Les jumelles avaient pris leur déjeuner dans le plus grand des silences. Elles parlaient très peu ces temps-ci. Les événements récents leur avaient laissé un goût amer et aucune d'elles ne savaient quoi en penser. La nature s'était retournée contre elles, les avaient blessées dans leur chair, et toutes deux en étaient vexées, détruites. C'était comparable à un parent battant son enfant. La nature les avait élevées, elle les avaient nourries et maintenant elle les attaquait sans remords. Cela faisait bien longtemps que les deux sœurs n'avaient pas ressenties pareil déception et désespoir.

- Je vais sortir prendre l'air. Annonça Samhainn en déposant sa vaisselle sale dans l'évier. Je vais sûrement rentrer tard, ne m'attends pas pour dîner.

Sa sœur acquiesça d'un air morne. Elle aussi avait besoin d'être seule, de réfléchir. Elle passerait sûrement son après-midi dans l'atelier, à confectionner des potions, à lire et relire ses livres de botanique.
Huin entendit sa sœur monter à l'étage, puis redescendre après quelque minutes. Alors qu'elle leva les yeux pour souhaiter une bonne promenade à sa jumelle, la plus étrange des surprises se dressait devant elle. Samhainn était entièrement habillée comme une jeune femme du 21e siècle. Un jean galbé ses jambes et ses fesses, lui donnant une silhouette fine et plaisant à regarder. Un petit corsage blanc à lacets reposait sur ses épaules et tombait sur sa taille. Une fine écharpe de tissu bleu lui entourait le cou, lui évitant de prendre froid, car le vent était toujours un peu frais au mois de Juin dans le Maine. Ses beaux cheveux roux étaient remontés en un chignon bas, jamais auparavant Hain ne s'était coiffée ainsi.

- Bah dis donc ! Où est ma sœur et qu'avez-vous fait d'elle ? S'exclama Samhuinn en parcourant d'un regard écarquillé les vêtements de sa jumelle.

- J'avais envie de passer inaperçue aujourd'hui. S'expliqua Hain. Nos robes attirent trop l’œil des autres habitants.

Samhuinn hocha encore une fois la tête pour confirmer. En effet, leurs tenues faites maison n'étaient pas vraiment à la mode de Storybrooke, ou même du monde entier, mise à part les Mormons peut-être.
Avec un sourire satisfait, Hain quitta le petit chalet et partie d'un pas déterminé vers le centre ville.
Elle prenait de grandes bouffées d'air frais, tentant d'oublier son inquiétude omniprésente. Alors que les autres habitants du village commençaient à apparaître autour d'elle, Samhainn se décida à faire plus qu'une simple balade. La porte du musée se dressait devant elle et elle trouva qu'il était inconcevable pour un habitant de n'avoir jamais visité le musée municipal. Un musée, c'était un lieu où des histoires, toutes différentes les unes des autres, se mêlaient pour une devenir une plus grande. Quel endroit allait plus lui changer les idées que celui-ci ?
Elle poussa la porte, et se lança dans la visite.

Chaque objet qu'elle voyait l'émerveillait. La couronne d'une certaine Anastasia, une casquette appartenant à un Monsieur Holmes, une petite bougie à l'effigie d'un dieu grec que Hain connaissait que trop bien.
La rousse se dirigea ensuite vers une salle destiné à une certaine Magic League. Des objets bien étranges étaient exposés ici, il s'en passait des choses à Storybrooke tandis que les jumelles étaient tranquillement dans leur chalet loin des regards.
Samhainn vit une jeune femme brune en train d'admirer un des objets. Elles n'étaient que deux dans la pièce, et la rousse se décida à aller l'aborder. Une nouvelle rencontre ne lui ferait pas de mal après tout.

- C'est un artefact intéressant. Commença Hain. On pourrait l'admirer pendant plusieurs jours et nuits. Elle sourit à la brune. Peut-être est-ce que vous faites ? Fit-elle remarquant que la jeune femme avait de belles cernes bien que camouflées par un peu de maquillage.

Hain avait sûrement les yeux cerclés de noir aussi. Elle avait évité son reflet en se préparant mais le sommeil était difficile ces temps-ci. Le même cauchemar lui revenait encore et encore, un souvenir d'enfance qu'elle préférerait oublier.

Lena. Joli prénom. Samhainn la scruta un instant, son visage ne lui était pas familier. C'était une très belle femme aux yeux expressifs. Hain savait lire dans le regard des personnes. Elle savait décrypter ce qui voulait être cacher ou refouler. Les yeux sont les fenêtres de l'âme. Immédiatement, elle lut en cette jeune femme une douleur. Tant de personnes cachaient une souffrance, à croire que l'on naissait pour souffrir dans ce monde.

- Enchanté. Hain hésita un instant puis tendit sa main à la jeune femme. Samhainn MacKenzie.

La rousse avait donné son nom de famille. Storybrooke lui en avait donné un, autant l'utiliser. Puis ce nom, elle avait appris à l'aimer. MacKenzie faisait référence à une forte volonté, au mystère, et à un grand sens de l'amitié. La Malédiction avait bien choisi ce patronyme.

Les règles de bienséance et de conduite en société étaient plus ou moins inconnues et floues pour les sœurs MacKenzie et en particulier pour Samhainn. Même après toutes ces années passées à Storybrooke, elle qui regrettait tant la vie dans les bois magiques, n'arrivait pas à s'adapter à la vie urbaine. Elle aimait rendre service, elle vivait pour aider son prochain. Mais les humains étaient loin d'être aussi agréables que les fées. D'après Samhuinn, rares étaient les hommes et les femmes qui méritaient d'être aider. Mais Huin avait tendance à voir le mal partout, au contraire de sa jumelle.

- Je... Je suis désolé de vous demander ça, ça ne me regarde pas, mais est-ce que vous allez bien ? Demanda la rousse avec une voix douce.

Il y avait 90% de chances qu'elle se fasse envoyer promener. Les personnes n'aimaient pas en général qu'on se mêle de leurs affaires. Ils préfèrent garder la tête haute au lieu d'avouer qu'ils ne vont pas bien. Samhainn n'avait jamais compris cette fierté toxique, dès qu'elle avait un problème elle n'hésitait pas à demander de l'aide, à sa sœur ou à une personne présente sur le moment. Mais elle préférerait demander, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir si elle pouvait aider cette jeune femme.

- Je peux peut-être vous aider... Souffla Hain en reportant son regard sur l'objet exposé.

Machinalement, elle mit la main dans la poche de son jean. Avant de quitter le chalet, elle y avait placé une pierre, de l'agathe plus précisément. L'agathe avait le don d'apporter de la clarté. Et Samhainn en avait bien besoin ces temps-ci.
La rousse serra la pierre fermement au creux de sa main, comme si son pouvoir allait accroître.

La rouquine ne s'attendait à ce qu'on lui demande des origines. Généralement ses interlocuteurs tiquaient sur l'étrangeté de son prénom mais se contentaient de considérer que les parents de la rousse devaient être fêlés.
Bizarrement, le fait que Lena lui pose cette question, fut agréable. Samhainn lui sourit d'un plus grand sourire.

- C'est du gaélique écossais. Commença-t-elle. Cela signifie fin de l'été, c'est couramment associé à Halloween. Finit Hain en riant discrètement.

Le prénom de sa jumelle, Samhuinn, avait exactement la même signification. En réalité, Samhainn et Samhuinn étaient les mots en gaélique écossais pour désigner cette fin de l'été qui survient dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre.
Pendant un instant, Hain se perdit dans ses pensées. Les prénoms des jumelles leur avaient été donnés avant la Malédiction, avant même qu'elles ne fussent enlever par les fées. Leurs prénoms étaient la seule chose qui les reliait à leurs véritables parents, à leur très courte vie d'humaines.
Les fées qui les avaient élevées, leur avaient toujours caché toute information à propos de leurs origines. Mais un jour où les petites filles rousses pleuraient, une fée leur glissa à l'oreille ceci : "Vos prénoms, gravés sur vos berceaux, vous ont été donné par vos parents, vos parents humains."

La jeune femme brune surprit encore une fois Samhainn. Contre toute attente, elle ne l'envoya pas promener, mais elle répondit qu'en effet, elle n'allait pas bien.
Au fil des mots, la rouquine fut de plus en plus prise de compassion pour Lena. De l'horreur vint se mêler à ses pensées. Meutre ? Meurtre de ses parents ? Comment pouvait-il y avoir tant d'atrocité dans ce monde ?
Lena n'était peut-être qu'une inconnue, mais Samhainn se sentait comme liée à elle. Elle avait besoin de l'aider, comme si cela allait la soignait elle-même.

- Je suis sincérement désolé que vous ayez à vivre pareil atrocité. Fit Samhainn en venant prendre les mains de la brune dans les siennes. Jamais une enfant aurait du voir cela. Je... Je n'ai pas vécu cela, mais je peux me permettre de vous dire que je comprends ce que vous ressentez. J'ai moi aussi vu de mes propres yeux une mise à mort quand j'étais très jeune. Ce n'était pas mes parents, mais c'était une innocente tout de même.

Samhainn fit une pause. Elle ne voulait pas montrer à Lena qu'elle était bouleversée par des flots de souvenirs lui revenant en mémoire. La rousse n'avait pas le droit de se montrer plus triste que Lena. Hain n'avait pas vu ses parents se faire assassiner devant ses yeux.

- Je peux peut-être vous aider avec les cauchemars et les insomnies. Je suis herboriste, je possède des plantes aux pouvoirs puissants. Je sais concocter des potions de sommeil efficaces. La rousse marqua une pause et avala se salive. Mais, Lena, cela ne fera pas disparaître le traumatisme. C'est une blessure qui ne cicatrisera jamais.

Samhainn, ça, en savait quelque chose. L'image des larmes léchant le corps de la pauvre femme mise sur le bûcher, les cris, l'odeur de chair carbonisée, rien ne disparaissait.
Samhuinn aurait sûrement conseillé que la vengeance mettrait fin à la souffrance de la jeune femme brune, mais Hain était contre toute idée de vengeance. Se venger ne guérissait rien, cela nous menait à faire d'horrible chose, pour au final, ne gagner aucune paix.

Samhainn souriait tristement à la jeune brune. C'était étrange comme la souffrance pouvait avoir deux effets complètement contradictoire sur les personnes. Soit la douleur vous rendez aigri et agressif envers toute autre personne, soit elle vous rendez attentive et attentionné. Visiblement, les événements brutaux que les deux jeunes femmes avaient vécu, avaient eu le deuxième effet sur elles.
Lena avait beau être une inconnue, Hain voyait qu'elle était quelqu'un de profondément dévouée à autrui. Quelqu'un qui mettait ses talents, son intelligence, son temps au service des autres, sans rien exiger en retour. Lena était quelqu'un comme Samhainn.

- Oui, je mettrais tout ce que je peux en oeuvre pour vous aider. Déclara la rousse.

Cela pouvait sûrement paraître étrange et suspect, de dire cela à personne rencontrée il y a quelques minutes à peine. Mais Hain était comme ça, elle offrait son aide à quiconque en avait besoin, qu'elle connaisse cette personne depuis 10 ans ou depuis 10 minutes. Puis la situation qui se présentait était particulière, Lena n'avait pas seulement besoin d'une potion pour sa toux et de retrouver un animal perdu, la jeune femme présentait une blessure profonde plus psychique que physique. Et les paroles que venait de prononcer Lena en était la preuve.

- Asseyons-nous. Fit Samhainn en montrant du sa main un banc à la disposition des visiteurs du musée.

La pièce était toujours déserte, seules les deux jeunes femmes semblaient intéressées par les mystérieux objets de la Magic League. Tant mieux, le musée était un endroit neutre, propice à la discussion que les jeunes femmes allaient entamer, valait mieux n'avoir personne autour.

Hain ne comprenait que trop bien ce qui empêchait Lena de fermer l’œil la nuit. Tous les soirs quand Samhainn était petite, elle craignait que les humains viennent l'enlever et la mettre sur un bûcher, comme ils avaient fait à cette pauvre jeune femme, traitait de sorcière. La rousse avait développé une peur bleue du feu et de l'odeur de viande grillée. Elle revoyait, encore et encore, la belle rousse se faire entourer par les flammes, sa peau blanche devenir sanglante puis complètement noire.
Oui, pendant des années elle avait craint l'heure d'aller au lit, puis un jour elle avait fini par s'endormir sans y penser. Depuis elle réussissait à dormir sans trop de mal, mais le souvenir continuait de la hanter, un traumatisme est gravé à vie en nous.

- En premier, je vais vous donner de quoi dormir, vous vous écroulerez sur votre lit après avoir bu la potion, ainsi vos peurs ne viendront pas vous déranger. Commença la rousse en regardant d'un air compatissant la brune. Ensuite, je peux vous conseiller certaines choses qu'on m'a moi-même conseillé. Vous pouvez tenir un journal, écrire ce que vous avez vécu dans les détails et écrire quand vous sentez que cela vous hante. Ou si vous n'aimez pas écrire vous pouvez dessiner. Mais extérioriser votre traumatisme et un des meilleurs moyens de le sortir de votre tête, c'est paradoxal je sais, mais l'esprit humain est bien étrange. Hain fit une pause pour avaler sa salive puis reprit : Se plonger corps et âme dans un loisir ou son travail et aussi une méthode temporaire pour oublier, mais je suppose que vous faites déjà cela. Puis prendre l'air fais du bien, le matin sortez de chez vous et allez marcher, pendant plusieurs heures à travers la forêt ou sur la plage. Si vous pouvez vous offrir un voyage de quelques jours en-dehors de cette ville maudite, cela serait encore mieux !

La rousse lui sourit, en espérant que ses conseils pouvaient réellement aider Lena. Ils l'avaient aidé elle. Un journal poussiéreux en était la preuve, enfoui depuis des années sous le plancher de sa chambre, ce carnet était noirci d'écriture du début à la fin. Avec le temps, Hain l'avait oublié. Peut-être était-il temps qu'elle affronte son traumatisme. Tout comme Lena, elle n'était plus une petite fille.

Les paroles de Lena firent chaud au cœur de Samhainn. Cette confiance et ce lien étranges entre elles semblait réciproque, la rousse ne se faisait donc pas des idées. Son instinct, ou peut-être le destin, la poussait toujours vers des personnes qui méritaient qu'on les connaisse. Samhainn leur proposait son aide et de fil en aiguille, ces inconnus devenaient des amis et les amis, tout comme la famille, servent à guérir des blessures passés. Hain remercia en pensée quiconque qui l'avait mise sur le chemin de Lena.

La jeune femme brune lui raconta son histoire avec un peu plus de détails. La vie de Lena n'avait rien de facile ni d'agréable. La rousse admirait la brune. Malgré les épreuves qui lui étaient tombées dessus, malgré la souffrance et le tourment, Lena restait une bonne personne, mature et douce. En réfléchissant, Samhainn se demanda si à la place de la brune, elle serait restée aussi dévouée aux autres. La souffrance lui avait fait choisi le chemin de la bonté et de la générosité, mais que serait-elle devenue si par exemple, sa sœur lui avait été enlevée, si les fées qui l'avaient élevées avaient été aussi mauvaises que la famille adoptive de Lena. Oui, en y réfléchissant, Hain avait eu de la chance.

- La crainte qu'on vous retrouve, qu'on vous fasse du mal. Qu'un monstre surgisse et détruise l'équilibre précaire que vous avez réussi à vous construire. Hain reprit les mains de la brune entre les siennes. Le contact humain avait tendance à apaiser la douleur tant mental que physique. Comme aurait pu dire Axel, rien ne vaut mieux qu'un câlin magique. Je... On dit souvent que la vengeance n'apaise pas nos tourments. Mais... Je n'ai pas eu l'occasion de me venger et je suis hantée par l'homme qui a mis le feu sans sourciller à cette pauvre femme et qui m'a attrapé sans ménagement avec l'attention de me priver d'un de mes membres. Elle regarda d'un air tendu, le pied qu'elle avait presque perdu. J'ai juste voulu la sauver... Cela semblait injuste...

En une fraction de seconde, tous les souvenirs de cette nuit-là remontèrent en rafale. Ses mains commencèrent à trembler entre celles de Lena. Mais il n'était pas question de céder, elle n'était pas celle ayant besoin de l'aide. Hain secoua la tête et vint planter son regard bleu dans celui de la jeune brune.

-Je ne suis pas guérie. Avoua-t-elle un peu honteuse. Je n'ai pas eu l'occasion de me confronter à ce monstre. Mais vous vous pouvez le faire. Retrouvez-les, mettez-les au pied du mur, envoyez-les en prison. En réalité, l'écriture, le fait de se changer les idées sont des aides mais non pas des remèdes efficaces. Je vis avec mon traumatisme, il ne m'empêche plus de dormir ou de vivre ma vie, car le temps à fait son oeuvre. Mais vous n'attendez pas que la douleur s'estompe, agissez.

Samhainn, pour la première fois de sa vie, improvisait totalement dans ses conseils. Elle n'était pas certaine que confronter les meurtriers de ses parents, aiderait Lena. Mais c'était la seule voie qu'elle même n'avait pas explorer, donc peut-être le seul moyen de guérir. Hain aiderait la brune jusqu'au bout, elle lui fournirait toutes les potions de sommeil du monde, et si il faut elle l'aiderait à traquer les brutes sans cœur ayant détruit sa famille.
Hain sourit presque en se disant qu'elle parlait comme sa sœur. Huin était la téméraire, la fonceuse. C'était plutôt elle qui aurait conseillé une vengeance. Samhuinn aurait sûrement dit "devient le démon dont les monstres ont peur".