« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
J’ai toujours vécu dans l’Absolu. Je ne me suis jamais rien...refusé.
L’Absolu... C’est exactement ce que j’avais eu l’impression d’atteindre lorsque l’eau m’avait engloutie tout entière. Pourquoi était-ce la phrase qui m’étais restée en tête ? Je ne parvenais pas à le percevoir avec exactitude. Peut-être était-ce lié au fait qu’il s’était confié de la même façon que moi, la même terreur dans la voix, la même volonté de partager un dernier morceau de ce qu’il était avant le Grand Plongeon, comme une prière, comme un hommage à nous-même au cas où nous ne nous en sortions pas. C’était la première fois que le vernis avait craqué de sa propre volonté, de ses propres mots. Ce n’était pas une perception, c’était une confession et en cet instant, à deux goulées de la mort, j’avais l’impression que c’était la chose qui nous avait le plus relié. C’était touchant, j’étais touchée, malgré la peur qui torpillait mon ventre, le noir qui m’enveloppait inéluctablement tandis que je m’enfonçais dans l’eau glaciale, happée par l’épave du bateau qui s’en allait toucher les profondeurs. Patiemment, j’avais battu des pieds, pas trop fort, juste assez pour me maintenir et éviter de sombrer trop profondément. Je n’avais pas mis le turbo tout de suite, cela ne servait à rien, j’allais être aspiré quoi qu’il arrivé et il me fallait suffisamment d’énergie pour remonter quand l’emprise me lâcherait enfin. Jamais je n’avais autant remercié mon entraînement, Athéna, mes paires. Toutes ces choses que j’avais horreur et qui me servait pourtant précieusement en cet instant.
Quand j’avais enfin senti de l’eau glacé me relâchait enfin légèrement, je m’étais mis à battre des pieds plus fortement, jusqu’à enfin fendre la surface de ma tête. Du silence apaisant des eaux était né le chaos. J’avais pris une grande gorgée d’air et elle m’avait transpercé les poumons comme des milliers de couteaux. Le fond de l’air était glacial, l’eau l’était tout autant, je me percevais maintenant que je respirais de nouveau. Tout le monde hurlait aux alentours dans une cacophonie assourdissante et terrifiante. Les gens battaient des bras et des pieds dans une panique indomptée, envoyant des énormes éclaboussures tout autour deux. J’avais commencé à nager vers un endroit moins peuplé, regardant autour de moi du mieux que je pouvais pour tenter de percevoir Erwin dans ma fuite en avant. Aucune trace de lui. Et s’il avait été aspiré ? La peur me tenaillait le ventre, tant pour mon propre sort que le sien. Pourquoi ne lui avais-je pas pris la main.
- ERWIN ! ERWIIIIIN ! Aaah...
La troisième fois, le prénom était resté au fond de ma gorge, je n’avais étouffé qu’un cri de douleur, grimaçant sur le coup, ma main droite rejoignant mon ventre. Il n’y avait pas que la peur qui me tenaillait, la petite chose qui ne devait pas être plus grosse qu’un kiwi dans mon ventre était en train de réagir aussi, s’agitant sans doute sous l’hypothermie qui commençait à prendre possession de mon cœur. C’était douloureux. Il ne devait même pas être encore formé et pourtant je commençais à sentir tout le danger que je lui faisais courir et qu’il me faisait courrir. Pouvais-je seulement faire une fausse couche en cet instant ? Si oui, ç’en était fini...
- ERWIIIIIIIN !
Et j’avais fini par entendre sa voix fendre l’air comme une félicité. On était loin d’être tiré d’affaire mais on était toujours deux et il était vivant. Cette constatation m’avait redonné l’énergie d’avancer, de poursuivre ma route, me guidant à sa voix. Il faisait nuit noire, il était vraiment impossible de discerner les visages et pourtant, j’avais fini par le retrouver avec un sourire non dissimulé malgré mes dents qui claquaient violemment à cause du froid. Et puis avait commencé les recherches, intenses et désespérées. Je refusais pourtant de perdre l’espoir mais mon corps s’engourdissait de plus en plus à mesure que les secondes passaient. Mon ventre était en train d’imploser, de se désintégrer dans la plus abominables des douleurs, me rendant nettement plus agressif tandis que les secondes s’égrainaient. Erwin faisait sans doute de son mieux mais ce n’était pas assez. Je n’avais même plus la force de lui répondre et sa façon de m’intimer à la recherche me tapait sur les nerfs. A croire qu’il se reposait presque sur moi. J’avais senti qu’il n’avait pas apprécié mon ton mais ce n’était pas vraiment le moment de m’en soucier. Je l’avais même senti se stopper un instant mais j’avais poursuivi ma route sans même sourciller. Je ne pouvais pas tout gérer et à l’heure actuelle, la planche et la survit m’étaient plus précieux que sa bonne humeur.
Et enfin dans un cri jouissif étouffé par l’eau que j’avais manqué d’avaler, je l’avais trouvée, notre planche de salut, notre refuge. Je l’avais appelé tout en continuant à nager droit dessus. Mes doigts avaient fini par s’agrippé au bois et un ricanement victorieux s’était échappé de ma gorge.
- Oooooohé…. Ohéééééééé ? Il y a quelqu’un ?
J’avais tourné la tête instantanément en direction de la voix. Cette voix, j’étais presque sûre de la reconnaître. Ça n’avait aucun sens. Molly Brown avait fait partie des premières personnes à vouloir retourner sur les lieux du naufrage pour aider les victimes mais elle n’était pas parvenue à les faire rebrousser chemin. Pourtant en cet instant, il semblait bien que c’était sa voix qui jaillissait du brouillard glacial. J’avais tendu l’oreille. J’entendais encore des milliers de cris de paniques, des cris mortuaires qui finiraient par prendre fin. Grelottant, j’avais murmuré plus pour moi-même :
- C’est trop tôt...
Quelque chose n’allait pas... les canots n’étaient revenus que de longues minutes après, ne trouvant que 5 survivants parmi les milliers qui avaient coulés. Et pourtant, scindant la brume, c’était bien Margareth Brown qui avait fini par apparaître devant nous, seule, dans un matelas pneumatique. C’était pas normal... pas normal du tout et je commençais à me souvenir de ce qui nous avait emmené ici... Avec l’enchaînement des actions et des découvertes, j’en avait presque oublié mes premiers soupçons sur le Clown, sur le fait que tout ceci n’était peut-être pas si réel. Instinctivement, j’avais commencé à battre des pieds dans la direction opposée, faisant deriver un peu la planche et Erwin qui s’y tenait également.
- Ma douce...je vais monter… Pour voir si elle est stable. Je ne voudrais pas… Votre...enfin ce bébé… Et je vous aiderai…si tout va bien. - Hein ? Euh... oui, ok, d’accord...
Je l’avais presque entendu, lui répondant distraitement à sa proposition. La chose qui s’avançait vers nous m’effrayait désormais d’avantage que de savoir qui montrait en premier sur cette planche. La dernière fois que nous nous étions vus, nous ne nous étions pas vraiment quittés en très bon terme... Erwin s’était stoppé dans son ascension tandis qu’elle s’était penchée vers nous. Elle nous avait rattrapé et je l’observais, terrorisée, oubliant presque l’eau glaciale qui transperçait tous les pores de ma peau. Comment fuir ? Par où ? On était foutu... Et “elle” avait commencé à parler. D’abord de moi, de ma vie, et j’avais froncé les sourcils en l’observant rêvant de lui cracher un “va te faire foutre” au visage sans pour autant le faire. Elle avait ensuite donné le véritable nom d’Erwin, Preminger. Je l’avais senti se raidir à côté de moi, plus qu’il ne l’était déjà. Ce nom ne me disait absolument rien. Un conte que je ne connaissais sans doute pas. Elle avait parlé de mon “rôle” taillé sur mesure, sans doute lié à mon rôle de Templier ? C’est qu’il se répétait. Mais pas sur Erwin et ce qu’il avançait me laissait des plus perplexes.
Mais là d’où je viens, j’étais roi lorsque le sort m’a emporté ici.
C’est ce qu’il m’avait dit la première fois que nous nous étions rencontrés et j’étais donc partie du principe qu’il était de sang royal. Mais ce que “Molly” laissait entrevoir était tout autre... Il n’avait pas toujours été roi, il l’était devenu dans une volonté d’ascension... Il avait fait fortune avec la possession d’une mine d’or... Contre toute attente, il était une sorte de parvenue. Cela ne me gênait nullement, après tout, chacun avait son passé et je n’étais pas vraiment intéressée par les titres que les gens pouvaient ou avaient pu avoir. Ils étaient tous égo à présent à Storybrooke, paysan et roi. Ce que je ne comprenais pas, c’est pourquoi il ne l’avait pas vraiment évoqué ? Pire, pourquoi je percevais une ascension malsaine derrière les paroles de “Margareth” ?
- Ne l’écoutez pas, Alexis… Il y a quelque chose de...terrible… Elle ne devrait pas être là, ça n’est pas elle…. - Je sais...
Ma voix était à peine plus forte qu’un murmure et elle trahissait toute ma perplexité. Le froid était en train d’anesthésier tout mon corps, faisant sans aucun doute disjoncter quelques neurones également au passage. Je ne fuyais plus, je ne tentais même pas de monter sur la place, je me contentais d’écouter et de réfléchir alors que ce devait être le cadet de mes soucis. Comment devenait-on roi dans un pays du monde des contes ? Avait-il instauré la monarchie ? Ou avait-il botté celle en place ? S’il vivait déjà dans un royaume, ne devenait-on pas roi par le mariage ? Comme en réponse à mon interrogation, “Molly” avait singé une étrange scène, la voix haut perchée :
- Mais ce n’est pas elle, votre Altesse... La couturière a dû s’évader...
Lentement, j’avais tourné la tête vers Erwin, je ne percevais que très peu de ses traits mais il semblait tétanisé tandis qu’“elle” ravivait un souvenir en lui. Cette façon de parler, la même que celle d’Erwin... mais dans ce cas, il y avait donc bien une autre Altesse. Je n’en étais pas sûre... après tout, elle singeait peut-être une autre personne qui était à la cour d’Erwin, peut-être parlaient-ils tous ainsi ? Je n’avais pas non plus compris l’allusion à la couturière mais à mesure que les révélations venaient, je commençais à me souvenir du danger et mon cerveau s’éveillait petit à petit : quoi qu’elle pût raconter, je verrai cela plus tard... il fallait encore pouvoir sauver sa vie avant.
- Tu aurais dû le laisser mourir, Enora comme ta mère avec ton père... Boum badaboum !
C’en était trop, j’avais eu envie de lui répondre, de bondir sur “elle” mais j’avais senti qu’Erwin me retenait, me demandant de ne pas “la” suivre. Plutôt crever que de partir avec ce truc. J'avais recommencé à battre des jambes tentant de bouger la planche. Ca ne serait jamais assez rapide... Je m’étais alors tourner vers Erwin, comme pour me blottir dans ses bras. Je l’avais senti se raidir, comme s’il se demandait ce que je faisais en pareil moment mais il s’était stoppé dans son geste lorsqu’il avait sans doute senti ma main m’immiscer sous son gilet de sauvetage, récupérant le coupe papier au passage. J’avais senti le revolver aussi mais je craignais que la poudre ai pris l’eau. C’était au corps à corps que je t’aurai cette fois-ci mon gros mais je t’avais renvoyé d’où tu venais une fois, je pouvais très bien réitérer l’exploit.
- Oh. Vous avez un magnifique ballon rouge. - Pu...
Mon juron s’était fondu dans le cri d’horreur d’Erwin qui avait récupéré son ballon de justesse en entendant qu’il était notre ticket de sorti. Déroulant la ficelle aussi vite que je le pouvais, je l’avais accroché fermement à mon poignet avant d’en faire de même avec celui d’Erwin à son poignet tandis que l’autre continuait à jacasser.
- On bouge... y’a forcément une porte de sortie...
Sans crier gare, j’avais enfoncé le coupe papier dans son gilet de sauvetage, brisant les liens qui le retenait à lui avant de le forcer à le retirer. J’avais fait la même chose avec le mien tandis que je le voyais avec horreur récupérer une sarbacane qu’il était en train de charger. J'avais donné un violent coup de pied dans le matelas pneumatique tandis qu’il s’était mis à tirer, évitant la tête et le ballon d’Erwin de justesse, dérivant un peu plus loin. De toute mes forces, j’avais poussé la planche, droit sur le matelas avant de prendre la main d’Erwin.
- Venez, nagez !!
Je m’étais élancée dans la direction opposée au bateau de fortune de Molly tandis que le Clown sautait hors du canot dans un bond impressionnant avant d’atterrir sur la planche, debout, comme un surfeur de fortune. Prise de panique je m’étais mise à nager aussi vite que je pu, tandis que je l’entendais hurler au loin :
- Mais ne courrez pas, je n'arrive pas à viser quand on court !
Ça tombait bien, on ne courrait pas, on nageait... enfin on essayait. Je ne parvenais même plus à respirer convenablement, à moitié en train de me noyer tandis que le Clown continuait à nous canarder sans vergogne. J’en oubliais même de fermer les yeux, ceux-ci trop écarquillés sous le coup de la terreur. C’était à cet instant que je la vis... tandis que j’avais la tête sous l’eau, une lumière rouge clignotante avait attiré mon regard. J’avais alors un peu plus tirer sur le bras d’Erwin, le forçant à m’accompagner un peu plus sous l’eau afin que je puisse mieux le voir. C’était un énorme panneau aux lettres rouges clignotantes :
PAR ICI LA SORTIE !
Poussant un cri de victoire sous l’eau, j’étais remontait à la surface tandis que le Clown nous fonçait dangereusement dessus, toujours debout sur sa plance, surfant sur des vagues qui n’existaient pas.
- IL FAUT QU’ON PLONGE !! PRENEZ VOTRE RESPIRATION !!
Sans attendre plus longtemps, j’avais plongé la tête sous l’eau, nageant furieusement vers le panneau et la porte qui nous attendait sous l’eau, nos ballons toujours fortement accrochés à nos poignets. J’étais terrorisée mais décidée, il fallait qu’on atteigne cette porte avant lui. C’était peut-être un piège mais c’était la seule solution que nous avions, alors quitte à tenter le tout pour le tout... Ma main s’était refermée sur la poignée, ouvrant la porte à la volée et poussant Erwin dedans sous l’impulsion de l’eau tandis que je voyais avec horreur le Clown, toujours en Molly Brown qui avait à son tour plongeait dans l’eau et nous rejoignait à une vitesse hallucinante. Je m’étais alors à mon tour jetée dans l’encadrure de la porte qui s’était refermée derrière moi. J’étais tombée au sol à côté d’Erwin qui était aussi allongé par terre. J’avais repris ma respiration, le cœur battant. Je sentais la chaleur envahir tout mon cœur, le sec aussi... tout autour de moi, sur ma peau, mes habits, mes cheveux... Levant la tête j’avais constaté que nous étions dans un couloir, un couloir désert mais que je reconnaissais comme le couloir de la mairie... On était rentré. Lentement, j’avais tourné la tête vers Erwin. Il était de nouveau habillé de son costume vert. Un regard sur les manches de ma robe m’avait informé que moi aussi j’étais de nouveau comme avant. J’avais alors roulé pour m’allonger sur le dos, touchant mon ventre, aussi plat qu’au début de l’aventure et j’avais éclaté d’un petit rire nerveux. On était vraiment revenus... Ma tête s’était tournée vers celle d’Erwin, les larmes aux yeux :
- On a réussi... Je...
Je n’avais rien pu dire d’autre, comme si je m’en étais senti gênée, pour toute suite de phrase, mes mains avaient encadré son visage et je l’avais embrassé avec une fougue soulagée, comme pour me raccrocher une nouvelle fois au présent. Nous l’avions fait en arrivant sur le bateau, j’avais besoin de vraiment sentir que nous étions de retour, que j’étais avec lui et pas avec le Clown. Mes mains avaient glissé quelques secondes dans ses cheveux et j’avais rompu le baiser, l’observant quelques secondes, scrutant son visage et ses yeux, comme si je le voyais pour la première fois... et différemment. M’humidifiant les lèvres d’un geste gêné, j’avais fini par me relever, tout comme lui. D’un pas chancelant, j’avais traversé le couloir à ses côtés avant de revenir dans la salle où un brouhaha ambiant raisonnait.
- Alexis !!!
Je m’étais senti attiré par quelqu’un avant même que je ne puisse voir qui. Mais cette voix paniquée et cette odeur si réconfortante ne pouvaient pas me tromper...
- Maman...
Regina venait de me prendre dans ses bras, caressant mes cheveux avec douceur. Comme à mon habitude, je l’avais appelé “Maman” parce que j’étais bouleversé et que j’avais eu peur. Erwin n’existait plus, je ne savais même pas où il était. En cet instant, il ne restait plus que ma mère et moi, dans une étreinte qui j’espérai ne se finirait jamais. J'avais envie de fondre en larmes, me déversée de toute cette tension qui m’avait entièrement dévoré pendant ce voyage interminable.
- Tu vas bien ? Tu... toi aussi t'étais là-bas, sur le bateau ?
Je commençais à réagir que je n’avais pas envisagé une seule seconde que quelqu’un avait pu nous suivre sur ce foutu bateau... comme si le fait de m’être retrouvée seule et d’avoir retrouvé Erwin avait fait paraître impossible à mes yeux que d’autres personnes de la salle avaient pu y être... et si certains ne s’en était pas sortis ?! Dieu merci, Regina était là.
- Oui je vais bien. Non j’étais...c’est dur à expliquer. Mais attend quel bateau ?
Je l’observais surprise et légèrement soulagée... apparemment non, ma première théorie était la bonne, nous étions les seuls à avoir été propulsés là-bas...
- Ben... Le Titanic...
Et si... et si nous étions tous à une époque différente ? Ma mère semblait aussi fatiguée et semblait aussi avoir vécu des choses difficiles :
- T'étais où toi alors ? Tu vas bien ? Il s'est passé quoi ? - Époque de Jack l’Eventreur mais c’était particulier. Plus de pouvoirs, plus rien mais ça va. - La vache... Tu... tu vas bien, ça va ? Il ne t'a pas fait de mal ??
Je l’avais observée sous toutes les coutures pour être certaine qu’elle allait effectivement bien. Elle ne semblait pas blessée, à mon plus grand soulagement. Mes lèvres s’étaient mises à tremblées, presmisses d’une grande montée de larmes et elle m’avait pris une nouvelle fois dans les bras :
- Ma chérie... tu n'as vraiment pas l’air bien. Tu sais quoi, on va rentrer à la maison toutes les deux, je te ferais ton repas préféré et tu dormiras dans ta chambre. Je veux pas te laisser toute seule dans cet état. - Je...
Je ne savais plus quoi dire en réalité. Je n’attendais que ça... je ne voulais pas être seule. Je voulais être avec ma famille, en sécurité et au chaud. J’avais hoché vigoureusement la tête, toujours nichée dans ses bras :
- Je suis pas sûre d'avoir très faim mais... oui je veux rester avec vous, s'il te plaît...
Elle m’embrassa sur le front :
- Oui, tu viens à la maison. Danny sera content de te voir et je pourrais veiller sur toi comme ça.
Elle m’avait sourit et j’avais tenté de lui rendre son sourire, faiblement. Je voyais bien dans ses yeux qu’elle était plus inquiète qu’elle ne le montrait mais qu’elle s’empêchait de me poser des questions. Comme pour répondre à son questionnement silencieux, je lui avais dit :
- Oui, tu viens à la maison. Danny sera content de te voir et je pourrais veiller sur toi comme ça. - T'en fais pas... je vais bien... c'est juste que... ça fait beaucoup... mais je te raconterai si tu veux... juste... pas ce soir, d'accord ? - D’accord. Je vais chercher mes affaires et on rentre.
J’avais hoché la tête :
- D’accord, je t’attends ici...
J’avais accueilli ce moment avec bénédiction pour souffler un moment et regarder autour de moi. Certains parlaient de manière émerveillée, ayant sans aucun doute voyagé dans un meilleur endroit que nous mais pour la plupart, ils semblaient tout de même passablement énervés et fatigués. Avait-on eu tous affaire au Clown ? Tout le monde s’en était-il sorti ? Je commençais à angoisser à l’idée du contraire. Mon regard avait alors été attiré par un costume de couleur émeraude. Erwin était bien plus loin dans la pièce, de dos, je ne parvenais pas vraiment à le voir, il y avait beaucoup de monde entre nous. Il semblait avoir retrouvé Jeremy et une femme blonde que je ne pensais pas connaître. Mon regard avait fini par se décrocher de cette vision lorsque Regina était revenue à mes côtés, amorçant notre départ. Je m’en voulais de partir ainsi, sans même lui dire au revoir mais en toute honnêteté, je me sentais juste épuisée et je n’avais pas envie de me rajouter encore la corvée d’expliquer à Regina pourquoi c’était avec lui que j’avais fini. Je m’étais alors dirigée vers la sortie en lui précisant :
- Il faut juste que je passe à la maison chercher Pétunia, j’avais pas prévu de pas rentrer, elle va encore me bouder...
La soirée n’avait pas été très longue. J’avais fini par engloutir les lasagnes de Regina avec un bonheur sans nom et avant même de comprendre ce qui s’était passé, je m’étais endormie à ses côtés, sur le canapé.
Le lendemain matin, je m’étais réveillée dans mon lit, comme à chaque fois. J’avais toujours ignoré par quel magie ma mère finissait par me transportait jusque dans mon lit mais c’était à chaque fois un bonheur sans nom de le constater. J’avais pris quelques instants pour reprendre mes esprits, me souvenant des événements de la veille avec une angoisse terrible. Après un long moment à observer le plafond sans rien faire, j’avais fini par récupérer mon téléphone. Pas de message. J’avais alors contacté le numéro du cabinet notarial pour entendre la voix d’Erika au téléphone :
- Bonjour Erika, Alexis Child. J’ai... j’ai besoin d’amener quelques papiers à Maître Dorian est-ce qu’il aurait encore une place dans son agenda d’aujourd’hui ?
Elle m’avait confirmé un rendez-vous pour 11h30 je l’avais remercié avant de raccrocher. Après quoi, je m’étais levée et j’avais éclaté de rire en voyant les céréales licornes qui m’attendaient sur le comptoir de la cuisine. Comme quoi, même à 27 ans, quand on retournait à la maison, on retrouvait les bonnes vieilles habitudes. Regina était déjà partie travailler, j’étais seule à la maison, Danny sans doute donné à la garderie. Je m’étais versé un bol de céréales que j’étais partie manger devant la télé, les jambes en tailleur. Des annonces informatives passaient en boucle sur la chaine de Storybrooke, rappelant les événement de la veille.
- On ignore encore qui est derrière tout ça, mais on a mis tout en œuvre pour que le problème soit résolu au plus vite. C'est pour cela qu'on a pris la décision d'interdire les ballons rouges en ville. Si vous en voyez un, prévenez immédiatement le poste de police. N'agissez pas seuls.
En arrière-plan du journaliste, on pouvait voir une petite fille qui observait la caméra, un ballon rouge à la main. J’avais grimacé en voyant plusieurs hommes lui sauter dessus et la neutraliser au sol tout en tirant plusieurs balles dans le ballon jusqu’à l’éclater. Un bandeau défilé en même temps en dessous des images : “Numéro Vert : 007. N'hésitez pas à appeler, on agit. Soyez vigilants”. J’avais secoué la tête de gauche à droite, dépitée, avant de zapper sur une chaîne un peu plus joyeuse. A 10h, j’avais fini par quitter le manoir, non sans bien fermer la porte derrière moi et j’étais retournée avec Pétunia jusqu’à notre appartement. Après un détour à la librairie où Belle et Danny avaient commencé leur journée sans moi, les ayant prévenus la veille de mon état, j’avais récupéré quelques papiers pour faire illusion avant de me diriger vers le rendez-vous. Comme la première fois, Erika m’avait fait patienter dans la salle d’attente. Quand il était revenu à ma rencontre, je m’étais contenté de sourire poliment et de lui serrer la main, comme si nous ne nous connaissions qu’à peine avant d’entrer dans le bureau. J’observais ce dernier avec une certaine curiosité, observant la une du journal qui y était posé : “Evènement spectaculaire à la Mairie. Un inconnu fait voyager les participants dans le Temps !”. A la différence de la première fois, le journal semblait parfaitement à sa place, posé méthodiquement et non pas nonchalamment, comme oublié. J’avais tiqué un instant avant de me tourner vers le notaire qui avait refermé la porte sur nous. Mon sourire se fit plus intime, plus chaleureux aussi et avec une certaine gêne, je précisais :
- J’avais besoin de vous voir... après tout ce qui s’est passé hier...
FIN pour Alexis
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
Preminger avait tâté le sol dans un geste incertain, comme perplexe de la fin presque prématurée de cette aventure. Il semblait que tout avait pris fin ! Et pourtant toute la normalité avait repris son cours. Comme si de rien était. Ce contraste flagrant lui semblait presque écœurant. Comme s’attendre à reprendre une existence normale à la seconde juste après… cela ? C’était impossible. Et pourtant, c’était bien ce que la vie semblait attendre de lui, qu’il PARAISSE. Ce qu’il avait toujours fait. Ce pourquoi il était destiné. Maintenant il était rentré. Sec, revêtu de son beau costume vert, le coeur pourtant battant encore l’entièreté des chocs et frayeurs qu’il venait de vivre. S’il se l’était permis, serait-il resté encore quelques secondes, dos contre le mur, à respirer l’air et la vie qu’on ne lui avait pas ôté. Il avait réussi. Il avait passé le test. Bien sûr, il se prescrirait quelques examens pour vérifier la parfaite assimilation de son corps à cet état de stress intense, dès le lendemain, mais en dehors de cela...une dose conséquente de fierté se déversa dans son sang, se congratulant. Il avait survécu au Titanic confirmant ainsi que son Destin exceptionnel s’accomplirait. S’il fallait une preuve, n’était-ce pas LA preuve ? Au milieu de tous ces morts, du destin tracé de l’homme qu’il avait remplacé ? Il avait survécu. Il était revenu… indemne. Fort heureusement, son corps, sa beauté étaient indemnes et cette immonde créature ne l’avait pas suivi. Il avait...battu le Clown, la première fois seul et la seconde avec assistance. Comme quoi ce déplorable individu n’était que très peu efficace dans sa manière d’intenter à la vie d’autrui s’il se contentait de vouloir les piéger dans un monde… Mais quel monde ! Il était revenu indemne…. Mais changé ? Pas forcément. Il lui semblait seulement avoir passé un cap qu’il n’arrivait pas à définir encore mais qui pulsait dans son corps comme une rengaine. « Qu’importe les moyens, qu’importe les sacrifices. » Cela avait toujours dicté ses pas et ses actions, mais devant la Mort et l’Horreur, chaque mot avait pris corps dans une incarnation absolue. Il avait vu au fond de lui-même à quel point son coeur était noir. Ses lèvres avaient alors accueilli le baiser d’Alexis, à moitié encore hagardes des dangers mortels auxquels il venait d’échapper, mais notant cependant l’intensité nouvelle avec lequel elle le contemplait à présent. Un mal pour un bien. Il songea à toutes les informations que le Clown avait distillé et qu’elle avait entendu sans y prendre garde. Fallait-il ? Il y réfléchirait plus tard… Si son corps ne gardait visiblement aucune blessure quelconque de l’épreuve qu’il venait de traverser, son état psychique lui le ressentait encore, si bien qu’il ne souhaitait qu’une seule chose : rentrer chez lui et vite ! Retrouver le confort de son manoir, le contour sublime et familier du décorum et ses meubles...même les plus humains qui composaient son quotidien. Georgia… Il fallait qu’il retrouve sa femme et ce au plus vite. Plus encore, il fallait qu’il se débarrasse d’Alexis avant de provoquer une situation embarrassante. Il marchait aux côtés de la châtaine, lorsqu'une voix familière lui en offrit la possibilité, hélant cette dernière… Regina Mills. Une ancienne de ses connaissances, l’ancienne Méchante Reine, l’ancienne maire de la ville mais actuellement employée de la mairie et plus important encore la mère adoptive d’Alexis. Il remercia le ciel que la jeune femme n’ait pas eu la folie de tenter de lui tenir la main avant qu’il n’ait pu se dégager. Là, ils pouvaient être deux individus marchant côte à côte. Ce qu’ils étaient non ? Alors, s’évertua-t-il à être le plus invisible possible, ce qui n’était pas chose aisée lorsqu’on était l’Homme le plus beau que la Terre ait porté et porterait… Mais il le parvint, jouant sur l’intérêt que Regina portait à son enfant. Même adopté. Les liens sentimentaux quelle fadaise pitoyable...et faiblesse des autres. Cela porta ses fruits, vu la vitesse avait laquelle la barmaid – quelle déchéance- entoura Alexis de ses bras pour l’envelopper dans une étreinte profonde et soulagée. Il ne fut pas en reste et s’éclipsa rapidement, quittant le couloir sans se retourner, ni sans hâte. D’un pas assuré mais vif. Du peu qu’il avait aperçu Regina, il avait noté l’air fatigué qu’arborait son visage et sûrement cela laissait présager d’une aventure proche ou du moins similaire. Il songea à son épouse si fragile et au coeur si minablement débordant d’amour avec une subite inquiétude. Et si cette dernière s’était réellement retrouvé sur le Titanic ? Elle ne s’en serait pas sortie. Non. Non non non…. Il avait regardé… Il l’avait cherchée...un peu… Enfin… autant que son esprit égoïste le lui avait permis de s’en soucier… Mais de toute manière, c’était impossible, sinon elle aurait été à ses côtés… Alors… Il refusait d’envisager la possibilité qu’elle puisse… ne jamais revenir. La fin de son royaume, de sa couronne. Non, elle n’aurait jamais pu lui faire ça. Et pourtant, il ne la voyait pas.. Tous les visages qu’il observait, qui composaient la salle de réception qu’il avait réussi à atteindre, aucun ne reflétait le sien. Il chercha encore, esquissant un peu des pas, des écarts entre les différents individus. Non, il ne la voyait pas. S’avançant à travers la foule pour regagner l’endroit où il l’avait laissée, il entendit soudain non loin de lui une voix qui l’appelait. Il s’était retourné directement vers le son, pour la voir accourir jusqu’à lui, visiblement radieuse et soulagée, Midas sur ses talons avant de se précipiter vers elle pour l’étreindre. Instinctivement. C’était elle. Il le savait. Flottait dans ses cheveux, son odeur de lilas, tendre et délicat qui ne la quittait jamais. Sa Couronne était sauve. Son monde intact. Se reculant lentement, sans lâcher sa femme, pour mieux l’observer, il nota que ses traits ne portaient les stygmates que d’une seule inquiétude, dénuée d’une peur enracinée.
- « Ou étais-tu ? » demanda-t-il d’une voix soupçonneuse, ses yeux déviants de la candeur bleu de sa femme pour se poser sur Midas. - « Oh Erwin, il nous est arrivé quelque chose d’incroyable et de complètement effrayant en même temps… Tu n’étais pas là et nous avons, les ballons »
« Va au fait » manqua-t-il de crier. Son esprit réfléchissait… Se pouvait-il qu’ils aient été transportés dans un lieu plus...accueillant ? Il n’osait le croire mais cela pouvait suffire à expliquer le soulagement dans le regard de son épouse mais une réelle absence de panique. Il la connaissait suffisamment pour savoir que poser le pied sur le Titanic n’aurait pu la rendre aussi stoïque. Malgré sa dignité, son caractère bien plus brisé qu’autrefois aurait porté le deuil de toutes ces âmes perdues au fond des abysses. Midas le regardait et son instinct lui hurlait sûrement une once des tempêtes qui l’agitaient car il demeura silencieux, laissant Georgia poursuivre son naïf babil :
- « Nous nous sommes retrouvé à une répétition de la première du Lac des Cygnes ! Chéri peux-tu y croire ? Le lac des cygnes ? Et je devais interpréter une danseuse de ce spectacle, n’est-ce pas merveilleux ? Jérémie était l’assistant de Tchaïkovski lui-même ! Tu te rends compte ? J’étais persuadée que tu serais parmi les danseurs… »
Une sorte de scintillement faisait sourire sa femme, illuminant son visage au fur et à mesure que celui du notaire perdait de sa splendeur, se ternissant de colère.
- « Ta femme voulait tout arrêter mais je l’ai persuadée de continuer, je pensais que tu serais dans la foule ! J’ai passé le spectacle à chercher les rangs… Et puis nous nous sommes retrouvé ici lorsque le compositeur est subitement devenu effrayant…. Mais Georgia a réussi sa première et… » - « Je vois que vous vous êtes biiiiiiiien amusés. »
Il l’avait lâchée, l’ensemble de ses muscles s’étant crispés en une seule grimace agacée. Tchaïkovski ? Le Lac des Cygnes ?...ça lui allait bien. Il l’imaginait danser… Elle le faisait bien. Oui, elle avait toujours été une très bonne danseuse, même. La meilleure de la Cour. Il s’en souvenait parfaitement. Ce pauvre petit cygne trop bon pour ce monde… Ses lèvres s’étaient retroussées dans une grimace âcre, à la fois vert de sa propre expérience et avec plus d’agacement qu’il n’espérait en montrer
- « Il semble que clairement que tout le monde n’ait pas été logé à la même enseigne. »
Ses paroles eurent l’effet de faire reculer subitement Georgia, non pas par dégoût mais par une vraie inquiétude. Sa main l’avait effleuré doucement et s’il n’avait rien fait pour l’en empêcher, il n’avait pas invité non plus ni encouragé le geste. C’était la moindre des choses. Une dose de culpabilité envahit les traits doux de la blonde, et après un instant de silene, finit-elle par ouvrir la bouche.
- « Où étais-tu chéri ? »
Elle demandait et souhaitait réellement le savoir, craignant le pire. Alors, s’était-il fait un plaisir de leur raconter, donnant sa réponse en plongeant son regard acéré dans les prunelles douces de sa femme. Déguster leurs regards horrifiés, plaintifs admiratifs au fur et à mesure qu’il les gratifiait de petits détails valait son pesant d’or. Et le regard qu’ils posaient chacun sur lui, différents mais ô combien délicieux ! Dans celui de Georgia dominait l’effroi, le remords et une dose de souffrance avivée par ses récents malheurs, ceux de Midas bien que plus lucides et effrayés, s’allumaient surtout d’admiration. Et que pouvait être Preminger sans l’admiration ? Il s’en rassasiait et au fur et à mesure qu’il parlait devenait maître de son récit, le complétant l’affinant, le corsant ou au contraire l’allégeant. Bien évidement, il prit grand soin d’écarter certains passages de son histoire qui s’avéraient pourtant comme les plus savoureux… Le meurtre et l’exultation de son charme sur autrui. Il avait d’ailleurs vu Alexis quitter la salle du coin de l’oeil escortée par Regina. Parfait. Ce risque écarté, il avait poursuivi son périple, feignant de s’angoisser avant que Georgia ne l’encourage à quitter les lieux afin de lui permettre le repos. Il avait pris soin de saluer chacun, de raconter en quelques mots son risque tout en songeant que l’arrestation du Clown devait être prise au sérieux. Il fallait qu’il en parle au plus vite à l’équipe électorale. Peut-être tous seraient-ils aussi qu’incompétents à stopper le risque qu’à le prévenir, mais il fallait qu’il tente. De toute manière, il était habitué à la compagnie d’incapables, il n’y avait que ça… Fort heureusement, il avait fini par ne plus en faire grand cas. Petit à petit, la salle s’était vidée, tandis que chaque convive regagnait son chez-soi, non sans s’être vertement plaint de l’expérience récente qu’ils venaient de vivre… Lui, visiblement avait vécu la pire, comme il aimait le répéter récupérant ainsi le regard compatissant de sa femme posé sur lui, au point où cette dernière avait fini par l’inciter à rentrer chez lui, effrayée par l’endroit et terrorisée à l’idée qu’un mal plus grand puisse s’abattre sur lui. Erwin n’aimait guère paraître faible mais lorsqu’on le dorlotait, il ne pipait mot et s’en satisfaisait grandement et ce fut la raison pour laquelle il ne protesta pas et finit par regagner sa demeure puis son lit. Il avait veillé longtemps, les yeux envahis de souvenirs épars d’eau, d’horreur et d’immensité qu’il avait ressenti à l’Ascension, avant que le plongeon ne s’effectue.. Revenait inlassablement cette sensation d’engourdissement, cette fausse paralysie et cette impression de suffocation extrême. Cette souffrance et cette angoisse qui le clouait au matelas, l’esprit en panique de perdre pied et s’y retrouver à nouveau...là bas, dans les profondeurs. Georgia s’endormirait après lui, sûrement, une fois que ses yeux finiraient par constater que le sommeil de son époux l’avait emmené dans un endroit apaisé.
La sonnerie de son téléphone l’avait tiré d’un calcul complexe et il avait pressé le bouton, lançant l’interphone pour éviter de décrocher le combiné :
- « Oui Erika ? » - « Maître, Mademoiselle Alexis Child a souhaité prendre un rendez-vous pour vous donner des documents pour son dossier, je l’ai placée à 11h30. Est-ce que cela vous convient ? »
Un fin sourire s’était dessiné sur les lèvres du notaire, moqueur. Il ne l’avait pas appelée, ne l’avait même pas contactée, sachant très bien qu’elle le ferait bien assez tôt. Que cela ne serait qu’une question de Temps avant qu’elle ne se manifeste. Etait-elle plus rapide ou plus lente ? Non elle était tout simplement au rendez-vous. Et cela scellait le futur qu’il lui destinait. Il soupira, fit une moue fictive puis déclara d’un ton ennuyé
- « Oh...je pensais peut-être sortir déjeuner plus tôt... » - « Voulez-vous que je l’annule ? » interrogea sans plus attendre Erika à l’autre bout du fil.
Il laissa s’écouler un silence puis finit par énoncer, comme hésitant ; comme il le faisait toujours lorsqu’il s’agissait d’un client « sans importance » puis finit par murmurer comme à regret : - « Non. Non. Tant pis… Je la recevrais ».
Il avait souri sarcastiquement en raccrochant satisfait de sa manipulation. Et voilà qui écartait les soupçons d’Erika. Après tout, il ne fallait pas attirer l’attention de cette fouine. Le reste de la matinée s’était ensuite évertué à passer si rapidement qu’il avait même haussé les sourcils surpris lorsqu’on lui avait annoncé que la jeune femme patientait déjà dans la salle d’attente. Il consulta sa montre, pour vérifier qu’aucune erreur n’était possible, redisposa son bureau, puis disposa son alliance sur l’annulaire droit. Un automatisme efficace. De toute manière, il ne laissait rien au hasard. Il contournait son bureau lorsque la une du journal du matin lui sauta aux yeux ravivant soudain des flashs de son récent calvaire… On retrouverait ce maudit Clown. Peut-être pas avec les décisions ridicules que le conseil municipal venait de voter mais on le retrouverait. Des êtres puissants voguaient aux quatre coins de la vie, alors on pouvait tout de même espérer que l’ensemble de ces forces combinées puissent venir à bout d’un clown d’opérette. Il bougea le journal, le plaçant plus en évidence sur son bureau, comme un rappel mais de manière nette. Il ferma la porta puis traversa le couloir où résonnait les éclats de voix de Jérémie derrière la porte close réservée aux rendez-vous complexes. Encore une succession qui tournait mal. Comme l’être humain pouvait être prévisible et envieux. Lui ne se cachait pas de ses défauts, il les incarnait, parfaitement satisfait de lui-même. Alexis patientait dans la salle d’attente comme la première fois, avec un même sérieux et intimidé qui devait être propre à l’endroit. Il lui serra la même, sans la moindre familiarité, comme une énième cliente dans une matinée chargée et l’invita à le suivre sans se retourner.
- « Allons regarder ces papiers… »
Il sentait sa présence, la concentration qu’elle s’appliquait à elle-même à l’instant pour ne pas attirer l’attention. Il songea que cela était un excellent exercice pour son propre futur. Les différentes identités qu’il avait du endosser, lui allait comme un gant, et feindre le naturel, se fondre dans la masse faisait partie de ses nombreux talents. Cela était moins évident pour Alexis, mais l’entraînement restait efficace. Elle possédait un bon potentiel. C’était en grande partie ce qui l’avait poussé à poursuivre malgré les indices semés par le Clown, ça et l’adoration inconditionnelle qu’elle lui portait et qui la poussait à se presser ici, le dérangeant jusqu’à sa vie professionnelle. Il ouvrit la porte, l’invita à rentrer, puis la referma précautionneusement sur eux, laissant un silence s’installer. Elle n’avait pas manqué de voir le journal, il le savait et sa mémoire avait du faire le trait d’union. Un léger soubresaut dans leurs souvenirs communs, sans réelle conséquence, juste une piqûre lui rappelant ses doutes, ravivant le mystère qu’il devait représenter à ses yeux. Mais suffisamment puissamment attractif pour qu’elle ne puisse s’en détourner, préférant s’aveugler sur les dorures de sa beauté. Aussi, comme pour en chasser l’image, s’était-elle retournée, laissant le sourire qui démangeait ses lèvres paraître enfin. Elle voulait le voir après ce qu’ils avaient vécu, avait-elle dit. Il s’était alors adossé à la porte, contemplativement puis avait fini par s'avancer vers elle d’une voix doucereuse :
- « Alors, Mademoiselle Child, que pensez-vous que je puisse faire pour vous ? »