui-même serait mieux. Ce n'est pas la peine de se croire au pays des bisounours.

Cette pensée-là était vraiment inscrite en elle. C'en était désolant et en même temps c'était une pensée qui la confortait , oui qui la rendait dans le confort de ne pas avoir à se battre car elle n'en avait plus envie, ça ne servirait strictement à rien.

- J'ai un travail où j'avoue que je me sens plus utile que n'importe où ailleurs. L'envie d'avoir de l'attention envers moi-même me paraît tellement inconnue.. Comment pourrait-on apprendre ?

Serait-ce seulement possible d'apprendre ce genre de chose ? Pas sûr..

- J'ai bien peur que s'il avait à être détruit, ceux qui le gardent se retrouvent à nouveau séparés car c'est lui qui les a réunis...Puisqu'il l'a fait de par ma volonté. J'avais besoin que ces âmes-soeurs se retrouvent.

Chez certaines personnes, il faut parfois donner du temps au temps et laisser les idées et autres suggestions cheminer à leur rythme dans leur esprit. Amelia pressentait que Barbara pouvait être de cette trempe, aussi n'insista-t-elle sur les différentes options qu'elle avait déjà égrené pour l'aider. On ne pouvait jamais réellement aider quelqu'un qui n'avait pas envie de l'être et même Amelia ne faisait pas de miracles. La seule chose qu'elle pouvait faire - en dehors des pâtisseries - c'était dispenser ses conseils bienveillants et espérer qu'ils aboutiraient à quelque chose d'heureux. Mais c'était aux pieds et à la tête de Barbara de décider ou non de prendre le chemin de la salle de boxe pour se défouler ou de choisir un autre itinéraire.
- Tu peux toujours essayer une cure de vitamines si tu manques de tonus, s'entendit-elle spontanément suggérer bien qu'assez peu certaine que ce soit exactement ce qu'il faille à Barbara pour gagner en énergie.
Une certaine Deborah, pas médecin pour un sou mais adepte de sa propre façon de soigner, aurait essayer une toute autre approche en arguant que ce dont Miss Macaronis 2022 avait besoin c'était d'un sacré coup de pied où elle pensait mais par chance pour Barbara, ce n'était pas la rousse flamboyante qu'elle avait croisé au cimetière. C'était seulement Amelia et ses méthodes beaucoup plus douces. Elle n'avait pas la prétention de savoir quelque chose de l'énergie d'un macaroni cuit mais trouvait les vitamines plutôt efficaces, surtout en hiver quand l'ensoleillement était moindre.
Remarquez, la lumière que Barbara recherchait n'était pas réellement celle du soleil mais plutôt le rayonnement de Samuel. Jusqu'à présent il n'y avait que lui qui avait suscité une réaction emprunte d'un tant soit peu de volonté et de désir d'aller de l'avant. Finalement, Amelia avait peut-être tort avec ses histoires de vitamines. Peut-être aurait-elle dû proposer de l'essence de Samuel King pour se frictionner le corps mais, étrangement, la jeune femme trouvait l'idée un peu dégoûtante et ne laissa pas à son esprit le loisir de poursuivre sur cette route.
- Eh bien il travaille là-bas, il y a de grandes chances qu'il y soit ou que quelqu'un puisse te renseigner sur les moments où il vient, raisonna-t-elle tout en espérant qu'elle n'allait pas aider Barbara à entraver le bonheur si durement gagné entre son neveu et Even. La seule façon de savoir c'est d'aller voir. C'est encore ouvert à cette heure-ci, fit-elle remarquer après un bref regard en direction de sa montre, notant au passage que cette conversation avait duré beaucoup plus longtemps que ce qu'elle avait imaginé. Si tu pars maintenant ça te boostera peut-être pour le reste de la semaine, c'est peut-être l'impulsion qu'il te manque.
Il faudrait bien, à un moment donné, arrêter de tourner en rond et prendre une décision, quitte à décider de se satisfaire du statu quo et devenir sartrien. Barbara et Amelia ne pouvaient pas rester indéfiniment au cimetière pendant que le monde continuait de tourner autour d'elles. Amelia, en tout cas, n'en avait pas envie. Pour Barbara, rien n'était moins sûr et c'était bien là tout l'ennui. Elle n'avait pas envie de la laisser dépérir sur cette tombe, elle préférait - de loin - l'idée de la voir avancer quelque part mais ne pouvait pas non plus sacrifier toute sa vie (l'image étant naturellement disproportionnée comme toutes les images qui naissaient toujours dans l'esprit d'Amelia) pour lui tenir compagnie et essayer de lui remonter le moral.
Même si Amelia ne croyait plus réellement au monde des Bisounours (disons simplement qu'elle essayait de faire en sorte que le monde s'en rapproche le plus possible tout en sachant que c'était peine perdue), elle ne croyait pas en la supériorité du néant sur Barbara, pas plus qu'elle ne croyait son cas incurable (mais peut-être était elle la seule des deux femmes à y croire) mais ne pouvait pas non plus lui chanter le même refrain encore et encore si elle refusait d'écouter les paroles. La meilleure chose à faire pour le moment était sans doute de laisser ses encouragements et ses conseils infuser dans l'esprit de la jeune femme et espérer qu'ils n'aient pas (tous) étaient dispensés en vain.
L'entreprise semblait délicate et, à bien des égards, Barbara rappelait cette étrange petite boule de déprime, Sadie Ness, qui était déjà venue pleurer dans ses jupes quelques centaines de fois. Amelia commençait doucement à espérer que cet état n'était pas contagieux car il était certain qu'essayer d'en être le remède était éreintant. Il n'y avait bien qu'elle, décidément, pour s'escrimer sur pareille discipline. A croire qu'elle nourrissait un amour caché - quoique pas tant que ça - pour les défis herculéens.
- Tu peux consulter un coach de vie, suggéra-t-elle en désespoir de cause, ne pouvant dissimuler un soupir d'impuissance. Moi je peux seulement apprendre aux gens à faire la cuisine et à pleurer devant les romcoms. J'y connais rien non plus en chapeau magique mais y a des tas de sorciers et sorcières en ville. Tu pourrais aller les consulter et leur demander si détruire ton chapeau risque de séparer tes amis voire leur demander de lancer un sortilège pour empêcher que le destruction du chapeau ait potentiellement cet effet-là. Y a plein de gens qui aiment les fins heureuses en ville, je dirais même qu'il y a majoritairement que ça chez les habitants, alors tu devrais pouvoir trouver quelqu'un qui s'y connait. Si tu pars maintenant et que tu ne veux pas aller voir si Samuel travaille, les archives de la ville devraient encore être ouvertes et tu pourrais commencer à chercher le nom d'un sorcier ou d'une sorcière capable de faire ça, ajouta Amelia après un nouveau regard en direction de sa montre bracelet.

- Une cure de vitamines ? C'est ressemblant aux boissons énergisantes que je prends de temps en temps ?


De temps en temps, c'était un mensonge, évidemment . Elle avait vendu la mèche sur ces trucs pas bons pour le palpitant et qu'elle en consommait , quoi qu'en soit sa fréquence. Et encore ce n'était rien quand ce n'était pas mélangé avec de l'alcool fort .

- Oui, ce n'est pas une mauvaise idée... Si je considère que c'est plus urgent de me booster que de chercher un remède à ce stress que j'ai concernant cet idiot de chapeau.


Barbara ne savait pas à l'heure actuelle qu'en réalité ses amis et elle auraient l'occasion de faire ensemble un rite qui mettrait un terme aux excentricités dudit chapeau. Donc que cette priorité n'en était plus une. La sienne était pour l'heure de se rapprocher de Samuel. Parce qu'elle le connaissait et pour nulle autre raison. Même s'il n'était pas dit qu'elle y parvienne , ça la motivait tout de même.

- C'est décidé, j'attendrai demain pour aller voir les sorciers . Et toi que penses-tu faire après ?

Amelia ne s'y connaissait évidemment pas en boissons énergisantes, déjà parce qu'elle n'en buvait pas mais aussi parce qu'elle avait suffisamment d'énergie naturellement pour se dispenser de s'y intéresser. Elle avait certes un avis sur la question, comme sur à peu près toutes les questions qu'on pouvait bien lui poser, mais ne pouvait rien affirmer - à part qu'elle ne savait pas trop.
- Je pense que c'est différent mais je saurai pas trop dire pourquoi. C'est l'instinct, ajouta-t-elle puisqu'il était (selon Amelia) toujours bon de mettre les sentiments et les impressions inexpliqués et inexplicables sur son compte. A choisir je prendrais plutôt des vitamines si c'était moi, je pense que c'est meilleur pour la santé et surtout moins sucré.
Question sucrosité, la pâtissière en connaissait d'ailleurs un rayon ! Ce qu'elle ne savait pas, en revanche, c'était à quel point les addictions de Barbara étaient profondes et ancrées. Les seules addictions qu'Amelia maitrisaient étaient relativement inoffensives (dans son cas, en tout cas) et se cantonnaient aux gâteaux sucrés, au café et plus généralement à la bonne nourriture. Elle avait, malgré son âge, l'esprit trop pur pour imaginer les cocktails que Barbara consommaient si fréquemment. Au global, elle avait surtout pu observer chez la jeune femme des difficultés à prendre une décision et à s'y tenir et, par dessus tout, une lassitude globale de la vie.
Amelia fut trop agréablement surprise quand la jeune femme annonça avoir, justement, pris une décision. Elle l'annonça avec une telle détermination que la pâtissière ne put que croire qu'elle allait s'en tenir à son plan, qui n'allait probablement pas changer sa vie mais qui constituait, au moins, une première étape vers quelque chose de meilleur.
- C'est parfait, alors ! l'encouragea Amelia en tapant dans ses mains comme un commissaire priseur aurait tapé du marteau pour attribuer un lot lors d'une vente aux enchères.
L'ancienne lionne ne manqua pas non plus de saisir au vol la porte de sortie qui, littéralement, lui était offerte pour quitter ce cimetière dans lequel elle n'avait initialement pas prévu de passer autant de temps.
- J'ai du travail à faire. Je vais retourner à ma boutique pour la faire tourner puis je rentrerai chez moi où m'attend une montagne d'autres choses à faire. Ne serait ce que préparer le diner pour ce soir, sourit Amelia, qui avait déjà hâte d'y être. Mais la ville est petite, je suis sûre qu'on se reverra et que tu pourras me dire, si tu veux, comment tu t'en sors !

Une pâtissière qui conseille de consommer des produits moins sucrés..Barbara à cette idée semblait plonger en plein délire. Mais il n'en était rien parce qu'il y en avait des pâtisseries avec pas ou peu de sucre. Tu sais, ma santé...

Elle n'était pas encore tout à fait à l'aise avec le fait de reprendre du dessus. Ca allait vraiment très très très doucement. Sur la bonne voie, mais très lentement.

J'espère qu'on aura l'occasion de se revoir.

Elle se disait qu'au pire, si elle revoyait effectivement Samuel, elle pourrait lui demander où se trouvait sa pâtisserie...Enfin l'endroit où Amelia travaillait.Ou qu'elle se débrouillerait par elle-même.

Bon courage pour la suite de ton travail et à bientôt. Je te retrouverais bien pour tout te raconter. Et merci encore pour tous tes conseils !


( Sujet terminé).