« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver.
Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)


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 Anges et Daemons ♦ ALEXIS & HYPERION (11 février 2021)

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Vaiana de Motunui
Alexis E. Child
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Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »

Anatole Cassini

| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski

Anges et Daemons ♦ ALEXIS & HYPERION (11 février 2021) - Page 5 Jvi6

« Il existe 175.000
espèces de papillons... »


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« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »



| Conte : ➹ Intrigue Divine
| Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.

Anges et Daemons ♦ ALEXIS & HYPERION (11 février 2021) - Page 5 Nono12

| Cadavres : 2617



Anges et Daemons ♦ ALEXIS & HYPERION (11 février 2021) - Page 5 _



________________________________________ 2021-02-22, 19:52 « Maîïîtreuuuh !!! »


« La frontière du rêve et de la réalité
où j’aime à vagabonder. »
▼▲▼

J'avais passé une bonne partie de mon Temps à parler au ciel. Je pensais que les Anges, êtres dominants de ce monde, où qu'ils étaient, pouvaient m'entendre et me répondre. Je pensais que Zoran m'aurait répondu. A dire vrai, on était insignifiant à leurs yeux. Je n'avais jamais ressentis ce rejet, de la part de quiconque. Chez nous, les êtres élevés ne pouvaient pas entrer en contact avec nous. Ca leur était totalement impossible, ce qui expliquait qu'on ne pouvait pas avoir de lien direct avec la Nature et avec ceux qui l'avaient rejointe, tel que ma soeur, Gaïa. Je ne lui en voulais pas de me laisser comme ça, sans réponses. Ce n'était pas un choix pour elle de m'ignorer. Mais ces êtres là... ces Anges... ils pouvaient agir dans ce monde. Leur silence était une décision qu'ils avaient prise ! Ca m'énervait ! Je ne m'étais jamais sentis aussi en colère de toute mon existence !

J'ignorais où ils se trouvaient et comment les chercher. Si je pouvais, j'aurais détruit une montagne, ou fait ressentir mon aura sur toute la surface de ce monde. Mais je sentais que je m'étais considérablement affaiblis dans l'Hôtel Bleu. Quelque chose n'allait pas au fond de moi. Même le Sable Noir ne me répondait plus. D'ailleurs, je n'arrivais pas à savoir si celui que j'avais partagé avec Alexis et que les sorcières avaient réussi à contenir, avait totalement disparu ou non.

Atlas et Thémis auraient pu faire plus. J'aurais du pouvoir faire plus. On était coincé dans ce monde, à deux doigts de voir notre ville nous rappeler dans le ciel, d'où on venait et qu'il nous était impossible d'y retourner. J'avais fait une promesse à Alexis et à Vaiana. On devait rentrer. C'était inéluctable. Mais j'ignorais encore comment réussir un tel exploit.

« C'est pénible ces gens qui ne veulent pas vous laisser tranquille. »

J'avais tourné la tête, sans pour autant m'arrêter de marcher. Je ne m'étais pas rendu compte que Asta et Malcolm m'avaient suivi et qu'inconsciemment, j'avais du accélérer le pas. Ralentissant enfin, Malcolm avait réussi à nous rejoindre, essouflé, tandis que Asta avait sans doute du courir pour arriver à ma hauteur et être là avant lui. Je regardais une nouvelle fois devant moi, tout en continuant de marcher, mais plus lentement.

« C'était le piège parfait ! » m'emportais-je. « L'Hôtel Bleu. Il était si facile de s'y trouver enfermé vue à quel point au fil du Temps, on se perd si facilement. »

J'étais perdu. Totalement perdu.

« Tu as réussi à triompher de lui. Tu n'es plus perdu, Anatole. » me répondit Malcolm en essayant de ne pas paraître trop essouflé. « Même si votre retour à tous est difficile, il n'est pas impossible. Je suis persuadé qu'il existe un moyen. » ajouta t'il d'un air se voulant encourageant. « Je n'ai pas réussi à m'y perdre. L'Hôtel Bleu n'a pas voulu de moi. »

Il jeta un coup d'oeil en direction de Asta, qui trottinait à côté de nous deux, dans la neige. Je m'assurais que ses petites pattes ne s'enfoncent pas dedans. Au moins ça, je pouvais encore le faire. Elle avait tourné la tête dans ma direction pour me regarder.

« Je suppose que c'est une bonne chose puisque j'ai pu faire des recherches sur l'Aurore, mais... j'ai eu l'impression de vous abandonner. » acheva t'il, l'air fautif.

Il n'était pas responsable de ce qui nous était arrivé. On avait pris la décision de venir jusqu'ici. Ni lui, ni Lyra en étaient responsable. C'était nous même, de notre propre chef, qu'on avait tenté d'entrer dans l'Hôtel Bleu. Qu'on avait cru au fait qu'ici, on trouverait des réponses à nos questions et qu'on pourrait apporter de l'aide à nos nouveaux amis.

Je me stoppais dans ma marche. Observant d'abord les montagnes au loin, j'avais tourné la tête dans la direction de Malcom et d'Asta.

« Je me demande parfois si c'est pire de savoir ce que d'autres ignorent, ou d'être dans l'ignorance la plus totale. »

Je tournais la tête vers le groupe. Mais ils étaient désormais trop loin. Soupirant, je reportais mon attention sur mes deux compagnons de route.

« Alexis a raison. On peut vivre dans l'ignorance, mais pas quand nos amis peuvent nous apporter les réponses à nos questions. »

Je me mordis les lèvres. Elliot savait. Elliot avait vent de ce qui allait se passer et il faisait tout pour l'éviter. Alors pourquoi les autres ne pouvaient pas savoir ? J'ignorais si je devais m'élever, maintenant, ou si je devais poursuivre. J'ignorais si on allait pouvoir quitter cet endroit ou non. J'ignorais vers qui me tourner pour obtenir une réponse. Mais il y avait certaines choses que je savais et elles concernaient Malcolm et Asta.

« Vous êtes tous les deux resté. Vous n'avez pas baissé les bras. Vous avez continué de croire en nous au fil des jours, même sans avoir la moindre certitude qu'on trouverait le moyen de revenir. Vous ne nous avez pas abandonné. » leur dis-je. « C'est pour ça que tu n'as pas réussi à t'y perdre, Malcolm. Parce que tu sais ce que tu veux. Tu sais en qui tu crois et qui sont tes amis. Tu es plus éclairé que la plupart d'entre nous. »

J'aimerais tout comme lui avoir les réponses à toutes ces questions et avoir la certitude de savoir qui je suis, réellement. Mais pour l'heure, je n'ai pas cette chance.

Même perdu, j'avais laissé échapper un petit sourire en observant les deux compères. J'aimerais être comme eux. J'aimerais avoir aussi cette sensation de pas être seul. Ils avaient beaucoup de chance dans ce monde. Ils allaient toujours par deux. Et quand ils s'y mettaient à deux pour redonner courage et espoir, les effets étaient décuplés.

« Vous êtes un véritable rayon de soleil, tous les deux. » poursuivis-je, toujours en leur souriant, même si ça n'allait pas bien pour autant.

Malcolm m'adressa un sourire, reconnaissant.

« Venez voir. » laissa échapper Asta.

Je tournais la tête vers la chatte rousse, qui s'était un peu éloignée de nous. Elle s'était mise à trottiner vers une fleur blanche qui se trouvait dans la neige. Elle ralenti une fois avant de humer la fleur d'un air intrigué. Avec Malcolm, on la rejoignit.

« Comment un edelweiss a t'il réussi à pousser ici ? » s'étonna Malcolm. « Il est... seul au milieu de nulle part ! »

Au fil du Temps, il y a beaucoup de choses utiles, indispensables, qui nous procurent bonheur, euphorie et bien être, dont on finit par se passer. On les pensent ancré dans notre présent, si bien qu'on finit par les ignorer, les occulter. Porté par l'engrenage de nos vies, on ne prête pratiquement plus une oreille attentive aux chants des oiseaux. On ne ressent plus les rayons du soleil qui réchauffent notre peau. On ne prend plus le temps de regarder les étoiles ou de se rendre compte des petits détails insignifiants. On meurt petit à petit chaque jour. C'est une mort lente. Pesante. Tout ça parce qu'on se sent... perdu.

Je n'arrivais pas à détacher mon regard de la fleur, penchant la tête légèrement sur le côté pour l'observer. Si il y avait bien un détail qui n'avait rien d’insignifiant, c'était qu'elle était parfaite. Parfaite en tout point. Comme si elle n'était pas réelle.

Notre seul et véritable guide dans la vie, c'est la Nature. Elle est présente à côté de nous, à tout instant. Quand on la laisse nous montrer le chemin, elle éveille nos sens. Le doux parfum d'une fleur sauvage. La caresse d'une brise légère sur notre joue. Tellement de sensations qui lui sont propre et qu'elle partage avec nous.

Je voulais ressentir tout ça. Je voulais me laisser porter. Me laisser bercer par elle. Je fermais les yeux, afin de ne pas me faire déconcentrer par quoi que ce soit. Elle était là. J'en étais persuadé. Elle nous entourait, nous englobait totalement. Elle était présente en chaque chose. Que ce soit cette petite fleur, si parfaite, ou cette étendue de neige autour de nous. Elle était notre Espoir à tous de ne jamais être véritablement et totalement seul.

Avant d'ouvrir les yeux, je sentis une aura apaisante sur moi. Une aura qui m'avait manquée. A mes côtés, il y avait toujours Asta et Malcolm. En face, je souriais à l'inconnue, qui ne l'était pas véritablement. Je sentis mes yeux devenir humides et en même temps un sourire apparaître à la commissure de mes lèvres. Mais ça n'allait pas. Ca n'allait réellement pas, car je m'étais perdu. Perdu ce jour là...

« Je me suis perdu, quand je t'ai perdu. » compris-je, avant de lui murmurer.

Chronos ne voulait pas voir Lily. Il faisait tout son possible pour ne pas se trouver au même endroit qu'elle. Tout ça parce qu'il avait peur. Peur du regard qu'elle lui porterait. Vue ce qu'il avait accomplis, jusqu'où il en était arrivé pour accomplir de telles choses, il avait du venir à bout de nombreuses épreuves, et lui aussi s'était perdu en route.
Quelle qu'était la route qu'on empruntait, on finissait par se perdre. Je voulais revoir mon inconnue depuis tellement longtemps. Mais j'étais effrayé à l'idée de l'image que je lui renverrais de moi.

« Je sais. » m'avoua t'elle.

Mes yeux s'humidifièrent d'avantage. Elle savait.

« Mais même si tu ne me vois plus, je suis partout où tu es, Hyperion. » ajouta t'elle en me regardant droit dans les yeux, avec ce regard rassurant.

Elle savait qui elle était. Où elle se trouvait. Je laissais échapper un petit sourire. Comment ils pouvaient tous, Malcolm, Asta et elle, savoir précisément qui ils étaient ?

« Je sais que tu as peur. » m'avoua t'elle timidement, sans vouloir me blesser.

Mon coeur tremblait. Mais je n'étais pas effrayé, car elle était là. Je lui vouais une confiance aveugle. Avec elle, je ne pouvais pas me perdre.

Je ne m'étais pas rendu compte que quand j'avais ouvert les yeux, le décors autour de moi avait changé. Tout comme pour Malcolm et pour Asta. On était dans un immense jardin. Une étendue verte. Il ne faisait ni chaud, ni froid. L'herbe, les fleurs, les plantes, s'étendaient à perte de vue. On aurait dit le jardin dans lequel on était apparu la toute première fois, quand Malcolm nous avait trouvé. Mais il était immense. Infini.

« C'est un magnifique jardin. » affirmais-je.

J'ignorais où je me trouvais réellement. A quelle époque on était. Je savais juste que notre présence ici, était de son fait. Tournant la tête vers Malcolm et Asta, je me rappelais que je n'étais pas seul. Et qu'ils allaient finir par se perdre avec moi, si je ne leux expliquais pas.

« Malcolm, Asta. » dis-je avant de tourner la tête vers mon inconnue. « Je vous présente une amie. Une très chère amie. » ajoutais-je avec un grand sourire.

« Enchanté. » lui répondit Malcolm avec politesse, même si il semblait totalement désarçonné.

« Je te présente, Malcolm et Asta. Ils sont qu'une seule et unique personne. Mais je pense que tu le sais déjà. »
Elle me répondit pas un petit sourire. Puis, elle attendit. Je m'étais demandé ce qu'elle attendait, mais ça me sembla soudainement d'une telle évidence. Je lui adressais un nouveau sourire.


« Bonjour Ellie. » lui dis-je d'une voix assurée.

« Bonjour Hyperion. » me répondit-elle de sa voix si agréable et douce, satisfaite par le fait que je l'avais enfin saluée, après tout ce Temps.

Je m'étais toujours demandé si je la reverrais un jour. Elle m'avait écrit une lettre que j'avais trouvé lors de l'une de mes promenades dans le parc de Storybrooke. Comme les autres messages qu'elle m'y avait laissé. Cette lettre sonnait plus comme un adieu. Même si elle parlait de se revoir, une toute dernière fois, quand je la rejoindrais. C'était donc ça ? Je m'étais élevé ? Et Malcolm ? Asta ?

« Hyperion ? » répéta Asta un peu tardivement.

Elle échangea un regard perplexe avec Malcolm.

« Pourrais-je savoir ce qui se passe ? Pourquoi nous avoir emmenés ailleurs ? » demanda t'il.

Ce n'était pas le moment de leur expliquer ce que signifier « Hyperion », n'est ce pas ? Quant à la raison qui faisait qu'on était ici, je l'ignorais. Par conséquent, j'avais adressé un regard à Ellie.

« Il vient juste de voir le jour. » répondit-elle.

Il m'avait fallu quelques instants pour comprendre de quoi elle parlait. C'était le jardin. On était dans le passé. Sans doute à la création de ce monde.

« Nous sommes au commencement. » répondis-je à Malcolm et à Asta. « Au commencement de votre monde. »

Je connaissais la faculté qu'avait Ellie à voyager dans le Temps. Pourquoi voulait-elle me montrer ce lieu à sa naissance ?

« J'ignore à quoi il ressemblera une fois achevé, mais j'imagine qu'il sera grand, sans fin, rempli de magnifiques souvenirs, qui à travers le Temps ne cesseront jamais de croitre, tant qu'il y aura des gens pour remplir ce jardin. Des gens comme eux. Comme moi. Et comme toi si tu arrêtes de te perdre... des rêveurs optimistes, Hyperion. »

Malcolm semblait totalement ahuri. Il ne parlait pas, se contentant d'écouter. Quant à moi, tout comme eux, je la laissais parler. Et pendant tout ce temps, je sentais toujours cette aura rassurante sur moi. Elle était presque imperceptible. Mais elle était là. La sienne. Je me rappelais l'aura que j'avais également sentis sur Alexis. C'était la même aura que la jeune femme, mais en plus forte. Comme si elle émanait de son bébé. J'avais ressentis la même chose sur ma soeur, quand elle portait Aphrodite dans son ventre. Mais je savais aussi que je n'arrivais plus à percevoir les auras. Alors comment cela se faisait-il qu'il m'était désormais possible d'en sentir certaines ?

Ellie avait sans doute lu dans mes pensées. Car voilà qu'elle répondait à la question à laquelle j'avais songé. Celle qui me tiraillait depuis quelque jours.

« Tu l'as enfin sentie. C'est rare que quelqu'un y arrive. A dire vrai, je n'ai connu que trois personnes qui ont réussi un tel exploit. »

Je me demandais de qui elle parlait. Et de quel exploit il était question.

« Elle est en chacun d'entre nous. Présente à tout moment. »

« La Nature ? » la coupais-je pour avoir plus de précisions.

« Non. Ce qui la maintiens en vie. Ce qui lui permet d'avancer, qui nous permet à tous d'avancer. Tu l'as toujours eu en toi, mais tu viens simplement d'en prendre conscience. Et plus tu le ressentiras, plus ton pouvoir se décuplera, et les choses reviendront à la normale, pour toi. »

Se décupler ? Revenir à la normale ? Je voulais lui en demander plus. J'avais besoin d'en savoir plus. Ce qu'elle me disait me faisait me poser une multitude de nouvelles questions. Mais je vis son regard dévier. Elle observait un autre endroit de ce merveilleux jardin, et je venais de comprendre que son Temps lui était sans doute compté. Je ne pouvais pas obtenir tout ce que je désirais, maintenant. Il allait sans doute falloir que je trouve certaines réponses par moi même. Mais elle m'avait permis d'avancer, à sa manière. Cela signifiait que je ne m'étais pas élevé ? Que je n'avais pas goûté à quelque chose de neuf ?

« Malcolm, Asta. » dit-elle en s'adressant à eux. « Vous avez fait le premier pas vers la connaissance nécessaire pour comprendre votre monde et le nôtre. Il ne faut pas vous arrêter en si bon chemin. Vous avez encore beaucoup à découvrir et vous aurez tout le loisir de le faire si vous le souhaitez. Ne vous laissez pas effrayer par l'inconnu. Ce qu'il y a de l'autre côté de l'Aurore est la plus belle chose qui m'ait été donnée de voir. »

L'Aurore... songeais-je, avant de me souvenir de ces deux mots que j'avais entendu en venant ici. Ils n'émanaient pas d'elle. J'aurais reconnu sa voix entre mille. Mais petit à petit, ils libéraient quelque chose dans mon esprit. Un souvenir...

Je levais la tête pour observer le ciel. Il faisait jour. Le soleil était à son Zénith. Regardant une nouvelle fois Ellie, je la voyais me sourire. Un tout petit sourire, qui voulait dire qu'elle était heureuse que ça me vienne enfin à l'esprit. Que cette connaissance qu'elle nous apportait, devenait enfin une évidence.

Malcolm gardait toujours le silence, tout en observant Ellie avec une attention décuplée et avec respect. Il sentait sans doute qu'elle était quelqu'un de sage et qu'il pouvait lui aussi, lui faire aveuglément confiance. Je lui avais dit, à mon ami, à mes amis, qu'ils pouvaient me faire confiance, mais pas se fier à moi. Car je n'avais plus la capacité de les protéger. Mais dans son cas à elle, c'était totalement différent. Ils n'avaient aucune raison de craindre quoi que ce soit quand elle était présente avec nous. C'était sans doute lors de ces moments fugages, les seuls moments de mon existence, où je me sentais totalement apaisé.

« A vous entendre, le monde au-delà de l'Aurore est merveilleux. En quoi est-il préférable au mien ? » demanda t'il. « Pourquoi envisagerais-je d'abandonner mes proches pour un voyage sans retour ? »

Asta s'était approché de Malcolm, sans pour autant détourner son regard d'Ellie. La jeune femme les observait tous les deux, avec ce même regard se voulant rassurant.

« Vous n'êtes pas un peu curieux ? Ou auriez vous perdu tous les deux votre goût de l'aventure ? » leur demanda t'elle avant de prendre un air un peu plus sérieux. « Elle aura besoin de vous. » se contenta t'elle d'ajouter.

Puis, elle tourna la tête dans ma direction.

« Si tu vas plus à l'est, tu y trouveras un enfant. Un enfant en train de courir après un papillon. » poursuivit-elle avant de croiser une nouvelle fois mon regard. « Un papillon. » répéta t'elle avec un petit sourire. « Tu sais que le mot papillon, en titanesque a la même signification que le mot âme ? »

Je n'y avais pas une seule fois songé. Et pourtant, elle disait vrai.

« J'ignore pourquoi cet enfant a choisi ce nom pour les âmes. Mais maintenant tout prend son sens, n'est ce pas ? »

Qu'est ce qu'elle voulait dire par là ? Je tentais de percevoir l'aura du petit garçon, mais je n'y arrivais pas. Tout portait à croire qu'il s'agissait de moi. Mais je n'était pas ce petit garçon. J'en étais persuadé.

« L'âme comme siège des sentiments, des passions, de l'intelligence, de l'esprit, des désirs. Le papillon, symbole de l'immortalité de l'âme. »

Les âmes étaient immortelles, c'était ainsi qu'on les avaient conçues, ou plutôt qu'Elliot les avait créés. Elliot... Le papillon était quant à lui, éphémère. Tout l'inverse d'une âme. Bien qu'il avait tendance à se transformer. D'ailleurs il n'en était pas à sa première forme. Peut-être que c'était un des nombreux détails que je n'avais plus observé depuis longtemps. Et que le sens de l'un, comme de l'autre, ne m'apparaissait plus comme il le devrait. Je continuais à l'écouter, attentivement.

« Le petit garçon va passer sa vie à suivre le papillon. A tenter de le rattraper. Il va vivre, aimer, pardonner, surpasser ses angoisses. Il va faire des choix que d'autres n'auraient pas pu faire à sa place. Ce petit garçon me rappelle quelqu'un. Ils ne sont pas si différent l'un de l'autre. Pour cela que le premier n'a pas le courage de l'affronter, de peur de lire dans son regard un jugement qu'il connaît déjà, et que le second n'arrive pas à se résoudre à l'abandonner. »

Ce petit garçon... je voyais enfin de qui il était question. Ca ne m'avait pas sauté aux yeux quand elle l'avait évoqué pour la première fois, mais maintenant ça me paraissait comme une évidence. Elliot...

« Il aura ce désir, cette envie de voir toujours plus loin, de vivre toujours plus intensément, de comprendre chaque chose. Et il explorera un jour trop loin, jusqu'à arriver à un état d'éveil presque absolu. Mais il ne prendra pas les bonnes décisions. Car il n'aura plus la capacité d'aimer. Il se sera bien trop perdu pour pouvoir retrouver son chemin. Il ne faut jamais s'arrêter de croire en la plus belle chose qui existe. L'Amour qu'on a en soi, à notre naissance, et qu'on emporte n'importe où qu'on aille. Qu'on partage avec ceux qu'on aime. Ce pouvoir qu'on laisse se décupler au fil du Temps. Dont on doit prendre grand soin. »

C'était de cela dont elle parlait ? De ce pouvoir que j'avais en moi ? Qu'on avait tous ? Mais qu'on n'arrivait pas nécessairement à utiliser ?

« Je pensais te sauver en te poussant à rejoindre notre mère à tous, mais il n'est pas encore l'heure. Elle est en toi. Au plus profond de ton être, de ton âme, là où je réside également, où tu pourras me sentir à tout instant jusqu'à ce qu'on se retrouve enfin d'une manière différente de maintenant. »

Je ne m'étais pas élevé. J'étais toujours là, quelque part. Mais mon esprit l'avait rejoins un Temps. Tout cela avait été le cas pour Malcolm et Asta. Juste le Temps de comprendre quelque chose. Quelque chose qui me venait tout doucement à l'esprit. J'en profitais pour observer ce jardin qui nous entourait. Elle ne l'avait pas choisi au hasard. Il détenait une part du mystère. Une réponse à nos questions.

« L'Aurore amène la lumière du matin, et pour ainsi dire, le jour. Sans elle, il n'y a personne pour faire naître le Soleil. J'ai lu une fois que le parfum de l'âme, c'est le souvenir. C'est la partie la plus délicate, la plus suave du coeur, qui se détache pour embrasser un autre coeur et le suivre partout. Ils sont arrivés plus loin qu'on le pourra. D'une manière qui nous est totalement inédite, et inaccessible. L'affection d'un absent par chez nous, n'est plus qu'un parfum. Un tendre et doux parfum. Chez eux, il est supporté à deux. C'est ce qu'il a tenté de faire, sans y arriver. »

Quand elle m'avait confié cela, j'avais arrêté de regarder autour de moi, pour la regarder elle. Que voulait-elle dire en disant que le petit garçon avait tenté d'accomplir, ici ? Ce monde... cet endroit... ces Daemons, c'était... son oeuvre ?

« Séparer sa peine en deux pour souffrir moins. Si il savait ce qu'il avait créé. Ce monde est unique, Hyperion. Il est si beau, si merveilleux. C'est son jardin secret. Celui où réside la force la plus puissante de l'univers. Une force émanant de Nature et de Chaos. Elle réside en chacun d'entre nous, en chacun d'entre eux. Il faut juste lui ouvrir les yeux, lui faire se rendre compte qu'il doit déblayer les nuages et laisser le Soleil briller de toutes ses Forces. »

« Malcolm, regarde... » entendis-je Asta chuchoter.

Ce dernier écarquilla les yeux, stupéfait. Je regardais vers ce que Asta lui montrait.

« Tu la vois, toi aussi... la Poussière ? » lui demanda t'elle.

Il acquiesça sans ciller, focalisé sur Ellie. Derrière la jeune femme, de la Poussière émanait d'elle. Elle partait du ciel et venait sur elle, ou l'inverse. Je n'arrivais pas à discerner lequel des deux puisait sa force dans l'autre. La plus puissante de toutes les Forces de la Nature. Celle qui réside en chacun d'entre nous. L'Amour de notre Mère à tous.

« Comment faites vous ça ? » laissa t'il échapper à l'intention d'Ellie.

Ellie leur adressa un regard. Puis, elle m'observa. Je sentais qu'elle était là, face à moi, et en même temps qu'elle s'éloignait. J'arrivais enfin à percevoir son aura. Elle était si faible, alors qu'elle m'avait paru si forte quand elle était posée sur mon être. Qu'est ce qui lui était arrivé ? Où était-elle désormais ? Peut-être qu'un jour je comprendrais mieux tout ça. En attendant, je continuais de lui accorder toute mon attention, et j'en profitais pour faire jaillir un peu de mon aura sur elle, histoire de lui permettre de poursuivre son chemin, quel que serait le lieu où elle comptait se rendre.

« Juste avant le coucher du soleil, sur toutes les mers du monde, à bord de toutes les embarcations, tous ceux qui vont sur la mer, ou tout du moins ceux qui ont su conserver une part d’enfance, espèrent. »

J'avais l'impression d'avoir déjà entendu ces mots, par le passé. Ca me revenait petit à petit. Et les deux mots venaient de prendre tout leur sens...

« Ils espèrent voir ce fugace rayon vert émeraude. » reprit-elle. « Celui-ci apparaît, et disparaît presque aussi soudainement, alors que le bord supérieur du disque solaire effleure l’horizon juste avant de se coucher. Cette petite tache lumineuse ne surgit que l’espace d’une ou deux secondes. Alors émouvant de beauté, ce mince rai de lumière flamboie l’instant d’un éphémère, à la frontière du rêve et de la réalité où j’aime à vagabonder. »

Elle me fixait toujours. Je la fixais également.

« Si Jules était là, il prendrait la grosse tête. » précisa t'elle avec un petit sourire.

C'était lui qui avait écrit ces mots. Ces mots que récitait Ellie. Ces mots qui tenaient dans un ouvrage et qui nous ouvrait aujourd'hui les portes sur un autre monde. Ces mots qui nous permettaient de rentrer.

« C’est là que je t’attendrai. » murmura t'elle.

Je lui adressais un regard, tout en me laissant bercer par ces douces paroles pleines d'espoir.

Quand on court après quelque chose, il y a toujours un prix à payer. Nous ne sommes plus des enfants. On connait cet adage aussi vieux que le Temps. Désormais, il m'est impossible de revenir vers elle. J'ai exploré bien trop loin. J'ai entrepris un voyage à travers le Temps, brisant ainsi notre ligne à nous. Celle où une jeune fille, est venue dans le passé, m'a amadoué avec ses lectures, et où on a partagé quelque chose d'intense, de pur. Désormais c'est une toute autre personne qui se tient face à moi. Elle n'est pas si différente physiquement de la première. Mais à l'intérieur, ce n'est pas le même coeur qui bat. Je ne verrais plus jamais celle que j'ai connu. J'ai brisé bien trop de choses, créé bien trop de nouvelles choses. Un point fixe ne s’efface pas aussi facilement qu'on l’espère. Il peut se présenter à nous sous diverses formes. Mais à chaque fois, il martèle notre coeur d'une manière brutale et douce à la fois. Ce jour là, à Titania, quand nos regards se sont croisés pour la toute première fois, j'ai ressentis quelque chose que je n'ai jamais ressentis auparavant. Aujourd'hui, je le ressent toujours, mais d'une toute autre manière.

« Tu n'es pas elle, n'est ce pas ? Et en même Temps, tu n'es pas si éloignée d'elle. Un peu comme eux... » laissais-je échapper en observant Malcolm et son Daemon.

Je connaissais déjà la réponse.

« Nous sommes qu'un. »

Elle s'était élevée, j'en étais persuadé. Mon Ellie s'était élevée. Je me demandais combien de temps cela lui avait pris. Quel âge elle pouvait bien avoir aujourd'hui. J'aimerais pouvoir croiser son regard, à elle. Car ses yeux répondraient à toutes mes questions.

Je me rappelais ce que Lyra m'avait dit. Les yeux pouvaient en dire beaucoup sur la sagesse d'une personne. Les siens semblaient neufs. Comme si il s'agissait d'une nouvelle âme et en même temps... elle était tellement... tellement... plus sage que n'importe lequel d'entre nous.

Elle m'observait toujours. Cette fois ci avec un petit sourire.

« Je ne te suis pas ? Pas aujourd'hui ? » demandais-je en connaissant déjà la réponse.

« Pas pour le moment, jeune homme. » me répondit-elle.

Je sentais mes yeux devenir humides, tout en souriant.

« On en est donc là ? » ajoutais-je, en faisant mine de ne pas être véritablement surpris d'être sans doute plus jeune qu'elle, aujourd'hui, et qu'elle soit plus sage que moi.

« Tu n'as pas idée. »

La première âme. Là depuis la nuit des Temps. Là jusqu'à la fin de toute chose. Son existence avait du prendre un tout autre sens pour elle. Une longévité qui devait égaler celle de la Nature elle-même. Je sentais à ce moment précis, une petite brise légère. Elle était là, également, comme à chaque fois. Notre mère à tous. Mais je sentais également autre chose. Une autre aura. Celle de la jeune femme. Mais pas là où elle devrait être. Bien plus grande, bien plus forte, bien plus pure. Elle se trouvait ici, et là. De partout à la fois. Elle m'englobait totalement, faisant des vas et viens autour de moi. Comme si elle s'amusait à me tourner autour. Je souriais, me sentant apaisé, totalement, comme je ne l'avais jamais été.

« Pendant un petit moment, tu vas te retrouver tout seul. Je ne pourrais plus t'arracher à un monde pour t'emmener dans un autre. Mais je te promet que ça se passera bien. Ca ne sera que pour un Temps. Un minuscule petit mauvais moment à passer. »

Je voyais ces yeux être aussi humides que les miens. Elle tentait de ne pas le montrer. De me donner confiance et courage. De partager un peu de sa force avec moi. Ca n'allait être qu'un minuscule petit mauvais moment à passer...

« Il ne sera pas seul. » intervint Malcolm avec conviction.

Je lui adressais un regard. Que voulait-il dire par là ? Comptait-il lui aussi, avoir une discussion avec moi, comme ça avait été le cas pour Pantalaimon, quand ce dernier m'avait avoué vouloir nous suivre de l'autre côté ?

« J'en suis persuadée. » lui répondit Ellie avec un grand sourire.

Malcolm se mordit les lèvres et pour ainsi dire la barbe tant elle était dense.

Une chaleur m'enveloppa. Son aura était bien plus présente, bien plus forte, bien plus... c'était indescriptible. Je n'avais jamais ressentis quelque chose de similaire. Comme si plusieurs auras identiques tourbillonnaient autour de moi. Elles étaient bien au delà de ce que je ne serais jamais. Bien au delà de ce que Elliot arriverait à être. La Nature était en totale communion avec elle. Et je devais sans doute ne sentir qu'une Poussière de toute cette puissance. Il y avait encore tellement de choses qui nous étaient inconnues, qu'on se devait de découvrir.

« Il est Temps. » conclu Ellie.

J'entendais Aurora une nouvelle fois dans ma tête. Quand elle m'avait dit qu'elle resterait le Temps que je souhaiterais. Mais toute bonne chose avait une fin. Et encore une fois, j'allais devoir dire au revoir à un être chers.

« Regarde derrière moi, Hyperion. Regardez tous les trois. »

La neige, les montagnes... tout avait repris sa place initiale, à l'exception de nos amis, qui n'étaient pas présent. Le soleil était sur le point de se coucher.

« Regarde derrière moi. » me répéta t'elle, se rendant compte que je n'arrivais pas à détacher mon regard du siens.

Je finis par m'exécuter, contemplant la vue. Puis, je le vis. Il était là. Je n'avais pas vue le Temps passer. Je n'avais pas vue le soleil s'apprêter à se coucher. Et maintenant qu'il était si bas, prêt à disparaître, je pouvais voir la dernière de toute les plus belles merveilles de notre monde. Ce Rayon Vert...

Quant à Ellie, elle disparu au même instant où ce Rayon était apparu.

Désormais face à nous, se tenait nos amis. Ils étaient tous réunis, comme quand on les avait quitté. Le soleil était toujours en haut dans le ciel. Ellie nous avait montré la voix à suivre. Maintenant, c'était à nous de jouer. Il n'y avait pas besoin d'éclairs dirigés vers les cieux, de machine brisant une âme, ou d'un pouvoir titanesque quelconque. Tout ce qui nous était utile, était fourni par la Nature elle-même. Il fallait juste saisir le bon moment.

Je tournais la tête vers Malcolm et Asta. Ils avaient partagés cela avec moi. Et je voulais leur faire comprendre très précisément ce qu'ils venaient de vivre. La rencontre qu'ils venaient de faire.

« Vous avez vue un Ange. Un véritable Ange, comme ils devraient tous l'être. » leur avouais-je avec un petit sourire, les yeux toujours aussi humides.

Malcolm m'adressa un regard neuf, à la fois ébahi et ému, lui aussi. Je me demandais si il était ému par ce qu'il venait de voir, ou ce qu'il venait de comprendre.

« Tu dois être quelqu'un d'exceptionnel pour tutoyer un ange. » dit-il en posant une main sur mon épaule.

On doit l'être tous les trois, songeais-je.

Malcolm marqua une pause. Puis, il reprit d'un ton bien plus excité.

« Elle nous a donné la solution. Ce moment fugace juste avant que le soleil se couche... c'est à cet instant qu'il faut traverser l'Aurore. »

Son regard croisa le miens, avec un grand sourire au coin de ses lèvres. Puis, je sentis sa main se figer d'un seul coup contre mon épaule, et la serrer un peu plus fortement.

Avec ce voyage, j'avais la certitude d'avoir enfin acquis la Connaissance et le Savoir nécessaire pour aider le jeune garçon à arriver à la fin de sa quête. J'étais convaincu de pouvoir y arriver. Peut-être qu'un jour je les retrouvais tous. Ellie, Gaïa, Eulalie, Heimbdall, tous mes frères et soeurs disparus... Mais pas maintenant. Il était encore trop tôt pour partir. Et puis, j'étais persuadé que nous nous élèverons ensemble, tous les deux, le moment venu. Ce petit garçon et moi. Après tout, notre histoire avait débutée ensemble, il y avait bien longtemps, dans le Bois des Oubliés.

La Nature nous avait offert la plus belle de ses créations que l'on peut contempler de notre vivant. Le plus grand mystère du monde, des mondes. Le moment entre deux points. Entre le jour et la nuit. Entre deux opposés. Celui qu'on ne peut définir, contempler plus d'une fraction de seconde, et qui ne nous apparaît que si on le cherche réellement. Un simple petit Rayon Vert.

Mystérieux, envoûtant, fascinant, émouvant, rare, fugace, éphémère...

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Malcolm Polstead
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »

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So far from home...



| Conte : The Book of Dust Trilogy
| Dans le monde des contes, je suis : : Malcolm

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| Cadavres : 83



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________________________________________ 2021-02-23, 19:15


Anges et Daemons

❝ Everything means something. ❞
La pluie cinglait les vitres de l’auberge. Debout devant la fenêtre de sa chambre, Malcolm observait les ruines du prieuré, rendues floues par l’averse, qui se situaient sur l’autre rive. Il avait l’impression qu’une part de lui pleurait avec la ville.

Tant de choses s’étaient déroulées en une si courte période... Un mois. Il n’avait fallu qu’un seul mois pour bouleverser à jamais toutes ses convictions. Il peinait encore à démêler ce qu'il ressentait concernant les révélations sur son monde et sa rencontre avec l’ange prénommé Ellie. Il était question d’un être évolué, un “enfant” à l’origine de tout, qui avait séparé les âmes en deux. Dieu était un petit garçon. Cette donnée avait surpris Malcolm, mais sans l’ébranler. Depuis toujours, il se montrait plus ouvert d’esprit que la majorité des gens de son monde. Cet enfant semblait connu d’Anatole. Anatole... ou Hypérion ? Pour quelle raison portait-il deux noms ?

Beaucoup de choses échappait à la compréhension de Malcolm ; il essayait tant bien que mal de tisser des ramifications en se servant du paysage détrempé comme d’un canevas. Il avait conscience qu’il ne pouvait tout comprendre pour l’instant ; il devait laisser le Temps faire son œuvre, laisser les différentes informations s’implanter dans sa mémoire. Un jour prochain, quand son cerveau aurait tout assimilé correctement, il comprendrait. Par nature, il était quelqu’un de patient.

— C’est ce qu’il y avait de mieux à faire.

La voix d’Asta résonna curieusement dans la chambre. Malcolm tourna la tête vers elle et lui adressa un sourire vacillant. Ses yeux avaient la couleur de la pluie. Ceux du daemon brillaient dans la faible luminosité. La chatte, perchée sur le bureau, frotta ses moustaches sur une tirelire en forme de morse que Malcolm possédait depuis son plus jeune âge. Elle avait abrité ses économies et symbolisait beaucoup pour lui.

— Tu es sûre qu’on ait pris la bonne décision ? Demanda-t-il, soucieux.

— Il n’y a ni bonne ni mauvaise décision. Il y a seulement ce que tu ressens.

Cette phrase donna l’impression à Malcolm que la bulle d’anxiété dans laquelle il était enfermé venait d’éclater sans aucun bruit. Asta l’observait avec bienveillance. Anatole avait raison quand il disait que les gens de ce monde étaient chanceux : c’était inestimable de dialoguer avec la meilleure partie de soi-même. Au fond de lui, Malcolm avait toujours remercié la Nature de lui avoir apporté une amie aussi chère.

— Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?

Asta prit le temps de s’étirer avant de baisser les yeux vers les deux enveloppes coincées sous une lampe à naphte posée sur le bureau, non loin d’elle.

— Je pense que tu aurais dû devenir facteur, dit-elle, goguenarde.

Malcolm esquissa un sourire tout en secouant la tête, mi-amusé, mi-exaspéré. Elle était incorrigible. Il avait rédigé deux lettres ; sur la première était écrit le prénom “Alice” et sur la seconde “A l’intention du Maître de Jordan College”. Il avait souhaité mettre ses affaires en ordre avant de partir. Etant donné qu’il manquait de temps pour exposer ses motivations de vive voix aux personnes concernées, il les avait couchées sur papier. Il s’était montré plus expansif avec Alice, son amie d’enfance, car il avait une confiance absolue en elle. Affronter le Déluge ensemble avait créé un lien indéfectible. Il aurait tant voulu lui parler de vive voix... Même s’il savait, au fond de lui, qu’il n’aurait plus le courage de partir s’il la voyait. Dans sa lettre, il lui avait tout raconté : sa rencontre avec les mystérieux Voyageurs, leur périple vers le Nord, la ville dans l’Aurore, le portail qu’ils allaient traverser... Un aller simple, probablement. C’était pour cette raison qu’un adieu épistolaire était préférable. Il lui devait au moins la vérité. Il avait également précisé de prévenir Oakley Street qu’il serait injoignable pour une durée indéterminée, mais que ses découvertes seraient profitables à la société secrète.

Le pli adressé au Maître de Jordan College était beaucoup plus succinct. Malcolm redoublait de politesse afin d’annoncer à son supérieur hiérarchique qu’il n’assurerait plus ses cours pour l’instant au sein de l’établissement car il avait reçu une proposition qu’il ne pouvait refuser et qui serait profitable au College à très long terme. De cette manière, le jeune homme conservait sa place au sein de l’honorable école. Il espérait pouvoir revenir un jour ou l’autre et montrer ses découvertes.

— Maman est furieuse. Je n’aurais pas dû lui dire, déclara-t-il soudain.

Un petit soupir lui échappa.

— Ça lui passera, assura Asta en se plaçant au bord du bureau afin de frotter sa tête contre la main du jeune homme.

Il n’en était pas certain. Était-ce préférable de laisser ses parents dans l’ignorance et de disparaître du jour au lendemain, ou de les avertir qu’il partait pour un voyage sans retour ? A présent, il était trop tard. Il avait choisi d’être honnête avec eux. Son père s’était figé par-dessus son journal et n’avait pas dit un mot ; sa mère avait tout d’abord décidé de ne pas comprendre les paroles de Malcolm, puis, quand elle avait saisi que la décision était déjà prise, elle avait hurlé si fort contre lui que les tuiles du toit de la Truite en avaient tremblé. A ses yeux, et malgré tous les risques qu’il avait pris, il demeurait un petit garçon.

Malcolm caressa la tête d’Asta sans cesser de regarder la pluie. Un petit raclement de gorge le fit tourner la tête. Dans l’embrasure de la porte, Kerin l’observait. Stupéfait, le jeune homme écarquilla les yeux. Il était si rare que le daemon de sa mère se déplace hors de son panier ! Il le faisait uniquement quand il n’avait pas d’autre choix, lorsque par exemple Mrs. Polstead quittait la cuisine. A chaque fois, il se déplaçait de mauvaise grâce.

— Alors comme ça, on s’en va ? Lança-t-il d’un ton bourru.

Malcolm hocha la tête sans cesser de le fixer.

— J’ai jamais eu envie de partir nulle part, moi, poursuivit-il tout en avançant mollement dans la pièce.

Le jeune homme resta silencieux. C’était ce qui le différenciait de ses parents : contrairement à eux, il avait toujours aspiré à voir plus loin, découvrir du merveilleux dans chaque chose. Mr. et Mrs. Polstead aimaient leur fils sans pour autant le comprendre. Ils s’en étaient rendus compte le jour où il avait entrepris une carrière d’Erudit plutôt que d’aubergiste.

— Sois toujours sûr de savoir où sont tes chaussettes. Une personne correctement chaussée, c’est une personne qui avance droit dans la vie.

Kerin s’arrêta aux pieds de Malcolm et prononça ses paroles tout en renversant la tête vers lui. Le jeune homme se sentit envahi par une douce chaleur aussi agréable que douloureuse, car il savait que derrière ce conseil maladroit se cachait tout l’amour de sa mère.

— Promis, répondit-il d’un ton humide.

Le daemon-blaireau fit demi-tour et quitta la chambre à petits pas. Le cœur battant, Malcolm laissa passer plusieurs secondes avant de le suivre. Il se doutait que sa mère n’était pas loin. Il la trouva assise en haut des marches, une main posée sur le pelage noir et blanc de Kerin. Elle entendit venir son fils mais ne bougea pas. Malcolm ouvrit la bouche, la referma. Les mots restaient bloqués au fond de sa gorge. Que pouvait-il dire afin de la faire aller mieux ? Il sentit Asta le soutenir en se frottant contre sa jambe.

Finalement, Mrs. Polstead se releva et se retourna. Elle essuya les mains sur son tablier tout en évitant son fils du regard. Une ride de contrariété barrait son front. Elle avait les yeux rouges même si elle n’avait pas pleuré.

— Tu me fais suer, lança-t-elle brusquement.

Malcolm déglutit. Tout compte fait, peut-être aurait-il été mieux avisé de rester dans sa chambre. Il pensa le contraire dès l’instant où sa mère l’attrapa par le pull pour le serrer énergiquement contre elle.

— Si tu ne reviens pas... commença-t-elle, menaçante.

— Je reviens toujours, tu le sais.

Il parla d’une voix douce et assurée, ce qui motiva Mrs. Polstead à presque l’étouffer dans son étreinte. Mr. Polstead, qui montait l’escalier, stoppa net une fois arrivé en haut. Il observa sa femme et son fils et sans un mot, les encercla de ses bras. Malcolm en fut tout retourné. Jamais ses parents ne l’avaient serré tous les deux en même temps. D’ailleurs, à tout bien réfléchir, jamais son père ne lui avait montré un geste d’affection.

— A bientôt... murmura-t-il.

*

Le Grand Nord, une heure plus tôt...

— Elle nous a donné la solution. Ce moment fugace juste avant que le soleil se couche... c'est à cet instant qu'il faut traverser l'Aurore.

L’esprit de Malcolm était en ébullition. Ils avaient enfin trouvé le moyen d’ouvrir un portail ! Il se sentait à la fois heureux et terrifié, car il se rappelait les paroles de l’ange Ellie :

« Vous avez fait le premier pas vers la connaissance nécessaire pour comprendre votre monde et le nôtre. Il ne faut pas vous arrêter en si bon chemin. Vous avez encore beaucoup à découvrir et vous aurez tout le loisir de le faire si vous le souhaitez. Ne vous laissez pas effrayer par l'inconnu. Ce qu'il y a de l'autre côté de l'Aurore est la plus belle chose qui m'ait été donnée de voir. »

Bien entendu, l’idée de se rendre dans l’autre monde avait traversé son esprit. Il avait eu plus de vingt jours pour y réfléchir. Que ferait-il le moment venu ? Suivrait-il les Voyageurs pour en devenir un à son tour ? Plusieurs fois, il s’était raisonné. Sa vie était ici, parmi les siens. Il pouvait accomplir de grandes choses en restant “chez lui”.

« Elle aura besoin de vous. »

Il n’avait pas prévu ce cas de figure.

Lyra souhaitait partir. Comment aurait-il pu l’en empêcher ? Il n’en avait pas le droit. Malgré tout, il marcha droit vers elle, toujours près du feu de camp et demanda sans détour :

— Tu comptes aller dans leur monde, n’est-ce pas ?

La jeune fille tressaillit. Prise au dépourvu, elle dévisagea Malcolm tandis que Pantalaimon posait un regard stupéfait sur Anatole. Ce dernier lui fit comprendre sans parler qu’il ne l’avait pas trahi. Ce bref échange de regards n’échappa pas à Malcolm. Le daemon de Lyra avait-il confié à Anatole qu’il voulait partir ? Dans ce cas, Lyra était peut-être en désaccord avec lui ?

— Je... j’aurais voulu en parler d’abord avec Pan mais c’est exact, je veux traverser l’Aurore, annonça-t-elle, la tête haute.

Le daemon-hermine cligna plusieurs fois des yeux, dérouté, puis leva la tête vers la jeune fille.

— Vraiment, c’est ce que tu souhaites ? Demanda-t-il d’une toute petite voix.

Elle se mordit les lèvres mais hocha la tête, déterminée.

— J’y ai beaucoup réfléchi. Ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête.

Elle posa les yeux sur Malcolm.

— Ta vie est ici, rétorqua-t-il tout en ayant l’impression de ne pas être suffisamment convaincant.

Lyra laissa échapper un petit soupir. Elle se redressa légèrement et Iorek, contre lequel elle était appuyée auparavant, tourna la tête vers elle. Elle prit soin de choisir ses mots avant de parler.

— Il y a longtemps, j’ai perdu les meilleurs amis que j’ai jamais eu. Mon père a tué Roger, quant aux deux autres, ils sont retournés dans leur monde.

Elle déglutit. Malcolm encaissa ses paroles sans broncher, bien qu’il en éprouvât beaucoup de peine. Au fond de lui, il le savait : Lyra n’éprouverait jamais pour lui ce qu’il ressentait pour elle. Il l’avait protégée durant le Déluge et malgré tout, il demeurait un étranger à ses yeux. Parfois, en dépit de toute notre volonté, on doit demeurer dans l’ombre.

La jeune fille redoubla de courage pour poursuivre :

— Je pensais avoir la force de continuer sans eux, mais j’ai seulement réussi à me perdre en chemin.

A cet instant, Anatole posa les yeux sur elle, comme si ces mots faisaient écho à quelque chose en lui.

— J’aurais voulu vivre parmi les ours ou les sorcières, mais c’était impossible car je ne suis ni l’un, ni l’autre.

Iorek poussa un petit grognement guttural ; Lyra posa une main sur son pelage immaculé.

— Si j’avais pu, je t’aurais adoptée, Lyra Parle-d'Or, déclara-t-il. Cependant, cela n’aurait pas été une vie pour toi.

— Et je le comprends, maintenant, appuya-t-elle sans aucune amertume. J’ai le don de me lier aux personnes avec qui je ne peux rester.

Elle eut un sourire sans joie.

— Je ne veux pas dire adieu, cette fois. Je me sens bien avec vous.

Elle enveloppa Anatole, Alexis et Vaiana d’un regard chaleureux.

— J’ai conscience de m’imposer mais... je peux vous garantir qu’une fois dans votre monde, je ne vous causerai pas de souci. Je me débrouillerai. Je suis très douée pour ça.

Son regard devint timide, car elle redoutait sûrement leur réaction. Pantalaimon bondit sur son genou replié et l’observa, la tête penchée.

— Tu aurais dû m’en parler, oui. Parce que c’est exactement la raison pour laquelle je veux partir.

La jeune fille eut un sourire ému. Elle serra son daemon contre elle. Malcolm les regarda, partagé entre la douceur de cette vision et l’appréhension de la laisser partir. Sa conscience lui dictait de veiller sur elle, comme autrefois.

« Elle aura besoin de vous. »

Cette phrase ne délogeait pas de sa tête. Il la secoua légèrement, en vain. L’ange Ellie lui imposait la décision. Non, bien sûr que non... il l’avait déjà prise par lui-même.

— Nous avons encore quelques heures devant nous avant que le soleil se couche, intervint-il d’un ton éteint. Nous savons comment repartir.

Il adressa un bref regard aux filles puis s’attarda sur Anatole.

— J’aimerais revoir Oxford une dernière fois.

Lyra l’observa d’un air stupéfait. Sans un mot de plus, il se pencha pour prendre Asta dans ses bras.

— Ne vous sentez pas obligé de...

— Je ne le fais pas pour te chaperonner, coupa-t-il, j’ai mes propres motivations. Tu serais bien présomptueuse de penser être la seule la seule à avoir envie de découvrir un autre monde.

Il afficha un sourire mutin.

— J’ai eu beaucoup de temps pour y penser durant votre absence, ajouta-t-il. Je veux seulement mettre mes affaires en ordre avant de partir.

Il pivota vers Anatole, se préparant mentalement à la téléportation. Il espérait vraiment ne pas avoir envie de vomir, cette fois. Ce ne serait guère glorieux pour l’image de l’aventurier sans peur et sans reproche qu’il véhiculait.
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« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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________________________________________ 2021-02-28, 20:36 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Anges & Daemons


Anatole nous avait téléporté en direction d’Oxford. Ça n’avait duré qu’une fraction de seconde, comme à chaque fois mais ça a avait été suffisant pour me rendre compte que ce voyage allait être particulier. Je m’étais sentie partir sur le côté, seulement rattrapé par le Titan, avant que mon corps ne heurte le sol. Je n’allais pas bien. J'aurai mieux fait de l’écouter, j’avais déversé tant d’énergie dans l’Hôtel Bleu que j’aurai dû me reposer. Je n’étais plus seule à présent, je vivais pour deux et je me devais de faire bien plus attention à moi que je ne l’avais jamais fait. Arrivés à l’auberge, ils avaient fini par me demander de m’allonger dans le petit salon, la moitié du corps sur un fauteuil, les jambes et les pieds sur l’autre. C’était très étrange, comme si je leur semblais si faible tout à coup. Vaiana en avait profité pour bourder aux autres à propos de ma grossesse mais je ne lui en voulais pas. Elle avait eu peur et avec ce que je lui avais fait subir, j’étais loin de pouvoir me permettre de lui dire quoi que ce soit. Passé le moment de surprise, Lyra et Pantalaimon étaient parti faire “quelque chose” en dehors de l’auberge, Malcolm était parti récupérer ses affaires au Jordan College et nous nous étions retrouvés tous les trois dans le petit salon, Hyperion lisant les livres que le rouquin lui avait donné, moi tentant d’apprendre les échecs à Vaiana. J’avais expliqué les règles pendant plusieurs minutes avec patience, la tête tournée dans sa direction tandis qu’elle observait l’échiquier avec un air concentré :

— C'est bon ? T'as tout compris ou t'as des questions ?
— Ouais, ça devrait le faire... Le but c'est de faire avancer les petits bonhommes sur les cases noires, c'est ça ?
— Ou...

Je m’étais stoppée brusquement. J'avais voulu valider ses propos machinalement car généralement les personnes qui redemandaient une confirmation avait déjà bien compris les règles mais je venais de me rendre compte que ce n’était pas du tout le cas de mon amie. Un peu perplexe, j’avais baissé les yeux sur son coq, attaché par la patte à une chaise et qui tentait vainement de se jeter dans le feu, constamment retenu au dernier moment par ses liens.

— Ben... euh... non ! ça dépend d'où sont tes pions ! T'as deux fous qui avancent en diagonale un que sur les blancs, l'autre que sur les noirs, le cavalier va sur une blanche s'il est en noir et en noir s'il est en blanc voire en blanc s'il est en blanc et en noir s'il est en noir parce qu'il se déplace en "L"... tu comprends où je les refais tous ? Tu devrais donner moins de mou à Hei Hei, il va finir par se cramer je crois...

Elle avait semblé de plus en plus perdue à mesure que je parlais. Au bout d’un moment, elle s’était penchée en avant pour raccourcir la corde de Hei Hei d’un nœud.

— Vas-y on se lance. Je vais apprendre sur le tas. C'est toujours comme ça que je fais.
— Ok ! T'as les blancs donc tu commences ! Dis-moi ce que tu fais je vois pas bien le plateau...

Elle prit un instant de réflexion avant de préciser :

— Je vais prendre le cheval et le mettre... Là.

Je m’étais un peu redressée sur mes fauteuils pour voir où se situait le “là”. Bon ben on en ferait sans doute pas une championne d’échec dans la mesure où elle avait posé son cheval en plein milieu du plateau de jeu. C’était officiel... elle n’avait rien compris. J'avais ouvert la bouche pour la corriger, me rappelant brusquement que j’allais sans doute plus me fatiguée à tenter de lui faire entrer les règles en tête qu’en jouant à sa façon et comme à la base j’étais coincée là à cause du repos...

— Tu sais quoi ? Commence par un pion plutôt remballe ton cheval et fait avancer un pion, les petits trucs devant, n'importe ... non okay rien, bouge pas ton cheval, il est très bien ! Avance-moi le 4e pion en partant de la gauche de deux cases.

Elle s’était appliquée à bien déplacer mon pion, comptant les cases avec le doigt :

— Le pion est moins cool.

Elle marmonna ensuite :

— Et du coup je peux avancer le cheval maintenant ?

Elle m’observa, les yeux pleins d’Espoir.

— Oui tu peux avancer ton cheval si tu veux ! Essaye en "L" juste donc soit 3 cases sur les côtés puis 2 en avant ou en arrière soit deux cases sur les côtés puis 3 en avant ou en arrière.
— Hein ?!


Il était évident que je venais de lui parler en chinois. Elle tourna la tête vers Anatole, abasourdie :

— Vous avez compris un truc à ce qu'elle a dit, vous ?

Pour toute réponse, il leva les yeux de son livre un instant avant de les ramener à sa lecture. Un sourire amusé sur les lèvres, j’avais levé les yeux vers le plafond, mes bras derrière ma tête allongée :

— ça jouait pas aux échecs à Titania ?

Sans lever les yeux, il précisa :

— On avait d'autres occupations.

Après un petit silence, il ajouta avec un sourire :

— La jarre sans fond. Je vous montrerai un jour.

J’avais eu un gloussement amusé :

— Aaah ben ça... rien que le titre, ça annonce du lourd, je veux carrément jouer !
— C'est un peu comme le jeu du glouglou ? Quand on boit un shot dès que quelqu'un dit un mot en particulier ? Sauf que là on boit carrément une jarre ?


Elle avait l’air drôlement intéressée. Peut-être un peu trop ? Ce qui me donnait alors une idée :

— En vrai ça serait dément... enfin s'ils ressentaient l'effet de l'alcool... Je suis partie pour 9 mois d'abstinence, je m'en rends juste compte... tu me suis Vava ?

Je m’étais tournée vers elle avec un sourire taquin.

— C'est sûrement une Jarre spéciale titan.

Elle avait réfléchi à la suite de ma proposition avec des yeux ronds. Après un instant de réflexion, elle avait acquiescé :

— Euh... Ok. Ça peut pas me faire de mal de toutes façons.

Avant que je puisse lui répondre, Madame Polstead avait coupé court à toute conversation en arrivant vers nous, Kerin trottinant mollement sur ses talons, apparemment pas hyper ravi d’avoir dû se déplacer hors de la cuisine.

— Alexis, j'aurais besoin de ton aide en cuisine. Tu peux venir ?
— Elle va pas bien. Je peux y aller à sa place.
— Non. J'ai besoin d'Alexis.


J’avais tourné la tête vers Vaiana, l’air un peu inquiète. Le ton de Madame Polstead avait été si sec qu’elle m’avait effrayé d’un coup. Est-ce qu’elle m’en voulait de quelque chose ? Ou à Vaiana peut-être ? J'avais dégluti en me levant d’un bond pour éviter qu’elle s’énerve. Anatole n’avait pas relevé son nez de son livre mais mon amie semblait me faire un signe de tête encourageant.

— Euh, oui, bien sûr...
— Vous voulez qu'elle vous aide à faire quoi ?
— Éplucher les patates.


Elle s’était remis à marcher en direction de la cuisine avant que Vaiana argumente et elle s’était contentée d’un petit sourire encourageant. Déglutissant, j’avais suivi la mère de Malcolm dans les escaliers en tentant de détendre l’atmosphère :

— Je suis désolée, c'est vrai qu'on vous a pas beaucoup aidé depuis notre arrivée alors que vous faîtes tout pour nous héberger... Mais je sais super bien éplucher les patates, vous allez voir, elles vont être canon !

Une tornade. C'était tout ce que j’avais récupéré Aucun des deux ne m’avait répondu, augmentant encore plus la tension qui nous animait déjà. Arrivée dans la cuisine, je m’étais rendue compte que les patates étaient visiblement déjà épluchées... et mise en purée, dans une assiette remplie à ras bord qui semblait m’attendre avec une fourchette, un couteau et deux grosses tranches de pain de campagne.

— Assis toi.

Le ton avait été tellement autoritaire que je n’avais pas cherché à commenter. Je m’étais assise devant l’assiette en l’observant d’un air sceptique :

— C'est du Parmentier de canard. Un plat français. C'est bon pour ce que t'as.
— Euh... merci... mais j’ai pas très très faim actuellement... Pourquoi je suis la seule à manger ?


J’avais tourné la tête en direction de la porte pour observer les alentours mais rien ne me laissait présager que les autres allaient bientôt manger aussi. Mon regard avait alors croisé Kerin qui était retourné dans son panier mais m’observait fixement :

— Tu comptes me surveiller pendant tout le repas ?
— Dans ton état, tu dois manger, me précisa-t-il d'un ton catégorique.


En guise d’approbation, Madame Polstead sorti un gros morceau de fromage puant, moitié coulant, moitié pâte dure avec plein de pourriture sur le dessus. Ma hantise. Tout ce que je détestais. La pourriture et les fromages qui puaient. J’avais eu un haut-le-cœur que je tentais de retenir tandis que la femme s’asseyait à côté de moi :

— Mange !
— Promis je vais manger mais... vous pouvez le reculer de là, s’il vous plaît ? L’odeur m’insupporte vraiment... beaucoup.


Je n’avais pas pu retenir mon second haut-le-cœur et je m’étais sentie rougir instantanément. J’avais alors plongé ma fourchette rapidement dans le parmentier de canard, un plat français du sud-ouest que j’adorais par bonheur, pour au moins lui faire un peu plaisir. J'avais marmonné en direction de Kerin, parce qu’il me semblait plus simple de m’engueuler avec un blaireau qu’avec la mère de Malcolm :

— Je suis pas malade non plus hein, je suis enceinte. Jusqu’à maintenant je m’en suis très bien sortie...

Ou presque mais ça, ils avaient peut-être pas besoin de le savoir. Pourtant, ils avaient l’air de le savoir déjà, rien qu’au pouffement sarcastique qu’avait émis Kerin avait de se retourner dans le panier, me tournant le dos et mettant fin par la même occasion à la conversation. De son côté, Madame Polstead avait déplacé le fromage à l’autre bout de la table, sans pour autant se lever, me précisant :

— Quand j'attendais Malcolm, je ne pouvais pas manger de poisson. Toi, c'est le fromage. Plus vite tu sauras ce que tu ne supportes pas, et mieux tu pourras prendre du poids pour ton bébé. Faut que tu manges. T'es un clou.

Elle l’avait dit sans méchanceté mais je sentais qu’elle faisait partie de ce genre de femme qui devait imaginer qu’on devait forcément prendre 40 kilos pour être une bonne “porteuse”. Pour ne pas la vexer, j’avais pris une nouvelle bouchée puis une seconde, me gavant tellement que je devais sans doute ressembler à un hamster avec les joues pleines. Je pris le temps d’avaler avant de reprendre la parole :

— Merci de ce que vous faîtes. Mais y’a vraiment pas à s’inquiéter... ça va aller... Je m’attendais pas à ça, c’est tout mais... je vais tout faire pour que ça se passe bien et... qu’il vienne au monde le mieux possible.

J’avais repris une bouchée d’hachis, toujours aussi persuadée que je ne finirai pas mon assiette avant de préciser après un instant d’hésitation :

— Comment... comment vous avez su ce qu’il fallait faire ? Pour Malcolm je veux dire ?
— Ce genre de choses, on le sent.
Elle avait le ton assuré. Mais c'est pas facile tous les jours. Faut te faire confiance. Ton corps sait ce qu'il fait.

Elle me lança un regard appuyé en direction de l’assiette devant moi, me précisant une nouvelle fois par le silence que je devais manger. Je m’exécutais une nouvelle fois en espérant que quelqu’un finirait par descendre pour me sauver. Brusquement, elle se leva pour se diriger vers un buffet rustique. Elle ouvrit un tiroir et en sorti un petit sac en tissu bleu quelque peu délavé. Revenant s’asseoir à côté de moi, elle posa le sac devant mon assiette en me précisant :

— C'est pour ton bébé.

Dedans, j’y trouvais de [url=https://i.etsystatic.com/15028454/r/il/9ebf4e/1550401566/il— 1588xN.1550401566— py4h.jpg]petits chaussons en laine[/url] qui semblaient être tricoté main. Si j’avais eu un air curieux et impressionné en fouillant dans le sac, ma main s’était mise à trembler légèrement avec une certaine émotion en voyant les deux bouts de laines. Ils étaient adorables, et si petit... ça me semblait si dingue d’imaginer que les pieds de mon bébé puissent un jour se poser dedans.

— Je les ai tricotés pendant que j'attendais Malcolm, expliqua-t-elle d'une voix plus douce. Je les ai gardés tout ce temps mais... autant que ça serve à quelqu'un.

J’avais dégluti sous le coup de l’émotion, touché par le geste qu’elle venait de faire pour moi. On était en train de lui retirer son fils et ce souvenir de ce qu’il avait été, elle me le donnait. J’avais tant de question à lui poser, savoir comment elle allait vivre l’absence de son fils, comment on se remettait de leur maturité, de leur expansion. Mais j’avais peur de lui faire du mal en le demandant et je n’étais pas sûre que c’était le bon moment pour moi de m’inquiéter de tout ça. Humidifiant mes lèvres, je m’étais contenté de poser une main douce sur son avant-bras :

— Merci.

J'avais hésité avant de préciser :

— On prendra bien soin de lui, je vous le promets.

Elle s’était contentée de soupirer sans réagir, précisant juste avec une grimace :

— Arrangez-vous surtout pour qu'il rase son horrible barbe.

J’avais éclaté de rire en hochant la tête :

— Pas de soucis, comptez sur moi.

Elle avait tapoté ma main sur son bras un peu brusquement, de façon malhabile. Elle finit par ouvrir la bouche et je l’avais observé droit dans les yeux. Elle semblait nerveuse, les yeux teintés d’une certaine tristesse, elle semblait vouloir me dire quelque chose sur Malcolm mais s’était finalement ravisé d’un air gêné :

— Allez, finis ton assiette. Y a du pudding après.

Je l’avais observé avec des yeux ronds. Oh punaise du pudding... elle comptait me faire exploser en fait... Elle avait ressuyé nerveusement ses mains sur son tablier bien qu’elles n’étaient pas sales et s’était ensuite dirigée vers l’évier pour continuer à éplucher des pommes de terre. De mon côté, j’avais observé mon hachis d’un œil triste en soupirant avant de reprendre une bouchée. Il s’était passé plus de dix minutes sans que personne ne me vienne en aide. J’étais vraiment décidée à finir ce truc, absolument délicieux, ce que je ne manquais pas de lui préciser, oubliant le fait que je n’avais pas faim. Mais au bout d’un moment, Brenda posa brusquement son couteau et la pomme de terre qu’elle avait en main. Une fois de plus, elle s’essuya les mains en se dirigeant vers le buffet :

— Je vais emballer le pudding pour votre voyage.

Elle se mit à emballer le gâteau dans plusieurs torchons, puis le fromage qui pue à mon grand regret. Elle récupéra 3 saucissons qu’elle déposa dans le même panier avant de finalement prendre un cageot pour y rajouter des carottes, des navets, des oignons.

— Je veux être sûre que vous aurez tout ce qu'il faut, là-bas.

Elle l’avait précisé avec un ton tellement tendu que je me rendais compte qu’elle commençait à sérieusement paniquer à l’idée de voir son fils partir, voyant les minutes s’égrainer. Ses mains tremblaient tellement que j’avais décidé de me lever pour me diriger vers elle afin de l’aider dans sa démarche plutôt que de la contrer.

— Vous savez, tout va bien se passer. On a tout ce qu’il faut dans notre monde, je vous le promets. On a les carottes, les pommes de terre et même des tomates. Et du fromage comme ça on doit en avoir aussi d’ailleurs. On ne vit pas tout à fait comme vous, mais nous vivons dans un endroit riche, nous recevons de la nourriture à foison, nos habitations sont confortables. Nous sommes chanceux comparés à d’autres mais au moins Malcolm ne manquera de rien. Promis. Et je fais pas de promesses en l’air.

J’avais hésité un instant en l’aidant à terminer son paquetage. Depuis que j’avais appris que j’étais enceinte, une idée germait dans ma tête, une idée de changement mais j’ignorais encore si j’avais le courage ou l’envie de le faire entièrement. Pourtant, je m’entendis lui dire :

— Vous savez... j’ai deux appartements à moi là où je vis... Je comptais en proposer un à Lyra et un à Malcolm. Ils ne seront pas les premiers à venir d’un autre monde, ils seront bien accueillis, aussi bien que vous avez eu la gentillesse de nous accueillir et je compte bien les aider comme vous nous avez aidé.

Je lui avais souri gentiment. Après encore quelques minutes, nous avions fini par tous nous rassembler, prêts au départ. Il n’avait pas été des plus simples et j’avais préféré rester discrète, dans mon coin, attendant patiemment la fin des adieux déchirants, mon petit sac bleu contenant les chaussons dans la main.

Anatole nous avait alors ramené vers le Nord. Le froid était beaucoup plus mordant que la fois d’avant, pas uniquement parce que j’appris l’habitude de la chaleur mais aussi parce que je remarquais qu’il ne nous avait pas renvoyé au même endroit. Nous n’étions plus dans la plaine mais en haut de la plus haute montagne, celle que Lyra nous avait montré il y avait plus de vingt jours. C’était le point le plus à même de nous ramener vers Storybrooke. J'avais levé les yeux vers le ciel pour observer la ville apparaître petit à petit dans le coucher du soleil. Nous y étions presque. Le Rayon Vert allait apparaître. J’étais impatiente et curieuse de voir ce que cela allait faire. Je ne le connaissais qu’à travers le livre de Jules Verne mais Malcolm nous avait expliqué en revenant de son “expédition” avec Anatole que seul le Rayon Vert pouvait nous permettre de repartir. J’avais observé les autres, nous étions tous alignés, attendant l’heure fatidique, la seconde décisive. Le Crépuscule nous tendait les bras. J'avais senti le regard du Titan posé sur moi et j’avais tourné la tête vers lui. Il m’observa un instant en hésitant avant de préciser sans détacher son regard de moi :

— Tu as raison. Il ne faut pas rester dans l’ignorance. Il y a toujours un Espoir de pouvoir changer les choses.

Je l’avais observée, surprise mais attentive. J’avais manqué de sursauter en sentant sa main se poser dans la mienne. J’avais baissé les yeux vers celle-ci et après un instant d’hésitation, j’avais resserré ma main dans la sienne avant de relever la tête vers lui.

— Je t’aime Alexis. Je t’aime comme une amie. Une très chère amie. Et Elliot aussi, il t’aime. Ce que tu as entendu sur le futur n’est pas la réalité. Ce n’est pas ancré dans le Temps. La seule chose qui ne peut être évitée est un point fixe. Un élément déclencheur qui se répercute à travers le Temps, à toutes les Epoques. Mais même si certains de ces points peuvent nous sembler insurmontables dans le présent, il faut le Temps de les comprendre, de les apprivoiser. L’un d’eux est un message d’Espoir à mes yeux et il te concerne. Quand il se produira, il ne faudra pas en être effrayée car ce jour-là, Elliot enverra à travers le Temps et jusqu’à nous aujourd’hui le plus beau message d’Espoir de l’univers. Il n’en aura juste pas conscience sur le moment. Ce jour-là, il fera naître une faiblesse dans le cœur de son alter-égo. Une faiblesse qui lui rappellera à tout moment qu’il a un jour goûté à la plus puissante de toutes les forces et qu’il n’y a qu’elle qui compte, uniquement elle.

Il avait laissé un instant de silence qui m’avait permis de tenter d’atterrir de tout ce qu’il venait de me dire. C’est comme s’il venait d’enchaîner les uppercuts, la douleur en moins. Juste le choc. Le choc de le voir soudain si sincère et si cru. Il ne m’avait jamais dit qu’il m’aimait, pas comme ça, avec cette franchise désarmante. Il me l’avait montré bien sûr, quand il avait tenté de me protéger, avec mon bébé et pas plus tard que quelques heures auparavant dans la plaine mais jamais jusqu’alors il ne me l’avait dit. Il avait parlé au nom d’Elliot et même si je connaissais aussi son amour, le fait de l’entendre, de la voix de quelqu’un d’autre, avec qui le courant ne passait pas très bien de surcroît, me laissait un peu gauche. Est-ce que moi aussi je devais lui dire “Je t’aime” ? Je le pensais bien sûr, mais j’avais pas l’impression de pouvoir l’exprimer avec autant de force à cet instant précis, peut-être parce que j’étais gênée, et pas prête... et aussi parce que j’avais juste l’impression de lui rendre une politesse et que de tels mots devaient avoir un sens, un impact, comme celui qu’il me donnait là. Il avait continué d’ailleurs, sans attendre une quelconque réponse. Et même si ses phrases avaient un ordre et sans aucun doute un sens pour lui, elles avaient du mal à en avoir un pour moi. J'avais compris que je ne devais pas prendre pour argent comptant ce qu’on m’avait dit du futur. Il avait tenté de m’expliquer ce qu’était un point fixe en très peu de mots... et ce message d’Espoir qui me concernait. J’avais haussé un sourcil, inclinant un peu la tête pour tenter de comprendre où il venait en venir. Elliot devait m’envoyer quelque chose... qui créerait une faiblesse en Chronos... c’était ce que j’avais bien compris ? Est-ce que ça avait avoir avec l’amour dont il parlait au début ? C’était quoi au juste ? Une arme ? Il ne fallait pas avoir peur. C’est tout ce que j’avais compris. Ne pas avoir peur. Avoir confiance. En lui qui me le disait aujourd’hui... et en Elliot que me l’enverrait. J’avais dégluti tandis qu’Anatole reprenait la parole :

— Ce don que tu as en toi émane de Lui. La Foudre, la Rage, la Colère... la Guerre. Tu seras l’un d’entre eux, c’est inéluctable. Mais tu seras différente d’eux car toi tu seras notre Espoir à tous.

Mon cœur s’était brusquement mit à battre à tout rompre tandis que les mots s’ancraient en moi comme une brûlure au fer rouge. C’était pas fini. Rien n’était fini. Ce n’était qu’un nouveau commencement. Un chemin différent. Plus une déesse magique mais pas “libre” pour autant. L’un d’entre eux... je ne connaissais qu’un autre type d’”eux” qui émanait de Chronos... et d’Elliot. Jaimie. Wilson. Un Cavalier. Je devais devenir un Cavalier.

La nouvelle fit naître en moi une boule si douloureuse au fond de ma gorge que je ne savais pas quoi répondre, j’avais juste l’impression de suffoquer. J’étais pas libre. Rien n’était fini. Tout recommençait. J’avais papillonné des yeux, détournant le regard pour me remettre de la nouvelle, le bleu de mes yeux croisant le ciel flamboyant et le soleil qui descendait vertigineusement à l’horizon. J’étais pas libre. Je deviendrais un Cavalier. C’était inéluctable. Mais je ne devais pas avoir peur. Non... je n’aurai pas peur. Anatole m’aimait. Elliot m’aimait. J’étais l’Espoir.

A l’instant où cette dernière pensée s’était ancrée en moi, je l’avais alors aperçu, le Rayon Vert. Il croisa mon regard et en un instant je me senti transportée au loin.

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________________________________________ 2021-03-01, 17:46 « Maîïîtreuuuh !!! »


« La frontière du rêve et de la réalité
où j’aime à vagabonder. »
▼▲▼

Plongé dans la passionnante lecture de "Une Approche du Champ de Rusakov", j'en avais oublié les filles. Ca faisait déjà un petit bout de temps que j'essayais de comprendre de quoi traitait ce livre que m'avait confié Malcolm. J'espérais en apprendre plus sur ce monde et sur la Poussière. Mais il semblerait que même les habitants de ce lieu, ignoraient beaucoup de choses sur tout ça. Ca ne me surprenait pas, quand on savait que cet univers était l'oeuvre d'un petit garçon qui venait de chez nous. Est-ce que la Poussière et le Sable Noir étaient similaires ? Et si oui, jusqu'à quel point ?

A en croire ce qui est noté dans l'ouvrage, le champ de gravitation est lié à la force de gravité. Tout comme le champs magnétique, qui est lié à cette même force. Quant à la Poussière, elle est liée au champ de Rusakov. A côté d'une partie du texte, il y avait une annotation au stylo, provenant très certainement de Malcolm. Il y était indiqué : "Principe d'Incertitude".

Je fermais le livre d'un geste brusque, avant de lever les yeux. Face à moi, à la table, se tenait Vaiana, seule. Elle m'observait. Depuis combien de temps était-elle dans cette position ?

« Vous avez l'air de souffrir. C'est si nul que ça ? » me demanda t'elle en désignant le livre du bout du menton.

Je regardais autour pour voir où se trouvait Alexis.

« Vous cherchez quoi ? »

« Alexis. » lui répondis-je comme si ça semblait évident.

« Mrs. Polstead l'a emportée y'a même pas une minute. Vous avez rien vu ? »

J'avais tourné la tête dans la direction de la porte menant aux cuisines. Alexis était partie avec Mrs. Polstead ? Du coup on était tous les deux tout seul, ici ? Je ramenais mon regard sur Vaiana. Pendant quelques instants, je m'étais demandé si j'avais envie de poursuivre son jeu avec elle, ou si il y avait autre chose de bien plus intéressant à faire. J'avais besoin de me vider l'esprit. D'oublier ce que je venais de lire et tenter de comprendre. C'était quelque chose de bien trop illogique pour être compris. Posant le livre sur la table juste à côté de moi, je fixais une nouvelle fois la magnifique vahiné.

« Tu veux venir avec moi ? » lui demandais-je.

« Où ça ? » répondit t'elle d'un air dubitatif.

« J'ai besoin d'évacuer. Pas toi ? »

Je marquais une pause, avant de prendre une grande inspiration. J'avais réellement besoin d'évacuer.

« Promet moi que tu seras une fille sage. »

« Evacuer quoi ? » demanda t'elle en me lançant un regard anxieux et indécis.

Pourquoi elle semblait flippé ? Elle pouvait me faire confiance, n'est ce pas ? Je nous avais téléporté tous les deux dans un tout nouveau lieu. Il s'agissait d'une sacristie d'un genre très luxurieux. Un homme se tenait face à nous, de dos.

« Wow je vous ai jamais dit que j'étais ok ! » laissa échapper Vaiana.

L'homme, qu'on avait déjà rencontré par le passé et qui portait le nom de Sullivan, pivota dans notre direction. Je lu de la surprise dans son regard. Il plissa les yeux en attendant sans doute qu'on parle les premiers. Pour ma part, j'avais le visage tourné vers Vaiana.

« Si tu veux, je peux te faire rentrer à la maison. C'est toi qui vois. Je pensais que tu serais contente de pouvoir saluer une vieille connaissance avec moi. »

« Y'avait quoi dans votre bouquin pour que vous pensiez que c'est notre pote ? » répliqua t'elle ébahie.

« Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne manquez pas de culot. » nous coupa Sullivan d'un ton sirupeux.

Je tournais la tête dans sa direction, en lui adressant un grand sourire.

« J'étais venu une nouvelle fois m'excuser de ne pas avoir accepté votre invitation, dans le Zeppelin. C'était cela dit un peu exagéré de vouloir nous tuer pour si peu. » précisais-je. « A moins bien sûr que c'était involontaire de votre part. »

Il ne répondit pas, se contentant de me fixer d'un oeil perçant. Sullivan était vêtu d'une aube et d'un chasuble. Sans doute qu'il s'apprêtait à célébrer une messe.

« Je constate que vous avez quitté les ordres. » déclara t'il avec un rictus sarcastique.

« C'est exact. Cela dit, ça ne m'empêche pas d'entendre une dernière confession. » lui répondis-je avant de regarder autour de moi.

Je pris une chaise que j'approchais de lui, avant d'en prendre une pour Vaiana, puis pour moi. Je fus le premier à prendre place, avant d'indiquer d'un geste de la main, la chaise en face de moi pour Sullivan. Ce dernier ne bougea pas. Quant à Vava, elle fit de même. Elle resta près de moi, en croisant les bras et en toisant Sullivan.

« Je suppose que vous êtes conscient que vous vivez vos derniers instants de liberté. » dit-il très calmement. « Dès que l'on va s'apercevoir que je suis en retard pour célébrer mon office, on va venir s'assurer de ma sécurité. »

« On a croisé un ours. » lui répondis-je. « Un ours en armure. Et aussi une sorcière. Plusieurs même. »

Je me stoppais dans la discussion, afin de tourner la tête vers Vaiana. Elle était toujours à côté de moi.

« Ils ont quelque chose à part les ours d'ici, tu ne trouves pas ? J'ai adoré cette rencontre, même si j'aurais préféré une autre monture que celle que j'avais. Il était un peu susceptible. »

J'adressais une nouvelle vois toute mon attention à notre très chers évêque. Je ne voulais pas l'ignorer trop longtemps. Ca ne se faisait pas.

« On a croisé un ange aussi. Un mauvais ange. Ca vous dit peut-être quelque chose ? Vous avez déjà eu la chance d'en croiser un, vous un homme d'Eglise ? »

« Vous serez puni pour tous vos blasphèmes ! » répondit Sullivan d'un ton acide. « Vous avez embrassé le Malin. Je l'ai perçu dès l'instant où je vous ai vus. »

Laissant Sullivan à ses élucubrations, je tournais la tête vers ma partenaire de blasphème.

« Tu as embrassé quelqu'un, toi ? »

« Pas cette fois, non. » répondit Vaiana avec une moue. « C'est dommage d'ailleurs. »

Elle eu une expression pensive.

« SILENCE ! » s'écria Sullivan.

Il posa ses yeux sur moi.

« Pourrais-je connaître la raison de votre venue ? C'est la moindre des choses de savoir ce qui anime les brebis égarées. » dit-il d'un ton méprisant.

Je m'étais brusquement levé, faisant bouger ma chaise vers l'arrière d'un geste rapide du pied. J'étais désormais face à l'évêque et je fixais droit dans les yeux. Vaiana sursauta.

« On est venu pour vous mettre en garde. » lui dis-je le plus calmement possible. « Vous mettre en garde contre toutes les personnes sans Daemon que vous pourriez être amené à rencontrer dans le futur. Des gens comme ma jeune amie et moi. »

Je posais un index contre son chasuble.

« Désormais, si vous rencontrez une personne de ce genre, au lieu d'envoyer vos hommes pour les tuer, vous ferez tout ce qui sera dans votre pouvoir pour les protéger. Et vous leur obéirez sans poser la moindre question. »

A ce moment là, la porte derrière Sullivan, s'ouvrit. Quatre hommes non-religieux entrèrent. Ils étaient tous habillés en noir, comme ceux qui nous avaient attaqués dans le train. Sans doute le CDC dont parlaient Malcolm et Lyra.

Sans perdre de temps, ils se positionnèrent près de la porte et l'un d'entre eux s'approcha de l'évêque, et par conséquent de Vaiana et de moi. Sullivan haussa un sourcil dans ma direction comme pour signifier qu'il avait raison. Ses hommes étaient bel et bien venu le défendre.

« Je n'ai aucun ordre à recevoir de vous, mettez-vous bien ça en tête. » me dit-il en repoussant mon doigt. « En revanche, je serais curieux de savoir ce que vous avez fait dans le Nord. Oh ne jugez pas utile de l'exprimer à haute voix. Je finirai bien par le découvrir. »

Pendant un petit instant, je ne lui répondis pas. Me contentant de le fixer. Puis, je me mis à lui sourire, avant de reprendre mon sérieux.

« Vaiana ? Tu peux lui dire avec tes mots ce qu'il n'a pas compris quand je me suis adressé à lui ? »

Les gens autour de Sullivan se retrouvèrent sans comprendre comment, incapable de bouger ou de prononcer la moindre parole. Leurs Daemons étaient aussi bloqués que lui, tandis que Sullivan devait sentir à cet instant précis, une aura pesante sur ses épaules.

« Si t'es pas gentil, tu vas pas passer un bon moment. » lui expliqua Vaiana en appuyant son coude sur mon épaule.

« Sor... sorcellerie... » articula l'évêque en me fixant avec crainte et animosité.

« Non : Titan. » rétorqua Vaiana en me désignant.

Je lui adressais un sourire, avant de regarder une nouvelle fois Sullivan.

« Je le redis. Croisez quelqu'un sans Daemon. Agressez le. Et je réduirais en cendres votre Magisterium. C'est un peu plus clair ou faut-il vous illustrer mes propos ? » demandais-je en désignant ses hommes qui n'arrivaient toujours pas à bouger. « Ou alors, peut-être devrais envoyer le message directement en Magisterium en vous prenant comme exemple ? Vous pensez être capable de faire passer le mot, ou je le fais moi même ? »

« Je... le ferai. » articula Sullivan.

Il me fusilla du regard avant de poursuivre d'une voix doucement étudiée.

« Libérez mes hommes. Ils ne font que servir le Magisterium. »

Puis, il marqua une pause. Toujours en me fixant.

« Qu'est-ce que vous êtes ? » demanda t'il.

Je le fixais droit dans les yeux à mon tour, en plissant légèrement les yeux. Puis, au bout d'un temps, je lui adressais un petit sourire.

« Un ami. » dis-je. « Et tant que vous vous conduirez comme un ami, vous n'aurez pas besoin d'en savoir plus. Maintenant priez. »

Avant qu'il puisse ajouter quoi que ce soit. Je posais mon index contre ses lèvres légèrement humides.

« Priez pour que ce soit la toute dernière fois que je me sente forcé de venir vous rendre visite. »

Je lui adressais un clin d'oeil avant de les libérer tous et de disparaître aux côtés de Vaiana. On était désormais dans l'une des chambres de l'auberge Polstead.

« Nom d'une biquette que c'était amusant, n'est ce pas ? » lui dis-je. « J'ai toujours eu envie de voir ce que ça faisait de se la jouer grand Caïd. Ou petit Caïd. Caïd tout court ? Le simple terme Caïd suffit à lui même, n'est ce pas ? Quant à toi, tu as été exceptionnelle ! Ton 'Titan', c'était... »

« Vous avez besoin d'attention. » dit-elle en me coupant et en me jugeant du regard. « Vous êtes un grand malade. » conclut'elle. « Bon ok, c'était plutôt cool. Mais à mon avis, ça suffira pas pour les calmer les p'tits rigolos du Magisterium. »

J'adressais un petit regard à Vaiana et en profitais pour lui sourire.

« Mais j'espère bien. » conclus-je à mon tour.

***

Je soupirais d'aise. On était désormais devant l'Aurore. Le soleil était sur le point de se coucher. J'adressais un regard à Malcolm, qui avait pris la décision de se joindre à nous. Quant à Asta, elle était dans ses bras, prête au voyage. Ils étaient tous les deux très courageux d'entreprendre ce genre de périple à nos côtés. Mon regard se porta cette fois ci sur Pantalaimon. Je m'approchais de lui et je m'accroupis quelques instants face à lui.

« Une nouvelle route se trace pour toi, mon chers ami. J'espère que tu trouveras les réponses à tes questions en venant avec nous. Et que tu retrouveras ce que tu as perdu. » ajoutais-je en jetant un coup d'oeil en direction de Lyra.

Puis, je penchais la tête respectueusement à l'intention de Pantalaimon, avant de me relever. Une fois entre Vaiana et Alexis, j'attendis le moment propice pour tenter de nous téléporter. C'était pile au moment du Rayon Vert, à en croire notre Ange à nous.

Tournant la tête vers Alexis, je me remémorais ce qu'on avait vécu ici. Ce qu'on avait vécu depuis qu'on s'était rencontré. Et ce qu'on allait encore vivre.

« Tu as raison... » débutais-je.

Le futur n'était pas quelque chose d'écrit. Il pouvait changer. Certains moments clefs de l'histoire devaient rester les même pour conserver un équilibre, mais d'autres, pouvaient se dérouler différemment. Et même si certains d'entre eux, inéluctables, pouvaient se montrer effrayant et insurmontable, dans l'immédiat, il fallait prendre le temps de les comprendre, de les apprivoiser. Et surtout, ne jamais oublier que demain est toujours le signe d'un nouvel Espoir.

***

« Tu devrais venir vivre à la maison. » dis-je à Vaiana une fois de retour à Storybrooke.

On avait passé le Rayon Vert. On avait passé l'Aurore. On était rentré chez nous. Malcolm se tenait le ventre à quelque pas. Il n'avait pas supporté la téléportation. Quant à Lyra, Pantalaimon et Asta, ils se remettaient de leurs émotions. La ville s'étendait au loin. On était dans les hauteurs de la forêt. D'ici, ils ne pouvaient pas encore voir à quoi ressemblait notre monde, mais il allaient bientôt finir par le découvrir et j'espérais que le voyage leur plairait. Tournant la tête vers Vaiana, je lui avais posé la question.

Cette dernière tourna la tête dans ma direction d'un air surpris.

« Merci, mais... j'ai déjà un chez-moi. Par contre, y'a d'autres SDF dans le coin si vous cherchez de la compagnie. » ajouta t'elle en désignant Lyra et Malcolm un peu plus loin.

Je jetais un coup d'oeil en direction du groupe, puis, je reportais mon attention sur Vaiana.

« Tu veux mettre des personnes saines d'esprit avec un malade ? » lui demandais-je avec un sourire amusé. « Je me disais plutôt que tu pourrais nous rejoindre afin de... hum... tu as l'air d'avoir besoin de compagnie, toi aussi. » dis-je en baissant mon regard en direction de HeiHei qu'elle portait tout contre elle.

« Je vois pas de quoi vous voulez parler. » dit-elle sur la défensive en grattant la crête de HeiHei. « Je suis bien quand je suis toute seule. Et puis, c'est plus prudent pour tout le monde. »

Elle hocha la tête plusieurs fois, avant de plisser les yeux dans ma direction. Elle me donna un petit coup de poing indolore dans le bras. Je lui adressais un sourire en guise de réponse. C'était une nouvelle façon de s'adresser à moi ?

« Je sais que vous me proposez ça parce que je vous manque déjà, mais faut vous faire à la séparation. » dit-elle avec un sourire goguenard.

Je hochais la tête, me résignant à ne pas insister.

« Je suis là quoi qu'il en soit. Ne l'oublie pas. » lui dis-je en la fixant droit dans les yeux. « Bon, allons nous occuper de nos nouveaux amis. »

J'hésitais à passer un bras autour de Vaiana pour marcher avec elle et lui montrer à mon tour un signe d'affection, mais j'avais la sensation que ça ne le ferait pas. Du coup, je me contentais de partir le premier en direction de Malcolm, Lyra, Asta, Pantalaimon et Alexis. Ils avaient sans doute tous récupéré du voyage.

« Malcolm ? Vous avez... » coupais-je sans m'en rendre compte Alexis.

« ...vous aurez chacun votre appartement comme ça. »

Hum... est-ce qu'on était sur le point de faire la même proposition ?

« Oh ! Pardon ! Tu voulais ? Ah ben oui, c'est peut-être mieux... » se coupa t'elle à son tour.

« Hum... non, pas spécialement. Je... à dire vrai, je venais de le proposer à Vaiana et je comptais le proposer à... » me stoppais-je en adressant un regard à Pantalaimon.

Ce dernier eu un regard interrogateur. Il semblait véritablement surpris. Lyra, quant à elle, elle fronça les sourcils dans ma direction. Elle semblait vexée. Je me demandais bien pourquoi... Je lui adressais un regard, me mordant légèrement les lèvres. Je n'avais pas envisagé de lui proposer de venir vivre avec. Je pensais qu'entre Pantalaimon et elle, ils avaient besoin d'un peu de distance, comme elle me l'avait si bien fait comprendre.

« Je... » ...préférais me concentrer sur Pantalaimon en lui adressant une nouvelle fois un regard. « Je pensais que tu aimerais venir vivre à la maison. J'ai un immense cottage que j'ai aménagé récemment. »

Sentant tout de même le regard insistant de Lyra, je tournais une nouvelle fois la tête dans sa direction.

« Tu y es la bienvenue, évidemment. »

Cette dernière eu l'air pincé.

« Merci, mais je vais me débrouiller. »

Quant à Pantalaimon, il regarda dans sa direction, puis vers moi, puis à nouveau vers elle. Je sentais qu'il était hésitant.

« Nous pourrions accepter le temps de trouver un endroit bien à nous. » lui dit-il.

« Lyra ? » le coupais-je. « Je te taquine. » ajoutais-je. « Ce n'est pas après tout ce que vous avez fait l'un pour l'autre, afin de vous retrouver, que vous allez vous séparer quand vous vous apprêtez à vivre une nouvelle grande aventure ensemble, n'est ce pas ? Tu es la bienvenue. Et j'insiste pour que tu sois de la partie. Qu'en dis-tu ? » lui dis-je en la regardant bien droit dans les yeux avec un petit sourire.

Lyra eu une petite moue avant de répondre.

« D'accord. »

« Je préférerais rester avec toi, Lyra. Je sais que tu n'es plus une enfant ; je pense que c'est plus prudent que nous restions soudés dans un monde inconnu, même si nous avons des amis sur qui compter. » nous coupa Malcolm.

Il adressa un regard à Alexis, Vaiana, puis il regarda dans ma direction.

« Évidemment, je ne veux pas m'imposer chez vous. » ajouta t'il. « Donc il serait plus facile d'accepter la proposition d'Alexis. »

Je hochais la tête. C'était peut-être mieux, songeais-je en jetant un coup d'oeil en direction d'Alexis. A dire vrai, en l'observant, je me rappelais que le bébé allait lui demander sans doute beaucoup de temps. Qui plus est, elle avait prévu de vivre avec le père du bébé. Hum...

« Je pense que tu as raison, Malcolm. » dis-je.

Je disais ce genre de choses un peu trop souvent ces derniers Temps...

« Il serait plus judicieux que vous restiez ensemble pour le moment. Et je suis sûr que l'air de la campagne te fera le plus grand bien. » ajoutais-je à l'intention de Malcolm, avant de regarder Alexis. « Je pense que tu as déjà pas mal de choses à gérer avec le bébé. Qui plus est, cet Erwin va venir vivre avec toi. D'ailleurs j'ai hâte de faire sa connaissance. Vous pourriez venir dîner au cottage tous les deux quand tu lui auras parlé du bébé. » ajoutais-je avec un petit sourire se voulant rassurant.

Alexis hocha la tête d'un air entendu.

« Ouais enfin, je t'ai dit que c'est pas tout de suite tout de suite à l'ordre du jour, ça hein... » précisa t'elle au sujet de Erwin. « Mais je lui parlerai de ton invitation, c'est très gentil de ta part et ce sera avec plaisir, j'ai hâte de découvrir ton cottage. » acheva t'elle avec un sourire se voulant rassurant.

« Bien ! Si tout est réglé. » dis-je en me tournant vers les nouveaux arrivants. « Je raccompagne tout le monde chez lui ? Tu veux que je te dépose chez Erwin ? » précisais-je à Alexis.

« Je n'espère pas être une gêne pour vous. Je resterai uniquement le temps nécessaire pour m'adapter à ce nouveau monde et je vous dédommagerai dès que possible. » nous coupa Malcolm.

Asta hocha la tête en me regardant. Je leur répondis par un sourire. Après tout ce temps, je n'étais toujours pas adapté à ce monde. Alors si ça se trouvait, ils resteraient avec moi pour toujours...

Après avoir ramené Alexis chez elle, et l'avoir prise dans mes bras une dernière fois, j'avais raccompagné Vaiana à son tour. Elle m'avait refait une petite tape sur l'épaule quand je lui avais demandé si elle était sûre de ne pas vouloir venir vivre avec nous. Puis, on s'était rendu aux abords du cottage.

J'avais conçu cet endroit comme le lieu idéal pour une retraite. Si on pouvait appeler cela ainsi. Mais j'avais plutôt l'impression qu'il était désormais le décors d'une toute nouvelle aventure. D'ailleurs, c'était ce jour là que débutait le premier jour du reste de ma vie...

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Vaiana de Motunui
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »

Vaiana de Motunui

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Rage is a quiet thing
Ooh, you think that you've tamed it
But it's just lying in wait
Rage, is it in our veins?


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________________________________________ 2021-03-03, 16:27


Homecoming
I want to touch the northern lights. We could leave the world behind...
▼۞▼

Nous avions réussi. Nous avions fini par rentrer. A aucun moment je n’avais douté de nos capacités, même si au final je n’avais pas fait grand-chose. D’ailleurs, je n’avais pas exactement compris comment nous étions revenus à Storybrooke. Une histoire de rayon vert et de coucher de soleil... L’important, c’était que nous étions de retour.

Avant de quitter Alexis, je voulus lui dire que j’étais là pour le bébé et tout le reste, mais les mots restèrent bloqués au fond de ma gorge. Que pouvais-je dire ? Même si je n’avais pas voulu écouter, j’avais entendu Hypérion lui faire comprendre qu’elle était un Cavalier. C’était un gros morceau très difficile à avaler. A sa place, j’ignore de quelle manière j’aurais réagi. Je me promis de revenir la voir plus tard. Il fallait absolument que je lui montre qu’elle comptait pour moi et qu’elle n’était pas seule pour affronter tout ce qui lui tombait dessus.

Hypérion me préoccupait aussi. Au moment de me ramener chez moi, il me proposa à nouveau d’habiter dans son cottage. Je déclinai son offre en lui tapotant maladroitement l’épaule. Merci mais non merci. J’avais fait trop de dégâts dans une précédente coloc’. Les gens comme moi doivent vivre seuls pour protéger les autres. Il n’empêche que Hypérion me préoccupait. Pourquoi avait-il tant besoin de compagnie ? Cela ne lui ressemblait pas, surtout qu’il allait habiter avec Lyra et Malcolm. Que lui fallait-il de plus ? Je trouvais vraiment étrange de m’inquiéter pour un titan. N’était-ce pas normalement l’inverse ?

— Mon vieux Hei Hei, si tu veux mon avis, Hypérion se fait trop de cheveux blancs, dis-je à mon poulet tout en lui grattant les plumes.

Il piailla et battit de ses ailes rachitiques dès l’instant où je pénétrai dans mon studio, au dernier étage d’un entrepôt sur les docks. Je le posai au sol et il zigzagua jusqu’à la télévision pour taper du bec sur l’écran.

Les bras ballants, je promenai un regard maussade sur mon une pièce. Tout était tel que je l’avais laissé : les emballages de nourriture à emporter jonchant le sol, la vaisselle sale dans l’évier, le lit défait, les vêtements dépassant de la commode... Une odeur de renfermé et de moisi imprégnait les lieux. Je fronçai le nez et me précipitai vers la fenêtre que j’ouvris en grand. Après quoi, j’abandonnai mon épais manteau et un pull épais pour me retrouver en pull plus léger.

Le silence m’oppressait. La solitude encore plus.

Un réflexe humain du XXIème siècle me poussa à attraper mon téléphone portable pour passer mes messages en revue. Evidemment, il était déchargé. Je le mis sur batterie et m’assis à même le sol, dos contre le mur, afin d’être proche de la prise électrique. Ça faisait tellement bizarre de retrouver le courant alternatif...

Je louchai sur la date : 6 mars 2021. Ainsi, j’avais la confirmation que nous étions bel et bien partis un mois.

Plusieurs appels manqués de Violette. Encore plus de la part d’Hermès. Les pauvres... ils avaient dû se faire tellement de souci ! J’eus un petit sursaut au cœur à cette idée. A chaque fois, j’étais étonnée de découvrir que je comptais pour certaines personnes. Des personnes qui comptaient énormément pour moi. Il s’agissait d’un amour partagé. Ça n’arrivait pas souvent, ce genre de choses. Il fallait en prendre soin.

J’écoutai les messages vocaux et remarquai que ceux d’Hermès étaient principalement des excuses au sujet de son comportement du mois précédent. Il avait eu le temps de cogiter. Je décidai de l’appeler en premier. Lorsqu’il décrocha, je déclarai d’un ton que je voulais désinvolte :

— Salut boss. Je viens de rentrer. Ça vous dirait de...?

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase qu’il apparut en chair et en os au beau milieu de mon studio. Ce fut si soudain que même Hei Hei tourna la tête vers lui. Il piailla puis recommença à taper du bec contre la télé. Je fixai Hermès, prise au dépourvu. Je ne m’attendais pas à ce qu’il vienne aussi vite, mais j’aurais dû y penser. Il resta à deux mètres de moi, tout en donnant l’impression de vouloir faire quelque chose sans oser sauter le pas.

— Tu... tu vas bien ?

Il avait l’air soucieux. Sa barbe avait bien poussé. Il regarda tout autour de lui avant de reposer les yeux sur moi. Sans regarder mon téléphone, je raccrochai et le posai par terre.

— Ca va bizarrement bien. Et pourtant, j’ai eu un coup de foudre y a pas si longtemps, répondis-je avec une moue. Et vous... ça va ? Vous avez une barbe.

J’avais fait remarquer ce dernier point comme si c’était une anomalie dans la toile tangible de la réalité. Sans rien dire, il s’avança, me prit la main pour m’inciter à me relever et une fois que je fus debout devant lui, il me serra contre lui.

— Tu m'as manqué. J'ai cru que tu étais partie pour toujours. Je t'ai cherché longtemps.

Je me mordis les lèvres, culpabilisant de lui avoir causé du souci. Histoire de dédramatiser la situation, je laissai échapper :

— Vous auriez eu du mal à me retrouver, j’étais vraiment plus dans le coin.

Il s’éloigna tout en plaçant ses mains sur mes épaules puis haussa un sourcil.

— Et toi tu es habillée bizarrement.

J’affichai une grimace en me souvenant que je portais une jupe en laine et des collants polaire. Pas du tout mon style. Tu m’étonnes qu’il trouvait ça curieux. D’habitude, je ne mettais que des jeans ou des leggings.

— C’était la tenue réglementaire, là où j’étais... marmonnai-je en passant une main dans mes cheveux.

Hermès marqua une pause en rougissant quelque peu. Il fronça les sourcils et plissa les yeux.

— Un coup de foudre? Avec qui ?

J’ouvris des yeux ronds. Je restai interdite quelques secondes, avant de réaliser l’ampleur de la confusion.

— Oh non, non, non ! Vous n’y êtes pas du tout ! C’était Alexis !

Et voilà, le retour du quiproquo. Est-ce que ça allait s’arrêter un jour ?

— Elle a retrouvé ses pouvoirs et elle m’a envoyé un coup de foudre involontaire ! Regardez, j’ai encore les traces sur le ventre.

Sans réfléchir, je soulevai mon pull pour lui montrer mon abdomen qui gardait des traces de brûlure en train de s’estomper. Les sorcières avaient fait un sacré bon boulot. Hermès se baissa pour examiner les brûlures avec attention, la mâchoire serrée et le visage fermé. Il semblait réfléchir intensément.

— C'était son seul pouvoir? Chronos était là?

Puis, il changea brusquement d’attitude et replaça correctement mon pull.

— Désolé. Ce n'est peut être pas le moment pour en parler. Tout va bien à part ca?"

Il paraissait encore plus inquiet qu’avant. Je haussai un sourcil tout en l’observant.

— Non Chronos n’était pas là... Y avait un ange méchant qui a voulu nous garder prisonniers mais Alexis nous a sortis de là. C’est un peu compliqué à expliquer.

Je me grattai la tête sans cesser de l’observer.

— Vous êtes sûr que ça va ? Y a eu un problème avec Chronos pendant notre absence ?

Il semblait traumatisé. Il regarda à droite puis à gauche, avant de répondre :

— Absolument pas. Je voulais juste vérifier une information. Mais c'est pas la priorité, la priorité c'est toi. Tu te sens comment? Personne ne t'a fait de mal?

— Bah... à part Alexis comme je vous l’ai dit, non personne... fis-je en le fixant avec de plus en plus d’inquiétude. Et encore, elle n’a pas fait exprès de me blesser. Vous voulez pas qu’on aille boire un verre, histoire que je vous explique tout ?

Brusquement, je réalisai un truc et plaçant les mains sur les hanches, je demandai :

— Vous vouliez vérifier quelle info ?

Il ignora ma question pour ricaner et croiser les bras.

— Tu peux me tutoyer tu sais. On en parlera autour d'un verre c’est bien mieux.

Je le savais très bien, mais je n’y arrivais pas toujours. Il marqua une pause avant de reprendre :

— Et encore désolé. Pour t’avoir poussé à bout l'autre jour je sais pas ce qui m a pris. Ca me fait pas ça d'habitude avec les f.... gens.

Il hocha la tête, embarrassé. J’avais parfaitement saisi.

— Vous en faites pas, de l’eau a coulé sous les ponts depuis, lui assurai-je avec un sourire.

J’aurais voulu lui faire une tape sur l’épaule histoire de lui signifier que tout était cool entre nous, mais quelque chose m’en empêcha.

— T’en fais pas, répétai-je en m’appliquant à le tutoyer.

Je fronçai le nez tout de suite après.

— Je dois avoir la maladie du vouvoiement avec toi, c’est une pathologie sévère à mon avis.

J’esquissai une moue faussement sérieuse avant de rire un peu nerveusement. Puis, je me dirigeai vers la télévision pour l’allumer. Ca n’empêcha pas Hei Hei de continuer à taper du bec dessus.

— Je lui mets toujours les télé-réalités avant de partir. Ca l’occupe, expliquai-je. N’empêche, ça fait du bien de retrouver une température normale. Il faisait beaucoup trop froid là où on était. Et là-bas, tout le monde avait la moitié de son âme sous forme animale ! Mais ça n’était pas des animaux, c’était des daemons ! Bref, je t’explique au bar.

Je lui offris mon bras avec un sourire. J’étais prête à boire un verre à notre santé !

*

Tout compte fait, j'avais bu une virgin pina colada. C’était un peu triste sans rhum. Ca devenait juste du jus d’orange avec du lait de coco. Je m’étais souvenue à temps du pacte que j’avais passé avec Alexis : pendant neuf mois, elle n’allait pas pouvoir boire d’alcool et je lui avais promis de la soutenir. Ce soir-là, j’avais été contrainte d’honorer ma promesse pour la première fois. Ca avait été dur, mais pas impossible.

J’avais passé un bon moment avec Hermès et finalement, il était reparti. Ca m’avait fait un bien fou et j’avais l’impression qu’à lui aussi. Je lui avais dit que je préférais marcher un peu dans la nuit et j’étais en train de retrouver le chemin des docks quand je remarquai une petite silhouette massive, à moins de dix mètres. Elle était entourée de ténèbres. Il faut dire que le coin où j’habitais n'était pas très fréquentable, ni très éclairé. Etant donné la taille du bonhomme, je trouvai très vite de qui il s’agissait.

— Atlas ? Qu’est-ce que vous faites là ?

Deux titans dans la même journée, c’était fou ! J’aurais peut-être dû jouer au loto ? Je m’avançai vers lui avant de m’arrêter juste devant.

— Je passais dans le coin, déclara-t-il. J’ai une envie pressante.

Il me regarda sans vergogne. J’écarquillai les yeux.

— Une envie de... quoi ? Demandai-je, sur la défensive.

Je connaissais son penchant pour les excès en tous genres mais je n’étais pas spécialement tentée.

— T'habites dans le coin, c’est ça ?

— Ouais...

— Je peux utiliser tes toilettes ?

Je battis des cils.

— Sérieux ?

— Ca presse vraiment, assura-t-il avec une moue tendue.

Déconcertée, je le regardai de bas en haut. J’ignorais que les titans pouvaient avoir la vessie pleine. Anatole n’avait pas l’air d’avoir ce genre de souci. D’ailleurs, en y réfléchissant, je ne me souvenais pas l’avoir vu utiliser les cabinets d’aisance, dans l’autre monde. Réalisant qu’Atlas allait peut-être exploser sur le trottoir, je lançai brusquement :

— Mon appart est juste là-bas.

Je n’eus pas le temps de lui indiquer clairement qu’il nous téléporta directement à l’intérieur. Puis, au lieu de se précipiter vers la salle de bains, il observa le studio dans son intégralité.

— Je voyais ça plus grand, commenta-t-il.

— Et sinon... le pipi ?
Hasardai-je.

Je sentais qu’il y avait une embrouille. Je regrettais déjà de l’avoir emmené chez moi.

— C’est par là ? Demanda-t-il en indiquant la porte fermée.

Je hochai la tête. A cet instant, il renifla.

— T’es partie un mois. Un mois.

Tout en parlant, il désigna brusquement l’évier plein à ras bord de vaisselle sale derrière lui, avant de s’en approcher.

— Oh ma belle, tu peux pas laisser ça comme ça, soupira-t-il.

Il retroussa ses manches tandis que de grands gants roses en plastique apparaissaient sur ses mains. Il en referma une à l’instant où une brosse surgit de nulle part.

— Bon, prends un torchon propre, je commence à faire couler l’eau
, dit-il tout en organisant la vaisselle dans l’évier.

Déconcertée, je restai figée quelques secondes. Genre, Atlas faisait ma vaisselle. Il s’était passé quoi pendant mon absence ? Je n’avais pas l’impression que l’on ait un lien si fort, tous les deux. Pour tout dire, je le connaissais à peine.

— Euh... vous sentez pas obligé, fis-je, mal à l’aise.

J’attrapai un torchon et essuyai mécaniquement l'assiette qu’il venait de nettoyer.

— Je peux faire ça demain... seule... poursuivis-je, de plus en plus déroutée.

A cet instant, Atlas sortit une part de pizza zombi dégoulinante d’eau des tréfonds de l’évier. Elle était verte par endroits. S’armant de calme, il déclara :

— Je crois pas que ça puisse attendre une minute de plus.

Il pivota à quatre-vingt-dix degrés pour la jeter dans la poubelle qui venait d’apparaître juste à côté de lui.

— Le temps que les premières assiettes arrivent, allume la bougie, ça va faire partir l’odeur.

Quelle bougie ? Je tournai la tête vers la table de camping et remarquai une énorme bougie dessus, qui n’était pas là quelques secondes auparavant. Elle trônait au milieu des vieilles factures et d’autres détritus. Je mis un certain temps à trouver la boîte d’allumettes. La flamme s’embrasa, répandant une douce lumière dans mon studio-poubelle. Curieux, Hei Hei se mit à zigzaguer près de la table. L’odeur de la bougie me rappelait la noix de coco.

— J’en reviens pas que vous êtes là juste pour faire la vaisselle. C’est pas logique, réalisai-je tout en essuyant les assiettes. Si ça vous travaillait à ce point, vous l’auriez faite pendant mon absence.

Atlas se tourna vers moi, la brosse levée dans ma direction. Elle était déjà d’une couleur douteuse alors qu’il venait à peine de commencer.

— T’as vu la couleur de ça ? Ca reste collé dessus ! Comment tu veux t’occuper des autres si t’es incapable de t’occuper de toi-même ?

Je fronçai les sourcils.

— J’ai jamais dit que je voulais m’occuper des autres.

— Il va falloir, pourtant. C’est à ça que ça sert, une amie. Et il a grandement besoin que quelqu’un s’occupe de lui, dit-il tout en se replaçant face à l’évier pour récurer à nouveau.

— Vous parlez de Hypérion ?

J’avais eu une bonne intuition, il traversait une mauvaise passe, d’où le fait qu’il avait insisté pour que je vienne habiter au cottage. Atlas continuait de gratter l’assiette avec acharnement. Il la leva même au niveau de ses yeux.

— Tu sais, c’est pas facile pour lui. Plus on est vieux, plus on a vécu de choses. Et c’est le plus vieux d’entre nous. Y a eu la petite. Je l’ai pas beaucoup connue, mais il parlait tout le temps d’elle. Et maintenant elle est plus là.

Parlait-il d’Eulalie ?

— Y a eu la grande, poursuivit-il, mais depuis qu’elle a quitté son mec, elle parcourt l’Europe et elle donne plus de nouvelles. Et c’est pas une carte à papa-maman de temps en temps qui arrange les choses !

Hein ? Je captais plus rien.

— Puis y a eu Eulalie.

Ah. Donc la première était quelqu'un d'autre. Je ne voyais pas qui. Il gratta de moins en moins fort avant de poser le grattoir sans cesser d’admirer l’assiette sale.

— C’est sans espoir, lâcha-t-il en posant brusquement l’assiette. Y a Gabrielle aussi.

Il se tourna vers moi et s’appuya contre l’évier.

— Tu sais, il a choisi un bon emplacement Socrate. J’ai vu le pommier. J’ai vu le cottage aussi. Mais ça va lui faire un coup en plus. Alors faut que t’aille bien pour qu’il aille bien.

Soudain, il s’approcha de moi.

— Un, annonça-t-il en levant le pouce et en le désignant avec l’index de son autre main. Ca c’est fini !

Il claqua des doigts, rendant l’évier aussi propre qu’une pirogue neuve et rangeant toute la vaisselle dans le placard.

— Deux, on se met dans l’ambiance.

Il claqua à nouveau des doigts avant de réaliser :

— J'ai pas besoin de faire ça à chaque fois.

Ebahie, je réalisai que tout mon appartement venait d’être rangé. Une pagaie était posée debout contre le mur, des coquillages autour de la bougie sur la table, un filet de pêche décoratif accroché au mur et trois noix de coco dans un panier à fruits.

— Et trois... c’est toi !

Au lieu de désigner ses doigts, il me désigna, ce qui me fit avoir un mouvement de recul. Qu’allait-il changer chez moi ? Je baissai les yeux mais ne remarquai aucun changement. Tant mieux.

— C’est toi. Tu te prends en mains. Je veux plus voir cet évier plein. Je veux cet appartement rangé. Et je veux que tu passes du temps avec lui. Tu seras mes yeux, fit-il en désignant ses pupilles avant de diriger ses doigts vers moi.

— Ok, de toutes façons je comptais pas couper les ponts avec lui, dis-je avec une moue. Mais pourquoi vous voulez pas être présent pour lui ? Vous êtes de sa famille. Je pense qu’il apprécierait d’être soutenu par vous.

Atlas m’observa quelques instants, prenant le temps de réfléchir. Finalement, il déclara :

— On a vécu beaucoup de choses. Des bonnes, des mauvaises. Toi, t’es neuve, t’es fraîche. Y a encore tout à faire. Il t’écoutera plus facilement que moi.

Je n’en étais pas certaine, mais j’avais bien envie d’y croire. Au moins, j’essayerai de l’aider.

— Mais sache une chose, ma minette : je n’abandonne jamais personne.

Après quelques instants de réflexion, je déclarai d’un ton assuré :

— Vous pouvez compter sur moi.

— T’es stone ? S'enquit-il en plissant des yeux.

— Non, fis-je en grimaçant, indignée.

— Tu comptes l’être ?

Je restai silencieuse. Mentir n’était pas une seconde nature chez moi. Quand je me décidais à le faire, je me préparais longtemps à l’avance.

— C’est quoi ça ?
Demanda-t-il brusquement.

Je tournai la tête et aperçus mes comprimés d’ecsta et l’herbe sur la table de camping. En “rangeant” l’appartement, il les avait sûrement trouvés.

— Vous allez tout me confisquer ? Fis-je d’un air exaspéré.

J'étais habituée à ce genre d'interventions. Ca ne fonctionnait jamais car les gens pensaient qu'il suffisait de m'engueuler pour que je réagisse. Ca n'était pas ainsi que ça marchait. A chaque fois, j'avais replongé. A présent, je comprenais : le déclic devait venir de moi. Temanu m'avait aidé à prendre conscience de ce qui clochait. Pour lui, pour nous, je devais faire un effort. C'était la première fois que je m'en sentais réellement capable.

— Je suis pas ton père. Tu fais ce que tu veux de ça. Mais si un jour tu n’es pas là pour lui à cause de cette merde, c’est toi que je fume, lança-t-il en pointant un index menaçant sur moi. Et si un jour, ça va vraiment pas, tu viens me voir. Ou alors, juste une fois...

Une petite fiole apparut dans sa main.

— Dans un verre mélangé à n’importe quoi. Vu que c’est dilué, ça devrait aller.

Il me tendit la fiole. Je m’en saisis, dubitative. De quoi s’agissait-il ?

— Merci... je crois ?

— Tu peux, approuva-t-il.

Il y eut un moment de flottement. Devais-je lui proposer de boire un verre ? De regarder la télé ? Faire un jeu de société ? Je n’avais qu’un vieux jeu de cartes.

— Bon, c’est pas tout ça, lança-t-il en se dirigeant vers la porte.

— C’est les toilettes, là, précisai-je.

Au moment où sa main entra en contact avec la poignée, il tourna la tête vers moi.

— T’as oublié pourquoi j’étais là ?

Il ouvrit la porte, entra mais avant de la fermer, il me regarda.

— Je t’aime bien, toi. Ouais, je t’aime bien.

Sur cette réplique qui me laissa sans voix, il ferma la porte. S’ensuivirent de longues, très looongues minutes. Je vaquais à mes occupations, jusqu’à ce que, poussée par la curiosité, je me rende dans la salle de bains (au bout d’une bonne demi-heure). Sans grande surprise, elle était vide. Atlas avait disparu.

— Chelou ce gars, commentai-je tout en revenant dans l’autre pièce.

Ce fut seulement à cet instant que je réalisai qu’il avait fait disparaître les factures sur la table de camping. Je ne les avais pas encore payées. Allait-il le faire à ma place ? J’avais de sérieux doutes. Je haussai les épaules. Tant pis. Je n’avais pas envie de me prendre la tête avec ça. J’aviserais le moment venu.

Il me fallut beaucoup de courage pour attraper les comprimés d'ecsta ainsi que l'herbe et les jeter dans la poubelle. J'avais gardé le strict minimum afin de me sevrer. Je ne pouvais pas tout arrêter brusquement. J'inspirai profondément. Je l'avais fait, le premier pas.

J'en suis capable. Je le fais pour toi, Manu. Pour nous deux.

Pouvait-il entendre mes pensées ? Je l'espérais. Après tout, mon daemon était une partie de moi, non ? Il m'avait dit qu'il avait toujours été en moi.

Je m’affalai sur mon lit et laissai Hei Hei picorer mes cheveux tout en regardant la télé. C’était ces petits moments sans importance qui me faisaient apprécier la vie.


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« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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________________________________________ 2021-03-14, 18:50 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Anges & Daemons


Hypérion m’avait déposé devant chez moi et après un ultime câlin, il était reparti de là où il venait. Il allait sans doute avoir beaucoup à faire avec Lyra et Malcolm et je me promettais mentalement de tenter de l’aider en prenant de leurs nouvelles assez souvent. Je m’étais faite la même promesse pour Vaiana. J’avais retrouvé mon amie pendant ce voyage et elle n’allait pas bien. C’était aussi mon devoir de l’aider... mais pour l’heure, je n’aspirai qu’à une chose, le repos. Et peut-être même le repos éternel vu mon état...
En tournant la clé dans la serrure, j’avais été surprise de voir Elliot, assis sur mon canapé, le visage inquiet et Pétunia à ses côtés qui m’observait en penchant la tête sur le côté, la langue pendante. L'avait-elle averti de tout cela ? Je la savais solide mais si on était parti 20 jours, elle devait sans doute avoir eu suffisamment faim pour aller chercher de l’aide. Aussi surprise de le voir comme ça que tétanisée à l’idée de bourder sur ce que je venais d’apprendre, je m’étais contenté de le couper dans son élan quand il s’était levé en ouvrant la bouche :

— Ca va ! Tout va bien, promis.

Je m’étais avancé pour le prendre dans les bras, sentant enfin pour la première fois le réconfort de la maison retrouvée, la première étreinte de quelqu’un qui n’était pas avec nous. Je lui avais expliqué les grandes lignes pour le rassurer et il m’avait expliqué la réaction héroïque qu’avait eu Pétunia. Après quelques minutes, il m’avait laissé me reposer tranquille et je lui en avais été plus que reconnaissante. Allongée sur le canapé, j’observais mon portable que j’avais mis à recharger et qui ne cessait de vibrer de messages et d’appels manqués. Un avait retenu mon attention en particulier :

Bonjour ma chère, te voilà aujourd’hui bien muette, Serais-tu au fait d’un souci qui te guette ? Si c’est le cas, n’hésite pas à m’en aviser. Veux-tu tenter de savoir si ma présence peut l’apaiser ?

J’avais eu un léger sourire en me rendant compte qu’il l’avait fait en rime et presque en alexandrin. Le message datait du 13 Février... rien depuis. Avait-il été suffisamment vexé de mon manque de réponse pour m’oublier ? Ou bien m’avait-il cherché au point de savoir qu’il ne servait à rien de m’envoyer de nouveaux messages ? Déglutissant, inquiète d’une hypothèse plus que l’autre, je décidais d’envoyer un SMS sobre, mais rassurant :

Bonjour. Je suis désolée pour cette absence. Elle n’était en rien prévue, j’ai été envoyée malgré moi ailleurs. Mais je suis revenue, je suis chez moi. Tout va bien. Si tu le souhaites, je peux tout te raconter quand tu seras disponible. Je t’embrasse.

Après un instant d’hésitation, j’avais appuyé sur “envoyer”. Me mordillant la lèvre inférieure au point de m’en arracher des morceaux de peau, j’avais attendu plusieurs secondes ou même minute. L’attente me semblait interminable. Mais rien. Absolument rien ne vint. Déglutissant, j’avais fini par balancer mon portable sur la table basse avant de trouver la force de me lever. Si ça se trouvait, ce n’était rien de grave, il n’avait juste pas vu mon message. Je m’inquiétais pour rien. J’allais prendre une douche. Une douche c’était bien pour me détendre et oublier l’attente.

Et ça avait tellement bien marché que je n’avais rien entendu. Je n’avais pas entendu la clé dans la serrure, Pétunia grogner, la voix d’Erwin ou même ses pas en direction de la salle de bain. Rien. Absolument rien. Jusqu’à ce que j’ouvre enfin la porte de la douche après avoir placé ma serviette sur mon corps. Ne l’attendant absolument pas en face de moi, j’avais poussé un hurlement puissant, glissant par la même occasion sur le bac de douche et me rattrapant de justesse avant de m’étaler. De son côté, Pétunia avait bondit à l’intérieur de la salle de bain pour mordre le bas du pantalon d’Erwin qu’elle s’évertuait à tenter de mettre en charpie. Me relevant tant bien que mal, je m’étais jetée sur elle pour la faire lâcher prise :

— Lâaaaaaache-moi, vilaine petite bestiooooole !
— Arrête ! ARRÊTE !! Tout va bien, c’est bon !! Lâche-le !!

L’homme tentait de faire lâcher prise à Pétunia tout en secourant vigoureusement sa jambe tandis que je continuais à la reculer de lui en la tenant fermement sous le ventre. Elle avait fini par le lâcher pour plonger son regard dans le mien, visiblement furieuse avant de me sauter hors des bras et de s’en aller. Un peu tremblante, j’avais alors repoussé mes cheveux humides qui s’étaient collés à mon visage dans la bataille tout en me relevant :

— Salut...

Constatant le désastre sur son pantalon, j’avais eu un sourire excusé :

— T’aurai dû frapper...

J’attendais, l’œil en alerte. N’importe quoi, mais quelque chose, un cri, une parole, un geste... Il n’avait pas répondu à mon message mais il était venu. Il était là. Et brusquement, tout ce que je devais lui dire me revenait en pleine gueule avec la constatation évidente que je n’étais absolument pas prête à lui dire. De son côté, il avait posé sa main sur sa poitrine, comme pour tenter de reprendre son souffle après l’épreuve qu’il venait de subir. Son autre main tira son pantalon pour en mesurer les dégâts :

— Il est fichu...

Il releva la tête vers moi qui l’observait toujours avec un sourire d’excuse :

— Je préfère l'effet de surprise... J'espérai qu'il soit bon... On hurle rarement d'effroi en me voyant...

J’avais eu un petit rire nerveux et gêné, bien qu’amusé, tout en ramenant mes cheveux humides en arrière pour les essorer :

— Oui... Mais tu sais que j’aime pas vraiment faire comme tout le monde, ça te change un peu, c’est bien...

Je lui avais lancé un sourire mutin et il avait ajouté avec douceur :

— Bonjour...Voilà ce qui s'appelle se faire désirer...

Il avait tendu sa main vers moi, sans doute n’avait-il pas spécialement envie de s’approcher parce que j’étais encore humide. De plus, je pouvais voir dans ses yeux, son sourire, sa main tendue qu’il essayait d’y aller en douceur, comme pour m’apprivoiser. Sentait-il que quelque chose me troublait ? Mettait-il cela sur le compte du choc que j’avais pu vivre ? J’avais observé sa main avec un instant d’hésitation avant de la prendre avec douceur, caressant le dos de celle-ci avec mon pouce. Mes yeux avaient rejoint les siens et je m’étais avancée alors vers lui pour le prendre dans mes bras, collant ma tête humide contre son torse. J’avais les yeux fermés mais je pouvais presque imager sa grimace d’effroi de m’avoir trempée contre lui. Comme pour le rassurer, le sourire dans la voix, j’avais précisé à l’encontre de son costume :

— Il est déjà foutu de toute façon...

Véritable horcruxe pour le notaire, je n’avais que rarement le droit de mettre ses précieux costumes à mal. L’occasion était trop belle pour m’en priver. Il avait haussé les épaules, résigné :

— Je savais qu'il y avait un risque que je le perde, je n'avais pas forcément envisagé cette éventualité...

J'avais éclaté de rire, captant le sous-entendu sans pour autant y répondre. Toujours aussi mutine je lui avais précisé :

— J’espère que t’as profité de ton mois de congé parce que je reviens en fanfare...

Et il ne savait pas encore à quel point... mais je n’avais pas envie de me lancer maintenant, nous aurions bien le Temps. Serrant ma prise sur son corps, j’étais restée un instant à ne rien dire, les yeux fermés, humant son parfum, goûtant à la sérénité du moment avant de préciser d’une voix nettement plus sérieuse :

— Je suis désolée... Tu m’as manqué...

Il y avait eu un moment de silence, comme s’il s’imprégnait de mes mots, pesait aussi peut-être le poids de l’absence que j’avais éventuellement fait peser dans la balance de sa vie avant de préciser :

— Toi aussi.

Il avait dégagé mon visage de son étreinte pour l’observer un instant et j’étais restée silencieuse, contemplant l’ambroisie de ses yeux sans pourtant y trouver un mot à dire. Il déposa alors un baiser doux sur mon front, très vite suivi de trois baisers plus rapides et fugaces, comme s’il prenait à chacun d’eux plus conscience de mon retour. Sans me lâcher, il avait alors demandé :

— Comment vas-tu ?

J'avais réfléchi un instant avant de préciser :

— ça va... je crois... mais je suis épuisée ... tu... tu as un peu de temps ?

Je l’avais observé avec une certaine hésitation. J'avais envie qu’il reste mais je n’avais aucune idée du Temps que nous avions. Tout était toujours si compté entre nous, parce que nous n’étions jamais seuls. Avait-il dit à sa femme qu’il avait une course en ville ? Ou bien qu’il passait la nuit avec Midas ? Avions-nous du Temps ? Une parenthèse ? Ou un moment fugace avant une nouvelle absence ? Pour toute réponse, il avait posé sa main avec douceur sur ma joue :

— Tu as tout mon temps...si tu veux bien m’accorder le tien.

Et j’avais bien voulu. Tout mon Temps. Toute ma soirée et ma nuit, évitant soigneusement les sujets qui fâchaient. Nous avions parlé, parlé longuement, pendant une longue partie de la nuit. Je lui avais raconté mon voyage, ce monde incroyable. Lyra, Malcolm. Mes amis aussi, Vaiana et Anatole. Je lui avais parlé de la Beauté et du Danger. Je lui avais expliqué que mon pouvoir était revenu, pleinement. Sans pour autant lui parler du Cavalier... et encore moins du bébé. Il m’avait parlé de ses doutes, ses craintes, son enquête... Hera et Atlas. Après dîner et nos discussions, nous avions fini par nous endormir, trop heureux de nous retrouver. Ignorant les mensonges et les non-dits qui nous entouraient.


***


J’avais eu besoin d’un peu de Temps, de réflexion, avant de me rendre compte que si tout m’avait semblé super clair dans les explications d’Anatole à la première écoute, beaucoup de questions fourmillaient désormais dans ma tête. On était déjà revue depuis pratiquement une semaine et l’idée que j’avais eu avait fini de germer dans ma tête. Je ne voulais toujours pas habiter avec Erwin, n’en déplaise au Titan, mais je voulais plus d’espace pour la petite chose qui grandissait dans mon ventre. Depuis quelques Temps, les nausées et les douleurs s’étaient espacées, comme si la quiétude avait retrouvé mon corps, comme si tout cela n’avait juste été sa façon de me dire “hé ho, je suis là Maman !” Maman... rien que d’y penser, j’en avais presque le vertige. Les rares désagréments que j’avais encore, je les acceptais avec une certaine résilience, comme le prix à payer pour le bonheur qui m’attendait. J’avais quand même décidé d’inviter Anatole à la maison. A défaut de pouvoir aller chez lui avec Erwin, j’avais tout de même envie de mettre de l’ordre dans ma vie de partout. J’avais passé la matinée à cuisiner des éclairs à la mousse de chocolat suite au retour plutôt positif qu’il m’avait fait à ce sujet et j’avais attendu qu’il débarque, commençant avec lenteur et sérénité à construire mes cartons. J’avais déjà appelé Daas, j’étais sûre de mon choix, je voulais une maison. Et qui disait maison... disait déménagement. J’avais entendu quelqu’un frapper à la porte tandis que je posais un cadre dans un carton et je me dirigeais d’un pas rapide vers l’entrée. En l’ouvrant, je découvrais Anatole, un paquet en main. Un peu surprise du présent, je me contentais de lui sourire, joyeuse :

— Salut ! Entre, je t’en prie, fais comme chez toi ! J’ai préparé des éclairs mousse chocolat.

Je refermais la porte derrière lui avant de lui passer devant pour m’arrêter en plein milieu de la pièce.

— Bienvenue dans mon humble demeure au fait !

Je me rendais alors compte que c’était la première fois qu’il venait depuis que j’habitais ici... c’était un peu étrange de me dire que ça faisait si longtemps qu’on ne s’était pas retrouvé chez l’un ou chez l’autre. Gênée à cette pensée, je me frottais le bras en observant Pétunia qui l’observait, les oreilles aux aguets, dans son panier. De son côté, le jeune homme s’était mis à observer le lieu avec attention, sans rien dire, humant l’air, ses yeux brillants d’un air gourmand. Face au silence qui s’installait, j’étais retournée dans la cuisine pour mettre en place les gâteaux, l’observant par-dessus le bar où il pouvait s’asseoir :

— Tu... tu veux peut-être boire quelque chose ? Ou... me dire ce que c'est ?

Je lui avais fait un signe de tête en direction du paquet qu’il avait fini par me tendre. Ce n’était pas plus grand qu’un magazine à première vue mais c’était beaucoup plus souple.

— Je crois que ça se fait.

Perplexe, j’avais froncé les sourcils pour commencer à le déballer, prenant garde à ne pas déchirer le papier. De son côté, Anatole avait l’air gêné. Il avait d’ailleurs décidé d’en rajouter une couche, plus pour tenter de combler le silence et s’apaiser que par réelle nécessité :

— C'est peut-être trop tôt.

Sidérée, j’avais retiré du papier une ravissante grenouillère rose et blanche avec des petits papillons dessus. Pour être trop tôt, c’était clair que c’était trop tôt. Mon bébé devait peine avoir la taille d’une crevette et son père ne savait toujours pas qu’il commençait à se former dans mon ventre. Mais l’attention était tellement touchante et m’ancrait tellement dans un futur proche que j’avais l’impression que c’était au contraire pile le moment de me l’offrir.

— La couleur peut changer au besoin.

Il avait toujours l’air aussi gêné et je ne lui répondais toujours pas, observant l’habit sous toutes ses coutures.

— Les motifs aussi.
— Tu rigoles ?!

C’était la première fois que je réagissais, l’observant avec les yeux grands ouverts, la bouche légèrement scandalisée, les yeux humides d’émotion :

— Il est parfait tel qu’il est ! La couleur... même un garçon peut porter du rose après tout si c’est un garçon ! Et puis les papillons... les papillons c’est tellement toi...

Je le regardais avec un faible sourire, me souvenant de son daemon sans pour autant le blesser si son souvenir était douloureux.

— C’est comme si tu étais avec lui rien que par cette grenouillère... il saura au moins d’où elle lui vient ! C’est... c’est juste magnifique. Merci...

J'étais passé rapidement de l’autre compté du comptoir pour le serrer dans mes bras, toujours aussi émotive avant de me reculer vivement pour ressuyer mes yeux.

— Les hormones... on mange ?!

Préférant par pudeur passer à autre chose, j’avais pris grand soin de poser le vêtement avec douceur sur le dossier du canapé, bien à plat, avec un sourire en sa direction. Tandis que je retournais m’occuper des gâteaux, ma licorne avait décidé de sortir de son panier pour enfin s’approcher de la layette et la renifler avec une certaine précaution. Je savais qu’elle ne lui ferait aucun mal. Pétunia était un vrai bulldozer mais avec le Temps, elle avait appris à respecter les choses auquel je tenais. Je comprenais pas encore comment elle arrivait à comprendre ce qui me tenais à cœur, mais elle le savait, elle le sentait. Elle observa un instant Anatole avec son strabisme et en guise de remerciement, elle se contenta de lui éternuer dessus avant de retourner lentement vers son panier. De mon côté, j’observais Anatole tout en faisant chauffer de l’eau, avec une grimace :

— Désolée... mais je crois qu’elle t’aime bien en vrai... Tiens !

Je lui avais tendu un morceau de sopalin.

— Je me fais du thé, ça te va ? Merci d’être venu en tout cas... je … je me suis posée beaucoup de questions ces derniers jours et je crois que j’ai besoin de comprendre un peu plus ce que tu m’as dit la dernière fois... Mais promis, je panique pas !

J'avais levé les mains comme s’il me braquait avec une arme avant de lui faire un sourire en coin. Il s’était contenté d’hocher la tête, attendant la question et je m’étais mise à réfléchir. Par où commencer ? C’était un peu dur de tout rassembler dans ma tête.

— Tu... tu as dit que c’était le fait qu’Elliot m’aimait qui créerait une faiblesse chez Chronos. Est-ce que cette faiblesse veut dire qu’Elliot tiendra toujours à moi... même quand il sera devenu Chronos ? En quoi c’est un espoir ? Je comprends pas comment je peux aider alors que je suis censée devenir un truc méga glauque... T’as vu Jaimie ? Ou Wilson ? Ils ont pas l’air d’être en super possession de leurs moyens quand ils sont activés...
— Je le pense Oui. C'est la seule explication plausible. Et si je ne me trompe pas, cela signifie que même après tout ce qu'il aura accomplis en tant que Chronos, il restera un espoir que notre Elliot n'est pas totalement disparu.

Il était resté silencieux quant à la seconde partie de ma question. Je comprenais par-là que c’était une partie qu’il ne pouvait sans doute pas me révéler. D’un air entendu, j’avais hoché la tête en réfléchissant. Après un moment d’hésitation, j’avais précisé :

— Tu... tu as dit qu’Elliot m’enverrait un message de lui-même le jour où ça arriverait... et que je devais pas en avoir peur. Tu m’as aussi dit que c’était inéluctable et je t’avoue que je comprends pas bien comment un truc que tu me dis maintenant devient inéluctable... est-ce que c’est parce qu’Elliot va me forcer à le devenir ? En soit, je me disais... si je refusais simplement ce qu’il voulait m’offrir, rien ne serait inéluctable, non ?

Je prenais conscience de ce que j’étais en train de dire, de ce que ça signifiait par rapport à ce qu’il venait de m’avouer. L’observant toujours droit dans les yeux j’avais précisé :

— Mais si je refuse, ça veut dire qu’il n’y aura plus d’Espoir, pas vrai ?

Mes yeux avaient glissé jusqu’à la grenouillère, toujours bien posée sur le dossier du canapé :

— Si je fais ça... est-ce que je risque pas de le mettre en danger ? Est-ce que c’est quand même une bonne idée de devenir mère ?

J’avais relevé brusquement les yeux vers lui. Il pouvait y lire pour la première fois une peur profonde, bien loin de la peur égoïste de ceux qui sont venus au monde. Une peur d’un autre genre, la peur de la mère que je devenais malgré moi. Je n’étais plus seule à présent. Je devais réfléchir pour deux... et si chaque jour qui passait me poussait un peu plus à vouloir ce bébé, de nouvelles pensées me réveillaient en pleines nuits : ne valait-il pas mieux tout arrêter maintenant ? Eviter de le faire souffrir en le mettant au monde ? Et si je lui faisais plus de mal que de bien en lui offrant le cadeau de la vie ? Et petit à petit, un nouveau sentiment s’emparait de moi, un sentiment que je connaissais déjà mais qui ne faisait qu’accroître avec la maternité : la culpabilité. Et la peur, de ne pas être à la hauteur. Il m’avait regardé avec un sourire qui se voulait sans doute rassurant et qui avait le don de fonctionner :

— Tu te souviens ce que je t'avais dit ? Certaines choses qu'on apprend sur notre futur, peuvent nous faire peur au début. C'est pour cela qu'il faut prendre le Temps de les comprendre, de les apprivoiser.

Il prit un moment pour m’observer droit dans les yeux :

— Je te le redis. Laisse-toi du Temps et tout te paraîtra plus clair.

Il s’était détendu et j’en avais profité pour lui verser son thé et lui tendre son éclair.

— Ce n'est pas une bonne idée d'être mère. Ni même d'être en couple. Et encore moins d'être heureuse.

Je m’étais stoppée dans mon mouvement, perplexe de l’entendre dire une chose pareille. Mon regard avait de nouveau croisé le sien. Il m’observait intensément :

— On meurt tous les jours petit à petit. Quand on subit la perte d'un être chers, quand un avenir sombre se présente à nous. Est-ce que tu crois vraiment que c'est nécessaire de vivre si c'est pour souffrir ?

Il laissa échapper un petit sourire :

— Alexis. Vie ta vie. Profite en un maximum. Ne te prive pas des petits bonheurs. Ils sont essentiels. C'est parce qu'il a cessé de vivre et de profiter de la vie qu'Elliot est devenu Chronos. Ne commet pas la même erreur. Sinon, comment veux-tu réussir à le sauver ?

Il avait posé sa main sur mon avant-bras et j’avais pris un instant de réflexion avant d’hocher la tête d’un air entendu :

— Oui... Oui tu as raison. Il faut que je profite de ce que j’ai, peu importe pour combien de Temps. J'ai tellement peur de lui faire du mal... mais peut-être que ce ne sera pas le cas... Je n’ai juste pas envie qu’il finisse avec le même fardeau que Cassandre...

J’avais dégluti, me rendant compte que cette phrase était peut-être sortie un peu trop vite de ma bouche, qu’elle n’était peut-être pas très gentille mais qu’elle trahissait ma peur la plus sincère. Après un instant de malaise, j’avais précisé :

— Tu sais... il est venu me voir. Le soir où nous sommes rentrés. Pétunia était avec lui, elle l’a apparemment averti et quand elle m’a senti de nouveau, elle est revenue à la maison. Elle est super intelligente ma licorne en fait.

J’avais tourné les yeux vers elle avec un élan de fierté tandis que l’animal dormait paisiblement dans son panier. Ramenant mon regard vers Anatole, j’avais repris mon sérieux :

— Je lui ai rien dit. J’ai fait ce que je pense que t’aurai fait... J’ai compris que c’était peut-être pas une bonne idée de tout lui balancer et sûrement pas le soir-là... que mon destin ne le regarde pas à ce point. Que s’il doit y jouer un rôle, il le jouera sans pour autant l’influencer... J’ai bien fait tu crois ?

J’avais eu un doute après l’avoir fait. Même si ça me semblait la meilleure des solutions sur le moment. Après avoir pris une gorgée de mon thé, je lui avais précisé :

— Parce qu’après je me suis dit que toi, tu m’avais tout dit au final... et que je devais peut-être le faire quand même... Et puis... Erwin est venu...

Je m’étais mordu la joue, à l’intérieur, de stress. J’avais pris un instant avant de lui préciser :

— Tu... Tu penses que je peux lui dire ? Ou que je dois ? Ça nous concerne tous les deux... et cet enfant... Je sais pas quand je serai activé et si je le serai un jour mais je peux peut-être le mettre en danger... Je suis prête à accepter de vivre malgré le risque mais je ne sais pas si c’est une bonne chose de lui mentir... Il n’est pas très habitué de tout ça, je me dis que peut-être... je devrai peut-être juste lui expliquer... Je sais pas...

Et je ne savais vraiment pas. Je me laissais le Temps de la réflexion tandis qu’on s’installait tous les deux à table. Il avait aussi laissé planer le silence avant de répondre à son tour :

— Quand je suis arrivé ici, je ne me suis pas de suite rappelée qui j'étais. C'est Cassandre qui s'est occupé de moi. La mémoire nous fait parfois défaut lors de voyages temporels d'une aussi grande envergure que ceux que j'ai entrepris, ou que Thémis a entrepris. De son côté, elle a perdu totalement la mémoire pendant plusieurs années. C'est moi qui me suis occupé d'elle. Cassandre aurait pu demander de l'aide. Elle aurait pu dire à tout le monde qui j'étais. Mais aucun n'aurait pu l'aider. Au contraire, elle m'aurait montré faible à tout le monde et la suite n'aurait pas été la même.

Il marqua une petite pause pour me laisser digérer cette partie. C’était un pan de son histoire que je ne connaissais pas encore. Ils avaient traversé beaucoup de choses pour venir jusque nous.

— Quand je me suis retrouvé piégé dans cet autre monde, avec Pan, Argos et les autres... on a été piégé par Phobos. Il est revenu avec Elliot, seul, et les choses se sont mal passées. Quand j'ai pu revenir à mon tour, c'était in extremis. J'ai protégé Cassandre ce jour-là. J'ai affronté Phobos. Et je l'ai vaincu. Je pense que je n'y serais pas arrivé et que chacun n'aurait pas pu donner son maximum, s'ils avaient su plus tôt qui j'étais.

J’avais hoché la tête d’un air entendu, pensant savoir où il voulait en venir.

— On dépend bien trop de ceux qui semblent être plus fort que nous, et on oublie tout le potentiel que chaque être à en lui. Il ne faut jamais dépendre des autres. Tu peux avoir confiance en moi. Tu peux être sûre que si je le peux, je t'aiderais. Mais tu ne peux pas dépendre de moi.

Il avait de nouveau levé les yeux vers moi à cet instant.

— On me reproche souvent de cacher des choses. On le reproche à Atlas, à Thémis, à Cassandre... mais certaines choses doivent attendre le bon moment pour être dévoilées. Tout comme il faut prendre le Temps de comprendre vers quoi la vie nous mène, il faut aussi prendre le Temps d'amener cette connaissance aux autres. Je ne peux pas te forcer à garder tout ça pour toi. Quand je te l'ai dit, j'ai accepté l'idée que d'autres le sauraient. A l'heure actuelle, je ne l'ai confié qu'à Thémis, qui l'a confié à Atlas. Je leur fais une confiance aveugle. Je pourrais mourir pour eux et je sais qu'ils pourraient mourir pour moi. Si tu dois le confier à quelqu'un, fait le que si tu es sûre que cette personne t'épaulera à tous les niveaux et qu'elle gardera ce secret le Temps qu'il faudra.

Il se stoppa le Temps d’une seconde, juste pour ponctuer son dialogue, me faire comprendre l’importance de ce qu’il était en train de me dire.

— Être en possession de quelque chose d'aussi grand peut changer le regard que les autres ont sur toi. Et il peut aussi attirer de mauvaises choses. Ce n'est jamais très prudent de trop en dire.

J’avais dégluti. En gros, il ne m’en voudrait pas de le dire, mais comme Spiderman, un grand pouvoir impliquait de grandes responsabilités. Plus j’avançais découverte en le disant et plus je risquais de me mettre en danger et de mettre en danger ceux que j’aimais. Il fallait que je choisisse mes gardiens du secret, avec précision et parcimonie. Une confiance aveugle, un œil avisé. Comme pour me laisser encore y réfléchir, il avait tendu la main vers un éclair au chocolat avant de se stopper et m’observer avec un sourire :

— Je peux, n'est-ce pas ?
— Bien sûr que tu peux, ils sont pour toi !

Je lui avais souris à mon tour avant de poser un œil curieux et gourmand sur le gâteau. J’espérais qu’il lui plairait, mais en le revoyant là, il venait de me rappeler une information que j’avais appris cette semaine et qui m’avait touché. Ce n’était pas volontaire de lui faire ce gâteau à chaque fois qu’il y avait un deuil, je l’avais juste fait parce que le précédent lui avait fait plaisir. Mais je me rendais compte qu’il pouvait avoir une autre saveur. Avec un instant d’hésitation, j’avais fini par lui dire :

— Je suis désolée pour Gabrielle au fait... j’ai appris...

Je n’avais jamais su quoi dire après ce genre de choses. “Mes condoléances” me semblait beaucoup trop formel mais je ne parvenais pas à savoir si un Titan pouvait éprouver la même douleur que nous quand il savait qu’autour de lui, toutes les créatures avaient une date de péremption. Il n’avait pas répondu, se contentant de manger et j’avais compris que cela le touchait au point de ne pas vouloir discuter. Ayant déjà vécu cela avec Eulalie, j’avais préféré changer de sujet que de lui forcer à vivre le moment. Nous avions passé une bonne partie de l’après-midi ensemble, au point que j’en avais perdu la notion du Temps et que seuls les différents gâteaux qu’il avait apparaître au fur et à mesure pour me faire goûter de tout ce qu’il connaissait me rappelait le Temps qui était passé. J’avais fini par me lever pour lui préciser :

— Je me refais une tisane, tu en veux une aussi ? J'ai l’impression que je vais exploser.

Il n’avait pas semblé contre l’idée bien qu’il avait préféré un thé. Pour l’accompagner je lui avais ramener des langues de chats et des petits cœurs en chocolat bien qu’il restât des millions de trucs sur la table. Après un instant d’hésitation j’avais fini par lui demander la dernière chose qui me restait en tête :

— C’était elle ? La voix que tu as entendu dont tu nous avais parlé ? Ellie je veux dire... Malcolm a juste donné le nom quand vous êtes revenu avec la solution du Rayon Vert... Je me demandais ce qui s’était passé et... si tu le vivais bien ?

Il avait instinctivement resserré ses mains autour de la tasse, pas pour se réchauffer les mains, ils n’en avaient sans aucun doute pas besoin, mais plus parce que cela semblait le rassurer. Je me rendais brusquement compte que le thé et les petits gâteaux était quelque chose qu’il partageait jadis avec Ellie. Non contente de lui en parler, je trouvais en plus le moyen de le lui rappeler par tous les moyens. Après les éclairs et le deuil, ça... j’étais la pire des amies et je m’en rendais compte, mortifiée.

— Non. J'ignore qui c'était.

Il avait répondu sans lever les yeux de son liquide.

— Mais elle était là, Oui. La Ellie de ton présent.

Il avait l’air un peu triste mais poursuivi quand même :

— C'est de son fait qu'on se soit retrouvé là-bas. Elle voulait nous faire découvrir ce monde et comprendre certaines choses. Ce monde, ces daemons, c'est l'œuvre de Elliot. Il a dû tenter de séparer l'âme d'une personne en deux pour tenter de donner une âme jumelle à celle de Lily. C'est sans doute ce qu'il a fait sur lui-même et qui a donné naissance à Ellie. A dire vrai je ne comprends pas encore bien tout ça. Mais ça a échoué et il a abandonné ce monde.

Il observa la tasse un moment avant d’en retirer ses mains et de m’observer avec un faible sourire :

— La vie nous réserve beaucoup de surprises Alexis. A tous les deux. Est-ce que ça va ? Je l'ignore. Mais il faut avancer. On n'a pas le choix si on veut vivre. N'est-ce pas ?

Je n’avais rien répondu à toute la première partie de son discours. Tout me donnait matière à réflexion mais rien à matière à rebondir. Nous étions allés dans un monde qu’Elliot avait créé, si loin du notre, dans le but de ses recherches.

— Totalement, mais on n'est pas non plus obligé d'avancer seuls... tu le sais maintenant pas vrai ?

Je m'étais contenté de poser ma main sur la sienne, avec douceur, comme pour l’encourager et lui rappeler que nous pouvions aussi être là pour lui, qu’il n’avait pas toujours besoin d’être “l’homme de la situation”.

— Avancer groupé, c'est cool aussi... Tu penses que c'est pour ça que Vaiana et moi on t'a accompagné ? Elle nous a envoyé là-bas en même temps que toi mais elle ne s'est montré qu'à toi alors... je comprends pas trop...

Il avait souri à ma première phrase, tournant sa main vers la mienne, paume contre paume avant de serrer ma main dans la sienne, avec douceur. Il avait ensuite plissé les yeux, pensif, comme s’il n’avait pas réfléchi à cette éventualité nous concernant, Vaiana et moi.

— Je l'ignore. Vous n'étiez pas là-bas sans raison. Mais je ne suis pas sûr qu'on aura un jour la réponse à cette question. En tout cas, rien n'est dû au hasard. Jamais. Surtout quand il est question d'être élevés.

Il avait souri et j’en avais fait de même avant de réagir à ce qu’il venait de me dire :

— ça veut dire... ça veut dire qu’Ellie est partie ? Qu’elle s’est déjà élevée ? C’est pour ça qu’elle n’est plus à Storybrooke ?

Je l’avais regardé avec un air triste. Je savais que la mort n’était pas la même chose pour lui que pour moi, qu’Ellie devait sans doute être bien où elle était, mais nous n’avions même pas eu l’occasion de nous dire au revoir... et cela signifiait aussi qu’Hyperion l’avait véritablement perdu et ça me blessait pour lui. Après un moment de silence, j’avais ajouté, les sourcils froncés :

— Je ne comprends pas... comment ça a pu échouer ? Ce monde existe toujours après tout, pas vrai ? On voit bien qu’il a réussi, des gens qui vivent dans ce monde en ce moment comme Lyra et Malcolm ont bien une âme divisée... Alors pourquoi ça n’aurait pas pu marcher avec Lily ? Et si Ellie est son daemon... elle est quand même humaine … Tu... tu crois que la Poussière est un nouveau dérivé du Sable Noir ?

Réfléchissant à voix haute, les yeux baissés sur la table, je précisais :

— On sait que Chronos se sert du Sable Noir... pourtant en créant ce monde, il l’a rendu vierge de Sable Noir puisque la Poussière s’y est développée. J’ai déjà vu une autre sorte de sable, quand j’étais à Volsunga... Un sable blanc. Et je me dis que ce monde peut-être aussi lointain que Volsunga, ce qui explique que nous n’arrivions pas à revenir ainsi... Mais dans ce cas, s’il n’a pas tenté de continuer ses expériences avec le Sable Noir, c’est parce qu’il l’a découvert après le monde de Lyra et Malcolm... ou alors avant … et que la Poussière est plus élevée... trop peut-être ? Est-ce qu’on n'a pas fait une bêtise alors en le déversant aussi dans ce monde ?

J’étais en train de me perdre au milieu d’un océan de questions. Relevant les yeux vers Anatole d’un air inquiet, je précisais :

— ça a du sens ce que je dis ?

Il avait eu un moment d’hésitation, il ne semblait pas avoir les réponses à toutes les questions que j’avais posé. Il s’était contenté de secouer la tête de gauche à droite avant de préciser :

— Je pense que Elliot ne maîtrisait pas encore le Sable Noir quand il a créé ce monde. Et peut-être même qu'il n'en avait pas encore connaissance. Je n'arrive pas à situer la création de ce monde. Il ne m'en a jamais parlé.

Après un silence, il ajouta avec un petit sourire, auquel je lui répondis en rougissant légèrement :

— Ça fait beaucoup de questions. Volsunga est un univers jumeau au nôtre. C'est celui de Chaos.

Il eut un moment de silence, comme s’il se demandait ce que je savais de tout cela. Pas grand-chose en vérité hormis que des monstres flippants vivaient dessus et qu’ils voulaient tous nous asservir en nous donnant ce que nous désirions. Je me contentais d’hocher la tête d’un air assuré pour lui faire comprendre que j’étais prête à tenter de suivre ce qu’il était en train de me dire.

— Tu peux voir Chaos comme le jumeau de Nature. Ce sont des Célestes. Ils étaient là avant nous et ils ont créé toute chose. Mais ils se sont également séparés, chacun vivant dans son propre univers. J'ignore si le Sable Noir est présent chez eux. Quand on l'a...

Il se stoppa brusquement en se mordant les lèvres et j’avais froncé les sourcils. Il ressemblait à un mec qui en avait trop dit, ou clairement pas assez. Et il ne voulait apparemment pas en dire plus. C’était comme si pour la première fois, il me revoyait pour ce que j’étais : une enfant sans doute à ses yeux, pas une sœur ou un frère avec qui il partageait tout et avec qui il POUVAIT surtout tout partager. Je voulais pourtant en savoir plus, “on l’a” quoi ? C’était eux qui avaient créé le Sable Noir ?! J’avais voulu ouvrir la bouche pour le dissuader de changer de conversation mais c’était trop tard. Avec un sourire, il précisa :

— Tu ne devrais pas t'accaparer l'esprit avec autant de choses. Je sais que tu as envie de tout savoir, tout de suite, mais parfois une part de mystère, c'est pas si mal, n'est-ce pas ?

Non. C’était tout pourri le mystère. Je l’observai avec un air de défi pendant quelques secondes avant de capituler avec un soupire. J’hochais la tête d’un air entendu, il m’en avait déjà dit beaucoup, je pouvais bien encore attendre. Il avait alors lâché ma main, se précipitant vers la porte de sortie que je lui donnais en avisant mes cartons qui semblaient l’intriguer depuis déjà quelques heures :

— Dans un registre plus léger... tu vas chez lui, ou vous emménagez ensemble ailleurs ?

J’avais eu un moment d’hésitation où je l’avais observé droit dans les yeux, comme prise en flagrant délit. J’allais mentir. Oui, je pouvais totalement mentir. Mais ce n’était pas bien, après tout, il le saurait aussi vite et lui semblait jouer carte sur table. Comme pour arracher un pansement douloureux, j’avais précisé précipitamment :

— Ni l’un, ni l’autre.

Je l’observais un instant, retenant ma respiration avant de soupirer et de préciser :

— Je déménage seule. Je veux juste donner un nouveau souffle à ma vie et je n’ai pas envie qu’il dépende de qui que ce soit. J’ai besoin de déjà mettre de l’ordre dans tout ça. J’ai besoin de m’accepter telle que je suis, avec ce que j’ai appris...

J’avais posé ma main d’abord sur mon ventre et ensuite dans sa direction pour lui faire comprendre que je parlais aussi de la partie “cavalier”. Avec un sourire je précisais :

— Tu sais, on dirait pas comme ça, et je pense que 2 ans dans ta vie ça correspond à 2 secondes dans la mienne mais... j’ai changé... j’ai mûrit aussi... enfin je crois. Ceux dont je t’avais parlé à Rome, les Templiers, ma famille... ils m’ont fait voir les choses différemment. Avec plus de calme, de recul. J’ai été moins impulsive à leur contact. J’ai appris que si on veut changer le monde, on doit déjà se connaître soit. Connaître ses fondations. C’est pour ça que je voulais que tu viennes aussi, pour comprendre ce que tu m’avais dit, l’appréhender. Et ce bébé, c’est pareil. Je veux le garder. Je veux être mère. Mais je sais que le chemin ne sera pas facile. Je t’ai dit qu’il n’était pas prêt à être père et je t’ai aussi dit qu’il était marié. Ça fait beaucoup de trucs mais c’est moins mes problèmes que les siens. Je veux pas que ses problèmes deviennent les miens et pour ce faire, je dois déjà savoir où je veux aller moi. Ce que je veux, c’est ma maison. Une maison où j’élèverai mon fils ou ma fille, où nous aurons de l’espace. Je veux investir, m’accomplir. S’il souhaite me suivre, parfait. S’il refuse, c’est aussi son choix. Mais je veux déjà le faire pour moi. Alors pour l’instant j’habiterai seule. Je... je lui ai pas encore dit pour le bébé. J’attends le bon moment, pour moi, pour lui, pour le bébé et pour nous. Il prendra sa propre décision à ce moment-là. Mais je veux lui montrer que je vais de l’avant, que je ne dépends pas de lui, tu comprends ?

J’avais hésité un instant, sondant son expression. Je savais que ce n’était pas du tout sa façon de vivre, c’était d’ailleurs la façon de vivre de très peu de gens et il m’arrivait de m’étonner moi-même d’à quel point cela me convenait mais c’était pourtant le cas... pour le moment. Après avoir inspiré pour me donner du courage, j’avais jugé utile de lui préciser, sans malentendu :

— Il est marié Anatole. Pas en instance de divorce, pas veuf... MARIE. Il m’a précisé que par devoir pour son épouse, il ne comptait pas que ce soit autrement et pour le moment... ça me convient. Je ne demande rien. Je vis comme je vis, me contentant de ce que j’ai, de ce que je suis. Je t’ai dit qu’un jour on serait peut-être destiné à vivre ensemble, je pense qu’une partie de moi l’espère... mais pour l’instant, ce que j’ai me convient. Seul l’avenir pourra me dire ce qu’il en est et je crois que t’es plutôt resté sur le canal “cavalier” que le canal “maison et mariage” me concernant, non ?

Je lui avais lancé un sourire en coin pour détendre l’atmosphère. Il ‘m'avait regardé un instant, un long moment sans rien dire, comme s’il réfléchissait. Je l‘avais vu se redresser sur sa chaise au moment des premières explications, comme si j‘avais capté sa pleine attention. Je lui avais laissé tout le temps dont il avait besoin, triturant nerveusement le bas de mon pull. Je savais que ce n’était pas une chose très facile à envisager, mais j’aimais ma vie ainsi pour le moment et j’espérais juste qu’il soit capable de l’accepter. Après un moment bien qui le sembla interminable, il se contenta de dire :

— Bien.

Il se leva et je l’observais surprise. Allait-il me planter là de la même façon qu’il m’avait planté le jour de la création de Pétunia ? Avec silence, il se dirigea jusque moi pour m’observait en contrebas et je levais la tête avec appréhension. Pourtant, un sourire au coin des lèvres, il précisa :

— Je n'ai pas le droit à un câlin d'au revoir ?

Il se recula pour me laisser me lever, ce que je fis en un bond avec un sourire soulagé. Sans attendre, je l’avais pris dans mes bras, le serrant avec douceur pour le remercier de sa compréhension, une pointe de crainte dans la tête que c’était peut-être de nouveau la dernière fois avant un long moment que je le voyais. L'avais-je déçu ? Je m’en inquiétais sans pouvoir poser la question pour autant.

— Ta vie va devenir bien plus lumineuse désormais.

Il ne m’avait pas lâché et avec un sourire, je l’avais serré d’avantage comme pour le remercier de cette prophétie que j’espérais si vrai. Mais rien qu’avec le petit être qui grandissait dans mon ventre, cela ne pouvait pas en être autrement. Il précisa alors avec douceur :

— Et je te promets que je n'irais pas lui parler.
— Merci !

Le mot était sorti plus rapidement que je ne l’aurai voulu, de soulagement et de gratitude. Au moins un qui ne semblait pas décidé à nous faire entrer dans le moule coute que coute. Je n’avais pas envie de voir les gens que j’aimais se déchirer. Tout le monde ne pouvait pas s’aimer mais on pouvait au moins tenter de vivre ensemble sans juger. C’était ce que me proposait Hyperion. Après les dernières embrassades, il m’avait quitté, me laissant avec une myriade de gâteaux sur les bras et des cartons à continuer. J’avais vu le soleil en pleine nuit. Les aurores boréales. Il avait raison. Ma vie ne pourrait être que bien plus lumineuse à présent.

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